B. LA CRISE INFLATIONNISTE ET LA COMPENSATION TRÈS PARTIELLE DES AUGMENTATIONS SALARIALES ENTRAVENT L'EFFORT DE RECHERCHE FRANÇAIS

Structurellement, le glissement vieillesse technicité (GVT) représente, pour les organismes nationaux de recherche, une charge annuelle de 30 millions d'euros qui, en l'absence de compensation par l'État, grève structurellement leurs marges de manoeuvre budgétaires.

Conjoncturellement, les mesures de renforcement du pouvoir d'achat des agents publics, annoncées en juin dernier (mesures dites « Guerini »), représentent des surcoûts importants, aussi bien pour 2023 que pour 2024. Elles consistent notamment en la revalorisation des bas salaires et du point d'indice de 1,5 % (après celle de 3,5 % intervenue en juillet 2022) et en l'attribution de points d'indice supplémentaires.

Si la hausse du point d'indice intervenue en juillet 2022 avait été intégralement compensée pour 2023, le ministère a décidé de ne compenser qu'à hauteur de 50 % ces nouvelles mesures salariales pour 2024 : une enveloppe de 45 M€ est ouverte pour l'ensemble de la mission recherche et enseignement supérieur (MIRES). Le surcoût pour 2024 devra donc être prélevé sur les fonds de roulement des ONR, constitués de 300 M€, en excluant les investissements déjà engagés ou même uniquement programmés. Le choix de compenser partiellement ces mesures salariales permettra d'allouer, selon le Gouvernement, des marges supplémentaires aux établissements présentant une situation financière dégradée. D'après la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Sylvie Retailleau4(*), cette mobilisation exceptionnelle des réserves concernera uniquement l'année 2024 et ne doit pas conduire les établissements à renoncer à leurs projets d'investissement en cours. Cette décision a néanmoins suscité une incompréhension, voire une inquiétude quant au financement des investissements futurs.

Si l'on prend l'exemple du CNRS, ces mesures représentent un surcoût de 51,2 M€ pour l'année 2024 - la hausse du point d'indice représentant à elle seule une somme de 32,5 M€. Ainsi, pour le plus important organisme de recherche, plus de 25 M€ ne seront pas compensés en 2024.

Plus généralement, la crise inflationniste et la non-compensation des mesures salariales entravent lourdement l'objectif fixé par le Traité de Lisbonne et par la LPR : atteindre une dépense de R&D (publique et privée) de 3 % à moyen terme. Ainsi, la rapporteure déplore que la France se laisse distancer par de nombreux États du G7. En 2022, on estime que l'effort de recherche a diminué en France, passant de 2,22 % en 2021 à 2,18 % en 2022.

Dépenses intérieures brutes de recherche et développement

Source : OCDE

Un autre objectif fixé par la LPR, l'atteinte de 1 % du PIB de dépense intérieure publique en R&D d'ici 2030, s'avère désormais inatteignable selon plusieurs acteurs de la recherche que la rapporteure a auditionnés.


* 4 Auditionnée par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication le 7 novembre 2023.

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