B. LA PREMIÈRE PARTIE DU PLF NE SOUTIENT PAS SUFFISAMMENT LES COLLECTIVITÉS, MALGRÉ UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE ENCORE MARQUÉ PAR L'INCERTITUDE

Après une année 2023 marquée par l'inflation - particulièrement celle des prix de l'énergie - et le ralentissement de l'activité économique15(*), la situation financière de certaines collectivités territoriales appelle à la vigilance. Les évolutions de la conjoncture économique en 2023 et 2024 devraient affecter significativement les recettes et les dépenses de fonctionnement des collectivités, de sorte qu' « après avoir dégagé un excédent de financement de 4,8 Md€ en 2022, [elles] connaîtraient un besoin de financement de 2,6 Md€ en 2023, puis de 2,9 Md€ en 2024 (au sens de la comptabilité nationale) ». Dans ce contexte, le soutien apporté aux collectivités par les dispositions de la première partie du PLF 2024 apparaît insuffisant.

Les effets de l'inflation sur les ressources des collectivités ne sont qu'imparfaitement palliés par l'augmentation annoncée de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Si la hausse de 220 millions d'euros de la DGF ainsi que l'extension du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) aux aménagements de terrain (pour un montant de 250 millions d'euros) ne peuvent qu'être saluées dans leur principe, elles ne suffisent pas à compenser le niveau prévisionnel d'inflation. Même en tenant compte de l'augmentation de 100 millions d'euros supplémentaires annoncée par la Première ministre le 23 novembre 2023, la hausse totale de DGF proposée représente en réalité une baisse de l'ordre d'1,5 % en volume16(*).

En outre, le rapporteur ne peut que relayer l'inquiétude des collectivités quant au manque d'effectivité du soutien apporté par l'État face à la hausse des prix de l'énergie.

D'une part, le « filet de sécurité » mis en place à partir de la fin de l'année 202217(*) a manifestement manqué sa cible. En application d'un arrêté du 13 octobre 202318(*), 3 435 collectivités19(*) - dont 2 531 communes - devront rembourser20(*) l'avance qu'elles avaient perçue à la fin de l'année 2022 au titre du dispositif, représentant une somme totale de 70 millions d'euros. Alors que le montant moyen de ces reprises d'acompte s'élève à 20 375 euros, le rapporteur tient à souligner le caractère hautement préjudiciable que peut revêtir un tel remboursement pour la situation financière de certaines petites communes. Il convient également de rappeler que ce mécanisme, qui devait initialement couvrir près de 22 000 collectivités, n'a finalement bénéficié qu'à 2 941 d'entre elles. L'État devra tenir son engagement de soutenir les collectivités en veillant à étaler ces remboursements pour les collectivités les plus fragiles.

Versement des dotations au titre du filet de sécurité prévu en LFR 2022

Source : Commission des lois d'après des données de la DGCL

D'autre part, l'extinction pour l'année 2024 de « l'amortisseur électricité » est regardée avec préoccupation par les collectivités. Alors que les prix de l'électricité devraient continuer à décroître en 2024, nombreuses sont les collectivités à avoir conclu des contrats pluriannuels à des coûts très élevés. Certaines collectivités, à l'instar des petites communes situées en zone de montagne et/ou endossant d'importantes charges de « centralité », sont particulièrement exposées au maintien des prix de l'électricité à un niveau élevé. Le rapporteur se montrera vigilant à ce que, comme l'a annoncé le Gouvernement, ces collectivités soient effectivement accompagnées par l'État.

« Il y aura bien un amortisseur électricité prolongé l'année prochaine, notamment pour les collectivités qui sont prisonnières de contrats qu'elles ont signés au plus haut de la crise. »21(*), Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics.

Enfin, le rapporteur ne peut que souscrire à l'abondement de 100 millions d'euros du fonds de sauvegarde des départements voté par la commission des finances du Sénat22(*), afin de soutenir les départements confrontés à une forte dégradation de leur situation financière. En revanche, il juge particulièrement inopportune la décision du Gouvernement de reporter d'un an la suppression du fonds de soutien au développement des activités périscolaires23(*) plutôt que d'y renoncer purement et simplement


* 15 En 2023, d'après les estimations du Gouvernement, le taux d'inflation devrait s'élever à 4,9 % et le taux de croissance à 1 % (Rapport économique, social et financier annexé au PLF 2024).

* 16 Pour un niveau d'inflation de 2,7 %, conformément à la prévision du Gouvernement figurant dans le RESF.

* 17 Article 14 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 18 Arrêté du 13 octobre 2023 portant attribution de la dotation mentionnée au I de l'article 14 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 19 Cela représente 82 % des bénéficiaires de l'acompte.

* 20 Le mécanisme ouvrait la possibilité pour les collectivités qui anticipaient une diminution de leur épargne brute de plus de 25 % pour 2022 de bénéficier du versement d'un acompte sur la dotation à laquelle elles avaient droit au titre du « filet de sécurité ».

* 21 Annonce du ministre lors du débat sur les finances publiques au Sénat le 21 novembre 2023.

* 22 Amendement n° I-228 (FINC.72) du rapporteur général Jean-François Husson, déposé au nom de la commission des finances.

* 23 L'article 54 du PLF 2024 prévoyait initialement la suppression de ce fonds. Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit désormais que le fonds se sera supprimé au 1er septembre 2025. Ce fonds a bénéficié à 1 462 communes sur l'année scolaire 2021-2022, pour un montant de 41 millions d'euros.

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