II. LA SITUATION DES JURIDICTIONS : DES BESOINS QUI DEMEURENT IMPORTANTS

Devant l'asphyxie des juridictions, qui avait été soulignée, en 1996, par la mission d'information constituée par votre commission des Lois pour évaluer les moyens de la justice 2( * ) , le renforcement des moyens qui leur sont affectés constitue depuis plusieurs années une priorité nationale.

Cependant, les dernières statistiques connues sur l'activité des juridictions confirment que les besoins nécessaires au traitement des flux de contentieux demeurent importants.

A. L'ACTIVITÉ CIVILE : DES DÉLAIS TOUJOURS EXCESSIFS ET DES STOCKS EN AUGMENTATION

En matière civile, on constate en 1997 3( * ) une stabilisation des flux d'affaires nouvelles par rapport à 1996 (-2,5 % devant les cours d'appel,- 4,6 % devant les tribunaux de grande instance et -2,9 % devant les tribunaux d'instance). Cette évolution est particulièrement sensible en ce qui concerne les tribunaux de grande instance pour lesquels la baisse enregistrée en 1997 succède à une hausse ininterrompue au cours des dix années précédentes.

Cependant, la durée moyenne de traitement des affaires reste fort éloignée des objectifs qui avaient été définis par la loi de programme de 1995.

Elle continue de s'accroître de manière particulièrement préoccupante devant les cours d'appel, même si elle tend à se stabiliser devant les autres juridictions, comme le montre le graphique ci-après.



En 1997, la durée moyenne de traitement des affaires s'est établie à :

- 16,3 mois pour les cours d'appel au lieu de 15,8 mois en 1996, alors que l'objectif fixé par la loi de programme était de douze mois ;

- 9,1 mois pour les tribunaux de grande instance , en légère progression par rapport à 1996 (8,9 mois), à comparer à l'objectif de six mois fixé par la loi de programme ;

- 5 mois pour les tribunaux d'instance , soit une stabilisation par rapport à 1996 mais une durée largement supérieure aux trois mois envisagés par la loi de programme ;

- 9,5 mois pour les conseils de prud'hommes (contre 9,4 mois en 1996) ;

- et 5,8 mois pour les tribunaux de commerce (contre 6,2 mois en 1996) 4( * ) .

En outre, les stocks d'affaires en cours continuent à s'accroître dans toutes les catégories de juridictions. L'évolution des délais qui seraient nécessaires à la résorption de ces stocks est illustrée par le graphique ci-après.



Compte tenu de la capacité actuelle de traitement des juridictions évaluée à partir du nombre d'affaires terminées dans l'année, ces stocks, exprimés en nombre de mois nécessaires à leur traitement, atteignent en 1997 :

- 18,43 mois pour les cours d'appel ;

- 10,87 mois pour les tribunaux de grande instance ;

- 9,07 mois pour les tribunaux d'instance ;

- et 10,50 mois pour les conseils de prud'hommes 5( * ) .

Votre rapporteur pour avis tient à évoquer la situation particulière des conseils de prud'hommes , marquée par des délais moyens de jugement supérieurs à neuf mois, auxquels s'ajoutent fréquemment de longs délais devant les cours d'appel (plus de la moitié des décisions prononcées en premier ressort sont frappées d'appel). En effet, ces juridictions qui jouent un rôle important dans la justice au quotidien ne doivent pas être oubliées dans le cadre des réflexions en cours en vue d'une amélioration de son fonctionnement.

En outre, les nombreux recours en cassation enregistrés en matière de droit du travail entraînent un encombrement préoccupant de la chambre sociale de la Cour de cassation. Pour remédier à cette situation, M. Jacques Larché, président, a préconisé l'institution d'une représentation obligatoire par avocat pour les recours en cassation dans ce domaine.

B. L'ACTIVITÉ PÉNALE : UNE RÉGULATION ASSURÉE PAR LES CLASSEMENTS SANS SUITE

En matière pénale, le nombre global des infractions signalées (plaintes, dénonciations, procès-verbaux) a légèrement décru en 1997, s'établissant à 4.941.334 (- 4,7 %).

La régulation du flux continue néanmoins à être assurée par de trop nombreux classements sans suite .

Même si le nombre de procédures alternatives aux poursuites s'accroît notablement, dépassant les 100.000 en 1997 (+ 12,4 %), les classements sans suite concernent encore près de 80 % du nombre total des affaires et surtout près de la moitié (45,8 %) des procédures dans lesquelles l'auteur de l'infraction a été identifié.

Si le délai de réponse pénale 6( * ) tend à décroître pour les contraventions de 5 ème classe (7,2 mois en 1996 contre 7,5 en 1995) et pour les délits (9,7 mois en 1996 contre 10,3 en 1995) , il continue en revanche à s'accroître pour les crimes, atteignant 44,8 mois en 1996 contre 42,6 mois en 1995.

C. L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES : UN ENGORGEMENT PRÉOCCUPANT

Si les transferts de compétences aux cours administratives d'appel ont permis de réduire progressivement le stock d'affaires en instance au Conseil d'Etat, qui en 1997 correspond à un délai théorique d'élimination d'environ un an, ils ont en revanche entraîné un accroissement massif du nombre d'affaires pendantes devant ces cours.

En effet, le nombre annuel d'affaires enregistrées par les cours administratives d'appel a triplé en données brutes entre 1991 et 1996 et le stock d'affaires en instance a été multiplié par quatre depuis 1990 ; le délai théorique d'élimination de ce stock, qui dépassait à peine un an en 1991, est actuellement de trois ans.

La situation devrait néanmoins s'améliorer à partir de 1998 compte tenu de la mise en service des deux nouvelles cours administratives d'appel de Marseille (en septembre 1997) et de Douai (prévue pour 1999).

En ce qui concerne les tribunaux administratifs , le nombre annuel d'affaires enregistrées a augmenté de 45 % de 1990 à 1997 en données nettes corrigées des séries, soit une moyenne de 6 % par an, et encore de 7 % de 1996 à 1997.

Le nombre annuel d'affaires traitées, toujours en données nettes, a toutefois crû de 9 % par an sur la même période. Cette augmentation de la capacité de jugement est due pour l'essentiel aux efforts de productivité des magistrats, qui semblent cependant avoir aujourd'hui atteint un palier.

Les stocks ont continué d'augmenter entre 1991 et 1997 ; leur rythme d'augmentation a néanmoins diminué et se situe actuellement entre 2 et 3 % par an. Le délai moyen de jugement, qui était de deux ans et demi en 1991, s'est réduit progressivement ; il est actuellement un peu inférieur à deux ans , ce qui reste cependant très éloigné de l'objectif de réduction à un an des délais moyens devant les juridictions administratives qui avait été fixé par la loi de programme.

Devant l'inflation du nombre des recours et les risques de paralysie de l'action des collectivités publiques qui en découlent compte tenu des délais de jugement, M. Jacques Larché, président, a estimé qu'il conviendrait d'envisager une augmentation substantielle du droit de timbre exigé pour les recours devant les juridictions administratives, actuellement fixé à 100 francs.

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