CHAPITRE II
EXTENSION DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE
DES PERSONNES MORALES
À CERTAINES INFRACTIONS

En première lecture, le Sénat a souhaité étendre la responsabilité pénale des personnes morales aux infractions d'exercice illégal de la médecine et de la pharmacie, fréquemment commises par des groupements à caractère sectaire.

Tout en acceptant cette modification, l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa rapporteure, Mme Catherine Picard, et du Gouvernement, a souhaité aller plus loin en étendant la responsabilité pénale des personnes morales à de nombreuses infractions pour lesquelles elle n'était pas prévue.

Article 2
(art. L. 376, L. 377 et L. 517 du code de la santé publique)
Extension de la responsabilité pénale des personnes morales
aux infractions d'exercice illégal de la médecine et de la pharmacie

Cet article tend à prévoir la responsabilité pénale des personnes morales pour les infractions d'exercice illégal de la médecine et de la pharmacie.

Actuellement, l'article L. 376 du code de la santé publique punit de 60.000 F d'amende et d'un emprisonnement de trois mois l'exercice illégal de la profession de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme.

L'article L. 517 du même code punit l'exercice illégal de la pharmacie d'une amende de 30.000 F et, en cas de récidive, d'une amende de 60.000 F et d'un emprisonnement de six mois.

En première lecture, le Sénat, à l'initiative de votre rapporteur, a souhaité prévoir la responsabilité pénale des personnes morales pour ces deux infractions.

L'Assemblée nationale a accepté cette extension. Elle a toutefois apporté quelques modifications au dispositif retenu par le Sénat :

- elle a tout d'abord augmenté les peines encourues par les personnes physiques pour les infractions d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie, les portant à un an d'emprisonnement et 100.000 F d'amende ;

- elle a choisi d'insérer les dispositions relatives à la responsabilité des personnes morales pour exercice illégal de la médecine dans un article du code de la santé publique distinct de celui qui définit les peines encourues par les personnes physiques ;

- elle a surtout écarté de la liste des peines encourues pour cette seule infraction par les personnes morales la dissolution, estimant que les peines encourues pour ces délits, même augmentées, n'étaient pas suffisamment graves pour que la dissolution de la personne morale puisse être prononcée. En tout état de cause, la dissolution d'un groupement sectaire condamné à plusieurs reprises pour exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie pourra être demandée au juge en application de la nouvelle procédure prévue par l'article premier de la présente proposition de loi.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 sans modification .

Articles 2 bis à 2 duodecies
(art. L. 121-6 et L. 213-6 nouveau du code de la consommation,
art. 221-9-1, 222-6-1, 222-16-1, 222-18-1, 222-33-1, 223-7-1, 223-15-1,
229-18-1, 227-4-1 nouveaux du code pénal, art. 227-17-2 du même code)
Extension de la responsabilité pénale des personnes morales

Si le Sénat a souhaité, en première lecture, étendre la responsabilité pénale des personnes morales à certaines infractions souvent commises par des groupements à caractère sectaire, l'Assemblée nationale est allée beaucoup plus loin en prévoyant la responsabilité pénale des personnes morales pour un grand nombre d'infractions pour lesquelles une telle responsabilité n'a pas été prévue lors de l'élaboration du code pénal.

L'Assemblée nationale a ainsi proposé de prévoir la responsabilité pénale des personnes morales pour les infractions suivantes :

- la publicité mensongère et la fraude (articles L. 213-1 à L. 213-4 du code de la consommation ; article 2 bis de la proposition de loi) ;

- les atteintes volontaires à la vie (articles 221-1 à 221-5 du code pénal ; article 2 ter de la proposition de loi) ; il convient de noter que la mise en cause de la responsabilité de la personne morale est déjà possible lorsque les atteintes à la vie constituent des actions de terrorisme (article 422-5 du code pénal) ;

- les tortures et actes de barbarie (articles 222-1 à 222-6 du code pénal ; article 2 quater de la proposition de loi) ;

- les violences (articles 222-7 à 222-16 du code pénal ; article 2 quinquies de la proposition de loi) ;

- les menaces (articles 222-17 et 222-18 du code pénal ; article 2 sexies de la proposition de loi) ;

- le viol et les autres agressions sexuelles , à l'exception de l'exhibition et du harcèlement (articles 222-22 à 222-31 du code pénal, article 2 septies de la proposition de loi) ;

- l'entrave aux mesures d'assistance et l'omission de porter secours (articles 223-5 à 223-7 du code pénal ; article 2 octies de la proposition de loi) ;

- la provocation au suicide (articles 223-13 à 223-15 du code pénal ; article 2 nonies de la proposition de loi) ;

- les atteintes au respect dû aux morts (articles 225-17 et 225-18 du code pénal ; article 2 decies de la proposition de loi) ;

- l'abandon de famille (articles 227-3 et 227-4 du code pénal ; article 2 undecies de la proposition de loi) ;

- la mise en péril des mineurs (articles 227-15 à 227-17-1 du code pénal ; article 2 duodecies de la proposition de loi).

*

La responsabilité pénale des personnes morales est une novation introduite dans notre droit lors de l'élaboration du nouveau code pénal. Elle est prévue à l'article 121-2 de ce code, qui dispose notamment que les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement dans les cas prévus par la loi ou le règlement des infractions commises pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

L'article 131-18 prévoit que les personnes morales peuvent se voir infliger des amendes d'un montant maximal égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques.

L'article 131-39 définit pour sa part les autres peines que le législateur peut prévoir à l'encontre des personnes morales.

Parmi celles-ci, figurent :

- la dissolution , lorsque la personne morale a été créée ou, lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni en ce qui concerne les personnes physiques d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans, détournée de son objet pour commettre les faits incriminés ;

- l'interdiction , à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales ;

- le placement , pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire ;

- la fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés.

L'Assemblée nationale a prévu la possibilité de prononcer l'ensemble des peines prévues par l'article 131-39 pour les infractions auxquelles elle a étendu la responsabilité pénale de la personne morale. Elle a cependant opéré des distinctions en ce qui concerne la possibilité pour le juge de prononcer la dissolution de la personne morale.

Si elle a prévu cette possibilité de dissolution pour les atteintes volontaires à la vie, les tortures et actes de barbarie, les violences et les agressions sexuelles, elle l'a en revanche écarté pour d'autres infractions telles que les menaces, les provocations au suicide ou les atteintes au respect dû aux morts.

Toutefois, la dissolution de groupements à caractère sectaire condamnés à plusieurs reprises pour l'une ou l'autre des infractions visées dans les articles 2 bis à 2 duodecies pourra être demandée dans le cadre de la nouvelle procédure prévue à l'article premier de la proposition de loi.

D'une manière générale, le choix de l'Assemblée nationale d'étendre la responsabilité pénale des personnes morales à de nombreuses infractions pour lesquelles elle n'était pas prévue soulève la question de la cohérence de l'ensemble de notre législation pénale en cette matière . Dans l'élaboration du nouveau code pénal, le législateur, après avoir admis le principe de la responsabilité pénale des personnes morales, a opéré des choix pour définir la liste des infractions susceptibles de justifier la responsabilité pénale de la personne morale.

Depuis lors, la liste retenue tend à s'étendre et la présente proposition de loi apporte une contribution spectaculaire à cette évolution. Il est peut-être souhaitable à la lumière des applications faites par le juge depuis 1994, de réexaminer l'ensemble du dispositif relatif à la responsabilité pénale des personnes morales, afin d'envisager, le cas échéant, sa généralisation, et, en tout état de cause, de veiller à sa cohérence.

Sous cette réserve, votre commission vous propose d'adopter les articles 2 bis à 2 duodecies sans modification .

Article 2 terdecies
(art. 131-39 du code pénal)
Peines encourues par les personnes morales

Dans sa rédaction actuelle, l'article 131-39 prévoit que la dissolution des personnes morales, lorsqu'elle est prévue par la loi, peut être prononcée si la personne morale a été créée pour commettre les faits incriminés. La dissolution est également possible si la personne morale a été détournée de son objet pour commettre les faits incriminés lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni en ce qui concerne les personnes physiques d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans.

Le présent article, inséré dans la proposition de loi par l'Assemblée nationale, tend à prévoir la possibilité de dissoudre une personne morale détournée de son objet dès lors que les faits incriminés constituent un crime ou un délit puni en ce qui concerne les personnes physiques d'une peine d'emprisonnement supérieure à trois ans.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 terdecies sans modification.

Article 2 quaterdecies
(art. 132-13 du code pénal)
Peines encourues par les personnes morales

L'article 131-38 du code pénal prévoit que le taux maximal de l'amende applicable aux personnes morales est égal à cinq fois le taux applicable aux personnes physiques.

L'article 132-13 vient apporter deux exceptions à cette règle. Ainsi, le taux de l'amende prononcée contre une personne morale peut atteindre dix fois celui qui est prévu par la loi pour les personnes physiques , lorsqu'une personne morale, déjà condamnée définitivement pour un crime ou pour un délit puni par la loi en ce qui concerne les personnes physiques de 700.000 F d'amende, engage sa responsabilité pénale, dans le délai de dix ans à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine, pour un délit puni de la même peine.

De même, le taux de l'amende prononcée contre une personne morale peut atteindre dix fois celui qui est prévu par la loi pour les personnes physiques, lorsqu'une personne morale, déjà condamnée définitivement pour un crime ou pour un délit puni par la loi en ce qui concerne les personnes physiques de 700.000 F d'amende, engage sa responsabilité pénale, dans le délai de cinq ans à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine, pour un délit puni par la loi en ce qui concerne les personnes physiques d'une peine d'amende supérieure à 100.000 F.

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a modifié cet article. Elle a tout d'abord prévu que le taux de l'amende pourrait être dix fois celui prévu par la loi dès lors qu'une personne morale, déjà condamnée pour un crime ou un délit puni en ce qui concerne les personnes physiques de 700.000 F d'amende, voit sa responsabilité engagée pour un délit puni par la loi en ce qui concerne les personnes physiques d'une peine d'amende d'au moins 100.000 F ( et non plus supérieure à 100.000 F ).

Elle a en outre prévu que, dans les cas mentionnés à l'article 132-13, la personne morale pourrait se voir infliger les peines prévues à l'article 131-39 et non seulement une peine d'amende augmentée.

Même s'il semble que l'article 132-13 du code pénal n'ait à ce jour jamais été appliqué par une juridiction, ces aggravations de peines pourraient à l'avenir avoir une utilité si le nombre de poursuites à l'encontre des personnes morales venait à augmenter.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 quaterdecies sans modification.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page