Avis n° 393 (2020-2021) de M. Étienne BLANC , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 2 mars 2021

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N° 393

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 mars 2021

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la sécurité globale ,

Par M. Étienne BLANC,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot , président ; M. Didier Mandelli, Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Joël Bigot, Rémy Pointereau, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, Ronan Dantec , vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Angèle Préville, MM. Pascal Martin, Bruno Belin , secrétaires ; MM. Jean-Claude Anglars, Jean Bacci, Étienne Blanc, François Calvet, Michel Dagbert, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Michel Dennemont, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Nassimah Dindar, MM. Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Mme Martine Filleul, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Éric Gold, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Olivier Jacquin, Gérard Lahellec, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Philippe Pemezec, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Laure Phinera-Horth, Kristina Pluchet, MM. Jean-Paul Prince, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Pierre-Jean Verzelen .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

3452 , 3527 et T.A. 504

Sénat :

150 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, réunie le 2 mars 2019, sous la présidence de M. Jean-François Longeot, président, a examiné le rapport pour avis de M. Étienne Blanc sur la proposition de loi relative à la sécurité globale .

Si le texte ne comptait initialement que 2 articles relatifs à la sécurité et à la sûreté dans les transports, ce volet enrichi lors de son examen à l'Assemblée nationale comporte désormais près d'une dizaine d'articles. Compte tenu de ses compétences en matière de transports et de sécurité routière et dans la continuité de ses travaux sur ce sujet 1 ( * ) , la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est saisie pour avis de 9 articles de la proposition de loi : les 7 articles 2 ( * ) du titre V « Sécurité dans les transports et sécurité routière » ainsi que les articles 19 bis et 20 ter.

Partant du constat que le contexte avait fortement évolué depuis l'examen de la loi d'orientation des mobilités , en particulier sous l'effet de la crise sanitaire , la commission a considéré que les évolutions proposées par la proposition de loi allaient dans le bon sens, et qu'elles méritaient d'être complétées pour en assurer toute l'effectivité et précisées, notamment pour garantir le respect des droits et libertés des usagers. Ainsi, elle a adopté 9 amendements sur ces articles, dont 6 sont identiques à des amendements de la commission des lois.

I. LE CONTEXTE DE LA SÛRETÉ DANS LES TRANSPORTS A RÉCEMMENT PROFONDÉMENT ÉVOLUÉ

Depuis l'examen par le Sénat du projet de loi d'orientation des mobilités (LOM), puis son adoption en décembre 2019, le secteur des transports a connu d'importants bouleversements . La crise sanitaire engendrée par l'épidémie de Covid-19 a en effet changé les habitudes des Français en matière de transport public , avec une progression considérable du travail à domicile, l'instauration de deux confinements et plus récemment d'un couvre-feu. L'année 2020 fut une année particulièrement difficile pour l'activité liée aux transports : elle a d'abord été marquée par des grèves puis par une forte diminution du trafic de voyageurs 3 ( * ) , qui s'est traduite par d' importantes pertes de recettes .

A. UNE HAUSSE DE LA VIOLENCE ET DU SENTIMENT D'INSÉCURITÉ DANS LES TRANSPORTS

La sécurité des usagers est une préoccupation majeure . Les auditions conduites par le rapporteur pour avis ont mis en lumière le déplacement de la délinquance et des incivilités dans les transports publics, avec une violence parfois accrue, ce qui semble pouvoir être interprété comme une conséquence de la pandémie. Ainsi que l'a exposé Mme Valérie Pécresse, présidente du conseil régional d'Île-de-France devant la commission, « [il] existe aujourd'hui un ressenti d'accroissement de l'insécurité , qui ne se traduit pas dans les chiffres de la délinquance recueillis par la préfecture de police. Comme le nombre de personnes transportées a diminué de moitié, le nombre d'actes par voyageur augmente. [...] Comme il n'y a plus de touristes, la délinquance se reporte sur les usagers du quotidien » 4 ( * ) .

Interrogée par le rapporteur pour avis sur les indicateurs de la montée de la violence dans les transports , la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) a présenté une synthèse des données provenant d'une dizaine d'exploitants 5 ( * ) de transport de 2018 à 2020 et présentées ci-dessous. Globalement, on constate bien une hausse de la dangerosité dans les transports : face à la forte diminution de la fréquentation des transports en 2020, estimée entre 30 et 40 % selon les sources, on ne constate qu'une baisse limitée - et non proportionnelle - des atteintes aux biens et aux personnes en 2020 par rapport à 2019.

Panorama des atteintes aux personnes et aux biens dans les transports publics en 2020 (par rapport à 2019)

1) Les atteintes aux personnes

- Le recul en valeur absolue des atteintes à l'intégrité physique et des atteintes verbales (respectivement de 24 % et 16 %) traduit concrètement un niveau en hausse si l'on tient compte la baisse de fréquentation. Ces actes sont le reflet de l'environnement social et du lien social, exacerbés par les spécificités du transport collectif : confinement, promiscuité ou, au contraire, isolement.

- Constat particulièrement inquiétant : les vols commis avec violence et/ou sous la menace poursuivent leur hausse (+ 17 %). En raison des mesures de distanciation physique, les auteurs de vols simples ou à la tire ( pickpockets ) semblent avoir fait évoluer leur mode opératoire vers un passage à l'acte plus violent .

- Les atteintes sexuelles et sexistes sont enregistrées en baisse (- 36 %) 6 ( * ) en 2020, après l'augmentation constatée 2019 (+ 20 %).

2) Les atteintes aux biens

Les vols simples ou à la tire : après la forte progression observée en 2019 (+ 38 %), ils diminuent de 15 % en 2020. Deux précisions sont mentionnées : d'une part, le mode opératoire des vols a évolué vers des actes plus violents. D'autre part, les vols simples ou à la tire ciblent particulièrement les touristes étrangers qui étaient peu présents sur le territoire en 2020.

(Source : réponses au questionnaire de la DGITM)

Les représentants de l'Union des Transports Publics et ferroviaires (UTP) 7 ( * ) constatent également un report de la délinquance de la voie publique vers les emprises et véhicules de transport. Ils font état de fortes tensions entre les voyageurs et mentionnent des rixes avec armes blanches 8 ( * ) . La majorité des réseaux fédérés par l'UTP connaissent une augmentation des jets de projectiles et des vols à la tire alors même que l'offre de service est réduite.

Comme le souligne opportunément le dernier rapport sur la sûreté publié par cet organisme 9 ( * ) , il faut, pour des raisons écologiques, combattre la baisse de la fréquentation des transports publics et y faire revenir les usagers. Le risque « sécurité » doit donc à tout prix être écarté .

Transdev indique, pour sa part, qu' un cinquième des vols - avec ou sans violence - intervenus sur le territoire français s'est déroulé dans les transports en commun . Transdev souligne également, parmi les deux autres principaux « marqueurs » de la délinquance dans les transports publics 10 ( * ) :

- les violences physiques ou sexuelles envers les usagers et les dépositaires de l'autorité publique ainsi que les agents chargés d'une mission de service public (conducteurs, vérificateurs...) ;

- et les jets de projectiles avec ou sans blessés.

Estimant difficile de quantifier précisément l'« effet report » de la délinquance dû à la distanciation sociale, Transdev indique que les agents constatent néanmoins une plus forte agressivité des personnes contrôlées et confirme, dans certains réseaux, un glissement des vols à la tire vers des vols avec violence.

La RATP rappelle quant à elle que ses réseaux n'ont pas été épargnés par la montée de la violence dans la société française, avec une augmentation des violences de 16 % en 2019 par rapport à 2018 (7 909 contre 6 787) et des vols à la tire de 50 % (6 941 en 2019 contre 4 627 en 2019). Les vols à la tire et les vols avec violence ont repris leur progression dès l'été 2020 . À titre d'exemple, au mois de septembre 2020, les vols à la tire ont augmenté de 26 % (980 vols contre 778) et les vols avec violence de 47 % (404 contre 275) 11 ( * ) . Comme le souligne la RATP, la problématique de la sécurité dans les transports relève d'une « dynamique complexe en raison de la pluralité des environnements (surface, souterrain, quais, gares...), des caractéristiques singulières des espaces (confinés, issues nombreuses, interconnexions multiples...) , des situations diverses de la criminalité (pickpocket, harcèlement, violences, risques terroristes, atteintes aux personnes...) [et] de la densité de population ».

Des violences extrêmes sont enfin commises dans les transports, comme le rappelle le décès de Philippe Monguillot, chauffeur de bus de Bayonne, des suites de son agression en juillet 2020, qui a suscité une indignation nationale et une prise de conscience collective sur le sujet .

B. UNE DEMANDE ACCRUE DE SÉCURITÉ DES USAGERS DES TRANSPORTS

Cette situation suscite une légitime demande de sécurité accrue de la part des usagers qui pourrait justifier, si la situation perdurait ou se dégradait encore davantage, une réévaluation des exigences en termes de protection de la vie privée par rapport au cadre légal dont le respect fait l'objet d'un contrôle très attentif de la part de la CNIL et du juge administratif. On peut raisonnablement penser que cette demande de sécurité pourra sans doute évoluer, une fois la phase épidémique terminée. Cependant, une aspiration de fond, indépendante de la Covid, semble se dégager des entretiens et constats de terrain.

Les usagers semblent également plus favorables qu'auparavant aux caméras , même s'il est particulièrement difficile d'appréhender ce sentiment, dont le constat nécessiterait des études qualitatives poussées. Le rapporteur pour avis retient néanmoins des auditions qu'il a pu mener que l'unidimensionnalité « surveillance » longtemps associée aux caméras par l'opinion publique se double désormais d'un sentiment de sécurité . La valeur probante de ces enregistrements et de ceux recueillis par le moyen des équipements téléphoniques individuels n'est en effet plus à démontrer.

L'enquête sur le confort ressenti et le sentiment de sécurité des voyageurs dans les transports en commun urbains , réalisée en octobre 2020 pour le compte de l'Autorité de la qualité de service dans les transports (AQST) 12 ( * ) développe une analyse fondée sur une double acception de la sécurité, à la fois dans sa dimension matérielle (sécurité routière) et dans sa dimension sociale (associée à la présence d'autrui, avec notamment les risques perçus d'agression) : d'après cette étude, c'est la dimension sociale de la sécurité qui a le plus fort impact sur la façon dont les usagers perçoivent et utilisent les transports en commun. Face aux facteurs d'inconfort et d'insécurité rencontrés, les usagers déploient diverses stratégies, notamment des stratégies d'évitement , qui peuvent être spatiales et/ou temporelles, voire totales, consistant en un report modal des transports en commun vers la marche, le vélo ou plus rarement la voiture personnelle. Cette enquête conclut que les attentes des usagers portent essentiellement sur une meilleure adaptation des infrastructures et du matériel roulant pour le confort et sur une surveillance renforcée pour la sécurité .

C. UN RISQUE TERRORISTE TOUJOURS PRÉGNANT ET DE NOUVEAUX DÉFIS À ANTICIPER

Au cours des auditions, les opérateurs de transports, qui anticipent les échéances à venir , ont souligné l'ampleur des défis en matière de sécurité que constituent la préparation et l'accueil :

- de la Coupe du monde de rugby à l'automne 2023

- et des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 : 15 000 athlètes olympiques et paralympiques et 11 millions de spectateurs venus du monde entier sont en effet attendus en France au cours de l'été 2024. L'organisation de tels événements constitue un défi inédit pour notre pays.

Le risque terroriste reste également prégnant : l'attentat déjoué du Thalys d'août 2015, où un homme armé d'une Kalachnikov et de près de 300 munitions avait été maîtrisé par des passagers avant de pouvoir commettre un massacre, reste dans les mémoires.

D. LA HAUSSE DU RECOURS AUX ENTREPRISES DE SÉCURITÉ PRIVÉE

Le recours aux entreprises de sécurité privée a augmenté . La grande majorité des acteurs entendus a insisté sur la nécessité de la présence humaine pour assurer la sécurité dans les transports, le recours aux agents privés de sécurité permettant d'assurer le continuum de sécurité . Les missions qui leur sont confiées sont de plusieurs ordres 13 ( * ) :

1) La surveillance humaine sur site (le gardiennage) : il s'agit de la première mission confiée à la sécurité privée, qui a pour objectif de prévenir les intrusions dans les dépôts, notamment la nuit. Elle est aussi mise en place pour surveiller les gares routières et les parkings relais ;

2) Les patrouilles programmées (surveillance humaine itinérante) et les équipes d'intervention , déployées notamment en fin de soirée, la nuit et en journée sur des points sensibles ;

3) Le renfort événementiel , en particulier lors de manifestations sportives ;

4) Les équipes cynophiles pour des missions d'assistance lors de la fermeture de stations en extérieur et de nuit ou pour pallier un dispositif interne ne fonctionnant pas ;

5) La surveillance par des systèmes électroniques (PC) car l'ensemble des réseaux centralisent leurs alertes et alarmes dans un PC dont la moitié est gérée par des prestataires privés ;

6) La médiation sociale pour laquelle la plupart des exploitants font appel à des associations de médiation ou des entreprises d'insertion.

D'après la DGITM, « l'éventail et l'ampleur des missions confiées au secteur privé sont tendanciellement de plus en plus importants ». Le niveau de satisfaction globale sur ces prestations de sécurité privée semble plutôt positif. Le principal point fort mis en avant est la flexibilité, permettant par exemple de couvrir plus facilement les nuits, week-ends, aléas et événements de tout type.

Le niveau de satisfaction peut toutefois varier selon les types de prestation, celle-ci étant bien meilleure pour la surveillance humaine que pour les équipes cynophiles selon la DGITM. En outre, certains opérateurs relativisent leur satisfaction en mentionnant une qualité à la hauteur du prix des prestations et des droits restreints d'intervention des agents privés. Des faiblesses dans les compétences de ces personnels et des retours négatifs sur les prestations font partie des motifs d'insatisfaction les plus fréquents.

II. PRÉCISER ET COMPLÉTER LA PROPOSITION DE LOI AU SERVICE D'UNE AMÉLIORATION DE L'EFFICACITÉ DES SERVICES DE SÉCURITÉ DANS LES TRANSPORTS ET D'UNE MEILLEURE GARANTIE DU RESPECT DES LIBERTÉS PUBLIQUES

A. ASSURER UNE PLUS GRANDE EFFICACITÉ ET UNE MEILLEURE COORDINATION DES FORCES DE SÉCURITÉ

L'article 28 vise à étendre le périmètre d'intervention du service de sécurité interne de la SNCF , communément appelé la « Suge » :

- auprès des commerces ou entreprises présents en gares 14 ( * ) ;

- et dans les emprises immobilières nécessaires à l'exploitation des liaisons routières opérées en substitution des services ferroviaires régionaux .

Le rapporteur pour avis est favorable à cette extension, qui va dans le sens d'une sécurisation des emprises immobilières nécessaires à l'exploitation des services de transport et aux véhicules de transport de voyageurs.

L'article 28 bis A élargit la liste des fonctions susceptibles de faire l'objet d'une enquête administrative pour vérifier que le comportement des personnes qui occupent un poste sensible ou candidatent à son exercice n'est pas incompatible avec l'exercice de leurs missions.

Il convient de rappeler que la loi du 22 mars 2016 15 ( * ) a créé, dans le code de la sécurité intérieure, un article L. 114-2 permettant aux entreprises de transport de demander aux autorités publiques si le comportement d'un candidat ou d'un salarié affecté à une fonction sensible est compatible avec la sûreté des personnes ou des biens, les fonctions sensibles étant identifiées et énumérées 16 ( * ) . À titre d'illustration, le nombre de personnes concernées par les enquêtes administratives chez Transdev est de 24 000. En moyenne, moins de 2 % de ces enquêtes aboutissent à un avis d'incompatibilité.

L'article L. 114-2 précité vise de manière ciblée les entreprises en charge de l'exploitation des services de transports. L'article 28 bis A de la proposition de loi prévoit de compléter la liste des entreprises concernées en y intégrant les gestionnaires d'infrastructure .

Le rapporteur pour avis considère cette extension bienvenue : certains emplois du gestionnaire d'infrastructure (aiguillage du réseau, maintenance du matériel roulant, etc.) sont en effet particulièrement sensibles .

La commission a également adopté, sur proposition du rapporteur pour avis, deux amendements portant articles additionnels , pour renforcer la coordination des forces de sécurité opérant dans le secteur des transports, d'une part (article 28 bis AA), et permettre aux exploitants de transport de lutter plus efficacement contre la fraude et l'insécurité des usagers , d'autre part (article 28 quater A).

Compte tenu du grand nombre de forces de sécurité en présence 17 ( * ) et à la lumière des auditions, le rapporteur pour avis estime réel le besoin de coordination des différents acteurs . Les contrats d'objectifs départementaux de sûreté dans les transports, qui peuvent être conclus en application de l'article 12 de la loi « Savary » du 22 mars 2016 18 ( * ) , sont l'un des leviers susceptibles d'assurer la sûreté dans les transports. Pour autant, un seul contrat, dans les Bouches-du-Rhône, a été conclu sur cette base jusqu'à présent. La commission a donc adopté l'amendement COM-276 du rapporteur pour avis, qui vise à rendre ces contrats obligatoires dans les départements de plus d'un million d'habitants d'ici le 31 décembre 2022 . La possibilité de conclure un tel contrat est laissée à l'ensemble des autres départements.

La commission a également adopté l'amendement COM-273 du rapporteur pour avis, qui introduit un article 28 quater A après l'article 28 ter , pour permettre de lutter plus efficacement contre la fraude - qui représenterait 600 millions d'euros de pertes - et l'insécurité dans les transports . De nombreux exploitants rencontrent des difficultés à recueillir l'identité des personnes qui commettent des infractions au code des transports, ce qui conduit à plusieurs écueils : donner un sentiment d'impunité aux contrevenants, laisser les agents des services de sécurité des transporteurs démunis et empêcher le recouvrement des amendes. Pour permettre aux exploitants de transport de lutter contre la fraude et l'insécurité des usagers, un dispositif de fiabilisation des données recueillies par les contrôleurs a été mis en place par l'article 18 de la loi « Savary » du 22 mars 2016. Ainsi, l'article L. 2241-2-1 du code des transports permet aux agents des exploitants de transport d'obtenir communication auprès des administrations et des organismes de sécurité sociale des renseignements limités aux nom, prénom, date et lieu de naissance des contrevenants ainsi qu'à l'adresse de leur domicile .

Néanmoins, cette base législative n'est pas applicable, faute de publication du décret d'application, le juge administratif n'ayant pas validé le projet de texte. Pour rendre ce dispositif voté par le législateur pleinement effectif, l'amendement COM-273 précise les garanties requises de cette entité juridique, à défaut de pouvoir préciser que la personne morale visée par la loi devrait être un établissement public de l'État 19 ( * ) .

B. DÉTECTION DE DRONES, VIDÉOPROTECTION ET TRANSMISSION D'IMAGES : UTILISER LA TECHNOLOGIE AU SERVICE DE LA SÉCURITÉ ET DE LA SÛRETÉ DANS LES TRANSPORTS

L'article 19 bis porte sur la détection des drones par les agents de sécurité privée . La disposition adoptée par les députés concerne un périmètre qui se limite à la circulation des drones aux abords immédiats des biens dont ces agents ont la garde. De plus, le texte ne donne aucun pouvoir d'intervention aux agents privés : ceux-ci doivent se limiter à la détection des drones avec les moyens radioélectriques, électroniques ou numériques en leur possession. Enfin, ce pouvoir de détection ne peut s'exercer que si le drone constitue une menace pour la sécurité des personnes et des biens.

Ces trois restrictions - périmètre, détection sans intervention et menace - entourent cette disposition de garanties suffisantes et n'appellent pas de commentaires particuliers de la part du rapporteur pour avis. Il s'agit là d' un simple complément au droit en vigueur qui sanctionne le survol illégal de certains terrains sensibles ou protégés (articles L. 6232-12 et L. 6232-13 du code des transports).

L'article 20 ter vise à permettre aux services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP de visionner les images déportées vers les salles d'information et de commandement de l'État, sous le contrôle des services de police et de gendarmerie nationales.

La CNIL, dans sa délibération n° 2021-011 du 26 janvier 2021 portant avis sur la présente proposition de loi, avait estimé que « la finalité poursuivie dans ce cadre (« aux seules fins de faciliter les interventions [...] ») apparaît insuffisamment définie. Elle estime que la transmission en temps réel de ces images, en dehors de toute réquisition judiciaire, ne devrait être justifiée que dans des cas précisément définis et présentant un degré de gravité suffisant » .

Cet article prévoit certaines garanties : les services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP ne pourraient visionner ces images :

- qu'au sein des salles de commandement placées sous la responsabilité de l'État ;

- que sous le contrôle direct de personnels de la police et de la gendarmerie nationales ;

- et à la condition d'avoir fait l'objet d'une habilitation préfectorale.

Ces précautions ont néanmoins semblé insuffisantes au rapporteur pour avis qui, malgré l'utilité concrète de ce dispositif pour améliorer le « continuum de sécurité » et permettre un gain de temps ainsi que d'efficacité dans la lutte contre la délinquance, considère qu'il doit s'accompagner de davantage de garanties.

C'est l'objet de l'amendement COM-281 , identique à celui de la commission des lois, qui précise que les agents en question n'auront accès qu'aux seules images relevant de leurs périmètres respectifs, que leur consultation ne pourra avoir lieu que sous l'autorité et en présence d'agents des services de police ou de gendarmerie, avec pour unique finalité de mieux coordonner les interventions de leurs services avec les forces de police ou de gendarmerie.

L'article 28 bis vise à déployer, à titre expérimental, un système de vidéoprotection embarqué sur les matériels roulants afin d'assurer la prévention et l'analyse des accidents de transport.

Le dispositif prévoit que les opérateurs de transport public de voyageurs sont autorisés à mettre en oeuvre la transmission et l'enregistrement d'images prises sur la voie publique et dans des lieux et établissements ouverts au public, à l'aide de caméras frontales embarquées sur les matériels roulants, enregistrant en permanence . L'exploitation des images collectées ne serait autorisée qu'aux fins d'assurer la prévention et l'analyse de l'accidentologie ferroviaire ainsi que celle des transports guidés et routiers et la formation des personnels de conduite et de leur hiérarchie. La durée prévue de conservation des enregistrements serait d' un mois , hors les cas où ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire. Les images seraient anonymisées dès lors qu'elles serviraient à l'établissement de rapports d'enquêtes ou d'analyse des accidents de transport.

Pour mémoire, le Sénat avait adopté, lors de l'examen en séance publique du projet de loi d'orientation des mobilités en mars 2019, une disposition similaire 20 ( * ) , afin, selon les termes de l'objet, de « comprendre a posteriori les causes d'un incident technique ou d'un accident impliquant des éléments extérieurs (piétons, voitures...), et dès lors de prendre des mesures destinées à prévenir ce type d'incident ou d'accident, pour se conformer, entre autres, aux préconisations du Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEATT) ». Cette disposition avait ensuite été supprimée en première lecture à l'Assemblée nationale par un amendement du Gouvernement , au motif que « l'usage de caméras sur les véhicules de transports en commun qui filmeraient l'ensemble de la chaussée et de ses abords ne paraît pas nécessaire et proportionné à l'objectif assigné à ces dispositifs, et constituerait donc une atteinte trop importante aux libertés individuelles, et ce même pour une expérimentation. » C'est là le signe que le contexte a significativement évolué en un an à peine, que le Gouvernement a pris acte de ce changement et que les mentalités abordent l'usage de la vidéoprotection d'une manière plus positive .

La mise en place d'un tel dispositif est préconisée notamment par le BEATT, à l'occasion de plusieurs accidents intervenus dans les transports urbains et ferroviaires. Ce fut le cas par exemple dans le cadre de l'enquête technique sur la collision entre un tramway et une voiture particulière, survenue le 4 juin 2007 à Saint-Herblain en Loire-Atlantique, afin d'équiper les rames de tramway en caméras vidéo orientées vers le territoire à franchir.

La survenance d'un accident grave ou impliquant des personnes nécessite l'arrêt systématique des circulations et l'intervention des secours . Les officiers de police judiciaire doivent alors réaliser une enquête pour déterminer l'origine criminelle ou non de l'accident (enquête aux fins de recherche des causes de la mort prévue par l'article 74 du code de procédure pénale). Lors de ces interventions en milieu ferroviaire ou guidé, il est nécessaire de garantir la sécurité de tous les acteurs de terrain et de traiter ces incidents dans les meilleurs délais afin d'en limiter les conséquences, notamment la durée de l'interruption de circulation, et les risques de sur-incidents (incidents à bord des trains immobilisés, descente de voyageurs sur les voies, risque de trouble à l'ordre public, mouvements de foule...).

L'utilisation de la vidéo embarquée prévue par cet article peut constituer un outil efficace pour éclairer rapidement les autorités de police sur l'origine d'un accident (suicide, infraction volontaire ou involontaire, etc . ) et ainsi accélérer les investigations menées lors des accidents de personnes.

Le document ci-après, transmis par la SNCF au rapporteur pour avis, illustre le contexte général des interventions judiciaires en milieu ferroviaire en cas d'accidents de personne.

Source : SNCF

Il en ressort qu'en 2019, la durée moyenne de traitement d'un accident de personne était de 2 heures 30 en province et de 2 heures 15 en Île-de-France, entre le signalement du heurt et l'autorisation de reprise de la circulation sans restriction. Certaines enquêtes judiciaires sont traitées plus rapidement, en moins d'une heure, lorsque l'officier de police judiciaire obtient rapidement la certitude que l'accident est dû à un suicide.

L'expérimentation proposée paraît utile au rapporteur pour avis , en ce qu'elle permet d' améliorer les connaissances en matière d'analyse accidentologique . Ce type d'enregistrement pourra fiabiliser le recueil des faits afin de permettre une analyse plus fine en levant les doutes dans les accidents graves. Les enregistrements ainsi obtenus objectiveront les situations par des images à forte valeur probante , pour l'analyse du cas d'espèce, mais également, après anonymisation et constitution d'un corpus cohérent, pour la formation et la sensibilisation des personnels de conduite.

L'article 28 bis prévoit enfin une information générale du public sur le recours à ces caméras, organisée par le ministre chargé des transports. Il est prévu que ce dispositif expérimental fasse l'objet d'un bilan dans les deux ans suivant son entrée en vigueur, afin d'évaluer l'opportunité de son maintien. La commission a adopté un amendement COM-278 du rapporteur pour avis
- également adopté par la commission des lois - visant à garantir la transmission d'éléments de bilan au Parlement et à la CNIL .

L'article 28 ter vise à faciliter la transmission aux forces de l'ordre des images réalisées en vue de la protection des véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs.

Le droit en vigueur entoure cette transmission de conditions restrictives. En effet, l'article L. 1632?2 du code des transports autorise, sur décision conjointe de l'autorité organisatrice de transport et de l'exploitant, la transmission aux forces de l'ordre de ces images avec trois limitations que prévoit de supprimer l'article :

- l'exigence de circonstances qui font redouter la commission imminente d'une atteinte grave aux biens ou aux personnes ;

- une communication pour la seule durée de l'intervention des forces de l'ordre ;

- et une transmission en temps réel .

Le rapporteur pour avis est favorable à la fluidification des échanges d'images en vue d'une meilleure coordination des forces de sécurité. En revanche, la suppression de l'ensemble des trois garanties actuellement prévues est susceptible de faire peser un risque d'inconstitutionnalité sur le dispositif. Aussi, la commission a adopté un amendement COM-282 du rapporteur pour avis pour :

- conserver sans modification deux des trois garanties , à savoir la communication pour la seule durée de l'intervention des forces de l'ordre et la transmission en temps réel

- et abaisser la garantie liée à l'atteinte commise aux biens ou aux personnes pour ne plus exiger un caractère grave et son imminence .

Cet amendement, également adopté par la commission des lois, permettrait donc de sécuriser le dispositif .

L'article 28 quinquies vise à pérenniser l'expérimentation relative au port de caméras mobiles par les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP

L'article 2 de la loi dite « Savary » du 22 mars 2016 a prévu, à titre expérimental , le port de caméras par les agents de la Suge et du Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) , qui sont les services internes de sécurité respectifs de la SNCF et de la RATP.

L'article L. 2251-4-1 du code des transports prévoit ainsi que ces agents peuvent procéder à un « enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident » . L'enregistrement n'est pas permanent, a pour finalité la prévention des incidents au cours des interventions des agents et les images peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service interne de sécurité concerné 21 ( * ) . En outre, les caméras doivent être portées de façon apparente et le déclenchement de l'enregistrement doit faire l'objet d'une information des personnes enregistrées.

159 caméras ont été déployées par la SNCF tandis que la RATP en a mis 15 en service. Comme l'a vérifié le rapporteur pour avis au cours des auditions, la SNCF a tiré un premier bilan très positif de l'expérimentation , de même que la RATP. D'après l'UTP, l'usage des caméras « fait immédiatement tomber l'agressivité - aussi bien des usagers que des forces de sécurité - dans les situations délicates. »

Le rapporteur pour avis a souhaité améliorer le dispositif en mettant en cohérence le périmètre d'utilisation de ces caméras-piétons avec les périmètres d'intervention respectifs du GPSR et de la Suge , cette dernière voyant d'ailleurs son champ d'action s'élargir sous l'effet de l'article 28 du texte. Aussi, la commission a adopté, sur sa proposition - identique à celle de la commission des lois - un amendement COM-275 en ce sens.

La commission a également adopté, sur proposition du rapporteur pour avis, un amendement COM-274 insérant un article 28 sexies , afin de faciliter le lancement de l'expérimentation du port de caméras piéton par les agents assermentés des entreprises de transport . Cette expérimentation, qui devait débuter le 1 er juillet 2020, n'a toujours pas été mise en place, faute de publication du décret d'application, ce que le législateur ne peut que regretter.

C. SÉCURITÉ ROUTIÈRE : SIMPLIFIER LES CONTRÔLES D'ALCOOLÉMIE AU VOLANT ET PRÉCISER LES CONDITIONS DE PARTICIPATION DES GARDES PARTICULIERS ASSERMENTÉS À LA LUTTE CONTRE LES INFRACTIONS ROUTIÈRES

L'article 29 vise à simplifier les modalités de contrôle d'alcoolémie au volant par les forces de l'ordre .

Deux techniques sont utilisées par les officiers ou agents de police judiciaire pour procéder au contrôle de l'alcoolémie au volant :

- les épreuves de dépistage de l'imprégnation alcoolique par l'air expiré par le moyen d'un éthylotest ;

- les vérifications destinées à établir la preuve de l'état alcoolique , en déterminant le taux d'alcool d'un conducteur, effectuées soit au moyen d'analyses ou examens médicaux, cliniques ou biologiques (analyse sanguine), soit au moyen d'un appareil permettant de déterminer la concentration d'alcool par l'analyse de l'air expiré (éthylomètre).

Actuellement, l'article L. 234-3 du code de la route donne compétence aux officiers (OPJ) ou agents de police judiciaire (APJ) et, sur l'ordre et sous la responsabilité des OPJ, aux agents de police judiciaire adjoints (APJA) de soumettre à des épreuves de dépistage un conducteur impliqué dans un accident de la circulation ayant occasionné un dommage corporel.

L'article L. 234-4 du même code impose, quand le dépistage au moyen de l'éthylotest est positif ou quand le conducteur refuse de s'y soumettre, aux OPJ ou APJ de procéder aux vérifications au moyen d'un éthylomètre ou d'une analyse sanguine, en requérant si besoin un médecin ou toute personne autorisée afin d'effectuer une prise de sang.

L'article L. 234-9 du même code autorise les OPJ et APJ, sur instruction du procureur de la République ou à leur initiative, et, sur l'ordre et sous la responsabilité des OPJ, les APJA à soumettre tout conducteur à vérification de l'imprégnation alcoolique au moyen d'un éthylotest, même en l'absence d'infraction préalable ou d'accident.

L'article 29 de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale modifie le droit en vigueur sur trois points :

- le 1° permet aux OPJ et APJ (mais pas aux APJA) de soumettre le conducteur impliqué dans un accident de la circulation ayant occasionné un dommage corporel aux vérifications de son état alcoolique par éthylomètre ou analyse sanguine, sans dépistage préalable par éthylotest ;

- le 2° autorise les OPJ et APJ à soumettre le conducteur ayant une incapacité physique à subir le dépistage au moyen d'un éthylotest, en raison par exemple d'une défaillance de son souffle, aux vérifications par éthylomètre ou analyse sanguine. Cette incapacité physique est constatée par un médecin requis à cet effet ;

- le 3° dispose que les OPJ et APJ peuvent soumettre, même en l'absence d'infraction préalable ou d'accident, tout conducteur aux vérifications destinées à établir son état alcoolique, précédées ou non d'un éthylotest.

Le rapporteur pour avis estime que cet article va dans le bon sens puisqu'il permet notamment de simplifier et d'améliorer le contrôle de l'alcoolémie des conducteurs dans le cas des accidents ayant occasionné des dommages corporels et quand le conducteur est dans l'incapacité de se soumettre au dépistage par éthylotest. Le dispositif proposé paraît néanmoins manquer de cohérence. Il conserve en effet l'obligation de dépistage préalable par éthylotest pour les accidents de la circulation sans dommage corporel alors qu'il la supprime pour les contrôles au bord de la route, en l'absence d'accident ou d'infraction. La lisibilité du droit n'est en l'espèce pas optimale. La proportionnalité de ce régime de contrôle mériterait d'être repensée : les contrôles consécutifs à un accident et une infraction routière doivent être précédés d'un dépistage par éthylotest alors que les simples contrôles aléatoires par les forces de l'ordre, sans qu'aucun accident ou infraction ait été commis, pourraient être effectués directement par le moyen d'un éthylomètre ou d'une analyse sanguine. Le dispositif envisagé par l'article 29 n'est donc pas satisfaisant et serait source de complexité inutile.

Pour pallier cette proportionnalité inadéquate, la commission a adopté, sur proposition du rapporteur pour avis, un amendement COM-279 qui vise à conserver le caractère obligatoire du dépistage de l'imprégnation alcoolique par l'air expiré en l'absence d'infraction préalable ou d'accident , avant de pouvoir procéder aux vérifications au moyen d'un éthylomètre ou d'une analyse sanguine. Il s'agit d'un amendement identique à celui adopté par la commission des lois.

L'article 29 bis permet aux gardes particuliers assermentés de constater par procès-verbal certaines contraventions en matière de police de la circulation et de sécurité routières .

Les missions et pouvoirs des gardes particuliers assermentés sont définis aux articles 29 et 29-1 du code de procédure pénale : ils constatent par procès-verbaux tous délits et contraventions portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde . Ils doivent être agréés par le préfet du département dans lequel se situe la propriété désignée dans la commission.

Les gardes particuliers assermentés, personnes privées et acteurs de proximité , assurent la surveillance des propriétés et sont également chargés de la police de l'environnement dans la mesure où ils veillent au bon respect des droits de chasse ou de pêche et sont habilités à établir des procès-verbaux d'infractions, prérogative qui s'exerce exclusivement sur le territoire confié à sa surveillance. Si les gardes particuliers assermentés disposent d'une compétence en matière de police de la voirie 22 ( * ) , ils ne peuvent constater des infractions routières que lorsqu'ils agissent au titre de la police de conservation de la voirie, en cas d'atteinte à l'intégrité ou à l'usage de ce domaine.

Cet article entend leur permettre de constater les infractions aux règles concernant notamment la circulation, l'arrêt et le stationnement des véhicules, sur les propriétés pour lesquelles ils sont commissionnés et agréés.

Lors de l'examen du projet de loi (n° 274, 2018-2019) portant création de l'Office français de la biodiversité , modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement , en avril 2019, le rapporteur de la commission, M. Jean-Claude Luche, avait émis un avis défavorable à l'adoption d'un amendement prévoyant d'élargir l'habilitation à la recherche et au constat d'infraction au profit des gardes particuliers assermentés, au motif qu'il n'était « pas favorable à ce que soit traversée la ligne rouge d'une attribution de pouvoirs de police judiciaire à des agents qui ne sont pas attributaires de prérogatives de puissance publique ».

Le rapporteur pour avis estime que les préventions exprimées ci-dessus ne s'appliquent pas à l'évolution proposée à l'article 29 bis : il ne s'agit pas de confier des pouvoirs de police judiciaire ou d'enquête aux gardes particuliers assermentés, mais de leur permettre de constater des infractions aux règles concernant la circulation, l'arrêt et le stationnement des véhicules sur l'emprise de la propriété confiée à leur surveillance. Ces agents disposent déjà du pouvoir d'établir des procès-verbaux d'infractions , dont l'article 29 du code de procédure pénale précise le régime de validité : « les procès-verbaux sont remis ou envoyés par lettre recommandée directement au procureur de la République. Cet envoi doit avoir lieu, à peine de nullité, dans les cinq jours suivant celui de la constatation du fait, objet de leur procès-verbal ». Entourée de cette garantie, l'association des gardes particuliers assermentés au constat des infractions routières ne paraît pas soulever de difficulté particulière.

La commission a néanmoins adopté un amendement COM-28 1 du rapporteur pour avis - identique à un amendement de la commission des lois - qui vise à préciser le champ de compétence des gardes particuliers assermentés pour constater par procès-verbal les contraventions qui se rattachent à la sécurité et à la circulation routières sur le territoire dont ils assurent la surveillance : ils pourraient constater par procès-verbal les infractions routières concernant la circulation, l'arrêt et le stationnement des véhicules, compétence circonscrite à l'emprise de la propriété confiée à leur surveillance.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 2 mars 2021, la commission a examiné le rapport pour avis sur la proposition de loi relative à la sécurité globale.

M. Jean-François Longeot , président . - Je suis heureux de vous retrouver aujourd'hui pour l'examen du rapport pour avis de M. Étienne Blanc sur la proposition de loi relative à la sécurité globale.

Le texte déposé par le Gouvernement comportait initialement deux articles relatifs aux transports : l'un portait sur l'extension du périmètre d'intervention de la Suge - qui est le service interne de sécurité de la SNCF - et l'autre, sur la sécurité routière. À l'issue de son examen à l'Assemblée nationale, ce volet a été enrichi : il compte désormais une petite dizaine d'articles, qui portent notamment sur la sûreté dans les gares et les transports, la transmission d'images de vidéoprotection entre les différentes forces de sécurité en présence ou encore la sécurité ferroviaire et routière.

Compte tenu de ces ajouts, notre commission a décidé il y a quelques semaines de se saisir pour avis au titre de sa compétence en matière de transports et de sécurité routière, qui résulte de l'acte de partage établi en 2012. Cet avis s'inscrit dans la continuité de ses travaux, notamment de la mission d'information commune avec la commission des lois, créée en 2016, sur la sécurité dans les transports terrestres face à la menace terroriste, puis de celle portant sur la sécurité routière, en 2018. Plus récemment, l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités fut l'occasion pour Didier Mandelli, qui en fut l'excellent rapporteur, de mener un travail de grande ampleur et de conforter notre expertise sur les questions de sécurité dans les transports.

Avant de donner la parole à notre rapporteur pour avis, je tiens à remercier M. Loïc Hervé, l'un des deux rapporteurs de ce texte examiné au fond par la commission des lois, pour les échanges fructueux qu'il a eus avec notre rapporteur pour avis, et pour l'esprit de collaboration qu'il a contribué à nourrir.

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - Comme l'a rappelé Monsieur le président, ce texte ne comptait au départ que deux articles portant respectivement sur la sécurité dans les transports et la sécurité routière, mais dans la mesure où ce volet a été enrichi au cours de son examen à l'Assemblée nationale, nous nous sommes saisis pour avis de neuf articles, c'est-à-dire des sept articles du titre V « Sécurité dans les transports et sécurité routière » et des articles 19 bis et 20 ter , qui traitent de la détection des drones par des agents privés et de la possibilité, pour des agents des services de sécurité interne de la SNCF et de la RATP, de visionner un certain nombre d'images sous le contrôle des services de police et de gendarmerie.

Bien qu'il puisse paraître relégué dans le titre V de la proposition de loi - et dans les débats médiatiques -, ce volet « transports » est, en réalité, essentiel. C'est en tout cas ce qui ressort de nos constatations de terrain et des auditions, importance relayée notamment par les opérateurs de transport.

Le secteur des transports a récemment connu de profonds bouleversements, notamment sous l'effet de la crise sanitaire, qui a changé les habitudes des Français en matière de fréquentation des transports publics et conduit à une forte diminution du trafic de voyageurs. En parallèle, on observe une hausse du sentiment d'insécurité dans les transports.

Les véhicules et emprises immobilières nécessaires aux services de transport sont, en règle générale, des espaces au sein desquels la problématique de sécurité se pose en des termes complexes, compte tenu des caractéristiques mêmes de ces espaces, confinés, et comportant de nombreuses interconnexions...

Mais ce problème se pose désormais avec une acuité toute particulière. Comme l'a souligné devant notre commission, le 10 février dernier, Mme Valérie Pécresse, les rues et les voies publiques se sont clairsemées sous l'effet des confinements successifs et, désormais, du couvre-feu et la délinquance s'est déportée dans les gares, les enceintes et les véhicules de transports. Les opérateurs de transport que j'ai entendus confirment ce glissement et observent, pour certains d'entre eux, une agressivité accrue de la part des personnes contrôlées.

Les agressions sont aussi plus violentes, car les auteurs de vols simples ou à la tire semblent avoir fait évoluer leur mode opératoire, compte tenu des mesures de distanciation physique et de la quasi-absence de touristes qui sont - en règle générale - les cibles privilégiées de ce genre d'atteintes. Ainsi, alors même que la fréquentation des transports publics a chuté de 30 à 40 % en 2020, la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer constate, par rapport à 2019, une hausse de 17 % des vols commis avec violence ou sous la menace.

Au-delà des agressions, les agents assermentés des entreprises de transport, qu'il s'agisse des contrôleurs ou des agents de la Suge ou du Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) - les services de sécurité interne respectifs de la SNCF et de la RATP - rencontrent d'importantes difficultés à recueillir l'identité des personnes qui commettent des infractions au code des transports, ce qui peut donner un sentiment d'impunité aux contrevenants et ne permet de recouvrer qu'une part infime du produit des amendes. Le manque à gagner représenterait 600 millions d'euros par an.

Face à ces évolutions, les usagers semblent exprimer une nouvelle demande de sécurité. Il s'agit d'un véritable changement de nature, que l'on n'aurait pas imaginé il y a seulement une dizaine d'années. L'équilibre entre sécurité et protection des libertés publiques ou privées semble s'être déplacé. Au cours de nos auditions, les associations d'usagers ont indiqué privilégier très clairement la sécurité et sont prêtes à accepter avec moins de réserves des dispositifs de vidéosurveillance qui auraient été jugés excessifs dans un passé proche. Je souligne ce point fondamental pour le législateur, car il fait parfois apparaître un certain décalage entre les réflexes juridiques élémentaires et la réalité.

Enfin, il faut rappeler que, en plus du risque terroriste, qui reste prégnant, s'ajoutent, pour nos forces de sécurité nationales et les agents de sûreté des opérateurs de transports, des défis inédits à venir pour notre pays, avec l'accueil des Jeux Olympiques et Paralympiques en 2024, et donc, si la sortie de crise sanitaire nous le permet, de 11 millions de spectateurs.

Au total, et comme le souligne opportunément le dernier rapport sur la sûreté publié par l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), il faut, pour des raisons écologiques évidentes, combattre la baisse de la fréquentation des transports publics et faire revenir les usagers dans les transports publics. Le risque « insécurité » doit donc à tout prix être écarté.

Dans cette perspective, le volet « transports » de cette proposition de loi répond à un certain nombre de demandes remontées du terrain. Je pense, par exemple, à l'extension du périmètre de compétence de la Suge - elle pourrait désormais intervenir au sein des commerces présents en gare ou alors dans les emprises immobilières nécessaires à l'exploitation des cars utilisés en substitution de certaines lignes ferroviaires - ou encore à l'élargissement du spectre des emplois qui pourront faire l'objet d'enquêtes administratives à ceux occupés au sein du gestionnaire d'infrastructure. Je suis également favorable à la fluidification des échanges d'images entre les forces de sécurité en présence, dans le respect des libertés publiques et privées. J'ai déposé à cet effet plusieurs amendements identiques à ceux des rapporteurs de la commission des lois.

Les neuf amendements que je vous soumets, dont six sont identiques à des amendements des rapporteurs de la commission des lois, reposent sur une conception équilibrée : il s'agit de prendre en compte la composante structurelle de la nouvelle demande de sécurité dans les transports, tout en pariant sur la réversibilité de la composante sécuritaire liée à la pandémie et en ajoutant certaines garanties.

Un point m'a particulièrement frappé au cours des auditions que j'ai conduites : le défaut de coordination entre les nombreuses forces de sécurité en présence. L'exemple de la gare du Nord est emblématique, puisqu'y interviennent neuf acteurs de la sûreté : la brigade des réseaux franciliens, la direction centrale de la police aux frontières, les douanes, la mission « Sentinelle », la police du X e arrondissement, la Suge, le GPSR, ainsi que deux entreprises de sécurité privée. J'en profite pour relever l'augmentation du recours à des agents de sécurité privée qui nous a été signalée, notamment pour assurer une présence humaine, c'est-à-dire contribuer au sentiment de sécurité.

Certes, cette proposition de loi vise à faciliter les échanges d'images issues de la vidéoprotection, ou encore à renforcer la sécurité dans les zones d'interconnexion, mais il me semble indispensable de renforcer le dialogue sur ce sujet au niveau départemental et de faire en sorte que les différentes parties prenantes s'articulent et se coordonnent de manière plus efficace. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à rendre obligatoire, dans les départements de plus de 1 million d'habitants, la conclusion d'un contrat d'objectif départemental de sûreté dans les transports. Malheureusement, cette possibilité n'a été que trop peu exploitée depuis la loi dite « Savary » de 2016 : un seul contrat a été signé, dans les Bouches-du-Rhône. C'est dommage, car elle permet de meilleurs échanges et une coordination plus efficace entre forces de sécurité.

M. Didier Mandelli . - Merci pour ce travail, effectué en lien avec Loïc Hervé, et qui complétera les dispositions votées dans la loi d'orientation des mobilités (LOM), tout en reflétant l'évolution des questions de sécurité dans le secteur des transports, parfois exacerbées par le confinement. Le sujet n'est pas simple, avec une ligne de crête à tenir entre la préservation des libertés publiques et le renforcement du sentiment de sécurité. Votre exposé traduit bien une volonté de trouver un équilibre et de préserver la sécurité de nos concitoyens dans les transports.

M. Philippe Tabarot . - Merci au rapporteur, qui a repris quasiment l'intégralité des amendements que j'ai déposés sur ces questions, bien connues dans ma région, où nous avons signé le premier contrat d'objectif départemental dans les Bouches-du-Rhône. Je me réjouis du travail accompli, et voterai tous ces amendements.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 20 ter (nouveau)

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - L'article 20 ter vise à permettre aux services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP de visionner les images déportées vers les salles d'information et de commandement de l'État, sous le contrôle de la police ou de la gendarmerie nationales. Comme ces services ont la capacité de déclencher des interventions, il est important qu'ils disposent des images en temps réel, pour mieux adapter le dispositif d'intervention à la réalité de l'infraction commise. Ce sujet avait fait l'objet d'observations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Il mérite un encadrement précis pour la protection des libertés individuelles. C'est l'objet de l'amendement COM-281 , qui précise que les agents en question n'auront accès qu'aux seules images relevant de leurs périmètres respectifs, que leur consultation ne pourra avoir lieu que sous l'autorité et en présence d'agents des services de police ou de gendarmerie, avec pour unique finalité de mieux coordonner les interventions de leurs services avec les forces de police ou de gendarmerie.

L'amendement COM-281 est adopté.

Article additionnel après l'article 28

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - Il existe toute une série de services destinés à assurer la sécurité dans les transports. Mais la coordination entre eux semble insuffisante : gare du Nord, comme je l'ai déjà dit, neuf services différents peuvent intervenir ! Mieux on organise l'articulation entre ces différents services, plus les dispositifs seront efficaces. En évitant les redondances, on évitera les interventions croisées, qui complexifient les choses. La loi Savary avait prévu la possibilité de conclure des contrats d'objectifs départementaux. Un seul a été conclu, à Marseille, et il a montré son efficacité, ne serait-ce que parce qu'il permet aux différents services de se parler, d'échanger et de susciter des dispositifs nouveaux, des pratiques nouvelles.

Mon amendement COM-276 rend obligatoire la conclusion d'un tel contrat pour les départements de plus de 1 million d'habitants, sous l'autorité du préfet, qui sera chargé de rassembler les différents services et de rédiger un véritable contrat les engageant.

L'amendement COM-276 est adopté.

Article 28 bis (nouveau)

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - Mon amendement COM-278 , qui réécrit cet article, est identique à celui qui a été déposé par les rapporteurs de la commission des lois. Cet article vise à déployer, à titre expérimental, un système de vidéoprotection embarqué sur les matériels roulants, à la fois pour assurer la prévention des accidents et pour analyser ceux-ci. En effet, sur les trains comme sur les bus, il n'existe pas aujourd'hui de dispositif d'enregistrement des images. Dans mon rapport, j'ai fait figurer un tableau des temps d'intervention, notamment en cas d'accident corporel, qui illustre la nécessité d'enregistrer les images, pour les trains comme pour les bus. Lorsqu'un accident survient sur un passage à niveau, il peut y avoir une contestation : les barrières étaient-elles levées, ou fermées ? En l'absence d'enregistrement, le règlement judiciaire de ces questions se fait sur le fondement de témoignages et d'analyses techniques. Cette expérimentation fera l'objet d'un bilan dans les deux ans qui suivront son entrée en vigueur. Le présent amendement garantit que ce bilan sera transmis au Parlement et à la CNIL. Dès qu'on enregistre en vue d' un objectif précis - l'accidentologie, en l'occurrence - le champ de la caméra peut couvrir un espace plus large... D'où la nécessité de bien encadrer le dispositif et de prévoir un rapport : la commission des lois y a veillé, et nous partageons son souci.

Mme Marta de Cidrac . - Combien de temps ces enregistrements seront-ils conservés ?

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - Un mois.

M. Gilbert-Luc Devinaz . - Si j'ai bien compris, nous avons la garantie que ces images ne vont pas servir à autre chose qu'à la prévention des accidents de circulation, et qu'un contrôle sera mis en place.

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - Oui, un rapport sera remis à la CNIL, qui observera les conséquences de l'enregistrement des images : un bus qui circule peut aussi filmer des entrées d'immeubles, en tout cas un espace plus large que le domaine public. Il faut donc encadrer le dispositif. D'où la nécessité de ce rapport, qui serait remis à la CNIL et au Parlement.

M. Philippe Tabarot . - L'installation sera-t-elle à la charge des transporteurs ou des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) ?

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - À la charge des transporteurs. Le dispositif est aussi utile pour la prévention des accidents.

Mme Marta de Cidrac . - Si l'on capte des images qui peuvent servir à une autre enquête, pourront-elles être utilisées ?

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - La finalité exclusive de ce dispositif est la prévention et l'analyse des accidents de transports. La CNIL veillera à éviter le détournement d'images pour une autre finalité que celles qui sont prévues dans le texte. Ces images doivent servir à éviter les accidents et, lorsqu'il y a eu un accident, à apporter des éléments probants pour en connaître les causes.

L'amendement COM-278 est adopté.

Article 28 ter (nouveau)

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - Fluidifier la transmission des images prises dans les transports vers les forces de l'ordre est une condition essentielle de l'efficacité et de la rapidité d'intervention.

Le droit actuel instaure trois conditions, qui constituent un frein dans la transmission de ces images. L'Assemblée nationale a décidé de les supprimer. Nous craignons que le Conseil constitutionnel ne s'en émeuve et considère que la levée de ces trois conditions ne permet pas suffisamment de garantir les libertés. C'est pourquoi je vous propose, par l'amendement COM-282 , de conserver sans modification deux des trois garanties initiales : la communication des images pour la seule durée de l'intervention des forces de l'ordre et leur transmission en temps réel. En revanche, l'amendement modifie pour l'assouplir le troisième critère : l'atteinte commise aux biens ou aux personnes ne serait plus appréciée par rapport à sa gravité ni à ni l'imminence de celle-ci mais simplement par rapport au fait qu'elle est constituée.

M. Gilbert-Luc Devinaz . - Ces dispositifs garantissent-ils qu'il ne peut pas y avoir une atteinte à la vie privée et à la liberté de circulation ?

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - Nous maintenons la communication des images pour la seule durée de l'intervention : les images sont échangées lorsqu'on est sur l'incident, mais pas en dehors. Nous maintenons également leur transmission en temps réel, c'est-à-dire dans un temps relativement court, qui est celui de l'intervention et de l'incident ce qui semble suffisamment protecteur des libertés individuelles. L'assouplissement qui a été apporté a trait à la disparition du caractère grave de l'atteinte et à l'imminence de la survenance du risque. Les deux autres conditions que nous maintenons sans modification encadrent suffisamment le dispositif.

L'amendement COM-282 est adopté.

Article additionnel après l'article 28 ter (nouveau)

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - Dans les auditions que nous avons conduites, les différents services, les AOM, la SNCF et la RATP nous ont dit que l'un des problèmes, lorsqu'une infraction est commise dans les transports, est le relevé et le contrôle d'identité. Il est assez facile pour un contrevenant, ou pour une personne qui commet un acte délictuel, de donner aux forces de sécurité une fausse identité. Lorsque celles-ci s'en aperçoivent, si elles veulent aller plus loin pour contrôler l'identité, elles sont obligées de recourir aux services d'un officier de police judiciaire ou d'un agent de police judiciaire. Dans certains secteurs, c'est assez facile, parce que l'on est dans une proximité immédiate. Dans d'autres, c'est beaucoup plus compliqué. Parfois, cela implique une heure et demie de transport pour les agents de police judiciaire ou les officiers de police judiciaire qui se rendent sur les lieux.

La loi « Savary » avait prévu un dispositif permettant aux agents d'obtenir plus facilement les éléments qui permettent de s'assurer de l'identité du contrevenant, par le biais d'une personne morale unique, qui ferait le lien entre les exploitants et les administrations qui communiqueraient un certain nombre de renseignements dont ils disposent.

Mais ce dispositif prévu dans la loi Savary n'a pas été mis en place, faute de publication du décret d'application, et sans doute parce qu'il est insuffisamment encadré. Mon amendement COM-273 vise à faciliter la mise en place de cette structure intermédiaire en entourant cette personne morale unique de nouvelles garanties. L'amendement précise en effet que son organisation et ses missions garantissent le respect des exigences propres à la consultation des données personnelles.

M. Jean-François Longeot , président . - Lors d'un déplacement effectué dans le cadre de la préparation d'un rapport, nous avions dû attendre plus de trois quarts d'heure avant de sortir du train. Quelques personnes avaient fraudé et, comme les agents de la SNCF ne pouvaient pas les contrôler, il a fallu attendre que les forces de l'ordre arrivent, ce qui a bloqué tous les passagers du TGV qui, eux, étaient en règle !

L'amendement COM-273 est adopté.

Article 28 quinquies (nouveau)

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - Mon amendement COM-275 concerne le sujet du port des caméras-piétons par les agents des services de sécurité interne de la SNCF et de la RATP. Une expérimentation a eu lieu, dont le bilan est très positif : le fait de déclencher une caméra - qui suppose d'annoncer qu'on la déclenche - apaise souvent le conflit entre la personne qui a commis une infraction et l'intervenant.

Le présent amendement met en cohérence le périmètre d'intervention de la Suge et des services de la RATP avec les espaces sur lesquels ils sont autorisés à procéder à un enregistrement par des caméras-piétons. Ainsi, ils pourront déclencher leur caméra dès qu'ils interviendront, hormis sur la voie publique.

M. Gilbert-Luc Devinaz . - Dispose-t-on du bilan de cette expérimentation ?

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - Des bilans - très positifs - nous ont été transmis par la SNCF et la RATP.

L'amendement COM-275 est adopté.

Article  additionnel après l'article 28 quinquies (nouveau)

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - Mon amendement COM-274 porte sur les agents assermentés des entreprises de transport - il s'agit souvent des contrôleurs. Une expérimentation des caméras-piétons avait été prévue pour eux dans la LOM, qui devait débuter le 1 er juillet 2020, mais n'a pas été mise en place, faute de la parution du décret d'application. Mon amendement inscrit dans la loi le fait que cette expérimentation fait l'objet d'un décret en Conseil d'État, pour inviter le Gouvernement à aller au bout de sa démarche.

L'amendement COM-274 est adopté.

Article 29

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - Mon amendement COM-279 porte sur le contrôle de l'alcoolémie. Il existe trois dispositifs. Avec l'éthylotest, la personne souffle dans un appareil qui permet de savoir si elle est positive ou négative. En fonction des résultats, on passe à l'éthylomètre, qui permet de mesurer précisément, par l'air expiré, le taux d'alcoolémie, ou au prélèvement sanguin. La mise en oeuvre de ces trois techniques n'apparaît pas s'articuler de manière cohérente : une obligation de dépistage préalable par éthylotest pour les accidents de la circulation sans dommage corporel maintenue alors que le texte propose de la supprimer pour les contrôles aléatoires, en l'absence d'accident ou d'infraction. En cas de contrôle inopiné de l'alcoolémie des automobilistes, je propose qu'on puisse continuer d'utiliser l'éthylotest ; c'est l'objet de mon amendement COM-279 . En cas de test positif, on passera à l'éthylomètre et aux prélèvements sanguins. Mais en cas d'accident avec dommage corporel ou d'infraction routière sanctionnée d'une suspension du permis de conduire, nous pourrions conserver la possibilité d'un recours direct à l'éthylomètre ou au prélèvement sanguin prévue par la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, en se passant de l'éthylotest. La rédaction retenue par l'Assemblée nationale était un peu confuse et manquait de cohérence. Nous proposons de clarifier les choses. En dehors des accidents avec dommage corporel, on en reste à l'éthylotest, qui peut déclencher, s'il est positif, le recours à l'éthylomètre et au prélèvement sanguin.

M. Jean-François Longeot , président . - Merci pour ces clarifications...

Mme Évelyne Perrot . - Quelle est la différence entre l'éthylotest et l'éthylomètre ?

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - Avec l'éthylotest, une couleur s'affiche, qui correspond à un résultat positif ou négatif. L'éthylomètre donne précisément le taux d'alcoolémie.

Mme Évelyne Perrot . - Il faut souffler dans les deux cas ?

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - Oui. Si l'on ne peut pas souffler parce qu'on a un problème de santé, il faut recourir au prélèvement sanguin. Le délai entre l'accident et le prélèvement a une grande importance, car le taux d'alcoolémie baisse avec le temps. Plus le contrôle est proche de l'accident, plus on est dans la réalité. Souvent, un contrôle effectué deux heures après l'accident, par exemple après le transfert de la personne à l'hôpital, donne un taux inférieur au taux légal, alors même que l'on sait que le taux était supérieur au moment de l'accident. Or les tribunaux ne prennent en compte que le taux réel constaté et scientifiquement sécurisé. Faciliter l'accès à l'éthylomètre, c'est être au plus proche de la réalité des faits.

M. Jacques Fernique . - Comment l'incapacité à souffler est-elle constatée ? Faut-il appeler un médecin ?

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - Sur déclaration de l'intéressé.

L'amendement COM-279 est adopté.

Article 29 bis

M. Étienne Blanc , rapporteur pour avis . - Cet article a été ajouté par la commission des lois de l'Assemblée nationale. Il étend les compétences des gardes particuliers assermentés. Ceux-ci seraient habilités à constater par procès-verbal des infractions routières sur les domaines qu'ils surveillent. Mon amendement COM-280 , identique à celui des rapporteurs de la commission des lois, encadre précisément les pouvoirs de ces gardes particuliers.

L'amendement COM-280 est adopté

M. Jean-François Longeot , président . - Merci pour cet excellent rapport, et pour ces amendements élaborés dans la concertation et apportant des solutions claires et concrètes. Je vous propose d'émettre un avis favorable sur les articles de la proposition de loi dont nous nous sommes saisis, sous réserve de l'adoption des amendements du rapporteur.

Il en est ainsi décidé.

M. Jean-François Longeot , président . - Notre unanimité ne fera que faciliter votre tâche, demain, à la commission des lois ! Certainement, ses membres seront très sensibles à nos arguments, et à l'implication de notre rapporteur et de notre commission sur la problématique, si importante, de la sécurité dans les transports.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Jeudi 11 février 2021

- Société nationale des chemins de fer : M. Christophe MERLIN , directeur de la sûreté, Mme Laurence NION , conseillère parlementaire.

- Fédération nationale des associations d'usagers des transports : M. Bruno GAZEAU , président.

Mercredi 17 février 2021

- Transdev Group : MM. Thierry MALLET , président-directeur général, Serge CASTELLO , directeur de la sûreté et Laurent MAZILLE , directeur des relations institutionnelles.

- Ministère de l'intérieur - Direction des libertés publiques et des affaires juridiques : MM. Christophe BORGUS , adjoint au sous-directeur des polices administratives, chef du bureau des polices administratives et David FOLTZ , adjoint de la chef du bureau de la liberté publique.

- Ministère de la transition écologique et solidaire - Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer : Mmes Isabelle GALLY , conseillère sûreté au cabinet du DGITM et Diane PUYO , juriste au sein de la sous-direction des transports ferroviaires et collectifs et des déplacements.

Jeudi 18 février 2021

- Régie autonome des transports parisiens : MM. Stéphane GOUAUD , directeur de la sûreté et John-David NAHON , chargé des affaires parlementaires et institutionnelles, Mme Véra DUVAULT , responsable affaires pénales.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl20-150.html


* 1 2016 : mission d'information commune avec la commission des lois : « Renforcer la sécurité des transports terrestres face à la menace terroriste » (rapport d'information n° 291, 2015-2016) ; rapport pour avis (n° 314, 2015-2016) sur la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs , devenue la « loi Savary » et examen au fond de la proposition de loi (n° 504, 2015-2016) relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils ;

2018 : mission d'information commune avec la commission des lois : « Sécurité routière : mieux cibler pour plus d'efficacité » (rapport n° 436, 2017-2018) et examen au fond du projet de loi (n° 17-435) pour un nouveau pacte ferroviaire ;

2018-2019 : examen au fond du projet de loi (n° 157, 2018-2019) d'orientation des mobilités (avis de la commission des lois), dont plusieurs articles portaient sur la sûreté et la sécurité dans les transports.

* 2 Articles 28 à 29 bis.

* 3 Selon les indicateurs de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), la fréquentation des transports publics n'a représenté que 7 % du trafic habituel pendant le premier confinement, de mars à juin 2020, avant une remontée à la moitié du trafic en juin, 70 % en septembre et près de 80 % à la veille du second confinement décidé en octobre

* 4 Mercredi 10 février 2021, Audition de Mme Valérie Pécresse, présidente du conseil régional d'Île-de-France.

* 5 Comme le souligne la DGITM, ces données peuvent être complétées par l'analyse de l'état 4001 (dépôt de plainte) établie par le ministère de l'intérieur.

* 6 Cette évolution doit néanmoins être relativisée compte tenu de la baisse de la fréquentation.

* 7 L'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) représente 170 entreprises de transport urbain et fédère les opérateurs du ferroviaire.

* 8 Réponses au questionnaire de l'UTP.

* 9 UTP, « Rapport Sûreté, Transports urbains, 2019, Édition 2020 ».

* 10 Réponses au questionnaire de Transdev.

* 11 Contribution écrite du service de sécurité interne de la RATP.

* 12 AQST, octobre 2020

* 13 Réponses au questionnaire de la DGITM.

* 14 Plus précisément auprès des titulaires d'une convention d'occupation du domaine public ferroviaire dans une gare de voyageurs ou une autre installation de service reliée au réseau ferré national.

* 15 Loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

* 16 Article R. 114-7 du même code.

* 17 L'exemple de la gare du Nord est à ce titre emblématique puisqu'elle réunit neuf acteurs de la sûreté : Brigade des réseaux franciliens (BRF), Police aux frontières (PAF), Douanes, Mission Sentinelle, Police municipale parisienne, Suge, GPSR, ainsi que deux entreprises de sécurité privée.

* 18 Article L. 1631-4 du code des transports.

* 19 Compte tenu de l'irrecevabilité financière d'une telle disposition au titre de l'article 40 de la Constitution.

* 20 Par deux amendements identiques n° 304 rect. bis et n° 637 rect . octies .

* 21 En application de l'article 5 du décret n° 2016-1862 du 23 décembre 2016 relatif aux conditions de l'expérimentation de l'usage de caméras individuelles par les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens, peuvent accéder ou se faire transmettre des enregistrements : les responsables de ces services, les agents individuellement désignés et spécialement habilités par ces responsables, les officiers et agents de police judiciaire de la police nationale et de la gendarmerie nationale, les agents participant à l'exercice du pouvoir disciplinaire à l'égard des personnels, les agents chargés de la formation.

* 22 Article L. 116-2 du code de la voirie routière.

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