II. UN ACCROISSEMENT DES MOYENS ALLOUÉS AU PFTHD, QUI N'ÉTEINT PAS CERTAINS SUJETS DE PRÉOCCUPATION

A. LE DÉPLOIEMENT DES CRÉDITS, ENJEU DU NOUVEAU CAHIER DES CHARGES DU PLAN FTHD

Le déploiement des crédits du plan de relance dans les territoires doit désormais s'appuyer sur le cahier des charges du plan FTHD, qui détermine les conditions de financement des RIP par l'État et influence en conséquence les taux de cofinancements du secteur privé et des collectivités territoriales.

En février 2020, pour accompagner le déploiement des 280 millions d'euros de crédits « recyclés », le Gouvernement avait publié une troisième version de ce cahier des charges . La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, qui avait participé à la consultation publique précédant sa publication, en avait pointé les limites , considérant que la révision de certaines des règles inscrites dans les versions antérieures conduirait de fait à une baisse du cofinancement de l'État et une augmentation du reste à charge pour les départements n'ayant pas encore bouclé leur plan de financement pour le déploiement de la fibre 35 ( * ) .

Le déploiement des crédits du plan de relance s'accompagnera d'un nouveau cahier des charges, qui devrait être présenté dans les semaines à venir par le Gouvernement. Le rapporteur se montrera vigilant à ce que cette nouvelle version se traduise par une augmentation effective du soutien de l'État dans les territoires, pour accompagner le déploiement des lignes FttH en zone d'initiative publique, mais également pour financer les raccordements dits « complexes » 36 ( * ) , en zone publique ou privée.

En tout état de cause, le rapporteur restera attentif à la mise en oeuvre de ce cahier des charges dans les territoires, qui conditionnera l'efficacité du déploiement des crédits du plan de relance.

B. LE RESPECT DES ÉCHÉANCES FIXÉES POUR 2020 - COUVERTURE INTÉGRALE DES ZONES AMII ET « BON » HAUT DÉBIT POUR TOUS - SERONT-ELLES RESPECTÉES ?

Deux échéances importantes du plan FTDH jalonnent la fin de l'année 2020 :

- l'objectif de couverture intégrale des zones AMII : Orange et SFR s'étaient engagés à rendre 100 % des sites de ces zones raccordables au FttH (ou raccordables sur demande sous 6 mois, dans la limite de 8 %) ;

- l'objectif du « bon » haut débit pour tous les Français.

1. La couverture intégrale des zones AMII : des retards à prévoir

Le rapporteur constate que la crise sanitaire ne devrait pas avoir de conséquences directes sur le déploiement des lignes FttH. Le premier confinement n'a ainsi provoqué qu'un ralentissement modéré des travaux : le rythme demeure d'ailleurs, à ce stade, plus soutenu que celui de l'année 2019 Au cours du premier semestre 2020, 2,5 millions de locaux supplémentaires ont été rendus raccordables au FttH, toutes zones comprises, soit 18 % de plus que sur la même période de l'année précédente . Le nombre de prises réalisées en 2020 pourrait in fine atteindre le niveau record enregistré en 2019 (4,8 millions) et surpasser celui de 2018, où seulement 3,2 millions de logements avaient été rendus raccordables au FttH.

Il semblerait donc que la crise sanitaire ne puisse constituer une explication suffisante pour justifier les retards de déploiement qui devraient être enregistrés en zones AMII : à la fin du premier trimestre 2020, Orange et SFR avaient rendu respectivement 67 % et 75 % des sites des zones AMII raccordables , assez loin de l'objectif souscrit auprès de l'Arcep. Pour le président de l'Arcep, Sébastien Soriano, SFR pourrait en définitive enregistrer « un semestre de retard » ; pour Orange , le retard pourrait être d'une année .

Pour la Fédération française des télécoms (FFT), auditionnée par le rapporteur, les opérateurs ont été pénalisés par la mise à jour, au début de l'année, des données IPE 37 ( * ) par le régulateur, qui a contribué à augmenter de 2,8 millions le nombre de locaux à rendre raccordables. Avant cette mise à jour, les données récoltées indiquaient un nombre de locaux à rendre raccordables inférieur à la réalité, conduisant à une surestimation de la progression des déploiements FTTH, particulièrement en zones AMII. L'avancement des déploiements avait alors mécaniquement reculé de 8 points dans ces zones.

En tout état de cause, les éventuel retards devront être dûment justifiés par les opérateurs , l'Arcep pouvant activer, en dernier recours, son pouvoir de sanction en vertu des articles L. 33-13 et L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques.

2. Le « bon » haut débit pour tous : un guichet « Cohésion Numérique des Territoires » trop peu sollicité

Le passage au « bon » haut débit pour tous s'appuie sur le dispositif « Cohésion Numérique des Territoires » (CNT) présenté en décembre 2017 et lancé en mars 2019, doté de 100 millions d'euros prélevés sur le programme 343 , ayant pour objectif de favoriser l'adoption des technologies sans fil ou hertzienn e (satellite, boucle locale radio et 4G fixe) par les consommateurs en apportant le soutien de l'État sur l'installation et la fourniture des équipements de réception radio.

Le rapporteur ne dispose malheureusement pas de chiffres actualisés concernant la couverture du territoire en « bon » haut débit : la dernière publication disponible , estimant que 95 % des Français étaient éligibles à un raccordement avec un débit supérieur à 8 Mbit/s, remonte en effet à septembre 2019 . Le rapporteur regrette ainsi que le Gouvernement et l'Arcep ne se soient pas dotés d'outils dédiés au suivi de cet objectif.

Néanmoins, l'étude du déploiement du guichet CNT laisse présager d'un échec du Gouvernement sur cet axe du plan FTHD : au 30 juin 2020, il n'avait permis de financer que 6 321 équipements de réception radio pour un montant total de 607 537 euros ! Si les installations réalisées au premier semestre 2020 actuellement en cours d'instruction comprennent des demandes pour plus de 10 000 kits, selon les informations transmises à la commission par la direction générale des entreprises, il est évident que les décaissements finaux seront loin des 100 millions d'euros prévus pour le dispositif.

Le Gouvernement a répondu tardivement à ces difficultés de déploiement . En juillet 2020, une simplification du CNT a été actée : le dispositif permet dorénavant une éligibilité à la maille communale, en prenant en compte l'ensemble des communes de la zone d'initiative publique qui ont au moins un local sans « bon » haut débit filaire. 15 millions de locaux sont ainsi considérés comme éligibles a priori , sous condition de signature par le client final d'une attestation sur l'honneur d'absence de solution filaire en « bon » haut débit. Cette évolution du guichet est opérationnelle depuis le début du deuxième semestre 2020. Par ailleurs, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a informé la commission qu'un important plan de communication était en cours de préparation pour accélérer le déploiement des crédits du CNT auprès des populations concernées.

Le rapporteur estime que les crédits non consommés du guichet CNT devront être, le cas échéant, pérennisés au sein du programme 343 pour être réalloués au déploiement de la fibre optique.


* 35 Le cahier des charges de février 2020 introduit de nouvelles règles d'assiette (nombre de lignes susceptibles d'être financées ne pouvant être supérieur à 92 % du nombre total de locaux contre 100 % dans le précédant cahier des charges ; doublement du montant forfaitaire retranché de l'assiette éligible de chaque prise FttH, de 400 à 800 euros) et exclut par ailleurs certains investissements des dépenses éligibles au guichet FTHD (financement des réseaux de collecte, des raccordements prioritaires, des raccordements de sites finaux et de la mise à niveau des réseaux antérieurs).

* 36 Les raccordements « complexes » se caractérisent souvent par un éloignement de l'habitation à raccorder du point de mutualisation et induisent ainsi des coûts supplémentaires par rapport à des raccordements « classiques ».

* 37 Dès que l'état d'avancement des travaux le permet, les opérateurs chargés du raccordement des immeubles à la fibre optique renseignent un fichier d'échange, l'IPE pour « Informations Préalables Enrichies ». Ce fichier permet aux opérateurs commerciaux d'identifier les logements pouvant bénéficier d'offres de fibre optique ainsi que les détails techniques nécessaires au raccordement final d'un abonné.

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