N° 178

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 décembre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi portant diverses dispositions d' adaptation au droit de l' Union européenne dans les domaines de l' économie , de la santé , du travail , des transports et de l' agriculture (procédure accélérée),

Par M. Didier MARIE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir le numéro :

Sénat :

140 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Comportant trente et un articles répartis en quatre titres, le projet de loi n° 140 (2022-2023) portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne vise à transposer et à mettre en oeuvre des textes adoptés par l'Union européenne ces trois dernières années.

La commission des affaires sociales a délégué au fond à la commission des lois l'examen de six articles , qui ont pour objet de transposer en droit interne deux directives relatives au droit des sociétés ainsi qu'une directive relative à la protection des travailleurs, de mettre en oeuvre un règlement en matière de protection de l'enfance, et de compléter la transposition de deux directives de 2014 relatives au droit de la commande publique.

De nature inévitablement composite, les dispositions concernées portent, plus précisément, sur les opérations transfrontalières de fusion, scission et transformation des sociétés, sur les sanctions applicables en cas de diminution importante du capital social d'une société, sur les peines d'exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession, sur le droit à l'information des agents publics et sur la coopération internationale en matière de responsabilité parentale.

La transposition des directives dans les délais impartis constitue un objectif important, non seulement pour assurer l'effectivité du droit de l'Union européenne, mais également pour limiter le risque de recours en manquement introduits contre la France 1 ( * ) .

Pour autant, la nécessité, voire l'urgence à légiférer pour adapter le droit interne au droit de l'Union européenne ne saurait justifier les délais particulièrement courts laissés par le Gouvernement au Parlement, et en premier lieu au Sénat, pour mener à bien l'examen du projet de loi, pour lequel la procédure accélérée a été engagée . Le texte a en effet été adopté en conseil des ministres moins de deux semaines avant l'examen en commission.

La commission a néanmoins proposé à la commission des affaires sociales d'adopter le projet de loi, modifié par plusieurs amendements du rapporteur.

I. TRANSPOSER LA DIRECTIVE RELATIVE AUX OPÉRATIONS TRANSFRONTALIÈRES DE FUSION, SCISSION ET TRANSFORMATION DES SOCIÉTÉS ET METTRE FIN À UNE SITUATION DE « SURTRANSPOSITION »

A. ENCADRER LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE « FUSIONS-SCISSIONS » DANS UN DÉLAI PLUS CONTRAINT ET SELON DES MODALITÉS PLUS PRÉCISES

L'article 9 du projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive (UE) 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive 2017/1132 concernant les transformations, fusions et scissions transfrontalières. La directive doit être transposée avant le 31 janvier 2023 . Elle complète le corpus juridique déjà existant concernant les fusions transfrontalières et crée deux nouveaux régimes : la transformation 2 ( * ) (transfert de siège social dans un autre État membre) et la scission transfrontalière. L'objectif poursuivi par le législateur européen est de garantir la liberté d'établissement des sociétés au sein du marché intérieur de l'Union européenne 3 ( * ) en harmonisant les règles relatives à leur mobilité .

Si la directive 2019/2121 du 27 novembre 2019 vise principalement à étendre les règles applicables à la fusion transfrontalière aux opérations de scission et de transformation transfrontalières, elle renforce aussi la protection des actionnaires, créanciers et salariés des sociétés concernées de manière à ce que ces opérations ne lèsent pas leurs intérêts . En particulier, la directive crée un droit de retrait des actionnaires qui s'opposent à l'opération transfrontalière . Ceux-ci ont alors la possibilité d'obtenir une soulte en espèces en échange de leurs actions ; s'ils sont en désaccord avec le montant de cette compensation, ils peuvent le contester pour en obtenir, éventuellement, la révision. Tout au long du processus de l'opération transfrontalière, la directive s'assure également de l'information et de la consultation des salariés ainsi que du maintien de la participation de ces derniers au sein de l'organe de direction .

En contrepartie de la mobilité offerte aux sociétés des États membres, la directive instaure également un contrôle de légalité renforcé. L'opération transfrontalière n'est possible que si la société obtient un certificat préalable délivré par une autorité compétente dans l'État membre de départ. Le certificat permet de vérifier, outre le respect de certaines formalités, que l'opération n'est pas « réalisée à des fins abusives, frauduleuses menant ou visant à se soustraire au droit de l'Union ou au droit national ou à le contourner, ou à des fins criminelles » 4 ( * ) . L'autorité en charge de ce contrôle dispose de pouvoirs d'investigation. Au surplus, avant l'immatriculation de la société dans l'État membre d'arrivée, un second contrôle de légalité doit être effectué par une autorité compétente.

Compte tenu du délai imposé pour transposer la directive et de l'existence d'un avant-projet d'ordonnance en cours de finalisation, comme le Gouvernement l'a indiqué au rapporteur, la commission a souhaité restreindre le délai de transposition de la directive à trois mois au lieu de six. En outre, la directive prévoit une option permettant aux États membres de réduire la proportion des représentants de salariés au sein de l'organe de direction de la société issue de l'opération transfrontalière. Estimant que cette option risquait d'être défavorable aux salariés, la commission a, sur proposition du rapporteur, décidé de la supprimer. Enfin, la spécificité du contrôle de légalité préalable à l'opération transfrontalière justifie que cette mission soit confiée à un seul opérateur, le greffier du tribunal de commerce, comme c'est d'ailleurs le cas en droit interne pour les fusions transfrontalières 5 ( * ) .


* 1 Dans sa communication du 5 janvier 2022 relative au bilan de la mise en oeuvre du droit de l'Union européenne, le Gouvernement a rappelé que, entre 2017 et 2021, la France a divisé par quatre le nombre de défauts de transposition et a accentué ses efforts pour clore rapidement les procédures ouvertes à son encontre (en décembre 2021, la France était concernée par 27 procédures d'infraction sur les 872 procédures en cours).

* 2 La transformation est définie par le paragraphe 2 de l'article 86 ter de la directive comme étant « une opération par laquelle une société, sans être dissoute ou liquidée ou mise en liquidation, transforme la forme juridique sous laquelle elle est immatriculée dans un État membre de départ en une des formes juridiques de l'État membre de destination, figurant à l'annexe II, et transfère au moins son siège statutaire dans l'État membre de destination, tout en conservant sa personnalité juridique ».

* 3 La liberté d'établissement des personnes morales est prévue aux articles 49 et 54 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

* 4 Paragraphes 8 à 12 des articles 86 quaterdecies , 127 et 160 quaterdecies de la directive 2019/2121 du 27 novembre 2019.

* 5 Article L. 236-30 du code de commerce.

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