EXAMEN DES ARTICLES DÉLÉGUÉS AU FOND

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Article 1er bis A
Sanction administrative pour non-respect par l'employeur des mesures de prévention du risque d'exposition des salariés à la covid-19

Cet article propose d'instaurer un régime de sanction administrative applicable aux employeurs qui ne respecteraient pas les principes de prévention des risques d'exposition de leurs salariés à la covid-19.

La commission propose à la commission des lois de supprimer cet article.

I - Le dispositif proposé

Le présent article a été inséré lors de la discussion du projet de loi en séance publique à l'Assemblée nationale par l'adoption d'un amendement du Gouvernement.

Il prévoit qu'en cas de situation dangereuse résultant d'un risque d'exposition des salariés au virus de la covid-19, l'employeur pourra se voir appliquer des sanctions administratives s'il ne prend pas les mesures nécessaires à la prévention de ce risque. Il crée ainsi un régime de sanction dérogatoire destiné à renforcer les moyens de l'inspection du travail pour le respect de la prévention de ce risque afin de compléter les outils déjà existants pour limiter la transmission du virus en entreprise.

A. Des recommandations et des sanctions déjà applicables aux entreprises pour prévenir les risques de transmission de la covid-19

1. Des recommandations régulièrement actualisées pour assurer la santé et la sécurité des salariés face à l'épidémie

Le ministère du travail publie depuis le début de la crise sanitaire des recommandations à destination des entreprises pour assurer la santé et la sécurité des salariés et limiter ainsi les risques de transmission du virus de la covid-19 en entreprise. Ces recommandations s'appuient sur l'évolution de la situation épidémique et sur l'expertise scientifique des autorités sanitaires afin que les employeurs appliquent un ensemble de mesures destinées à préserver la santé de leurs salariés. Elles prennent la forme de « questions/réponses » mises en ligne sur le site du ministère du travail ainsi que d'un protocole national régulièrement actualisé.

La dernière version du « protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l'épidémie de covid-19 », actualisée le 3 janvier 2022, recommande l'application d'un ensemble de mesures à adapter selon la situation et le fonctionnement de l'entreprise. Au titre de la protection des salariés, le protocole recommande aux employeurs d'assurer la distanciation des salariés, l'aération et la ventilation des locaux ou encore le port du masque.

Au titre de la distanciation physique , le protocole recommande ainsi de recourir, lorsque cela est possible, au télétravail : « le télétravail est un mode d'organisation de l'entreprise qui participe à la démarche de prévention du risque d'infection au SARS-CoV-2 et permet de limiter les interactions sociales aux abords des lieux de travail et sur les trajets domicile travail [...] . Dans les circonstances actuelles de circulation élevée du virus et de l'apparition du variant Omicron, les employeurs fixent à compter du 3 janvier et pour une durée de trois semaines, un nombre minimal de trois jours de télétravail par semaine, pour les postes qui le permettent . Lorsque l'organisation du travail et la situation des salariés le permettent , ce nombre peut être porté à quatre jours par semaine . »

Les recommandations en matière de télétravail ont été modifiées par rapport à la version précédente du protocole, datée du 8 décembre 2021, qui proposait que « les employeurs fixent dans le cadre du dialogue social de proximité, les modalités de recours à ce mode d'organisation du travail en veillant au maintien des liens au sein du collectif de travail et à la prévention des risques liés à l'isolement des salariés en télétravail. Dans ce cadre, et dans le contexte de reprise épidémique, la cible doit être de deux à trois jours de télétravail par semaine, sous réserve des contraintes liées à l'organisation du travail et à la situation des salariés. »

Bien que formulées de manière prescriptive, ces mesures ont valeur de simples recommandations pour guider l'employeur dans les actions qu'il doit engager pour assurer la santé et la sécurité de ses salariés.

La valeur juridique du protocole national a été précisée par le Conseil d'État. Saisi en référé, il a ainsi considéré dans une décision du 19 octobre 2020 15 ( * ) que ce protocole, dans sa version du 31 août 2020, constituait un « un ensemble de recommandations pour la déclinaison matérielle de l'obligation de sécurité de l'employeur dans le cadre de l'épidémie de covid-19 en rappelant les obligations qui existent en vertu du code du travail. »

À l'occasion d'une décision du 17 décembre 2020 16 ( * ) , le juge des référés du Conseil d'État a précisé, s'agissant de la version du protocole actualisée au 13 novembre 2020, que « si certains termes du protocole sont formulés en termes impératifs, [...] le protocole a pour seul objet d'accompagner les employeurs dans leurs obligations d'assurer la sécurité et la santé de leurs salariés au vue des connaissances scientifiques sur les modes de transmission du SARS-CoV-2 et n'a pas vocation à se substituer à l'employeur dans l'évaluation des risques et la mise en place des mesures de prévention adéquate dans l'entreprise. »

Ces recommandations s'inscrivent ainsi dans le cadre des obligations incombant à l'employeur en matière de santé et de sécurité des salariés.

2. Les obligations faites aux employeurs d'assurer la santé et la sécurité des salariés face à des situations de danger

L'employeur doit prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » 17 ( * ) . Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques, d'information, de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. Elles doivent être prises sur le fondement de principes généraux de prévention des risques professionnels 18 ( * ) et sur la base d'une évaluation par l'employeur des risques auxquels les salariés sont exposés 19 ( * ) .

En outre, aux termes de l'article L. 4221-1 du code du travail « les établissements et locaux de travail sont aménagés de manière à ce que leur utilisation garantisse la sécurité des travailleurs. / Ils sont tenus dans un état constant de propreté et présentent les conditions d'hygiène et de salubrité propres à assurer la santé des intéressés. »

Lorsque l'employeur ne respecte pas les principes généraux de prévention des risques ou qu'il enfreint l'obligation générale de santé et de sécurité et que ces manquements ont pour conséquence d'exposer les salariés à une situation dangereuse , l'autorité administrative peut, sur le rapport de l'inspection du travail, mettre en demeure l'employeur de prendre toute mesure utile pour remédier à cette situation 20 ( * ) .

Si au terme du délai d'exécution de la mise en demeure, l'inspection du travail constate que la situation dangereuse n'a pas cessé, elle peut dresser procès-verbal à l'employeur afin de constater les infractions commises 21 ( * ) . Ce procès-verbal peut être communiqué au procureur de la République afin que des poursuites soient engagées.

Dans ce cas, le juge peut ainsi infliger une sanction pénale à l'employeur : aux termes de l'article L. 4741-3 du code du travail, le fait pour l'employeur de ne pas s'être conformé aux mesures prises par l'autorité administrative est puni d'une amende de 3 750 euros.

B. L'ajout d'un régime de sanction administrative en cas de non-respect des mesures destinées à prévenir un risque de contamination des salariés

Le présent article entend compléter les règles applicables aux employeurs en matière de santé et de sécurité des salariés . Il crée, à titre dérogatoire, un régime de sanction administrative applicable en cas de situation dangereuse résultant d'un risque d'exposition des salariés à la covid-19 du fait du non-respect par l'employeur des principes généraux de prévention des risques professionnels 22 ( * ) .

Ce régime de sanction est circonscrit dans le temps et dans son objet : ne sont concernées que les situations dangereuses résultant d'un risque d'exposition à la covid-19 23 ( * ) et constatées jusqu'à une date déterminée par décret et au plus tard le 31 juillet 2022 24 ( * ) .

Dans ces situations, à l'expiration du délai d'exécution de la mise en demeure de l'employeur , l'autorité administrative pourra, sur le rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail et si des poursuites pénales ne sont pas engagées , prononcer une amende à l'encontre de l'employeur qui n'aura pas fait cesser la situation dangereuse constatée .

Le montant maximal de l'amende sera de 1 000 euros et pourra être appliqué autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par le manquement de l'employeur, dans la limite de 50 000 euros . Pour déterminer le montant de l'amende, l'autorité administrative prendra en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges 25 ( * ) .

Un recours hiérarchique contre la décision administrative de sanction pourra être formé devant le ministre chargé du travail , dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision. Ce recours sera suspensif et le silence gardé pendant plus de deux mois vaudra décision d'acceptation.

Par dérogation au premier alinéa de l'article L. 4723-1 du code du travail, les mises en demeure prononcées au regard d'une situation dangereuse résultant de l'exposition à la covid-19 ne seront pas susceptibles de recours hiérarchique . Un recours ne sera donc possible que contre la décision de sanction administrative qui sera prise après l'expiration du délai d'exécution de la mise en demeure.

II - La position de la commission

Depuis le début de la crise sanitaire, les employeurs se sont très largement mobilisés pour assurer la santé et la sécurité de leurs salariés face à l'épidémie de covid-19 , en adaptant le fonctionnement des entreprises et les modes d'organisation du travail aux nécessités de la lutte contre la propagation du virus. Parmi les mesures prises par les entreprises, le recours au télétravail s'est largement développé, devenant ainsi un mode d'organisation du travail majoritairement proposé par les employeurs : selon la Dares 26 ( * ) , au 31 juillet 2021, 15 % des salariés travaillent dans des entreprises où il est possible de télétravailler toute la semaine et 47 % des salariés travaillent dans une entreprise où il n'est pas possible de télétravailler plus d'un certain nombre de jours dans la semaine.

La publication par le ministère du travail de recommandations sanitaires s'avère fort utile pour les employeurs et suivie d'effets, grâce à l'accompagnement des partenaires sociaux et des services de l'inspection du travail. Les actualisations successives permettent d'adapter facilement les recommandations et les mesures prises en fonction des évolutions de l'épidémie.

Associées aux actions de contrôles renforcés de l'inspection du travail , pouvant déjà déboucher sur des sanctions pénales , ces recommandations ont montré leur utilité dans la gestion des risques sanitaires en entreprises . Comme l'indique ainsi l'exposé de l'amendement du Gouvernement dont est issu le présent article, la grande majorité des entreprises mettent en oeuvre de manière efficace les moyens de lutter contre la contamination par le virus. Il est ainsi estimé que sur plus de 500 mises en demeure notifiées par l'autorité administrative depuis mars 2020, plus de 90 % ont été suivies d'effets.

En conséquence, le rapporteur considère que le corpus de recommandations et d'obligations applicables aux employeurs est aujourd'hui satisfaisant pour assurer la santé et la sécurité des salariés face à l'épidémie , sans qu'il soit besoin de renforcer l'arsenal coercitif par la création d'un régime de sanction supplémentaire pour les entreprises.

Compte tenu des effets déjà constatés des recommandations et des contrôles, le dispositif proposé ne concernerait qu'un nombre très limité d'employeurs et son effectivité risquerait de se heurter aux moyens contraints des services de l'inspection du travail . Il apparaît donc disproportionné au regard des effets qu'il pourrait apporter pour lutter plus efficacement contre l'épidémie.

En outre, en s'appuyant sur le non-respect par l'employeur d'un ensemble de mesures destinées à prévenir les risques d'exposition à la covid-19, le dispositif proposé pourrait donner un large pouvoir d'appréciation à l'inspection du travail sur l'organisation de l'entreprise . Alors que le Gouvernement présente les recommandations en matière de télétravail comme des obligations incombant aux employeurs, les services de l'inspection du travail pourraient se fonder sur ces lignes directrices pour évaluer la situation des entreprises et s'immiscer dans leurs modes d'organisation. En ce sens, le dispositif proposé n'apparaît pas souhaitable pour le fonctionnement des entreprises qui doivent rester pleinement responsables de l'évaluation des risques professionnels et de l'édiction des mesures de prévention et de protection des salariés. Il est en outre source de potentiels contentieux devant le juge administratif qui ne sont pas de nature à améliorer l'efficacité des mesures de lutte contre l'épidémie.

Enfin, le rapporteur s'interroge sur la place d'un tel dispositif au sein de ce projet de loi au regard des dispositions de l'article 45 de la Constitution. En effet, l'institution d'un régime de sanction administrative applicable aux employeurs pour manquement à leurs obligations d'assurer la santé et la sécurité ne semble pas présenter de lien, même indirect, avec les dispositions du texte initial qui se bornait à conditionner l'accès à certaines activités à la détention d'un passe vaccinal, à faire évoluer les systèmes d'information consacrés à la lutte contre l'épidémie et à modifier le régime d'isolement et de contention.

Pour l'ensemble de ces raisons, le rapporteur n'est pas favorable au dispositif proposé par le présent article et a proposé à la commission, qui l'a adopté, un amendement tendant à le supprimer (amendement COM-115).

La commission propose à la commission des lois de supprimer cet article.

Article 1er bis
Prolongation de la prise en charge intégrale des téléconsultations

Cet article propose de prolonger le dispositif dérogatoire de prise en charge intégrale par l'assurance maladie des téléconsultations.

La commission propose à la commission des lois de modifier cet article afin de réserver l'exonération du ticket modérateur aux téléconsultations relevant d'un parcours de soins coordonnés ou liés à la covid-19.

I - Le dispositif proposé

A. Un recours massif aux téléconsultations facilité au début de la pandémie

1. Une mesure de préservation de l'accès aux soins à distance durant le premier confinement

La participation de l'assuré aux dépenses d'assurance maladie, ou « ticket modérateur » est prévue au premier alinéa du I de l'article L. 160-13 du code de la sécurité sociale.

Dans le contexte de la première vague de l'épidémie de covid-19 et du confinement particulièrement strict alors décidé, comme il y avait été habilité par la loi d'urgence du 23 mars 2020 27 ( * ) , le Gouvernement avait prévu par ordonnance 28 ( * ) la suppression de cette participation de l'assuré pour les actes réalisés en téléconsultation, les actes d'accompagnement de la téléconsultation, ainsi que pour les actes de télésoin, et ce à compter du 20 mars 2020.

Cette mesure a ensuite été prolongée jusqu'au 31 décembre 2020 29 ( * ) .

Le Gouvernement rappelle que les téléconsultations ont constitué non seulement une mesure de lutte contre la propagation de l'épidémie, en permettant un accès continu à la médecine de ville, y compris en période de confinement généralisé et dans les zones médicales sous-denses, mais aussi une mesure de simplification (facturation et paiement simplifiés) en permettant au médecin de réaliser une consultation même en l'absence de solution de paiement à distance pour ses patients.

Les actes réalisés en téléconsultation sont passés de 10 000 à 1 million par semaine au plus fort de la crise. Comme le souligne l'Assurance maladie, alors qu'en 2020, avec la crise sanitaire, l'activité des médecins généralistes a connu un recul par rapport à 2019, le recours à la téléconsultation a connu un essor et la proportion de téléconsultations a atteint un pic durant le premier confinement, représentant 29 % de l'ensemble de consultations des médecins généralistes 30 ( * ) .

Évolution hebdomadaire en 2020 du nombre de consultations
et de téléconsultations des médecins généralistes

Source : CNAM, rapport « charges et produits » 2022

2. Une reconduction de la prise en charge intégrale en loi de financement pour 2021

L'article 61 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 31 ( * ) a prévu le maintien des conditions dérogatoires de prise en charge en l'absence de solution technique opérationnelle .

Cet article a prolongé jusqu'au 31 décembre 2021 la prise en charge à 100 % par l'assurance maladie obligatoire des actes réalisés en téléconsultation pour tous les assurés.

L'intention était alors de faciliter l'accès à ces actes pour les assurés et les médecins en simplifiant les modalités de paiement à distance et le recours au tiers payant intégral et de « laisser le temps aux partenaires conventionnels de redéfinir les conditions de recours à cette pratique et aux professionnels de santé de s'équiper des outils et solutions techniques permettant sa gestion dans le droit commun ». En effet, était alors soulignée l'insuffisante couverture des médecins par une fonctionnalité dite « droits AMC » intégrée, permettant une prise en charge directement opérationnelle pour les assurés.

Dans son rapport « charges et produits » de juillet 2020, la Cnam préconisait ainsi le maintien de cette prise en charge à 100 %, à titre seulement ponctuel et transitoire : « la prolongation pour une durée limitée de la prise en charge à 100 % des téléconsultations [...] ne saurait s'envisager durablement sauf à pouvoir démontrer qu'une téléconsultation justifierait d'une meilleure prise en charge par la sécurité sociale qu'une consultation présentielle, ce qui ne semble pas avéré d'un point de vue médical. Pour autant, le maintien pendant au moins une année de ce dispositif faciliterait, à travers la facilitation du recours au tiers payant intégral, l'exercice de la téléconsultation par certains professionnels qui ne se sont pas déjà abonnés à des plateformes de service leur mettant à disposition des outils de paiement en ligne. »

Évolution du nombre de téléconsultations, 2017-février 2021

Source : Cour des comptes, d'après données du SNDS

Si l'activité de téléconsultation a baissé après la première vague de l'épidémie, elle est depuis l'automne 2021 très au-dessus des niveaux antérieurs à 2020.

Évolution du nombre de téléconsultations entre janvier et novembre 2021

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les données transmises par la CNAM

Comme le souligne le Gouvernement, des négociations ont abouti en septembre 2021 à la signature de l'avenant n° 9 à la convention médicale , permettant d'assouplir les conditions conventionnelles de recours à la consultation.

B. Une prolongation proposée jusqu'à la fin du mois de juillet 2022 au plus tard

Malgré l'adoption de l'avenant précité, le Gouvernement estime que « dans le contexte de reprise épidémique, il apparait nécessaire de prolonger la prise en charge intégrale de la téléconsultation par l'assurance-maladie au-delà du 31 décembre 2021 » 32 ( * ) . Selon lui, « cette prise en charge facilitera en effet le recours aux soins, sans reste-à-charge pour les assurés, tout en permettant aux professionnels de santé de continuer à développer cette pratique sans complexité de gestion excessive pour eux, liée au recouvrement de la participation des assurés ».

Le présent article modifie ainsi l'article 61 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Alors que la rédaction actuelle prévoyait une exonération de ticket modérateur jusqu'au 31 décembre 2021 pour les actes de téléconsultation , la participation de l'assuré sera désormais supprimée jusqu'à une date fixée par décret et, au plus tard, jusqu'au 31 juillet 2022 .

II - La position de la commission

L'exonération de ticket modérateur a été une mesure de simplification pertinente durant les premiers temps de la crise sanitaire , permettant de maintenir un nécessaire accès aux soins, particulièrement au plus fort du premier confinement et alors que certains patients craignaient de se rendre dans un cabinet médical de peur de s'exposer à une possible contamination.

Cependant, le rapporteur estime que la justification de cette dérogation, dont la charge financière est assumée par l'assurance maladie obligatoire, est aujourd'hui affaiblie .

En effet, la commission considère qu'alors que l'avenant à la convention médicale a été adopté, le moment est venu d'entrer progressivement dans le droit commun . Le rapporteur souligne à ce titre que la fin de l'exonération du ticket modérateur ne se traduira pas, pour la majorité des assurés, par un reste à charge majoré, leur assurance complémentaire pouvant prendre en charge le ticket modérateur.

Un coût de l'ordre de 5,5 millions d'euros par mois

Si le coût de cette mesure n'a pas été précisé, il devrait être a priori limité. Pour rappel, d'après les indications de la direction de la sécurité sociale, les dépenses de téléconsultations pour l'assurance maladie obligatoire de mars jusqu'à fin septembre 2020 s'établissaient à 326 millions d'euros, dont un surcoût lié à la prise en charge à 100 % par l'AMO (ticket modérateur) évalué à 72 millions d'euros.

Pour 2021 , l'étude d'impact du PLFSS 2021 identifiait le coût de cette mesure à 65 millions d'euros avec l'hypothèse d'un volume plus faible que celui constaté sur la période 2020 précédemment citée, soit de 250 000 téléconsultations par semaine , calé sur celui identifié en post-confinement.

Selon les données transmises par la CNAM au rapporteur, le coût global des téléconsultations s'est élevé sur la période de janvier à novembre 2021 à près de 313 millions d'euros .

Le Gouvernement indique en réponse au questionnaire du rapporteur que, estimé à 54,5 millions d'euros de janvier à septembre 2021 33 ( * ) , le surcoût pour l'Assurance maladie devrait s'élever pour la prolongation proposée à 5,5 millions d'euros par mois, soit 38,5 millions d'euros en cas de prolongation jusqu'au 31 juillet 2022 . Ce surcoût est, selon le Gouvernement, fortement dépendant de l'évolution de l'épidémie.

Par ailleurs, l'incitation à recourir préférablement à la téléconsultation est aujourd'hui moins fondée : si la téléconsultation peut participer d'une réduction des déplacements et donc éventuellement réduire les contacts à risque de propagation du virus, le nombre de patients recourant à une téléconsultation faute de pouvoir effectivement se rendre chez leur professionnel de santé est cependant largement réduit par rapport au contexte de l'année 2020 alors qu'aucune mesure de confinement n'est à ce jour envisagée.

En outre, la Cour des comptes, qui a récemment analysé cette exonération pratiquée depuis 2020 constatait que « les téléconsultations qui se sont multipliées pendant la crise sanitaire sont essentiellement des actes de substitution aux consultations réalisées habituellement en présentiel, non ciblés sur les publics ou les zones pour lesquels l'accès aux soins doit être amélioré ». La Cour préconisait ainsi dans son rapport sur les lois de financement de la sécurité sociale (RALFSS) pour 2021 34 ( * ) de « mettre fin à la prise en charge à 100 % » et d'« élaborer un plan de contrôle a posteriori de la facturation de ces actes ».

Enfin, le rapporteur constate que cette mesure a suscité l'opposition de l'union nationale des complémentaires santé (Unocam) qui estime cette mesure non justifiée et souligne que les complémentaires assurent le cofinancement depuis le 1 er janvier 2022.

• Dans l'urgence, cette mesure apparaît cependant acceptable sous condition.

Au regard de l'incertitude entourant la reprise de la crise sanitaire, la commission soutient la prolongation temporaire de l'exonération de ticket modérateur pour les téléconsultations.

Cependant, cette mesure ne doit aujourd'hui plus se justifier par des lacunes techniques des praticiens mais bien par un soutien à l'accès aux soins. Aussi, souhaitant engager un meilleur encadrement du recours aux consultations à distance , à terme nécessaire, elle a souhaité limiter cette exonération aux actes s'inscrivant dans un parcours de soins coordonné ou liés à l'épidémie de covid-19 (amendement COM-116) .

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 1er quater
Prolongation de l'application de l'aide aux médecins conventionnés affectés par les déprogrammations de soins

Cet article propose de prolonger le dispositif d'aide aux médecins libéraux exerçant en établissement de santé privé dont l'activité serait affectée par l'épidémie de covid-19 au premier semestre 2022.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

A. Un soutien aux médecins libéraux face aux déprogrammations dans les établissements de santé

Habilité par la loi d'urgence du 23 mars 2020 35 ( * ) , le Gouvernement a pris par ordonnance 36 ( * ) différentes mesures de soutien aux professionnels de santé dont l'activité a été touchée par l'épidémie de covid-19, notamment du fait du confinement et de la baisse de fréquentation des cabinets en ville.

L'article 4 de la loi de financement pour 2022 37 ( * ) a complété ces aides par un nouveau dispositif exceptionnel dédié aux professionnels de santé libéraux, complétant l'ordonnance du 2 mai 2020 par un article 1 er ter . Le II de ce dernier article prévoit ainsi une aide à destination des médecins libéraux affectés par la répétition des déprogrammations au second semestre de l'année 2021 , soit la période du 1 er juillet au 31 décembre 2021. Un niveau minimal d'honoraires est ainsi garanti afin de compenser la baisse de revenus.

Pour être éligibles, les médecins libéraux doivent être conventionnés 38 ( * ) , exercer dans un établissement de santé privé et satisfaire aux trois conditions cumulatives suivantes :

- leur activité, en raison de sa nature particulière, a subi une baisse significative par rapport à une activité normale ;

- l'activité de l'établissement dans lequel ils exercent a été significativement impactée à des fins de maîtrise de l'épidémie de covid-19 ;

- la région dans laquelle est situé l'établissement a connu une tension hospitalière soutenue.

B. Une prolongation du dispositif pour le premier semestre 2022

Cet article additionnel a été inséré lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, au stade de la commission.

Comme le précise le Gouvernement dans l'exposé des motifs de son amendement, « certains établissements de santé privés ont de nouveau été contraints de déprogrammer les soins dits "non urgents", conduisant ainsi à une baisse d'activité marquée de certains médecins intervenant dans ces établissements ». Ces établissements de santé privés risquent selon lui d'être encore mobilisés en 2022 pour la prise en charge de patients dans le cadre de l'épidémie de covid-19.

En vue « d'accompagner la pleine mobilisation de tous les établissements de santé privés » situés dans les régions impactées par une forte remontée des taux d'incidence covid-19 et une tension hospitalière soutenue, le Gouvernement entend prolonger le dispositif d'aide adopté en LFSS pour 2022, pour une période à préciser et n'excédant par le premier semestre de l'année en cours .

Pour ce faire, le présent article modifie l'article 1 er ter de l'ordonnance précitée.

Le deuxième alinéa étend la période durant laquelle les médecins ont vu leur activité affectée par des déprogrammations, celle-ci courant désormais « à partir » du second semestre 2021 et non plus au cours de celui-ci seulement.

Le troisième alinéa reporte le terme de la période durant laquelle la baisse de revenus est compensée. Le nouveau terme, qui demeurera fixé par décret, ne pourra excéder la date du 30 juin 2022.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté ce dispositif, modifié d'un amendement rédactionnel.

II - La position de la commission

La commission, qui a constamment adopté les initiatives visant à soutenir les professionnels de santé dont l'activité a pu être affectée durant la crise, approuve ce dispositif.

Cependant, alors que la commission des affaires sociales avait, lors de l'examen du PLFSS pour 2022 et du dispositif initial, interrogé le Gouvernement sur le coût pour l'Assurance maladie de ce dispositif 39 ( * ) introduit à l'Assemblée nationale, aucune réponse ne lui avait été apportée.

À nouveau sollicité sur ce point dans le cadre de l'examen de ce texte, le Gouvernement a précisé que « compte tenu de l'évolution de l'épidémie au troisième trimestre 2021, le dispositif n'a pas été activé à cette période. Le coût pour 2021 serait donc concentré sur le mois de décembre en raison de la cinquième vague. Par analogie avec un dispositif similaire mis en place en 2021 pour les déprogrammations, le coût pour 2021 peut être estimé à environ 5 millions d'euros ». Le Gouvernement estime cependant que le coût de cette prolongation est trop difficile à évaluer.

La CNAM a indiqué à votre rapporteur que les avances d'ores et déjà versées au titre des dispositifs d'indemnisation pour perte d'activité (DIPA) . Pour les DIPA déprogrammation, c'est-à-dire DIPA 2 (16 octobre 2020 au 31 décembre 2020) et DIPA 4 (mars à juin 2021), sont d'environ de 32 millions d'euros (16 millions d'euros pour chacun des DIPA 2 et 4) et les montants totaux estimés dans le télé-service sont de 47 millions d'euros (22 millions d'euros pour DIPA 2 et 25 millions d'euros pour DIPA 4), les montants définitifs seront connus en 2022.

Au-delà des déprogrammations, le dispositif d'indemnisation des professionnels de santé libéraux au cours du printemps 2020 (DIPA 1 de mi-mars à fin juin) représente un coût définitif d'1,3 milliard d'euros et les avances versées du DIPA Montagne (DIPA 3) s'élèvent à 2 millions d'euros. Enfin, le versement du DIPA pour les médecins remplaçants est en cours.

En outre, le rapporteur constate qu' alors qu'un décret doit préciser les conditions d'application de l'article 1 er ter, celui-ci n'a à ce jour pas été publié et le Parlement est donc appelé à prolonger un dispositif dont les modalités réglementaires n'ont pas été définies.

Enfin, la commission émet deux réserves sur cet article :

- d'une part, le rapporteur constate que ces dispositions sont proposées le 3 janvier 2022, soit dix jours après la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 . Sans pouvoir anticiper l'impact réel du variant Omicron sur le système de santé, le Gouvernement aurait tout à fait pu, par précaution, prévoir au sein de l'article 4 une date butoir excédant le 31 décembre 2021 ;

- d'autre part, la commission s'interroge sur la place de cet article dans ce texte . En effet, le lien de celui-ci avec les dispositions du texte déposé apparaît particulièrement distant et cet article pourrait être reconnu comme un cavalier législatif et donc contraire à l'article 45 de la Constitution par le Conseil constitutionnel si celui-ci était saisi.

Sous ces réserves, la commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 1er quinquies A
Prolongation de la dérogation aux règles de cumul emploi-retraite pour les soignants

Cet article propose de prolonger la dérogation aux règles de cumul emploi-retraite pour les soignants reprenant une activité durant la crise sanitaire.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

À l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté en séance publique un amendement portant article additionnel aux termes duquel la dérogation aux règles de cumul emploi-retraite pour les soignants est prolongée au moins jusqu'en avril 2022.

A. Un cumul emploi-retraite des soignants prévu dès 2020

1. Dans le droit commun, un encadrement du cumul emploi-retraite

L'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale encadre le cumul d'une activité avec le service d'une pension.

Les revenus générés sont limités par l'application d'un écrêtement sur la pension et ce cumul est soumis à un délai de carence si l'activité a lieu chez le dernier employeur. Les vacations des médecins et infirmiers dans des établissements de santé font notamment partie des cas de cumuls encadrés.

Un cumul entier est permis sous réserve des conditions d'âge ou de durée d'assurance permettant l'accès au « taux plein », sous réserve de liquidation des pensions de tous les régimes de l'assuré.

Concernant les fonctionnaires hospitaliers, les règles du cumul sont prévues aux articles L. 84 et suivants du code des pensions civiles et militaires, avec des plafonds de revenus possibles pouvant également être levés dans certain cas.

2. Au début de la pandémie, une dérogation en vue de simplifier la mobilisation des soignants retraités durant l'état d'urgence sanitaire

Afin de favoriser le retour temporaire en emploi de personnels soignants retraités (aide-soignant, infirmier, médecin, pharmacien, notamment) dans le contexte de l'épidémie de covid-19, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) avait décidé en mars 2020, à titre dérogatoire et de manière temporaire, de permettre un cumul emploi-retraite total, sans condition, et de supprimer le délai de carence de six mois dans le cas d'une activité chez son ancien employeur.

Le Gouvernement a ensuite donné instruction à l'ensemble des caisses concernées d'appliquer ces dérogations.

À l'initiative de la commission des affaires sociales, le Sénat avait adopté un article additionnel au troisième projet de loi d'urgence afin de donner une base légale claire à cette pratique, devenu l'article 14 40 ( * ) .

3. Une validation en LFSS 2022 de la pratique dérogatoire poursuivie en 2021

Par différentes instructions ou lettres ministérielles 41 ( * ) , le Gouvernement a reconduit une dérogation identique à partir d'octobre 2020, étendue aux fonctionnaires territoriaux et à l'ensemble des professionnels de santé.

Le Parlement a validé a posteriori ces mesures en loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, à son article 3, couvrant rétroactivement une période allant du mois d'octobre 2020 jusqu'au 31 décembre 2021 .

D'après l'étude d'impact du PLFSS pour 2022, 2 366 assurés étaient estimés éligibles au dispositif, dont seulement 200 ayant spécifiquement repris une activité en qualité de renfort . Le coût de la mesure, sur la période précitée, était évalué à 28,8 millions d'euros.

B. Une prolongation proposée pour une partie au moins de l'année 2022

Le I reprend le dispositif expiré au 31 décembre 2021. Ainsi, par dérogation aux règles de droit commun, il n'est pas fait application des dispositions relatives aux plafonds et délais de carence concernant le cumul d'une pension de retraite liquidée au titre d'un régime de base légalement obligatoire et d'une activité reprise ou poursuivie en qualité de professionnel de santé .

L'ensemble des professionnels de santé mentionnés au sein de la quatrième partie du code de la santé publique sont concernés, notamment :

- les professions médicales , à savoir médecin, chirurgien-dentiste et sage-femme ;

- les professions de la pharmacie , à savoir pharmacien, préparateur en pharmacie et physicien médical ;

- les professions paramédicales ou auxiliaires médicaux , à savoir infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, ergothérapeute, psychomotricien, orthophoniste et orthoptiste, manipulateur d'électroradiologie médicale, technicien de laboratoire médical, audioprothésiste, opticien-lunetier, prothésiste, orthésiste pour l'appareillage des personnes handicapées, diététicien, et enfin les aides-soignants, auxiliaires de puériculture, ambulanciers et assistants dentaires.

Cette nouvelle dérogation est ouverte du 1 er janvier 2022 - et voit donc une application rétroactive - au 30 avril 2022 .

Le II laisse au Gouvernement la possibilité d'une prolongation jusqu'au 31 juillet 2022 . Cette période complémentaire doit être décidée par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la sécurité sociale et doit être justifiée par les conséquences de la crise sanitaire sur le système de santé.

Le III prévoit l'application dudit dispositif au régime de retraite obligatoire de base de Mayotte 42 ( * ) .

II - La position de la commission

La commission des affaires sociales a soutenu dès le début de la crise sanitaire l'ensemble des mesures facilitant la mobilisation des soignants, y compris des soignants retraités, pour soutenir le système de soins face à la pandémie. C'est à son initiative que la première validation des dérogations aux règles de cumul emploi-retraite avaient été adoptées en juin 2020 et la commission a maintenu sa position en soutenant l'adoption de l'article 3 du PLFSS pour 2022.

Concernant la nouvelle prolongation proposée, la commission partage l'intention de renouveler ces dérogations qui, si elles ne concernent que très peu de soignants, sont une mesure de justice en faveur de retraités rejoignant un l'effort collectif dans un contexte de fort épuisement des soignants.

Il convient également de rappeler que cette mesure, qui permet une rémunération de l'activité exercée sans préjudice sur le niveau de la pension, n'a pas d'impact fiscal : les revenus d'activité perçus sont soumis aux règles d'imposition classiques.

Cependant, la commission émet deux réserves sur cet article :

- d'une part, le rapporteur constate que ces dispositions sont proposées le 3 janvier 2022, soit dix jours après la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 . Le Gouvernement aurait tout à fait pu, par précaution, prévoir cette prolongation éventuelle au sein de l'article 3 ;

- d'autre part, la commission s'interroge sur la place de cet article dans ce texte . En effet, le lien de celui-ci avec les dispositions du texte déposé apparaît particulièrement distant et cet article pourrait être reconnu comme un cavalier législatif et donc contraire à l'article 45 de la Constitution par le Conseil constitutionnel si celui-ci était saisi.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article avec modification.

Article 1er sexies
Prolongation de la base légale de la garantie de financement des établissements de santé

Cet article propose de permettre la reconduction pour le premier semestre de l'année 2022 de la garantie de financement des établissements de santé.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article corrigé d'une erreur de référence.

I - Le dispositif proposé

A. Une garantie mise en place au plus tôt de la crise sanitaire

Habilité par la loi d'urgence du 23 mars 2020 43 ( * ) , le Gouvernement a prévu par ordonnances 44 ( * ) dès le 25 mars 2020 un dispositif de garantie de financement des établissements de santé pour faire face à l'épidémie de covid-19.

Aux termes de celle-ci, « pendant la période concernée, lorsque les recettes issues de leur activité sont inférieures au montant du niveau de cette garantie pour une période d'un mois, les établissements bénéficient du versement d'un complément de recettes leur permettant d'atteindre ce niveau ».

Initialement prévu pour une durée « d'au moins trois mois se terminant au plus tard en 2021 », le dispositif a été mis en oeuvre et à plusieurs reprises prolongé par arrêtés ministériels 45 ( * ) , finalement jusqu'au butoir prévu par l'ordonnance précitée, soit jusqu'au 31 décembre 2021. Sont ainsi concernés les soins de mars 2020 à décembre 2021.

Cette garantie concerne l'ensemble des activités réalisées par l'ensemble des établissements de santé et actuellement financées pour tout ou partie sur la base de la production d'activité et couvre :

- l'activité de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie, dite « MCO » (y compris l'hospitalisation à domicile) des établissements de santé ;

- l'activité de psychiatrie et l'activité de soins de suite (SSR) et de réadaptation facturées directement à l'assurance maladie par les établissements sous objectif quantifié national ;

- la dotation modulée à l'activité pour le SSR.

Comme le rappelle le Gouvernement, cette garantie poursuivait trois objectifs :

- à très court terme, éviter toute rupture de trésorerie ;

- sécuriser les financements des établissements et leur donner de la visibilité budgétaire ;

- leur permettre de se consacrer pleinement à la prise en charge des patients.

En 2020, le dispositif a bénéficié à 92 % des établissements publics de santé (EPS), 82 % des établissements de santé privés d'intérêt collectif (ESPIC), 64 % des établissements à but lucratif (EBL) et 68 % des centres de lutte contre le cancer (CLCC) pour un montant global, correspondant à l'écart entre garantie de financement et valorisation de l'activité, de 3,4 milliards d'euros en 2020 .

Source : Réponse du ministère des solidarités et de la santé au questionnaire du rapporteur

B. Une nouvelle possibilité de reconduction pour le premier semestre de l'année 2022

Alors que la base légale de cette garantie de financement s'éteint au 31 décembre 2021, le Gouvernement souhaite avoir la possibilité prolonger le dispositif de la garantie de financement selon l'évolution de la crise sanitaire. Cet article additionnel a été inséré lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, au stade de la commission.

Ainsi, le dispositif reprend de manière quasi identique l'article 1 er de l'ordonnance du 25 mars 2020 précitée.

Le premier alinéa prévoit la possibilité d'une garantie de financement pour l'ensemble des établissements de santé, par dérogation aux règles de droit commun prévues au sein du code de la sécurité sociale .

La finalité de cette garantie demeure la lutte contre l'épidémie de covid-19 et le niveau de cette garantie reste déterminé au regard du volume d'activité et des recettes antérieurs de l'établissement . Le principe est également inchangé : en cas de recettes liées à l'activité inférieures au niveau de la garantie, un complément est versé à l'établissement .

Le même premier alinéa fixe enfin la date limite pour cette nouvelle possibilité de garantie au 30 juin 2022 .

Cet alinéa comporte cependant une référence à l'article L. 162-22-1 du code de la sécurité sociale , relatif aux activités de psychiatrie et abrogé au 1 er janvier 2022 qu'il conviendra de supprimer .

Le deuxième alinéa conserve l'application adaptée des dispositions de droit commun concernant la tarification des établissements.

Le troisième alinéa renvoie à nouveau à un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale les contours de cette garantie ainsi que la charge de son financement par les régimes obligatoires d'assurance maladie .

Il convient de souligner que le présent article ne vise donc pas à reconduire la garantie de financement mais se borne à donner au Gouvernement la faculté d'y procéder au cours du premier semestre 2022 .

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté cet article modifié par trois amendements rédactionnels.

II - La position de la commission

Alors que le contexte sanitaire particulièrement incertain conduit à nouveau à un bouleversement de l'activité des établissements de santé , cette disposition apparaît une sécurisation bienvenue , même si le Gouvernement n'est pour le moment pas en mesure de répondre sur le montant que représenterait la compensation nécessaire sur la période de prolongation .

Cependant, le rapporteur estime que l'éventualité de nouvelles garanties de financement pour une partie au moins de l'année 2022 fait courir des incertitudes importantes sur la conduite des réformes en cours relatives au financement des établissements de santé .

La commission avait déjà interpellé le Gouvernement durant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale sur le contexte sanitaire 46 ( * ) , émettant des réserves sur le caractère crédible d'une mise en oeuvre au 1 er janvier 2022 des réformes initiées ou poursuivies en matière de financement des établissements de santé, et ce alors que des reports avaient déjà été prévus en loi de financement pour 2021 47 ( * ) , du fait justement des garanties de financement appliquées en 2020 et 2021.

Le rapporteur constate ainsi que la prudence de la commission, que le Gouvernement n'avait alors malheureusement pas partagée, était justifiée . Aussi, elle regrette que de telles dispositions doivent être adoptées dans un texte d'urgence, quand, affectant les dépenses des régimes d'assurance maladie, elles auraient utilement figuré dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale . Sans reprocher au Gouvernement de n'avoir pu estimer les conséquences précises du variant Omicron, le rapporteur souligne que le manque de précaution de l'exécutif le conduit à déposer le 3 janvier 2022 une mesure qui aurait dû se trouver dans la LFSS promulguée le 24 décembre 2021, soit dix jours auparavant.

Interrogé sur ce point, le ministère des solidarités et de la santé a indiqué que si cette prolongation n'est pas censée avoir d'impact sur les réformes du financement des activités de psychiatrie ou du ticket modérateur à l'hôpital, elle pourrait en avoir un concernant le financement expérimental des activités de médecine par une dotation socle pour les établissements volontaires doit entrer en vigueur en 2022 : « dans le contexte de poursuite au premier semestre de la garantie de financement, l'entrée en vigueur de cette réforme devra être reportée à l'issue de la période de garantie ».

La commission formule enfin une réserve sur la place de cet article dans ce projet de loi : en effet, le lien de celui-ci avec les dispositions du texte déposé apparaît particulièrement distant et cet article pourrait être reconnu comme un cavalier législatif et donc contraire à l'article 45 de la Constitution par le Conseil constitutionnel si celui-ci était saisi.

Sous ces réserves, la commission propose à la commission des lois d'adopter cet article modifié par l'amendement COM-117 du rapporteur visant à corriger l'erreur de référence signalée.

Article additionnel après 1er sexies
Transmission trimestrielle des états de dépenses d'assurance maladie

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet amendement portant article additionnel prévoyant la transmission trimestrielle de l'état des dépenses d'assurance maladie en précisant les surcoûts liés à la crise sanitaire et particulièrement aux mesures de lutte contre l'épidémie.

I - Un objectif national de dépenses d'assurance maladie construit sur des hypothèses optimistes

• La loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 48 ( * ) et l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) comprenaient une provision au titre des dépenses covid de l'ordre de 4,9 milliards d'euros en 2022 49 ( * ) .

Comme l'a indiqué la direction générale de la santé à la rapporteure pour l'assurance maladie, les deux grandes hypothèses retenues dans la construction du PLFSS 2022 au regard de l'épidémie de covid-19 sont les suivantes :

- une campagne de rappel pour l'ensemble de la population ;

- une campagne de vaccination pour les enfants de 3 ans à 12 ans .

Cette provision intègre la prise en charge par l'assurance maladie de la campagne de vaccination et des achats de vaccins pour 3,3 milliards d'euros . Ces crédits permettent ainsi notamment :

- de couvrir l'achat de vaccins en vue des campagnes de rappel à venir ainsi que de diversifier le portefeuille vaccinal estimé à 2,25 milliards d'euros avec les données à date ;

- de couvrir les coûts de la campagne vaccinale Covid 2022 à hauteur de 0,7 milliard d'euros ;

- de verser une provision à Santé publique France à hauteur de 0,35 milliard d'euros (acquisition de matériels d'injection, renouvellement et constitution de stocks, système d'information, réserve sanitaire notamment).

Cette provision comprend en outre le coût des tests-PCR et antigéniques remboursés sur prescription aux personnes malades et cas contacts pour un montant d'1,6 milliard d'euros.

II - Le dispositif proposé

La reprise épidémique due au variant Delta puis au variant Omicron remet en question les hypothèses de construction de l'Ondam 2022 . Notamment, la consommation particulièrement importante de tests de dépistage depuis la mi-décembre 2021, qui se poursuit au début de l'année 2022, majorera la dépense anticipée relative aux tests.

Surtout, la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal , avec une réduction des délais d'accès à la dose de rappel ou de limite de validité des certificats, doit conduire à une sollicitation renforcée de la vaccination, mais aussi éventuellement des tests de dépistage, notamment pour les éventuels cas d'exigence de passe vaccinal assorti d'un test négatif . L'impact financier pour l'assurance maladie de ce nouveau dispositif, non négligeable, n'est pour autant pas estimé pour le moment.

Depuis 2020, sans que ne soit déposé de projet de loi de financement rectificative, l'Ondam a été dépassé, avec une dépense supérieure de plus de 12 milliards d'euros à la prévision en 2021. Alors que l'article 115 de la LFSS pour 2022 a suspendu la mission de préconisation de mesures de redressement par le Comité d'alerte de l'Ondam en cas de dépassement de la trajectoire de dépenses, la commission des affaires sociales avait souhaité renforcer l'information du Parlement concernant les dépenses liées à la crise sanitaire 50 ( * ) .

Alors que la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal aura un impact financier certain, la commission des affaires sociales souhaite en suivre l'effet sur les dépenses d'assurance maladie.

En conséquence, la commission a adopté l'amendement COM-118 du rapporteur visant à créer un article additionnel afin de prévoir la transmission trimestrielle aux commissions des affaires sociales d'un état prévisionnel des dépenses d'assurance maladie, assorti des écarts à la trajectoire qui résulte de l'Ondam voté et, le cas échéant, d'une explicitation de ces écarts liés au contexte sanitaire ou aux mesures de lutte contre l'épidémie .

La commission propose à la commission des lois d'adopter un article additionnel ainsi rédigé.

Article 1er octies
Possibilité de report des visites médicales prévues dans le cadre du suivi individuel de l'état de santé des travailleurs

Cet article, inséré en séance par l'Assemblée nationale, prévoit que certaines visites médicales devant être effectuées dans le cadre du suivi de l'état de santé des travailleurs entre le 15 décembre 2021 et le 31 juillet 2022 au plus tard peuvent être reportées, sauf lorsque le médecin du travail les estime indispensables.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article avec des modifications visant à limiter le dispositif aux visites médicales n'ayant pas fait l'objet d'un précédent report et à reporter l'entrée en vigueur de la visite de mi-carrière.

I - Le dispositif proposé : un nouvel aménagement des missions des services de santé au travail

A. Les aménagements déjà autorisés depuis le début de la crise sanitaire

1. La mobilisation des services de santé au travail dans la lutte contre l'épidémie de covid-19

Depuis le début de la crise sanitaire, les services de santé au travail (SST) ont été chargés par ordonnance de participer à la lutte contre la propagation de la covid-19 , notamment par :

- la diffusion, à l'attention des employeurs et des salariés, de messages de prévention contre le risque de contagion ;

- l'appui aux entreprises dans la définition et la mise en oeuvre des mesures de prévention adéquates contre ce risque et dans l'adaptation de leur organisation de travail aux effets de la crise sanitaire ;

- la participation aux actions de dépistage et de vaccination définies par l'État 51 ( * ) .

Par ailleurs, à titre dérogatoire, le médecin du travail a pu prescrire et, le cas échéant, renouveler des arrêts de travail en cas d'infection ou de suspicion d'infection à la covid-19. Il a également pu établir des certificats médicaux pour les salariés vulnérables en vue de leur placement en activité partielle. Le médecin du travail et, sous sa supervision, d'autres professionnels de santé des SST ont enfin pu prescrire et réaliser des tests de détection du SARS-CoV-2 52 ( * ) .

La loi « Vigilance sanitaire » du 10 novembre 2021 a prorogé ces aménagements jusqu'au 31 juillet 2022 53 ( * ) .

2. Le report de visites médicales non prioritaires

Pour permettre aux SST d'absorber ce surcroît exceptionnel d'activité, certaines visites médicales relevant du suivi individuel de l'état de santé des travailleurs ont pu être reportées lorsqu'elles ne présentaient pas de caractère prioritaire .

Une ordonnance du 1 er avril 2020 54 ( * ) a ainsi autorisé le report des visites médicales qui devaient être réalisées à compter du 12 mars 2020 jusqu'au 31 décembre 2020 au plus tard, sauf lorsque le médecin du travail estimait indispensable de maintenir la visite compte tenu notamment de l'état de santé du travailleur ou des caractéristiques de son poste de travail.

Étaient concernés :

- la visite d'information et de prévention initiale ainsi que son renouvellement 55 ( * ) ;

- le renouvellement de l'examen d'aptitude et la visite intermédiaire prévus dans le cadre du suivi individuel renforcé des travailleurs affectés à des postes présentant des risques particuliers 56 ( * ) .

En revanche, n'ont pu faire l'objet d'aucun report :

- la visite d'information et de prévention initiale concernant les travailleurs handicapés, les travailleurs âgés de moins de dix-huit ans, les titulaires d'une pension d'invalidité, les femmes enceintes, venant d'accoucher ou allaitantes, les travailleurs de nuit ou les travailleurs exposés à des champs électromagnétiques ;

- l'examen d'aptitude initial dans le cadre du suivi individuel renforcé ;

- le renouvellement de l'examen d'aptitude pour les travailleurs exposés à certains rayons ionisants.

Par ailleurs, le médecin du travail n'était pas tenu d'organiser la visite de préreprise des travailleurs en arrêt de travail pendant plus de trois mois lorsque la reprise du travail devait intervenir avant le 31 août 2020 57 ( * ) .

De la même manière, une ordonnance du 2 décembre 2020 58 ( * ) a permis le report dans le délai d'un an au maximum des visites médicales non prioritaires dont l'échéance devait intervenir avant le 30 septembre 2021 59 ( * ) . Les visites médicales reportées en application de l'ordonnance du 1 er avril 2020 précitée et qui n'ont pu être réalisées avant le 4 décembre 2020 ont pu être à nouveau reportées dans les mêmes conditions.

Il convient de relever que, si les ordonnances du 1 er avril et du 2 décembre 2020 mentionnent l'article L. 4624-2-1 du code du travail relatif à la visite de fin de carrière, cette mention a été dépourvue d'effet en l'absence de décret d'application de cet article.

3. Des délégations de tâches exceptionnelles

À titre exceptionnel, jusqu'au 29 septembre 2021, le médecin du travail a été autorisé à confier sous sa responsabilité à un infirmier en santé au travail, dans le cadre d'un protocole écrit, certaines tâches qui lui sont normalement réservées 60 ( * ) :

- la visite de préreprise des travailleurs en arrêt de travail pendant plus de trois mois ;

- la visite de reprise après un congé de maternité, une absence pour cause de maladie professionnelle ou une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail ou de maladie, sauf pour les travailleurs faisant l'objet d'un suivi individuel renforcé.

Lorsqu'il l'estime nécessaire pour tout motif, l'infirmier oriente le travailleur vers le médecin du travail qui réalise alors sans délai la visite de préreprise ou de reprise.

B. Une nouvelle possibilité de report des visites non prioritaires

Introduit en séance publique à l'Assemblée nationale par un amendement du Gouvernement, l'article 1 er octies prévoit que les visites médicales jugées non indispensables par le médecin du travail peuvent à nouveau faire l'objet d'un report dans les conditions définies par un décret en Conseil d'État.

L'objectif de ce nouvel aménagement des missions des SST est de permettre la mobilisation de ces services dans la stratégie nationale de vaccination contre la covid-19 . Aux termes de la circulaire du 22 décembre 2021 relative au renforcement de la vaccination anti-covid-19 auprès des salariés, chaque SST est ainsi invité à définir et à déployer un plan d'action vaccinal visant à « proposer de façon systématique la vaccination lors des visites ou examens de santé au travail » et à « planifier des séances de vaccination chaque semaine au sein du SPST 61 ( * ) ou en milieu professionnel ».

Deux régimes de report sont prévus à cet effet par l'article 1 er octies :

- pour les visites médicales dont l'échéance doit normalement intervenir entre le 15 décembre 2021 et une date fixée par décret qui ne pourra pas dépasser le 31 juillet 2022, le report pourrait être d'une durée maximum d'un an suivant cette échéance ;

- pour les visites médicales qui auraient dû avoir lieu, compte tenu de leur report sur le fondement de l'ordonnance précitée du 2 décembre 2020, entre le 15 décembre 2021 et une date fixée par décret au 31 juillet 2022 au plus tard, un nouveau report d'une durée de six mois au plus serait autorisé (soit, au total, une possibilité de report de dix-huit mois au maximum).

Pourront être concernées, comme pour les précédents dispositifs de report, les visites d'information et de prévention ainsi que les examens médicaux relevant du suivi individuel renforcé des travailleurs affectés à des postes présentant des risques particuliers. La visite de fin de carrière prévue à l'article L. 4624-2-1 du code du travail, applicable aux travailleurs dont le départ ou la mise à la retraite intervient à compter du 1 er octobre 2021 62 ( * ) , est en revanche exclue de ce dispositif , de même que la visite de mi-carrière créée à compter du 31 mars 2022 par la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail 63 ( * ) .

Il est précisé que le report de la visite ne fait pas obstacle, le cas échéant, à l'embauche ou à la reprise du travail.

II - La position de la commission : une accumulation de reports qui peut s'avérer contre-productive

Sur la forme, la place de cet article dans le projet de loi est douteuse, ses dispositions n'ayant aucun lien avec les articles du texte déposé.

Le rapporteur souscrit néanmoins à l'objectif de mobiliser les services de santé au travail dans la lutte contre l'épidémie de covid-19 et en particulier dans la campagne de vaccination. À cette fin, il peut sembler opportun d'assouplir les contraintes relevant des missions « de routine » des SST. Il est également pertinent de laisser la possibilité au médecin du travail de maintenir les visites qu'il juge indispensables.

Toutefois, aucun bilan n'ayant été tiré des précédentes mesures de report, il est permis de s'interroger sur leur impact sur la santé des salariés au-delà des risques directement liés à la covid-19. Dans un contexte où des situations de souffrance au travail ont notamment pu être provoquées ou aggravées par le recours accru au télétravail, un suivi individuel de l'état de santé des salariés reste particulièrement nécessaire.

L'accumulation des reports, couplée à l'entrée en vigueur au 31 mars prochain de la visite de mi-carrière, risque de provoquer en sortie de crise un engorgement des SST et de compromettre leur capacité à accomplir leurs missions.

En outre, la relégation au second plan de ces actions apparaît contraire à l'objectif poursuivi par cette mesure, les SST ayant pour instruction de faire des visites et examens médicaux des leviers dans le cadre de leur plan d'action vaccinal. Le rapporteur considère que les délégations de tâches au sein des SST doivent être encouragées afin de permettre la réalisation par ces services de leurs missions habituelles.

Sur la proposition de son rapporteur, la commission a donc adopté un amendement COM-119 visant à limiter la possibilité de report aux visites et examens qui n'ont pas encore été reportés.

Afin de limiter le risque d'« embouteillage » à l'issue de la crise, elle a également adopté un amendement COM-120 de son rapporteur tendant à reporter d'un an l'entrée en vigueur de la visite de mi-carrière créée par l'article 22 de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 3
Contrôle des mesures d'isolement et de contention

Cet article propose un nouveau dispositif de contrôle des mesures d'isolement et de contention dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement, avec une saisine automatique du juge en cas de renouvellement.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article modifié en vue de maintenir la liste des personnes informées en cas de mesures d'isolement ou de contention et de conserver leur information concernant les modalités de saisine du juge.

I - Le dispositif proposé

A. L'isolement et la contention : des pratiques thérapeutiques de dernier recours dont l'encadrement par la loi a été censuré à deux reprises par le Conseil constitutionnel

1. Des pratiques thérapeutiques utilisées en dernier recours, dont l'encadrement par la loi a été censuré par le Conseil constitutionnel en 2020 et adapté en conséquence

a) Un encadrement tardif, censuré en juin 2020 par le Conseil constitutionnel en raison d'imprécision sur la durée des mesures

L'article 72 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a introduit dans le code de la santé publique un article L. 3222-5-1 encadrant l'usage jusqu'alors mal réglementé de l'isolement, qui consiste à placer une personne hospitalisée dans une chambre fermée, et de la contention , qui vise à l'immobiliser.

Il est prévu que ces pratiques interviennent en dernier recours sur décision d'un psychiatre afin de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou pour autrui.

Cet article ne prévoyait toutefois aucun dispositif de contrôle judiciaire de ces pratiques, ce pourquoi le Conseil constitutionnel l'a déclaré, en juin 2020 64 ( * ) , non conforme à la Constitution. Le Conseil avait cependant reporté au 31 décembre 2020 la date de son abrogation , permettant au législateur d'adopter dans l'intervalle de nouvelles dispositions.

L'isolement et la contention constituent en effet selon le Conseil des mesures privatives de liberté devant par conséquent être soumises au contrôle de l'autorité judiciaire, conformément à l'article 66 de la Constitution . Plus précisément, les conditions du placement à l'isolement ou en contention, dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement, étaient aux yeux du Conseil entourées de conditions propres à ce qu'il « n'intervienne que dans les cas où ces mesures sont adaptées, nécessaires et proportionnées à l'état de la personne qui en fait l'objet », et le principe d'un tel placement sans saisine préalable de l'autorité judiciaire avait été admis par le Conseil. Ce dernier a toutefois souligné qu'il était nécessaire, pour sauvegarder la liberté individuelle, de déterminer une limitation précise de la durée d'isolement et de prévoir que le maintien au-delà d'une certaine durée de ces mesures devait être soumis au contrôle du juge judiciaire .

b) Une adaptation en LFSS pour 2021 répondant pour une part à la censure du Conseil constitutionnel

En conséquence, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, en son article 84, a procédé à une modification de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique . Elle restreint d'abord les conditions de recours à l'isolement et la contention en précisant que ces pratiques ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement, après leur évaluation, et que la décision du psychiatre en la matière doit être motivée.

Par ailleurs, là où l'article L. 3222-5-1 prévoyait seulement une « durée limitée » d'isolement et de contention, il dispose désormais, suivant en cela des recommandations formulées par la Haute Autorité de santé (HAS) en février 2017 65 ( * ) , que :

- la mesure d'isolement est prise pour une durée maximale de douze heures , renouvelable par périodes maximales de même durée dans la limite d'une durée totale de 48 heures ;

- la mesure de contention est prise dans le cadre d'une mesure d'isolement pour une durée maximale de six heures et peut être renouvelée par périodes maximales de même durée dans la limite d'une durée totale de 24 heures.

Il est prévu par le troisième alinéa du II de l'article L. 3222-5-1 que le médecin peut renouveler ces mesures au-delà des durées de 48 et 24 heures . C 'est à lui qu'il revient d'informer le juge des libertés et de la détention, qui peut alors se saisir d'office, ainsi que le procureur de la République et les proches du patient auxquels il rappelle le droit et les modalités de saisine du juge aux fins de mainlevée de la mesure . Ces proches sont mentionnés à l'article L. 3211-12 du code de la santé publique : il s'agit des titulaires de l'autorité parentale ou du tuteur si la personne est mineure, de la personne chargée d'une protection juridique relative à la personne faisant l'objet des soins, de son conjoint, concubin ou personne avec laquelle elle est liée par un pacte civil de solidarité, de la personne qui a formulé la demande de soins, d'un parent ou d'une personne susceptible d'agir dans l'intérêt de la personne faisant l'objet des soins.

Selon le sixième alinéa du II dans sa rédaction actuelle, lorsque le médecin prend, au sein d'une période limitée de 15 jours, plusieurs mesures qui, mises bout à bout, aboutissent à une durée cumulée de 48 heures pour l'isolement, et 24 heures pour la contention, il doit également procéder à cette information.

Dans tous les cas, le juge, s'il est saisi, doit statuer dans un délai de 24 heures . Il faut ici noter que sa saisine n'est pas automatique, et que seule l'est son information.

Hors les mesures prévues par l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, l'article L. 3211-12-1 prévoit que lorsque le juge des libertés et de la détention n'ordonne pas la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète, comme il peut le faire, il statue, le cas échéant, y compris d'office, sur le maintien de la mesure d'isolement ou de contention . C'est à ce titre que, jusqu'en 2021, les patients - ou toute personne agissant dans leur intérêt - pouvaient demander la mainlevée d'une mesure d'isolement ou de contention. En 2020, 11,7 % des demandes de mainlevée d'une mesure d'hospitalisation complète ont donné lieu à mainlevée par le juge des libertés et de la détention.

2. Une absence de contrôle systématique par le juge judiciaire censurée par le Conseil constitutionnel

L'absence de contrôle systématique assuré par le juge dans le cadre des dispositions peut aboutir à ce que des mesures d'isolement ou de contention soient mises en oeuvre sur de longues durées en l'absence de tout contrôle judiciaire.

Dès lors, le Conseil constitutionnel a jugé , dans une décision du 4 juin 2021 66 ( * ) , que les troisième et sixième alinéas du II de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, dans leur rédaction issue de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 67 ( * ) , n'étaient pas conformes à la Constitution , le législateur ne pouvant, au regard des exigences de l'article 66 de la Constitution, autoriser le maintien à l'isolement ou en contention en psychiatrie au-delà d'une certaine durée sans l'intervention systématique du juge judiciaire.

Afin de laisser le temps au législateur de procéder à la modification de ces dispositions et d'éviter ainsi un vide juridique, le Conseil constitutionnel a cette fois également reporté l'effet de sa décision, fixant au 31 décembre 2021 la date de l'abrogation de ces alinéas.

Enfin, comme le rappelle le Conseil d'État 68 ( * ) , au-delà des garanties constitutionnelles, « il résulte en outre de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (V. par ex. 15 septembre 2020, Aggerholm c. Danemark, n°45439/18) que ces mesures de contention et d'isolement sont susceptibles, lorsqu'elles ne sont pas suffisamment encadrées ou d'une durée excessive, de constituer une violation de l'article 3 de la Convention relatif aux traitements inhumains ou dégradants ».

B. Une nouvelle tentative en LFSS pour 2022 également censurée sur un motif de procédure

1. Une mise en garde de la commission des affaires sociales du Sénat

Le Gouvernement a inscrit au sein du projet de loi de financement pour 2022 un article visant à combler la censure de juin 2021.

La commission des affaires sociales du Sénat avait alors mis en garde 69 ( * ) le Gouvernement contre un fort risque de censure du Conseil constitutionnel face à des dispositions qui ne relevaient manifestement pas, selon elle, du champ des lois de financement de la sécurité sociale .

À l'initiative de la rapporteure pour l'assurance maladie, le Sénat avait ainsi supprimé l'article 28 du PLFSS.

La rapporteure avait alors regretté que le Gouvernement choisisse de profiter de la procédure spéciale des projets de loi de financement pour assurer la promulgation rapide, avant le 31 décembre 2021, au risque de laisser un vide juridique en cas de censure.

En outre, la rapporteure avait souligné qu'alors que l'usage veut depuis 2015 que les avis du Conseil d'État sur les lois ordinaires soient publiés, les lois financières demeurent une exception. Or, concernant des dispositions visant à répondre à une double censure constitutionnelle, la connaissance par le Parlement de l'avis du Conseil d'État apparaissait un nécessaire éclairage .

2. Une nouvelle censure du Conseil constitutionnel

Saisi par plus de soixante sénateurs, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la conformité à la Constitution de certaines dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 70 ( * ) . Les requérants contestaient notamment le rattachement de certaines dispositions au domaine des lois de financement, au titre desquelles l'article 41.

Dans sa décision 71 ( * ) , le Conseil a considéré que les dispositions de cet article « n'ont pas d'effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement . Elles ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l'article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale ». Partant, il en a constaté la contrariété à la Constitution.

Cependant, si cet article a été censuré par le Conseil constitutionnel, celui-ci ne s'est pas prononcé sur le fond du dispositif mais bien sur la procédure de son adoption. Sans porter atteinte à l'autorité de la chose jugée, il n'est donc pas fait obstacle à ce qu'une rédaction similaire soit à nouveau adoptée par le Parlement, dans une loi ordinaire cette fois .

C. Une nouvelle saisine automatique du juge sur le renouvellement des mesures d'isolement et de contention après un certain délai

Le présent article modifie en profondeur l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, en prévoyant un cycle de contrôle organisé en trois temps : l'information, la saisine, et la décision du juge .

Le du IV du présent article se limite à l'assouplissement, au sein de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, du renouvellement des périodes de 12 et 6 heures qui s'appliquent respectivement aux mesures d'isolement et de contention. Il précise désormais que ces mesures font l'objet de deux évaluations respectivement par 24 et 12 heures, ce qui donnerait davantage de souplesse au personnel médical et permettrait d'éviter d'évaluer les patients en nuit profonde.

Le du IV procède à la réécriture d'une grande partie de l'article L. 3222-5-1.

Tout d'abord, au-delà des durées maximales prévues dans le cas d'un premier renouvellement sans intervention du juge (48 heures pour l'isolement et 24 heures pour la contention), un renouvellement supplémentaire doit, comme actuellement, faire l'objet d'une information du juge. En revanche, cette information - qui consiste en la simple transmission d'une fiche d'information administrative - serait désormais assurée par le directeur d'établissement et non par le médecin , qui verrait sa charge ainsi allégée. La mission d'information des proches pouvant saisir le juge incombant au médecin serait conservée, mais il n'aurait plus à les avertir de la possibilité et des modalités de cette saisine, alors même qu'il doit aujourd'hui le faire 72 ( * ) .

À la différence de la version proposée par le Gouvernement en PLFSS 2022 mais conformément aux modifications apportées par l'Assemblée nationale lors de l'examen de ce texte, priorité est donnée parmi les membres de la famille au conjoint , partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin 73 ( * ) . Enfin, la condition de respect de la volonté du patient et du secret médical a été ajoutée.

Les changements les plus conséquents par rapport au texte abrogé interviennent au niveau de la saisine systématique du juge après un certain délai . Celui-ci doit désormais être saisi, toujours par le directeur d'établissement, avant l'expiration de la 72 e heure d'isolement ou de la 48 e heure de contention . Le juge statue dans les 24 heures qui suivent cette saisine : il peut ordonner la mainlevée de la mesure, ou autoriser son maintien. La décision du soignant, ici, vise le maintien des mesures d'isolement et de contention au-delà, respectivement, de trois et quatre jours .

Le juge ordonne sa mainlevée si les conditions de dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui ne sont pas respectées, si la mesure ne paraît ni adaptée, ni nécessaire, ni proportionnée après évaluation du patient ou encore s'il apparaît que ledit patient n'a pas fait l'objet d'une surveillance somatique et psychiatrique stricte. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant 48 heures, sauf si des éléments nouveaux survenant dans la situation du patient rendent impossible d'assurer sa sécurité et celle d'autrui autrement que par ces mesures.

Il autorise le maintien de la mesure si les conditions mentionnées au paragraphe précédent sont respectées. Il est alors procédé conformément au processus précédemment décrit (plages de 12 à 24 heures renouvelables, puis information du juge lors du premier renouvellement, puis saisine automatique du juge). Selon ce fonctionnement, deux cycles de trois ou quatre jours - selon qu'il s'agit de mesures de contention ou d'isolement - peuvent se répéter .

Pour les mesures de contention, les cycles se répètent ensuite. Pour les mesures d'isolement, une fois que deux cycles de quatre jours se sont écoulés, le juge est automatiquement saisi 24 heures avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter de sa précédente décision - mais seulement à ce moment - et le juge statue à l'expiration de ce délai.

Il est précisé qu'avant le terme de ces deux cycles de trois à quatre jours, lorsqu'une mesure d'isolement ou de contention est prise moins de 48 heures après qu'une précédente mesure de même nature a pris fin, sa durée s'ajoute à celle des mesures d'isolement ou de contention qui la précèdent . Les durées prévues pour l'information du juge s'appliquent donc.

Dans une logique similaire, le contrôle juridictionnel (information puis saisine du juge) s'applique également lorsque plusieurs mesures sont cumulées sur une période de 15 jours : lorsque la ladurée cumulée atteint 72 heures, pour l'isolement, ou 48 heures, pour la contention, le juge est également automatiquement saisi.

Les autres dispositions de l'article procèdent à des coordinations et des adaptations.

Le I du présent article modifie ainsi l'article L. 3211-12 du code de la santé publique, qui prévoit la possibilité pour certaines personnes (proches et procureur de la République) de saisir le juge des libertés et de la détention , et dispose que lorsque le juge est saisi aux fins de mainlevée d'une mesure d'isolement comme de contention, il statue dans les délais prévus par l'article L. 3222-5-1 ou, à défaut, dans un délai de 24 heures à compter de la saisine.

Le II modifie l'article L. 3211-12-2 du code de la santé publique, qui encadre les conditions dans lesquels le juge des libertés et de la détention, saisi en application des articles L. 3211-12 ou L. 3211-12-1, statue. D'une part, la possibilité de saisine du juge aux fins de prolongation de la mesure d'isolement ou de contention est prévue : le juge statue alors sans audience selon une procédure écrite. D'autre part, il est précisé que, si le juge décide de tenir une audience, la procédure devient orale.

Le III procède à une précision rédactionnelle de l'article L. 3211-12-4 du code de la santé publique relatif à l'appel dont est susceptible de faire l'objet l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, en l'appliquant également aux ordonnances prises en application de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique.

Les V et VI procèdent à des coordinations nécessaires pour l'application de ces dispositions en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française . Le dispositif est applicable dans l'ensemble des collectivités ultramarines, à l'exception de Wallis-et-Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises, dépourvus de services de soins psychiatriques sans consentement.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

À l'initiative de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a modifié l'alinéa 18 74 ( * ) relatif à l'information de l'entourage du patient, afin d'en préciser la rédaction tout en conservant la priorité d'information du conjoint, concubin ou partenaire .

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

A. Un retard législatif préjudiciable

La commission estime particulièrement regrettable que la manifeste légèreté du Gouvernement dans le traitement législatif de dispositions visant à répondre à une double censure constitutionnelle ait conduit à ce que, plus de six mois après la décision du Conseil constitutionnel, aucune disposition n'ait pu entrer en vigueur à temps pour suppléer les dispositions censurées.

Si cette faute porte une atteinte certaine à l'objectif à valeur constitutionnelle de sécurité juridique , elle est surtout particulièrement préjudiciable au respect des droits des patients face à des garanties de leurs droits fondamentaux qui se seront trouvées affaiblies durant plusieurs semaines en janvier 2022 .

Si la commission déplore la nécessité d'une adoption de telles dispositions dans un texte d'urgence relatif à la crise sanitaire quand celles-ci auraient utilement trouvé leur place dans un projet de loi relatif à l'organisation des soins psychiatriques, aux droits des patients ou à la justice, elle estime que ce véhicule permettra une adoption rapide permettant de combler le vide juridique existant depuis le 1 er janvier 2022 .

B. Des points de vigilance à conserver

Le rapporteur souligne que dans son avis précité, le Conseil d'État a considéré que « le dispositif ainsi prévu garantit, ainsi que l'a exigé le Conseil constitutionnel dans ses décisions précitées, l'intervention systématique du juge judiciaire, conformément aux exigences de l'article 66 de la Constitution », le texte étant donc a priori de nature à répondre à la censure de juin 2021.

Suivant l'analyse formulée lors de l'examen du PLFSS pour 2022 par la rapporteure pour l'assurance maladie, la commission souligne, sur la suggestion de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté 75 ( * ) que la liste des personnes informées du renouvellement de la mesure d'isolement ou de contention par le médecin, gagnerait à être maintenue selon les modalités prévues par l'article L. 3211-12 du code de la santé publique , sans se limiter à la liste aux contours imprécis prévue par la rédaction actuelle du texte. Si la mention d'« au moins un membre de la famille » peut permettre au médecin d'informer plusieurs de ces membres et constitue un élargissement ponctuel du nombre des personnes informées, son imprécision risque d'être un facteur de charge, voire d'insécurité juridique pour le médecin : devra-t-il chercher plusieurs membres de la famille dès lors qu'ils sont identifiés ? S'il en connaît deux, devra-t-il informer les deux ou cela sera-t-il laissé à sa discrétion ? Si la mention du « au moins » ne se rapporte pas seulement aux membres de la famille mais à l'ensemble des personnes susceptibles d'être informées, l'insécurité juridique dans laquelle se trouverait le médecin pourrait être renforcée, même s'il est précisé que l'information se fait « dans le respect de la volonté du patient et du secret médical ». Il paraît ainsi plus opportun d'adosser l'information à une liste précise, qui constitue une garantie forte pour le patient, tout en préservant nécessairement sa volonté et le secret médical

Aux termes de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique, la saisine peut être formée par :

1° La personne faisant l'objet des soins ;

2° Les titulaires de l'autorité parentale ou le tuteur si la personne est mineure ;

3° La personne chargée d'une mesure de protection juridique relative à la personne faisant l'objet des soins ;

4° Son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle elle est liée par un pacte civil de solidarité ;

5° La personne qui a formulé la demande de soins ;

6° Un parent ou une personne susceptible d'agir dans l'intérêt de la personne faisant l'objet des soins ;

7° Le procureur de la République.

Les personnes mentionnées à cet article devraient également se voir préciser les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention , comme cela est actuellement prévu.

La commission a ainsi adopté un amendement COM-121 procédant à ces modifications.

En outre, le rapporteur renouvelle les réserves et points d'alerte soulevés par la commission lors de l'examen du dernier PLFSS, souhaitant attirer l'attention sur le fait que les conditions de mise en oeuvre des mesures d'isolement et de contention sont problématiques.

D'une part, les conditions matérielles dans lesquelles les mesures sont exécutées sont souvent difficiles, voire inacceptables . Il est fréquent de voir des locaux indignes, sans fenêtre, des plages de sortie très limitées, un défaut d'hygiène, voire d'accès aux toilettes, des conditions d'alimentation très sommaires et de surveillance infirmière ou médicale insuffisantes. Des atteintes graves peuvent également être portées à l'intimité des patients (chambre ou toilettes visibles de l'extérieur, patients laissés nus...) 76 ( * ) .

D'autre part, il peut parfois s'avérer nécessaire d'appliquer des mesures d'isolement ou de contention à des patients en soins libres, ce que n'autorise pas l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique . Les conditions de leur arrivée aux urgences, souvent en état de crise ou de forte agitation, peuvent requérir de telles mesures, mais pour une courte durée (3 à 6 heures). Le lien existant entre le régime des soins sans consentement et le placement à l'isolement ou en contention peut toutefois faire courir aux patients le risque de passer du régime de soins libres au régime juridique très contraignant des soins sans consentement 77 ( * ) , pour le seul motif de permettre au soignant de prendre une mesure d'isolement ou de contention.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié .


* 15 CE, référé, 19 octobre 2020, n° 444809.

* 16 CE, référé, 17 décembre 2020, n° 446797.

* 17 Art. L. 4121-1 du code du travail.

* 18 Ces principes sont énumérés à l'article L. 4121-2 du code du travail.

* 19 Art. L. 4121-3 du code du travail.

* 20 Art. L. 4721-1 du code du travail.

* 21 Art. L. 4721-2 du code du travail.

* 22 Sont visés les articles L. 4121-1 à L. 4121-5 et L. 4522-1 du code du travail, soit les mêmes dispositions que le régime de mise en demeure de droit commun.

* 23 Premier alinéa du I du présent article.

* 24 III du présent article.

* 25 L'amende sera prononcée selon les modalités prévues à l'article L. 4751-1 du code du travail.

* 26 Dares, Activité et conditions d'emploi de la main d'oeuvre pendant la crise sanitaire covid-19 , août 2021

* 27 Article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

* 28 Article 3 de l'ordonnance n° 2020-428 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions sociales pour faire face à l'épidémie de covid-19.

* 29 Article 5 de l'ordonnance n° 2020-737 du 17 juin 2020 modifiant les délais applicables à diverses procédures en matière sociale et sanitaire afin de faire face aux conséquences de la propagation de l'épidémie de covid-19.

* 30 Caisse nationale de l'assurance maladie, rapport « charges et produits » 2022.

* 31 Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

* 32 Exposé des motifs de l'amendement.

* 33 Hypothèses de 10,9 millions de téléconsultations et d'un reste à charge moyen par assuré de 5 euros, tenant compte des assurés bénéficiant d'une exonération de participation au titre de leur ALD, de leur invalidité ou d'autres critères.

* 34 Cour des comptes, rapport 2021 sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

* 35 Article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

* 36 Ordonnance n° 2020-505 du 2 mai 2020 instituant une aide aux acteurs de santé conventionnés dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de covid-19.

* 37 Loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

* 38 Signataires de la convention mentionnée à l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale.

* 39 Voir le commentaire de l'article 3 bis , Rapport n° 130, tome II (2021-2022) de Mmes Élisabeth Doineau, rapporteure générale, Corinne Imbert, MM. René-Paul Savary, Olivier Henno, Mme Pascale Gruny et M. Philippe Mouiller, déposé le 3 novembre 2021 : Examen des articles.

* 40 Loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

* 41 Voir le commentaire de l'article 3 du PLFSS pour 2022, Rapport n° 130, tome II (2021-2022) de Mmes Élisabeth Doineau, rapporteure générale, Corinne Imbert, MM. René-Paul Savary, Olivier Henno, Mme Pascale Gruny et M. Philippe Mouiller, déposé le 3 novembre 2021 : Examen des articles.

* 42 Régime de retraite de base obligatoire de sécurité sociale applicable aux résidents à Mayotte salariés et assimilés de droit privé ou agents publics, à l'exception des agents visés par l'ordonnance du 5 septembre 1996, des fonctionnaires civils et militaires de l'État et des magistrats relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite, des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers relevant de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et des ouvriers relevant du Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État exerçant à Mayotte.

* 43 Article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

* 44 Article 1 er de l'ordonnance n° 2020-309 du 25 mars 2020 relative à la garantie de financement des établissements de santé et aux régimes complémentaires obligatoires de sécurité sociale et ordonnance n° 2020-1553 du 9 décembre 2020 prolongeant, rétablissant ou adaptant diverses dispositions sociales pour faire face à l'épidémie de covid-19.

* 45 Arrêté du ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l'action et des comptes publics du 6 mai 2020 et arrêtés du ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l'économie, des finances et de la relance, du 13 avril 2021 et du 17 août 2021.

* 46 Voir les commentaires des articles 25 et 26, Rapport n° 130, tome II (2021-2022) de Mmes Élisabeth Doineau, rapporteure générale, Corinne Imbert, MM. René-Paul Savary, Olivier Henno, Mme Pascale Gruny et M. Philippe Mouiller, déposé le 3 novembre 2021 : Examen des articles.

* 47 Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

* 48 Loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

* 49 Voir commentaire de l'article 56 du PLFSS pour 2022, Rapport n° 130 (2021-2022) de Mmes Élisabeth Doineau, rapporteure générale, Corinne Imbert, MM. René-Paul Savary, Olivier Henno, Mme Pascale Gruny et M. Philippe Mouiller, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 3 novembre 2021.

* 50 Amendement n° 233 de la rapporteure pour l'assurance maladie.

* 51 Ordonnance n° 2020-1502 du 2 décembre 2020 adaptant les conditions d'exercice des missions des services de santé au travail à l'urgence sanitaire - Article 1 er .

* 52 Ordonnance n° 2020-1502 du 2 décembre 2020 adaptant les conditions d'exercice des missions des services de santé au travail à l'urgence sanitaire - Article 2.

* 53 Loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire
- Article 10.

* 54 Ordonnance n° 2020-386 du 1 er avril 2020 adaptant les conditions d'exercice des missions des services de santé au travail à l'urgence sanitaire et modifiant le régime des demandes préalables d'autorisation d'activité partielle.

* 55 Cette visite médicale, réalisée dans un délai de trois mois après la prise de poste, est renouvelée selon une périodicité fixée par le médecin du travail et qui ne peut excéder cinq ans.

* 56 Cet examen médical d'aptitude a lieu au moins tous les 4 ans. Une visite intermédiaire est effectuée par un professionnel de santé au plus tard 2 ans après la visite avec le médecin du travail.

* 57 Décret n° 2020-410 du 8 avril 2020 adaptant temporairement les délais de réalisation des visites et examens médicaux par les services de santé au travail à l'urgence sanitaire.

* 58 Ordonnance n° 2020-1502 du 2 décembre 2020 adaptant les conditions d'exercice des missions des services de santé au travail à l'urgence sanitaire.

* 59 Décret n° 2021-56 du 22 janvier 2021 adaptant temporairement les délais de réalisation des visites et examens médicaux par les services de santé au travail à l'urgence sanitaire, modifié par le décret n° 2021-1250 du 29 septembre 2021.

* 60 Décret n° 2021-56 du 22 janvier 2021 adaptant temporairement les délais de réalisation des visites et examens médicaux par les services de santé au travail à l'urgence sanitaire - Article 5.

* 61 Les SST deviennent, à compter du 1 er mars 2022, des « services de prévention et de santé au travail ».

* 62 Décret n° 2021-1065 du 9 août 2021 relatif à la visite médicale des travailleurs avant leur départ à la retraite.

* 63 Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail - Article 22.

* 64 Conseil constitutionnel, 19 juin 2020, décision n° 2020-944 QPC.

* 65 https://www.has-sante.fr/jcms/c_2055362/fr/isolement-et-contention-en-psychiatrie-generale

* 66 Conseil constitutionnel, 4 juin 2021, décision n° 2021-912/913/914 QPC.

* 67 Le Conseil constitutionnel n'a pas été saisi de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

* 68 Avis sur le projet de loi, n° 404.676, du 26 décembre 2021 (commission permanente).

* 69 Voir le commentaire de l'article 28, Rapport n° 130, tome II (2021-2022) de Mmes Élisabeth Doineau, rapporteure générale, Corinne Imbert, MM. René-Paul Savary, Olivier Henno, Mme Pascale Gruny et M. Philippe Mouiller, déposé le 3 novembre 2021 : Examen des articles.

* 70 Loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

* 71 Décision n° 2021-832 DC du 16 décembre 2021, considérants 25 et 26.

* 72 Il doit avertir y compris le patient de sa faculté de saisir le juge des libertés et de la détention.

* 73 Cette modification semble correspondre à la recommandation du Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi.

* 74 Initialement alinéa 17.

* 75 Auditions et échanges dans le cadre de l'examen du PLFSS pour 2022.

* 76 Réponse de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté au questionnaire adressé par le Sénat.

* 77 Ces patients font notamment l'objet d'une inscription dans le fichier Hospyweb, qui est partagé entre plusieurs services publics.

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