AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'examen du projet de budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) pour 1999 a lieu, comme l'année dernière, dans des conditions peu satisfaisantes.

La compréhension du projet de BAPSA pour 1999 nécessite l'articulation complexe de trois projets de loi :

- le projet de loi de finances ;

- le projet de loi de financement de la sécurité sociale ;

- le projet de loi d'orientation agricole.

En effet, tant le projet de loi de financement de la sécurité sociale que le projet de loi d'orientation agricole affectent l'équilibre du régime des exploitants agricoles. Ces dispositions ne sont pas toutes prises en compte dans le projet de loi de finances.

Le problème de l'articulation entre loi de financement et BAPSA, et l'opportunité de maintenir un " budget annexe " est de nouveau posé. L'existence d'un budget annexe n'est une condition nécessaire ni de l'autonomie du régime agricole géré par la Mutualité sociale agricole, ni de l'existence d'une subvention de l'Etat à ce régime. Le monde agricole est attaché à l'existence de ce budget annexe. Ainsi toute réflexion sur l'évolution de la place du BAPSA devra reposer sur une concertation étroite et la conviction partagée qu'un changement de statut juridique ne signifie pas pour autant la suppression du deuxième régime français de protection sociale.

La Mutualité sociale agricole (MSA) ne doit pas souffrir des errements passés de sa Caisse centrale, reprise en main avec courage et fermeté, ou de ceux de sa Caisse de Corse, qui a failli là où d'autres institutions ont failli ; le régime agricole dispose d'une gestion décentralisée. Il est ainsi proche de ses assurés. Il fait preuve de dynamisme en matière de réseaux de filières et de soins.

Le projet de BAPSA pour 1999 comporte une nouvelle mesure de revalorisation des retraites agricoles les plus faibles, qui s'inscrit dans la logique des efforts précédents. Il reste à déterminer les prochaines étapes de cette revalorisation. La MSA vient de se déclarer sans ambiguïté en faveur d'un régime complémentaire obligatoire. Si la construction éventuelle d'un tel régime apportera des solutions aux " jeunes " agriculteurs, elle ne pourra améliorer que symboliquement le sort de ceux qui sont proches de la retraite.

Votre rapporteur a souhaité tout d'abord présenter les conséquences pour le régime agricole de l'augmentation de la contribution sociale généralisée, compensée par la diminution des cotisations d'assurance maladie : la parité de gain de pouvoir d'achat, entre agriculteurs et salariés, n'a pas été respectée.

I. UN PREMIER BILAN DU BAPSA POUR 1998 MONTRE QUE LA SPÉCIFICITÉ DU RÉGIME AGRICOLE N'A PAS ÉTÉ PRISE EN COMPTE

A. L'EXÉCUTION DU BAPSA POUR 1997 ET LES ESTIMATIONS 1998

1. L'exécution du BAPSA pour 1997 : un déficit de 520 millions de francs

Les dépenses du BAPSA pour 1997 s'élèvent à 86,9 milliards de francs , dont 33,7 milliards de francs de prestations maladie-maternité-invalidité, 47,8 milliards de francs de prestations vieillesse, 12,4 milliards de francs en assurance-veuvage et 4,3 milliards de francs de prestations familiales.

Ces dépenses sont inférieures de 240 millions de francs au montant inscrit en loi de finances, principalement en raison de dépenses d'assurance maladie moins élevées que prévu. Cette économie, associée aux moindres dépenses de prestations familiales et à un moindre montant des intérêts, compense le dépassement des dépenses d'assurance vieillesse, occasionné par les mesures en faveur des petites retraites.

Les recettes du BAPSA pour 1997 s'élèvent à 86,4 milliards de francs . La moins-value de recettes atteint 760 millions de francs.

Le financement professionnel apporte 15,8 milliards de francs au BAPSA en 1997, soit un montant supérieur de 165 millions de francs à celui prévu en loi de finances initiale, mais inférieur de 405 millions de francs à celui estimé en loi de finances rectificative.

Le versement de la compensation démographique est supérieur de 840 millions de francs à celui inscrit en loi de finances initiale.

Les moins-values de recettes les plus importantes concernent la TVA affectée au BAPSA (- 1,2 milliard de francs) et la subvention d'équilibre de l'Etat (- 620 millions de francs).

Au total, l'exécution du BAPSA 1997 se solde par un déficit de 520 millions de francs qui aurait pu être évité. En effet, le Gouvernement, à l'occasion de la loi de finances rectificative de décembre 1997, avait -prétextant d'une progression très importante du financement professionnel, qui ne s'est pas avérée- réduit la subvention d'équilibre du budget général.

2. Les prévisions de réalisations du BAPSA pour 1998 : un excédent sous conditions

Les prévisions de réalisations du BAPSA laissent escompter pour 1998 un excédent de plus d'1 milliard de francs, qui s'explique à la fois par des dépenses moins élevées que prévu et par un surcroît de recettes. Cet excédent pourrait néanmoins s'avérer moins élevé. Il dépend en effet de la réalisation de plusieurs conditions.

Les dépenses seraient inférieures d'environ 600 millions de francs aux prévisions, en raison de l'évolution des dépenses d'assurance maladie et de régularisations de la dotation globale hospitalière favorables au régime agricole. Cette hypothèse tient également compte d'un ralentissement des dépenses de santé au deuxième trimestre 1998.

Estimation des dépenses du BAPSA 1998

(en millions de francs)

 

1998 LFI

1998 (estimations)

Moyens des services

91

91

Assurance maladie, maternité, invalidité

33.756

33.261

Modernisation assurance maladie

100

100

Assurance veuvage

12

12

Prestations familiales

4.085

4.105

Assurance vieillesse

49.041

49.012

Etudiants et praticiens

765

728

Etalement et prise en charge de cotisations

110

110

Intérêts

220

165

TOTAL

88.180

87.584

Le poste " honoraires ", comprenant l'ensemble des actes des médecins, reste stable. Le poste " prescriptions " progresse de 0,7 %.

En ce qui concerne les dépenses relatives aux établissements hospitaliers, il est intéressant de noter :

- le ralentissement de la hausse du poste " personnes âgées " (médicalisation des maisons de retraite et soins à domicile des personnes âgées) : + 3,2 % en 1998 (contre + 6,2 % en 1996 et + 4,3 % en 1997).

- la légère baisse des dépenses d'hospitalisation privée ;

- la diminution des dépenses de budget global hors régularisation, en raison de la poursuite de la baisse des dépenses relevant du BAPSA dans le total de ces dépenses.

Estimation des recettes du BAPSA 1998

(en millions de francs)

 

1998 LFI

1998 (estimations)

Financement professionnel

16.276

16.500

Taxes

26.174

26.719

Sécurité sociale

37.298

37.833

Etat

8.432

7.632

Recettes diverses

 

50

TOTAL

88.180

88.734

L'estimation pour 1998 fait état d'un surcroît de recettes de 0,6 milliard de francs, qui dépend pour moitié de la prévision relative à la TVA affectée et pour l'autre moitié d'un accroissement des versements des autres régimes (compensation démographique vieillesse). L'arrêté du 18 novembre 1998 portant annulation de crédits prévoit une diminution de la subvention d'équilibre du budget de l'Etat de 800 millions de francs (chapitre 46-32).

B. LA SUBSTITUTION CSG/COTISATIONS D'ASSURANCE MALADIE : LA PARITÉ DE POUVOIR D'ACHAT ENTRE EXPLOITANTS AGRICOLES ET SALARIÉS N'A PAS ÉTÉ RESPECTÉE

1. Des gains de pouvoir d'achat différenciés

Pour le régime agricole, la réforme de la CSG n'est pas intervenue dans une période très heureuse, puisqu'une réforme des cotisations sociales venait de s'achever, visant notamment à permettre la comparaison de l'effort contributif des agriculteurs par rapport aux autres catégories socioprofessionnelles.

L'opération de substitution (augmentation du taux de la CSG et baisse du taux de cotisations maladie) ne permet pas une comparaison aussi directe.

La CSG perçue sur les revenus agricoles est assise sur la même assiette que les cotisations, mais majorée du montant de ces mêmes cotisations, tandis que l'assiette de la CSG pour les salariés est constituée par le salaire brut, diminué de 5 %. Ainsi, l'assiette CSG porte sur 62,6 milliards de francs en 1998, alors que l'assiette des cotisations maladie agricoles porte sur 49,2 milliards de francs. Elle est supérieure d'environ 27 %. Pour calculer un taux de baisse des cotisations maladie assurant la parité de gain de pouvoir d'achat entre agriculteurs et salariés en 1998, il aurait fallu multiplier le taux de baisse prévu par le Gouvernement pour les salariés du régime général (4,75 points), par le rapport des assiettes (127/95 1( * ) ). Le résultat de ce calcul donne un chiffre compris entre 6,3 et 6,4.

Le Gouvernement a accordé une baisse de 5,5 points des cotisations maladie aux agriculteurs actifs , en compensation de l'augmentation des 4,1 points de CSG déductibles.

Taux de cotisations en 1998 et en 1999

 

Taux technique

Complémentaire

Global

AMEXA

8, 13 %

2,71 %

10,84 %

Veuvage

0,10 %

-

0,10 %

AVA sous plafond

8,445 %

2,53 %

10,975 %

AVA déplafonnée

1,29 %

0,25 %

1,54 %

AVI

3,20 %

-

3,20 %

PFA

4,36 %

1,04 %

5,40 %

La parité de pouvoir d'achat entre les salariés et les exploitants agricoles n'a pas été respectée. Le gain " global " pour ces derniers est estimé entre 0,3 % et 0,6 %, tandis qu'il se situerait pour les salariés au-delà de 1 %.

La substitution a défavorisé les 300 exploitants les plus aisés (revenus supérieurs à six fois le plafond de la sécurité sociale), puisque la cotisation maladie est plafonnée à hauteur de ce montant, tandis que la CSG n'est pas plafonnée.

Tranches de revenu par an

Equivalents en francs

Effet

< 800 SMIC

< 30.328 francs

très positif

entre 800 SMIC et le plafond de la sécurité sociale

entre 30.328 et 164.640

neutre

entre le plafond et 6 fois le plafond de la sécurité sociale

entre 164.640 et 987.840

positif

> 6 fois le plafond de la sécurité sociale

> 987.840

négatif

33 % des exploitants ont un revenu inférieur à 800 SMIC horaires (30.000 francs). Leur gain en pouvoir d'achat a été important, puisque la cotisation maladie est calculée sur la base de 800 SMIC, tandis que la CSG est calculée sur le revenu réel.

La substitution n'a pas été tout à fait équitable, puisque le gain est proportionnellement plus important pour les tranches hautes de revenu (comprises entre le plafond de la sécurité sociale et six fois ce plafond) que pour les tranches moyennes (revenus compris entre 800 SMIC et le plafond de la sécurité sociale).

Pour les retraités , la totalité de leurs cotisations maladie, soit 1,8 point de cotisations techniques et 1 point de cotisations complémentaires, a été supprimée en compensation de l'augmentation de 2,8 points de CSG sur les revenus de remplacement, la portant à 6,2 % pour les personnes imposées sur le revenu, 3,8 % pour celles s'acquittant de la taxe d'habitation ou 0 % pour les personnes non imposables.

Les retraités agricoles exonérés de CSG (une grande majorité) sont ainsi gagnants, tandis que l'opération est neutre pour les retraités soumis au taux réduit de CSG (3,8 %).

Par ailleurs, un certain nombre d'agriculteurs bénéficiant d'un allégement de cotisations sociales ont perdu cet avantage différentiel :

- jeunes agriculteurs ;

- pluriactifs agriculteurs à titre secondaire ;

- agriculteurs à titre principal ayant des activités accessoires ;

- préretraités agricoles ;

- retraités agricoles bénéficiant de prestations maladie d'un autre régime ou poursuivant l'exploitation agricole sur plus d'1/2 surface minimum d'installation (SMI) ;

- conjoints retraités bénéficiant de la seule retraite forfaitaire ;

- retraités titulaires de majorations de pension pour enfants.

Le Sénat avait adopté, au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, un amendement permettant de prendre en compte la situation des jeunes agriculteurs. Cet amendement n'a pas été retenu par l'Assemblée nationale.

2. Le cas spécifique des jeunes agriculteurs n'a pas été pris en compte

Exonération de cotisations jeunes agriculteurs

Depuis 1985, les jeunes agriculteurs bénéficient, sous certaines conditions, d'exonérations partielles de cotisations sociales : 50 % pour la première année, 40 % pour la seconde et 20 % pour la troisième.

Cette exonération ne peut pas, toutefois, dépasser un montant maximum.

Les conditions sont :

- exercer une activité d'exploitant à titre principal ou exclusif, et par conséquent bénéficier de l'AMEXA ;

- diriger une exploitation supérieure ou égale aux ¾ de la SMI ou, si la superficie est inférieure, justifier d'une décision d'attribution de la dotation aux jeunes agriculteurs ;

- être âgé de 21 ans au moins (sauf lorsque le jeune agriculteur doit reprendre l'exploitation, du fait de la cessation définitive de l'activité de l'un de ses deux parents, chef d'exploitation, résultant du décès ou d'une invalidité réduisant d'au moins 66,66 % sa capacité d'exercice de la profession agricole) et de 35 ans au plus au moment de l'affiliation, l'âge de 35 ans pouvant être reculé dans certaines conditions.

L'exonération ne concerne ni la CSG ni la CRDS.

Le montant moyen de l'exonération baisse de 2,5 % entre 1996 et 1997 et de 13,9 % entre 1998 et 1999.

Montant moyen de l'exonération
pour les jeunes agriculteurs

(en francs)

1996

1997

1998

6.785

6.618

5.698

Source : d'après tableau CCMSA/statistiques

Les jeunes agriculteurs connaissent une diminution de leurs charges globales. En effet, l'augmentation de la CSG n'annule pas l'effet positif de la baisse de leurs cotisations maladie. Les différences de définition de l'assiette cotisations sociales et de l'assiette CSG, par le décalage des périodes de référence, expliquent cette situation. En effet, l'assiette CSG s'applique à des années pour lesquelles le revenu est moins élevé que celui des années prises en compte dans l'assiette sociale.

Ventilation des charges pour les bénéficiaires
de l'exonération jeunes agriculteurs

Années

1996

1997

1998

Taux technique AMEXA

14,93 %

13,63 %

8,13 %

Cotisations sociales après exonérations (moyennes)

15.503

14.911

12.558

CSG-CRDS (moyennes)

1.493

2.008

4.120

Total

16.996

16.919

16.678

Source : d'après tableau CCMSA/statistiques

L'" avantage comparatif ", par rapport à un exploitant non bénéficiaire de l'exonération, demeure moins important qu'avant la substitution.

Une solution simple pourrait être, en conséquence, de majorer les trois taux d'exonération à un niveau permettant de rétablir cet avantage.

Page mise à jour le

Partager cette page