B. LA RESTRUCTURATION EN COURS DES ACTEURS DU SECTEUR

1. Un pilotage amélioré

La mise en place au 1er janvier 2021 du « Service public de la rue au logement » traduit la volonté de transformer la gouvernance de la politique de lutte contre le sans-abrisme, tant dans son organisation que dans ses pratiques et outils.

Une gouvernance unifiée a ainsi été mise en place avec le transfert à la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal) de l'ensemble des compétences de ce champ. Une instruction a été adressée le 26 mai 2021 aux préfets afin de mettre fin à la « gestion au thermomètre » au profit d'une démarche de programmation pluriannuelle.

Dans une note d'analyse datée d'avril 2023 sur l'exécution budgétaire 2022 de la mission Cohésion des territoires, la Cour des comptes relève que « pour la première fois, le programme 177 n'a pas connu d'abondement en cours de gestion, hors prise en compte de facteurs exogènes qui ne pouvaient être assumés sous enveloppe » (accueil de réfugiés ukrainiens, Ségur du travail social) et salue « une rupture nette avec les anciens modes de gestion et un assainissement des pratiques budgétaires ». 

2. Les SIAO renforcés et érigés en « clés de voûte » du « Service public de la rue au logement »

Les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) sont les opérateurs départementaux de la politique du « Logement d'abord ». La loi « ALUR » du 24 mars 20141(*) a posé le principe d'un SIAO unique par département, gérant à la fois le « 115 » (numéro d'urgence sociale), l'hébergement d'urgence et l'insertion.

L'instruction du Gouvernement du 31 mars 2022 érige les SIAO en « clés de voûte » du « Service public de la rue au logement ». Elle prévoit que leur pilotage doit refléter la responsabilité partagée des parties prenantes en matière de lutte contre l'exclusion : État, collectivités territoriales, associations et bailleurs sociaux. En outre, elle dispose que leurs missions doivent aller au-delà de la régulation de la demande et du pourvoi des places d'hébergement pour assurer le suivi de la progression des parcours des personnes sans domicile vers le logement. Un modèle de convention pluriannuelle d'objectifs est en cours d'élaboration afin d'uniformiser ces conventions et d'en réviser les exigences en déclinant les axes stratégique de l'instruction du 31 mars 2022.

Le deuxième plan « Logement d'abord » prévoit de renforcer la veille sociale en recrutant, sur la période 2023-2027, 500 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires au sein des SIAO, dans les accueils de jour et les équipes mobiles. L'atteinte de cet objectif représente toutefois une gageure car le secteur Accueil, hébergement et insertion (AHI) souffre de problèmes d'attractivité, d'autant plus que les professionnels des SIAO n'ont pas été éligibles à la revalorisation salariale de février 2022.

Pour 2024, 19 millions d'euros sont prévus afin de financer ces renforts sur un total de 212,5 millions d'euros consacrés à la veille sociale dans le PLF (190,7 millions en 2023).

3. La réforme à venir de la tarification des CHRS

Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) sont des établissements et services sociaux financés par une dotation globale de fonctionnement : 758,5 millions d'euros sont prévus dans le PLF à ce titre.

La loi « ELAN » du 23 novembre 20182(*) a rendu obligatoire la conclusion, avant le 1er janvier 2023, d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) par l'ensemble des organismes gestionnaires d'un CHRS. Toutefois, seuls 35 % des gestionnaires de CHRS étaient signataires d'un CPOM à cette date et 50 % devraient l'être au 31 décembre 2023. L'objectif pour 2024 est que 75 % des gestionnaires soient couverts par un CPOM.

La lenteur du processus témoigne du changement de culture que représente la conclusion d'un CPOM au sein du secteur AHI. En outre, dans certains cas, les gestionnaires considèrent que la signature du CPOM mettrait les structures en difficulté compte tenu des conditions de financement proposées.

Un projet de réforme de la tarification des CHRS, initié en 2021, constitue pour la Dihal l'occasion d'affiner la démarche de contractualisation. Il intégrerait de nouveaux indicateurs de résultats à inscrire au sein des CPOM pour en faire des outils de pilotage du parc d'hébergement et des capacités d'accompagnement qui lui sont liées. Cette réforme serait progressivement déployée à partir de 2025. S'ils ont été largement associés aux travaux préparatoires, certains acteurs associatifs craignent qu'elle ne conduise à remettre en cause le principe de l'inconditionnalité de l'accueil.


* 1 Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.

* 2 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

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