C. DES MESURES BIENVENUES QUE LE SÉNAT SOUTENAIT DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES

Le rapporteur se réjouit que le Sénat ait été entendu sur deux points essentiels. Mais il regrette aussi qu'il ait fallu attendre la crise économique la plus violente de notre histoire économique récente pour que cela arrive !

1. La hausse des crédits de l'ANR

Il s'agit ici d'une hausse très importante des financements octroyés à l'Agence nationale de la recherche, qui constitue la première pierre d'un nécessaire rattrapage. Elle porte le total des AE versés à l'Agence en 2021 à 1,3 milliards d'euros 9 ( * ) , ce qui permettra d'atteindre un taux de succès sur l'appel à projets générique de 23 % en 2021 contre 13 % aujourd'hui et de réenclencher une dynamique vertueuse sur le financement de la recherche sur projet, permettant de progresser vers le taux cible de 30 % fixé par la loi de programmation de la recherche. Le rapporteur rappelle cependant que cette action devra s'accompagner de la poursuite des travaux engagés en vue de mieux harmoniser les appels à projets existants , tant au sein de l'ANR que des autres guichets de financement de la recherche sur projet.

2. La hausse des crédits affectés aux aides à l'innovation

En projet de loi de finances pour 2020, le rapporteur avait lancé l'alerte sur l'attribution des crédits octroyés à BPIfrance pour financer les aides à l'innovation. Il semble avoir été entendu : BPIfrance estime qu'elle recevra un montant de 167,5 millions d'euros à ce titre en 2020, soit un niveau jamais atteint depuis 2015. En conséquence, l'organisme se satisfait de cette évolution, qui a vocation à soustraire cette enveloppe des arbitrages budgétaires qui avaient amené la dotation versée par l'État dans le cadre du programme 192 à passer de 285 millions d'euros en 2011 à 100 millions d'euros en 2020. En tout, BPIfrance estime que les dotations finançant les aides à l'innovation quel que soit le vecteur serait de 650 millions d'euros en 2021 (voir graphique), contre 477 millions d'euros en 2019.

D. UNE NÉCESSAIRE VIGILANCE SUR LES « OUBLIS » DE LA LOI DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE

1. Des opérateurs oubliés en raison de leur rattachement administratif à un autre ministère

Les opérateurs de recherche qui ne sont pas rattachés au ministère de la recherche ne sont pas concernés par les mesures de la loi de programmation. Par exemple, l'IFP-EN verra sa dotation budgétaire stabilisée en 2021 (à 120,6 millions d'euros nets de gel budgétaire), mais à un montant inférieur de 30 % à la dotation perçue en 2010 (169 millions d'euros). C'est un signal particulièrement négatif alors que l'institut se réoriente massivement vers la transition écologique.

2. La compensation du GVT n'est pas assurée

Le « glissement vieillesse technicité » (GVT) positif désigne le phénomène d'augmentation de la masse salariale du fait de la progression des agents dans leurs grilles indiciaires. Il pénalise les opérateurs de recherche concernés en grignotant chaque année leurs disponibilités. Selon le CNRS, le GVT se traduirait par une érosion de 1 % des effectifs par an, soit une baisse de 3 000 emplois depuis dix ans. Selon le ministère de la recherche, le GVT représente 28,7 millions d'euros pour les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST).

Le ministère de la recherche met en revanche en avant le fait qu'« un ensemble de mesures affectant la masse salariale des EPST est inscrit au PLF 2021 (remise à niveau indemnitaire, amélioration des progressions de carrière) , pour 44,8 millions d'euros. Les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) bénéficient d'une mesure de développement de l'attractivité des rémunérations pour 5 millions d'euros ». Ces éléments sont en cours d'examen avec les partenaires sociaux.

Il convient de noter que, s'agissant de la recherche universitaire, le « bleu » budgétaire estime à 72,8 millions d'euros les moyens nouveaux en masse salariale dégagés dans le cadre de la loi de programmation de la recherche au bénéfice des enseignants-chercheurs.

3. Face aux lacunes de l'information communiquée, il conviendra, à compter de 2022, de présenter la trajectoire d'atteinte des objectifs fixés par la loi de programmation de la recherche dans les documents budgétaires

Les documents budgétaires ne renseignent nullement sur les moyens précis mis en place pour atteindre les objectifs affirmés par la loi de programmation de la recherche, notamment dans son annexe. Or, certains objectifs mériteraient un suivi rapproché et une plus grande transparence sur les moyens qui y sont consacrés en année N. C'est notamment le cas des objectifs affichés en matière de revalorisation des chercheurs et de liens entre recherche publique et entreprises.

Un suivi lacunaire des objectifs opérationnels
de la loi de programmation de la recherche

Sur la revalorisation des carrières et le soutien à l'emploi scientifique

Aucune information précise n'est donnée sur l'objectif de revaloriser tous les métiers de la recherche, se traduisant notamment par une hausse de 30 % de la rémunération des nouveaux contrats doctoraux entre 2021 et 2023, et la garantie qu'aucun jeune scientifique recruté comme chargé de recherche ou maître de conférences ne perçoive une rémunération inférieure au double du salaire minimum de croissance (Smic). Interrogé par le rapporteur sur ce dernier point, le ministère de la recherche n'a pas donné d'informations plus précises. Un accord relatif à l'amélioration des rémunérations et des carrières a été signé en ce sens le 12 octobre dernier par les organisations syndicales du CNRS, de l'Inserm, de l'Inrae, de l'Inria et de la CPU.

S'agissant de l'augmentation des effets sous plafond des établissements de recherche rattachés au ministère de la recherche à hauteur de 5 200 d'ici à 2030, le nombre d'emplois sous plafond des opérateurs du programme 172 n'augmente, en 2021, que de 14 unités. Mais, selon le bleu budgétaire en revanche, « en exécution, le nombre d'emplois sous plafond pourra augmenter en application des mesures portées par la loi de programmation de la recherche, ce qui se traduira par un schéma d'emplois de + 315 ETP ». La LPR a également pour objectif de recruter 15 000 contractuels hors plafond : sur le programme 172, on observe une hausse de 1 205 emplois en 2021. En revanche, aucun suivi précis n'est communiqué s'agissant de l'augmentation de 20 % du nombre de contrats doctoraux.

Sur les liens entre recherche publique et entreprises

Le bleu budgétaire précise que le financement des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) augmentera de 3,37 M€ en PLF, pour atteindre 63,5 millions d'euros et porter le total de conventions à 1 550 (+ 100), quand l'objectif de la LPR est de parvenir à + 50 % du nombre de conventions d'ici à 2027. Il précise également que la mise en place d'une convention industrielle de mobilité en entreprises des chercheurs (Cimec) pour favoriser la mobilité des chercheurs et enseignants-chercheurs désireux de travailler à temps partiel en entreprise dans le cadre d'un partenariat avec un laboratoire public bénéficiera en 2021 d'une enveloppe de 900 000 euros.

En revanche, rien n'est précisé pour 2021 sur l'atteinte de l'objectif de doublement du financement des chaires industrielles, des Labcom et des instituts Carnot. De même, l'objectif de création de 500 start-ups de haute technologie par an ne fait pas l'objet d'une traduction budgétaire, comme la création des quinze pôles universitaires d'innovation.

4. Le nécessaire ajustement des normes pesant sur la trésorerie des opérateurs de recherche

Le rapporteur appelle à revoir les règles prudentielles excessives provenant de la comptabilité publique et pesant sur la trésorerie des EPST, privant la recherche de centaines de millions d'euros de financements. C'est en particulier le cas d'une norme obligeant à provisionner une somme correspondant à la totalité des comptes épargne-temps et des congés payés comme s'ils étaient demandés en même temps par tous les collaborateurs. Cette norme n'est pas adaptée aux organismes de recherche, et les oblige à provisionner au moins des dizaines de millions d'euros chacun. C'est autant d'argent qui ne bénéficie pas à la recherche ! Il conviendrait donc d'ajuster cette norme.


* 9 Il convient de noter que l'agence est opérateur des crédits de la mission « investissements d'avenir » à hauteur de 4,6 milliards d'euros en 2021.

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