C. RSA RECENTRALISÉ, RSA JEUNES ACTIFS, ARFS : L'ÉVOLUTION DES AUTRES PRESTATIONS FINANCÉES PAR LE PROGRAMME

1. L'expérimentation d'un RSA recentralisé

Bien que le revenu de solidarité active (RSA) relève des conseils départementaux, le programme 304 participe à son financement. En effet :

- depuis sa création au 1 er septembre 2010, le « RSA jeune actif » est entièrement financé par l'État ;

- le financement du RSA a été recentralisé pour les départements de la Guyane et de Mayotte en 2019 et pour La Réunion en 2020 .

a) La recentralisation du RSA dans plusieurs collectivités d'outre-mer

La loi de finances pour 2019 a recentralisé la compétence relative à l'attribution et au financement du RSA pour la collectivité territoriale de Guyane et le Département de Mayotte 55 ( * ) . Les compétences relatives à l'instruction, l'attribution et l'orientation des bénéficiaires sont déléguées de droit à la CAF de Guyane et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte. Des frais de gestion supplémentaires leur sont versés au titre de l'exercice de ces nouvelles compétences.

Afin de pouvoir financer intégralement le service de la prestation sur ces territoires, l'État a procédé à la reprise des financements historiques et des ressources d'accompagnement au titre des dépenses du RSA pour la collectivité de Guyane et le département de Mayotte à compter du 1 er janvier 2019.

La loi de finances pour 2020 56 ( * ) a ensuite prévu la recentralisation du RSA à La Réunion . À compter du 1 er janvier, la CAF de La Réunion exercera les compétences d'instruction et d'attribution du droit. Comme en Guyane et à Mayotte, des frais de gestion supplémentaires lui seront versés. La loi prévoit en outre une recentralisation du revenu de solidarité (RSO) en Guyane et à La Réunion.

Les crédits demandés au titre de 2021 prévoient un montant de 878 millions d'euros pour le financement du RSA recentralisé en Guyane, à Mayotte et à La Réunion ainsi que du RSO en Guyane, contre 849 millions d'euros en 2020, soit une hausse de 3,4 %. Ces crédits représentent toutefois une baisse de 3,4 % à périmètre constant : en effet, 60,4 millions d'euros sont inscrits au programme au titre du transfert de la compétence d'orientation de la collectivité de La Réunion à la CAF au 1 er décembre 2020.

L'évolution du nombre de bénéficiaires du RSA (BRSA) dans les collectivités concernées depuis 2012 est retracée dans le tableau ci-dessous.

Évolution du nombre de bénéficiaires du RSA en Guyane,
à La Réunion et à Mayotte

Source : Questionnaire budgétaire

b) Vers l'expérimentation d'un RSA recentralisé dans des départements métropolitains

Si elles se justifient par les difficultés rencontrées par les collectivités d'outre-mer concernées, ces recentralisations peuvent être vues comme l' expérimentation d'une reprise en main plus large des minima sociaux par l'État , notamment dans la perspective de la création du RUA.

Ainsi, devant les difficultés rencontrées par le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis face à l'afflux de demandeurs du RSA dans le contexte résultant de la crise sanitaire, le Premier ministre a proposé, le 23 octobre 2020, de faire bénéficier le département de l'expérimentation d'une recentralisation de la gestion du RSA , en considérant que l'on ne peut pas « continuer à faire peser sur le contribuable local une dépense de solidarité nationale ». Cette expérimentation pourrait entrer en vigueur en 2022.

Lors de son audition par le rapporteur, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a confirmé qu'elle travaille actuellement sur cette expérimentation, qui serait incluse dans le projet de loi « décentralisation, différentiation et déconcentration » (3D), sans toutefois pouvoir préciser à ce stade son étendue géographique.

Selon l'ADF, les charges des départements au titre du RSA croîtraient déjà de plus de 9 % en 2020 et ce chiffre pourrait « exploser » en 2021. Ces charges sont toutefois très inégalement réparties sur le territoire.

Bien que les départements ne soient pas unanimes sur cette question, le rapporteur considère avec intérêt ce projet d'expérimentation qui permettrait aux départements les plus affectés par la situation sociale de bénéficier, sur la base du volontariat, d'un soulagement financier qui leur redonnerait des marges pour agir.

2. Des interrogations persistantes sur le « RSA jeune actif »

À sa création en 2009, le RSA s'adressait aux personnes âgées d'au moins 25 ans ou assumant la charge d'au moins un enfant né ou à naître.

À compter du 1 er septembre 2010, il a toutefois été étendu aux personnes de moins de 25 ans sans enfant, sous réserve de justifier de deux ans d'activité en équivalent temps plein au cours des trois années précédant la demande 57 ( * ) . Les périodes de chômage sont prises en compte dans la limite de six mois, de telle sorte que l'examen des conditions d'activité peut être examiné sur un maximum de trois ans et six mois.

Du fait de ces conditions très restrictives, le nombre de bénéficiaires de ce « RSA jeune actif » n'a cessé de diminuer depuis sa création (sauf entre 2014 et 2015). Cette baisse s'est nettement accélérée depuis 2016 ( cf . tableau ci-après) sans que les raisons en soient claires.

Évolution du nombre de bénéficiaires du « RSA jeune actif »
et des crédits alloués à la prestation

Année

Crédits
ouverts en LFI

(en euros)

Dépenses
de prestation

(en euros)

Nombre de bénéficiaires

2011

75 000 000

25 907 769

9 172

2012

69 000 000

24 698 024

8 996

2013

27 000 000

24 183 153

8 150

2014

26 000 000

23 340 670

7 684

2015

26 000 000

23 092 433

7 694

2016

14 000 000

9 222 984

1 645

2017

10 000 000

5 789 376

1 028

2018

5 400 000

4 761 475

779

2019

1 700 000

4 036 850

734

2020

4 500 000

N.C.

Source : Questionnaire budgétaire / CNAF et Caisse centrale de la MSA

Pour 2021, les crédits prévus au titre du RSA jeune actif s'élèvent à 3,8 millions d'euros après 4,5 millions d'euros en 2020, soit une baisse de 16 %. Le rapporteur s'interroge sur cette fluctuation alors que le nombre de bénéficiaires ne s'élèverait désormais, selon les informations transmises par la DGCS, qu'à 260.

Surtout, compte tenu de sa faible audience et de sa concurrence avec d'autres instruments, il est permis de s'interroger une nouvelle fois sur la pertinence de ce dispositif , qui ne semble pas avoir été développé de manière à être effectivement utilisé. Cette exclusion de fait des jeunes du principal minimum social semble de plus en plus fragile au regard du principe constitutionnel d'égalité.

L'ouverture aux jeunes adultes des minima sociaux représente un enjeu d'autant plus important que cette catégorie d'âge est particulièrement touchée par la crise actuelle. En tout état de cause, un ciblage des jeunes les plus précaires n'est pas irréalisable , comme l'a prouvé le versement en juin 2020 d'une prime exceptionnelle aux jeunes de moins de 25 ans non étudiants et bénéficiaires des APL, qui sera reconduit fin novembre ( cf. supra ).

3. La réforme de l'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine

La loi « DALO » du 5 mars 2007 58 ( * ) a institué le principe d'une aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine (ARFS), à la charge de l'État, destinée à accompagner le rapprochement familial des anciens travailleurs migrants âgés disposant de faibles ressources et ne pouvant percevoir d'autres aides en raison de leurs séjours prolongés à l'étranger. Son montant peut s'élever à 6 600 euros par an (550 euros par mois) au maximum.

Toutefois, la montée en charge escomptée de cette aide spécifique n'a pas eu lieu en raison d'importantes difficultés de mise en oeuvre. En particulier, les conditions exigées pour en bénéficier (être hébergé, au moment de la demande ou de son renouvellement, dans un foyer de travailleurs migrants ou une résidence sociale, continuer à disposer d'un titre de séjour en France et produire un avis d'imposition ou de non-imposition des services fiscaux français) se sont révélées incompatibles en pratique avec la situation des personnes éligibles, notamment au moment du renouvellement de l'aide.

Le nombre de bénéficiaires (31 en 2019) s'étant ainsi révélé extrêmement faible, les crédits ouverts au titre de l'ARFS ont diminué de 60 millions d'euros en 2016 à 200 000 euros en 2019 59 ( * ) .

Tirant les conséquences de l'échec du dispositif sous sa forme actuelle, la loi de finances pour 2020 60 ( * ) a transformé, à compter du 1 er juillet 2020, l'ARFS en une aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants (AVFS) soumise à des conditions assouplies. Ainsi, l'obligation de résider dans un foyer pour travailleurs migrants ou une résidence sociale ne sera plus exigée que pour la première demande. En outre, l'obligation de résider dans le pays d'origine au moins six mois sur une période de deux ans ne sera plus appliquée et le bénéfice de l'allocation sera dorénavant illimité, sous réserve que le bénéficiaire continue à remplir les conditions d'éligibilité 61 ( * ) . Enfin, l'aide sera versée mensuellement et non plus annuellement.

Le faible montant de l'allocation expliquant également la faiblesse de la demande, la revalorisation par décret de son montant à hauteur de 70 % de celui de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) est également annoncée.

Ainsi, 1,7 millions d'euros ont été inscrits pour 2021 au programme 304 au titre de ce dispositif, après 487 500 euros en 2020. Le nombre de bénéficiaires visé croîtrait progressivement pour atteindre 1 500 en 2024.

La parution de décrets d'application reste toutefois attendue pour permettre la mise en oeuvre de cette réforme.


* 55 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 - Article 81.

* 56 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 - Article 77.

* 57 Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 - Article 135.

* 58 Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 relative au droit au logement opposable.

* 59 Source : questionnaire budgétaire.

* 60 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 - Article 269.

* 61 L'allocataire doit produire annuellement une attestation d'existence ainsi qu'un document (dernier avis d'imposition ou de non-imposition ou déclaration annuelle de ressources) permettant d'attester que ses ressources ne dépassent pas le plafond fixé par décret.

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