B. UNE FRAGILISATION DE LA SITUATION FINANCIÈRE DES CROUS QUI OBLIGE À PENSER L'ÉVOLUTION DU FINANCEMENT DU RÉSEAU

1. Une compensation intégrale des pertes d'exploitation qui n'est pas au rendez-vous

Saluant la très forte mobilisation des Crous pendant la crise, le rapporteur avait, dès l'année dernière, alerté sur le risque de non-compensation intégrale par l'État des pertes d'exploitation subies par le réseau sur les activités de restauration et d'hébergement. Ses inquiétudes se sont révélées fondées .

En 2020, sous l'effet cumulé de l'arrêt de l'activité de restauration (puis de sa reprise sous forme de vente à emporter) et du départ des étudiants des résidences universitaires conjugué au gel des loyers, le réseau a subi des pertes significatives de près de 150 millions d'euros. En compensation, le réseau a obtenu de l'État un financement supplémentaire de 80 millions d'euros sur sa subvention pour charges de service public (auquel se sont ajoutés 20 millions d'euros au titre du repas universitaire à un euro instauré pour les étudiants boursiers à la rentrée 2020). Toutes les pertes d'exploitation n'ayant ainsi pas été compensées, le centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) a dû puiser dans son fonds de roulement et procéder à des redéploiements de crédits pour aider les Crous les plus en difficulté.

En 2021, les pertes d'exploitation du réseau (hors conséquence de la généralisation du repas universitaire à un euro pour tous les étudiants entre janvier et août) sont estimées, notamment en raison d'une activité de restauration encore très bouleversée dans les six premiers mois de l'année (présentiel des étudiants limité à 20 % puis 50 % des effectifs, obligation de fournir des repas uniquement sous forme de vente à emporter) à 41 millions d'euros. Même si des économies de masse salariale ont pu être réalisées 14 ( * ) , les pertes nettes s'élèveraient au moins à 32 millions d'euros. Le Cnous a indiqué au rapporteur qu'à ce jour, il ne disposait d'aucune information sur le soutien qui lui serait apporté par l'État. Or celui-ci ne devrait pas intervenir trop tardivement afin que la répartition de ces crédits puisse être faite par le Cnous en temps utile et que les Crous soient en mesure de les utiliser avant la fin de l'exercice. Le rapporteur appelle donc le Gouvernement à rapidement préciser ses intentions quant à son effort de compensation vis-à-vis du réseau, comme il s'y était engagé.

2. Une activité de restauration sous tension

L'année 2021 se déroule dans un contexte très tendu pour les restaurants universitaires : ceux-ci enregistrent en effet une augmentation de leur activité de 20 % en moyenne 15 ( * ) du fait de la hausse des effectifs étudiants et de l'attractivité du repas à un euro. Trois facteurs supplémentaires viennent compliquer la donne : la très grande difficulté à recruter dans le secteur de la restauration (y compris en intérim), les problèmes d'approvisionnement (auxquels est confronté l'ensemble du secteur de la distribution) et l'application du protocole sanitaire. S'en suivent de longues files d'attente devant les restaurants, générant du mécontentement chez les étudiants et de la contestation sociale chez les personnels. Le Cnous se dit complètement démuni face à cette situation, ne disposant d'« aucun levier objectif » pour la débloquer. Le rapporteur attend donc du ministère une réelle prise de conscience et une réaction rapide pour éviter l'éclatement d'un conflit social latent.

3. Une stagnation de plus en plus problématique de la subvention pour charges de service public du réseau

Le rapporteur rappelle que la subvention pour charges de service public du réseau (en dehors des crédits destinés au financement de mesures nouvelles) n'évolue pas depuis plusieurs années . Cette stabilisation devient très problématique alors que le réseau poursuit son développement (ouverture de nouvelles structures d'hébergement et de restauration, avec les recrutements afférents), se voit confier de plus en plus de missions d'accompagnement social des étudiants (nécessitant des recrutements de professionnels et le développement d'outils spécifiques), fait face à des surcoûts de masse salariale 16 ( * ) , et supporte les incidences financières de la loi EGalim sur son activité de restauration 17 ( * ) . Compte tenu de l'ensemble de ces évolutions, le rapporteur juge indispensable de mener une réflexion de fond sur le financement du réseau. À ce titre, il souhaite que les travaux engagés avant la crise sanitaire entre le Cnous et le Mesri sur la rédaction d'une convention d'objectifs et de moyens, qui permette de définir les orientations stratégiques du réseau et les moyens nécessaires correspondants, puissent rapidement reprendre et aboutir.

Une annonce non suivie d'effets : la sortie des emplois étudiants
du plafond d'emplois des Crous

Le 26 novembre 2020, le Premier ministre avait annoncé plusieurs mesures destinées à soutenir l'emploi étudiant, fortement fragilisé par la crise. Parmi celles-ci figurait la fin de la comptabilisation, dans le plafond d'emplois des Crous, des emplois étudiants, cette mesure devant permettre à la fois d'encourager les jobs étudiants et de dégager de nouvelles marges de manoeuvre de recrutement pour les Crous . Près d'un an plus tard, le Cnous a informé le rapporteur que cette mesure n'était toujours pas effective et que le blocage viendrait d'une circulaire de la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP). Interrogée sur ce sujet par le rapporteur lors de son audition devant la commission, le 27 octobre dernier, la ministre a répondu que les Crous n'avaient « pas fait part de la nécessité de rehausser le plafond d'emplois », mais que son ministère était « prêt à agir sur ce plafond s'il devient le facteur limitant » . Le rapporteur appelle donc le Gouvernement à rapidement dialoguer avec le Cnous pour lever ce frein à l'emploi étudiant .


* 14 En particulier du fait d'un moindre recrutement de personnels en contrat à durée déterminée (CDD) dans le domaine de la restauration.

* 15 Par rapport à 2019 (2020 n'étant pas une année significative).

* 16 GVT, revitalisation du quasi-statut des 5 500 personnels contractuels en contrat à durée indéterminée (CDI), surcoût du compte d'affectation spéciale (CAS) pension inhérent au fait que tout emploi vacant a vocation à être pourvu par un fonctionnaire.

* 17 Estimées à près de 10 millions d'euros par an.

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