B. LE GOUVERNEMENT A RÉDUIT SES AMBITIONS EN MÊME TEMPS QU'IL RÉDUISAIT L'ÉTENDUE DE SON PROGRAMME

1. La recherche du succès quantitatif

Le programme " nouveaux services - nouveaux emplois " constitue, dans le cadre du projet de loi de finances pour 1999, la deuxième priorité du Gouvernement en termes de politique de l'emploi avec la réduction du temps de travail. Un an après le vote de la loi, l'examen du premier bilan appelle des commentaires contrastés.

A la fin du mois de novembre, 151.926 emplois avaient été créés et 109.014 jeunes avaient été embauchés . Alors que les embauches de 1997 et début 1998 étaient toutes concentrées dans l'Education nationale et la Police nationale, les associations, les collectivités locales et les établissements publics ont, depuis, pris le relais.

Sur le plan quantitatif, le dispositif constitue donc indubitablement un succès, doit-on d'ailleurs s'en étonner compte tenu du fort taux de chômage des jeunes existant dans notre pays ? Ces emplois payés au SMIC ont constitué une véritable aubaine pour des jeunes en panne d'emploi. Par ailleurs, nombre d'entre eux sont apparus, à juste titre, comme une voie d'entrée par la petite porte dans la fonction publique.

Si ce n'était le coût budgétaire qui se monte au total 18( * ) à environ 17 milliards de francs pour 250.000 emplois fin 1999, compte tenu de la dotation budgétaire de 13,875 milliards (chapitre 44-01, article 10) et des reports de crédits de 1998, on pourrait se satisfaire de ce dispositif d'emplois publics d'urgence.

Le jugement est cependant nécessairement plus prudent lorsque l'on rentre dans le détail des emplois créés et plus encore lorsque l'on envisage leur pérennisation.

Les auditions auxquelles les rapporteurs ont procédé ont confirmé que, dans bien des cas, les représentants du Gouvernement avaient été assez peu regardants sur l'utilité des emplois ou même sur leur caractère nouveau ou encore émergent.

2. Le Gouvernement a choisi la facilité en privilégiant l'emploi public

" Aujourd'hui, l'Etat dépense des sommes considérables pour favoriser l'emploi des jeunes, qui ne font qu'entretenir le cercle vicieux de la précarité. En simplifiant drastiquement ces aides, sans augmenter les dépenses publiques, notre objectif est de créer 700.000 vrais emplois pour les jeunes, pour moitié dans le secteur public, pour moitié dans le secteur privé " 19( * ) .

La promesse électorale du parti socialiste, lors de la campagne pour les élections législatives du printemps 1997, a été reprise par le Premier ministre dans sa déclaration 20( * ) de politique générale du 19 juin 1997 : " l'emploi doit surtout bénéficier aux jeunes. Le programme connu sous le nom de " 700.000 jeunes " répond à cette priorité absolue. Tous les acteurs publics et privés, sous l'impulsion et avec l'aide de l'Etat, seront mobilisés pour que les engagements pris soient tenus ".

Dix-huit mois après l'entrée en fonction du Gouvernement, force est de constater que l'engagement n'a pas encore été tenu, les aides n'ont pas été simplifiées, la dépense publique continue à augmenter et les 700.000 emplois ont fondu de moitié.

Par ailleurs, il convient de distinguer au travers de l'objectif des 350.000 emplois dans le secteur public et parapublic les emplois créés des postes pourvus. Seulement 109.014 postes avaient été pourvus à la mi-novembre pour un objectif de 150.000 à la fin de l'année. Entre les 109.014 postes occupés et la promesse de 700.000 emplois, l'écart est grand et vos rapporteurs ne peuvent que constater l'échec relatif du projet initial qui excluait tout développement des emplois-jeunes dans l'Administration et donc à l'Education nationale. La démarche qualitative de micro-projets de créations d'emplois émergents dans le secteur non marchand a cédé le pas devant une approche qui rappelle à certains égards la politique des ateliers nationaux, ce qui est pour le moins regrettable et surtout dommageable pour les intéressés.

De plus, il apparaît que la recherche d'objectifs strictement quantitatifs montre aujourd'hui ses limites. Comme le précise M. Jean-Claude Boulard dans son rapport pour avis 21( * ) : " quel que soit le mode de comptabilisation retenu, il apparaît que l'objectif de 700.000 emplois-jeunes à terme (d'ici l'an 2000), prévoyant le recrutement par le secteur privé de 350.000 jeunes, risque de ne pas être atteint ".

Or, comme le déclarait encore récemment M. Jean Glavany 22( * ) : " le plan emplois-jeunes défendu pendant la campagne législative de 1997 ne se limitait pas aux 350.000 emplois dans le secteur public ou parapublic, mais à 700.000 emplois, avec un volet privé. Il ne faut pas oublier ce volet en cours de route, sinon ce programme serait un peu hémiplégique. Nous aurons beau créer tous les emplois publics imaginables, si nous n'associons pas les entreprises à ce projet, nous ne résoudrons pas le problème de manière durable " .

Vos rapporteurs s'associent à cette judicieuse remarque ; toute la question est effectivement de savoir si le Gouvernement souhaite résoudre durablement le défi du chômage des jeunes en créant des emplois pérennes ou si le plan emplois-jeunes doit être considéré pour ce qu'il semble être, un expédient, c'est-à-dire une mesure qui tire d'embarras pour le moment, mais laisse subsister la difficulté.

Dans ce dernier cas, il serait effectivement en train de réussir puisque ce sont des dizaines de milliers de jeunes qui grâce à lui sortent des statistiques du chômage ou des premiers cycles encombrés de l'université. Faut-il cependant se satisfaire de cette fonction d'escamotage statistique ? Votre commission invite le Gouvernement à approfondir sa démarche et à s'intéresser dès maintenant à la pérennisation de ces activités au terme des contrats.

L'idée d'une allocation de formation insertion avait été avancée en liaison avec les formations en alternance. Pour l'instant, le Gouvernement a décidé -temporairement on l'espère- de renoncer à ce projet puisqu'il a décidé de réduire les primes pour les contrats de qualification et d'apprentissage lorsqu'ils concernent des publics qualifiés.

Votre commission déplore l'abandon du développement des emplois-jeunes dans le secteur marchand, alors qu'il est le lieu naturel de leur pérennisation et de leur solvabilité.

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