II. L'INFORMATION DU PARLEMENT RESTE LACUNAIRE, ALORS MÊME QUE LA GESTION DU COMPTE SOULÈVE DES INTERROGATIONS

A. DES PRÉVISIONS DITES « NOTIONNELLES » POUR NE PAS INFORMER LES MARCHÉS FINANCIERS, QUI NUISENT AUSSI AU CONTRÔLE DU PARLEMENT

1. Un choix de présentation des crédits destiné à ne pas divulguer d'informations aux marchés...

Les crédits du compte d'affectation spéciale sont dits « notionnels » car, contrairement à ceux inscrits dans les autres comptes ou missions, ils ne sont pas destinés à mettre en oeuvre une politique gouvernementale précise. Il s'agit de montants inscrits dans l'objectif d'équilibrer le compte, qui est piloté par son solde, sans qu'ils ne correspondent à de réelles prévisions de recettes ou dépenses : ce sont donc des crédits fictifs, qui n'indiquent en rien la politique que compte mener le Gouvernement.

Ce dernier justifie ce choix par la nécessité, compréhensible, de ne pas dévoiler d'informations aux marchés financiers sur sa stratégie d'acquisition ou de cession de titres, compte tenu d'un triple impératif à respecter :

• l'exigence de bonne gestion des deniers publics, qui implique de s'assurer de la confidentialité de ses projets jusqu'à leur exécution sur les marchés afin de ne pas prendre le risque que la valeur d'un titre qu'il souhaite vendre ne diminue brutalement, ou que celle d'un titre qu'il compte acheter n'augmente ;

• la réglementation boursière ;

• la transparence vis-à-vis du Parlement.

2. ... qui empêche le Parlement de contrôler l'action de l'État actionnaire, en dépit de solutions souvent proposées par le Sénat

Il ne peut qu'être regretté que ce troisième axe - la bonne information de la représentation nationale - soit le parent pauvre de ce triptyque, alors même qu'il s'agit du seul document d'information budgétaire relatif à la stratégie de l'État actionnaire. Ainsi que le soulignait déjà l'an dernier le rapporteur pour avis, « cet état de fait est d'autant plus regrettable que parmi les raisons concourant à la création d'un compte d'affectation spéciale figure celle visant à améliorer l'information du Parlement en évitant le recours à des procédures de débudgétisation ou de création d'établissements publics 11 ( * ) ». Or le Parlement ne se prononce en réalité qu'à partir de prévisions principalement non-étayées.

La rapporteure reste convaincue de la possibilité de trouver une solution de compromis et propose que soient organisés des échanges en format « commission restreinte » ou à huis clos. Le compte rendu de l'audition pourrait ainsi n'être rendu public qu'au terme de l'opération boursière. Ce faisant, le Parlement exercerait pleinement ses prérogatives sans nuire au bon déroulement des cessions ou acquisitions envisagées.

Un autre axe de progrès consisterait, toujours sans indiquer le montant exact des produits de cession espérés, à crédibiliser davantage les crédits demandés en PLF, notamment en s'appuyant sur des hypothèses un peu plus vraisemblables. Par exemple, il semblait acté dès le début de l'examen du PLF 2020 que le CAS ne percevrait pas 11 milliards d'euros de produits de cession, ni même un montant s'en rapprochant, compte tenu de la faible probabilité de la privatisation d'ADP et du fait que celle de la Française des jeux (FDJ) interviendrait fin 2019 et non en 2020.

Cet effort de sincérité freinerait en outre l'usage qui peut être fait de ce compte comme d'une « réserve budgétaire », sorte de marge de manoeuvre factice, qui permet au Gouvernement d'ouvrir des crédits sur certaines missions en en annulant sur ce compte.

Une information transparente et sincère du Parlement est d'autant plus urgente que l'exécution budgétaire du CAS est de plus en plus déconnectée de ses prévisions.


* 11 Avis présenté au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2020 par M. Alain Chatillon, tome VIII, Participations financières de l'État.

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