EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER
-
DE L'INDEMNISATION DE L'ALÉA MÉDICAL

Article premier
Prise en charge par l'assurance maladie
de l'indemnisation de l'accident médical non fautif

Cet article insère, après l'article L. 321-3 du code de la sécurité sociale, un article nouveau L. 321-4 qui vient compléter le chapitre premier (" Dispositions générales ") du titre deuxième relatif à la l'assurance maladie.

L'article L. 321-4 prévoit que l'assurance maladie prend en charge la réparation de l'intégralité du dommage subi par un patient, ou par ses ayants droit en cas de décès, à l'occasion d'un acte ou de soins médicaux dès lors que la juridiction compétente aura établi que :

- aucune faute n'a été commise à l'occasion de l'acte ou des soins médicaux ;

- le dommage est sans lien avec l'état du patient ou son évolution prévisible,

- et que ce dommage est grave et anormal.

Le montant du préjudice est fixé par la juridiction compétente.

Les conditions prévues par cet article sont celles qui sont habituellement retenues par la jurisprudence administrative. Elles ne renvoient pas cependant à un taux d'IPP afin de laisser au juge toute latitude quant à l'opportunité d'accorder une indemnisation pour le dommage subi.

La rédaction retenue permet ainsi par exemple au juge d'indemniser un pianiste qui aurait perdu l'usage d'un doigt alors même que le taux d'IPP serait vraisemblablement très faible.

Le dernier alinéa a pour objet d'apporter une réponse au délicat problème des frais que doit avancer le demandeur - la victime ou ses ayants droit- dans le cadre de la procédure d'expertise.

Les provisions en matière d'expertise judiciaire peuvent en effet atteindre des sommes importantes, dont il est compréhensible que la victime ne puisse pas toujours faire l'avance, d'autant que s'y ajoutent les frais non recouvrables de procédure, constitués par les honoraires de son conseil et les frais d'assistance du médecin de son choix aux opérations d'expertise.

Le dernier alinéa du texte proposé par cet article précise que si la situation économique de l'intéressé le justifie et si sa demande n'apparaît pas sérieusement contestable, le juge peut ordonner une dispense de consignation pour l'expertise. Cette dispense doit être sollicitée par l'intéressé.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 2
Responsabilité sans faute en cas d'infections nosocomiales

Reprenant les jurisprudences administratives et judiciaires, cet article introduit dans la loi le principe d'une responsabilité sans faute en matière d'infections nosocomiales.

Ainsi, même en l'absence de faute, les établissements de santé seraient responsables vis-à-vis des patients qu'ils accueillent des dommages résultant d'infections nosocomiales.

Dans ce cas, les organismes sociaux bénéficieraient cependant toujours d'un recours sur la base de la faute prouvée.

Afin d'éviter toute ambiguïté, votre rapporteur vous propose de préciser que l'ensemble des établissements de santé sont visés par cet article, qu'ils soient publics ou privés.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 3
Prescription décennale pour les actes ou soins médicaux

Cet article vise à unifier les délais de prescription de la responsabilité des médecins ou des établissements de santé à l'occasion d'actes ou de soins médicaux.

Ce délai est actuellement de trente ans en matière contractuelle, de dix ans en matière délictuelle et de quatre ans en matière administrative.

Cet article fixe à dix ans le délai de prescription pour les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des médecins ou des établissements de santé à l'occasion d'actes ou de soins médicaux.

Un délai uniforme de prescription de dix ans devrait permettre de stabiliser les règles de mise en oeuvre de la responsabilité civile des professionnels de santé.

Afin d'éviter toute ambiguïté, votre rapporteur vous propose de préciser que l'ensemble des établissements de santé sont visés par cet article, qu'ils soient publics ou privés.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 4
Réforme de l'expertise médicale

Cet article procède à une profonde réforme de l'expertise médicale.

Il prévoit que, dans l'ordre judiciaire ou administratif, l'expertise en responsabilité médicale est confiée à des médecins experts figurant sur une liste nationale établie par un Collège de l'expertise en responsabilité médicale .

Ce Collège est composé de magistrats des deux ordres de juridiction, de représentants de la Conférence des doyens, du Conseil national de l'ordre des médecins, des associations de malades et de personnalités qualifiées.

Peuvent être inscrits sur la liste nationale, les médecins justifiant des compétences médicales nécessaires et d'une évaluation périodique des connaissances et pratiques professionnelles. L'inscription vaut pour une durée renouvelable de cinq ans.

Le Collège de l'expertise en responsabilité médicale peut, après une procédure contradictoire, radier de la liste un expert dont les qualités professionnelles se sont révélées insuffisantes ou qui a manqué à ses obligations déontologiques ou d'indépendance.

L'expertise judiciaire en matière civile

Etat des textes

1) Statut des experts

Il est établi, chaque année, une liste nationale et une liste dressée par chaque Cour d'appel des experts en matière civile (loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires).

Outre les conditions habituelles d'honneur, de probité et d'absence de faillite personnelle ou de sanctions disciplinaires, les candidats à l'inscription sur l'une de ces listes doivent justifier exercer ou avoir exercé une profession ou une activité en rapport avec leur spécialité pendant un temps " suffisant " et " dans des conditions ayant pu conférer une suffisante qualification ". Ils doivent en outre être âgés de moins de soixante-dix ans (décret n° 74-1184 du 31 décembre 1974 relatif aux experts judiciaires).

Les demandes d'inscription sur les listes établies auprès des Cours d'appel sont instruites par le procureur de la République et soumises pour avis à l'assemblée générale du tribunal de grande instance puis à l'assemblée générale de la Cour d'appel, cette dernière dressant la liste après avoir entendu le ou les magistrats chargés de faire rapport.

Les demandes d'inscription sur la liste nationale (nécessitant en principe trois années d'inscription sur la liste d'une Cour d'appel) sont instruites par le procureur général près la Cour de cassation, le bureau de la Cour dressant la liste sur le rapport d'un de ses membres.

Sans que les intéressés aient à renouveler leur demande initiale, la situation de chaque expert précédemment inscrit est examinée chaque année " pour s'assurer qu'il continue à remplir les conditions requises, respecte les obligations qui lui sont imposées et s'en acquitte avec ponctualité ". A cette occasion, le magistrat rapporteur donne connaissance, le cas échéant, des plaintes formulées et des observations des autorités judiciaires à l'égard de chacun des experts. Préalablement à cet examen, les experts font connaître le nombre de rapports qu'ils ont déposés au cours de l'année judiciaire.

La radiation peut, par ailleurs, être prononcée en cours d'année en cas de faute professionnelle grave, notamment lorsque l'expert n'exécute pas sa mission dans les délais prescrits, après mise en demeure. La procédure de radiation est mise en oeuvre à l'initiative du premier président ou du procureur général après enquête sur le bien-fondé des plaintes reçues par eux.

2) Déroulement et contrôle des missions d'expertise

En matière civile, les juges peuvent désigner en qualité d'expert toute personne de leur choix, la liste nationale et les listes propres à chaque Cour d'appel n'étant établies que " pour l'information des juges ".

En pratique toutefois, les magistrats n'usent que rarement de la faculté de s'écarter de ces listes, lesquelles ont ainsi valeur de référence quasi obligée.

Il n'est en principe désigné qu'un seul expert mais le juge peut en désigner plusieurs, sans avoir à motiver sa décision, " s'il l'estime nécessaire ". Dans ce cas, il n'est déposé qu'un seul rapport, chaque expert indiquant son opinion en cas de divergence.

L'expert peut par ailleurs prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne. L'avis de ce technicien est joint au rapport.

De nombreuses dispositions tendent à assurer un déroulement rapide de l'expertise :

- la décision qui ordonne l'expertise impartit le délai dans lequel l'expert devra donner son avis ;

- dès le prononcé de la décision, le secrétaire de la juridiction en notifie copie à l'expert, lequel fait connaître " sans délai " son acceptation au juge ;

- il doit commencer ses opérations " dès qu'il est averti que les parties ont consigné la provision mise à leur charge, à moins que le juge ne lui enjoigne de les entreprendre immédiatement " ;

- au cours de l'exécution de sa mission, l'expert " doit informer le juge de l'avancement de ses opérations et des diligences par lui accomplies " ;

- dès que l'expertise est terminée, " l'instance se poursuit à la diligence du juge ".

Plus généralement, diverses dispositions confèrent au juge qui a désigné l'expert d'importantes capacités d'initiative aux fins de contrôle du déroulement des opérations (assistance aux opérations, règlement immédiat des difficultés éventuelles, audition de l'expert après dépôt du rapport si le juge n'y trouve pas les éclaircissements suffisants...).

En outre, le décret du 28 décembre 1998 a introduit deux innovations importantes, d'une part en offrant aux présidents de juridictions la faculté de désigner un juge spécialement chargé de centraliser le contrôle de l'exécution des mesures d'instruction au sein du tribunal, d'autre part en permettant au juge, pour fixer la rémunération de l'expert, de statuer en fonction, notamment, " des diligences accomplies, du respect des délais impartis et de la qualité du travail fourni ".

3) Les frais et honoraires d'expertise

Le juge qui ordonne l'expertise ou le juge chargé du contrôle fixe, lors de la nomination de l'expert, le montant d'une provision aussi proche que possible de sa rémunération définitive prévisible. Il désigne la ou les parties qui devront consigner cette provision dans le délai qu'il détermine. Il aménage, s'il y a lieu, les échéances dont la consignation peut être assortie.

C'est en vertu de son pouvoir discrétionnaire que le juge met la provision à la charge de l'une ou l'autre des parties et la décision qui fixe la provision n'est pas susceptible de recours. Toutefois, il est d'usage quasi constant de mettre la provision à la charge du demandeur et ce, a fortiori lorsque l'expertise tend à établir, en l'absence de tout autre commencement de preuve, le principe même de la responsabilité du défendeur, comme c'est habituellement le cas en matière de responsabilité médicale.

L'expert qui justifie avoir fait des avances peut être autorisé, en cours d'expertise, à prélever un acompte sur la somme consignée ; s'il établit que la provision allouée devient insuffisante, le juge ordonne la consignation d'une provision complémentaire. Dès le dépôt du rapport, le juge fixe la rémunération définitive de l'expert, autorise ce dernier à se faire remettre les sommes consignées et ordonne, le cas échéant, le versement des sommes complémentaires qui lui sont dues, en indiquant la ou les parties qui en ont la charge.

La charge définitive des frais et honoraires d'expertise est déterminée par la décision au fond aux termes de laquelle le juge condamne la partie perdante aux dépens à moins que, par décision motivée, il en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Si le demandeur bénéficie de l'aide juridictionnelle, les frais et honoraires d'expertise sont avancés par l'Etat (art. 40 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique).

Le demandeur à l'aide juridictionnelle doit justifier que ses ressources mensuelles sont inférieures à un plafond, revalorisé chaque année, qui s'établit, au 1 er janvier 1999, à 4.940 francs pour l'aide totale et à 7.412 francs pour l'aide partielle, sous réserve de correctifs pour charges de famille.

L'aide juridictionnelle peut toutefois, à titre exceptionnelle, être accordée aux personnes dont les ressources excèdent ces plafonds " lorsque leur situation apparaît particulièrement digne d'intérêt au regard de l'objet du litige ou des charges prévisibles du procès " (art. 6 de la loi du 10 juillet 1991). Plusieurs bureaux d'aide juridictionnelle font ainsi application de ces dispositions en faveur des demandeurs en indemnisation à raison d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C. Toutefois, les pratiques des bureaux d'aide juridictionnelle ne sont pas uniformes dans ce domaine...

Lorsque, à l'issue du procès, le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle est condamné aux dépens, il ne supporte que la charge des frais effectivement exposés par son adversaire. Dans l'hypothèse, par conséquent, où, dans le cadre d'un procès en responsabilité, le demandeur bénéficiaire de l'aide juridictionnelle est débouté et condamné aux dépens, les frais et honoraires d'expertise ne sont pas recouvrés contre lui.

A l'inverse, lorsque la partie condamnée aux dépens ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, elle est tenue de rembourser au Trésor public toutes les sommes exposées par l'Etat, y compris les frais et honoraires d'expertise que l'autre partie, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, a été dispensée d'avancer.

La réforme proposée par cet article, qui prévoit notamment la présence de magistrats et de représentants des associations de malades au sein du Collège, devrait contribuer à garantir l'indépendance professionnelle et la neutralité scientifique des experts médicaux.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

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