LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES35 ( * )

• M. Bernard KOUCHNER, Ministre délégué à la santé

• Professeur Bernard HOERNI, Président du Conseil national de l'Ordre des médecins

• Professeur Marc BRODIN, Président de la Conférence nationale de santé

• Professeur Roland SAMBUC, vice-président du Haut comité de santé publique, accompagné du Docteur Anne TALLEC, rapporteur général

• M. François de PAILLERETS, Président du Comité français d'éducation pour la santé et de Mme Bernadette ROUSSILLE, déléguée générale

• M. Pierre SARGOS, Président de la chambre sociale de la Cour de cassation

• M. Etienne CANIARD, secrétaire du Comité national d'orientation des Etats généraux de la santé

I. AUDITION DE M. BERNARD KOUCHNER, MINISTRE DÉLÉGUÉ À LA SANTÉ (MARDI 8 JANVIER 2002)

M. Nicolas ABOUT, président - Monsieur le ministre, mesdames et messieurs, mes chers collègues, je vous adresse tous mes voeux en ce début d'année.

Notre commission ouvre aujourd'hui une série d'auditions publiques sur le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

En bonne logique, il nous a semblé nécessaire et souhaitable d'entendre d'abord le ministre, que je remercie de sa présence.

La commission a désigné trois rapporteurs : Francis Giraud, Gérard Dériot et Jean-Louis Lorrain, respectivement pour le titre I sur la démocratie sanitaire, le titre II sur la qualité du système de santé et, pour les titres III et IV sur la réparation des conséquences des risques sanitaires et les dispositions relatives à l'outre-mer.

Par ailleurs, la commission des Lois s'est saisie pour avis de ce texte. Je salue la présence de notre collègue Pierre Fauchon, rapporteur pour avis.

Je voudrais brièvement faire part d'une inquiétude : le projet de loi qui nous occupe n'est pas, à mon avis, examiné dans d'excellentes conditions !

D'une part, sa discussion intervient dans un contexte difficile, qui se caractérise par la persistance de déficits importants pour l'assurance maladie, la multiplication des ponctions sur ses recettes au profit du fonds de financement au profit des 35 heures et, par conséquent, le climat fort dégradé des relations avec les professionnels de santé, comme on le voit aujourd'hui avec les généralistes.

Ce sont en quelque sorte les fondements mêmes de notre système de santé qui sont ainsi menacés, et cela ne peut que fragiliser les intentions louables du projet de loi qui nous occupe.

De fait, l'étude d'impact, au demeurant fort lacunaire, dont est assorti le texte, montre au moins une chose : que ce soit en matière de prévention ou d'indemnisation, les financements reposent essentiellement sur l'assurance maladie !

En second lieu, la discussion du projet de loi ne se déroule pas dans de bonnes conditions techniques : annoncé en juin 1999, le texte a été déposé le 5 septembre 2001 !

Je rends hommage à la très large concertation dont le projet de loi a fait l'objet pendant toute cette période ; toutefois, je regrette que, lorsque vient ce que vous appelez, monsieur le ministre, la « phase parlementaire », la machine s'emballe !

Déclaration d'urgence, examen à l'Assemblée nationale dès les premiers jours d'octobre, navettes précipitées par la suite, alors que l'automne a été neutralisé non seulement par la loi de financement de la sécurité sociale, mais également par une série de textes sociaux, dont une sorte de monstre de 224 articles : le projet de loi dit de modernisation sociale.

Il reste que nous sommes d'accord sur un point : il est important de discuter du texte que nous allons examiner avec attention, de le clarifier, de l'améliorer, et je souhaite pour ma part qu'en dépit du contexte et de la procédure que j'évoquais, nous puissions parvenir à un accord avec l'Assemblée nationale !

J'ajoute que votre audition, et celle des personnalités que nous entendrons demain, font l'objet non seulement d'une retransmission sur la chaîne parlementaire, mais également d'un compte rendu intégral qui sera annexé au rapport.

Voilà, monsieur le ministre, les conditions dans lesquelles tout ceci va se dérouler.

Je vous laisse la parole.

M. Bernard KOUCHNER, ministre délégué à la santé - Merci, monsieur le président. Merci également à la commission des Lois. Votre solidarité m'est précieuse.

Monsieur le président, avant de vous présenter brièvement ce projet de loi, je voudrais répondre encore plus brièvement aux critiques ou remarques que vous avez formulées.

Oui, c'est un peu précipité mais, pour ma part, depuis près de dix ans, je m'attache tout particulièrement aux dispositions législatives qui vous sont aujourd'hui proposées.

Il est vrai que le calendrier parlementaire et l'abondance des textes exigent de vous proposer l'urgence sur ce texte. Je crois qu'il s'agit d'un texte très attendu.

Seconde remarque à propos du contexte que vous avez souligné.

Je ne parlerai pas ici du contexte de la sécurité sociale. Nous nous en sortons mieux que les autres pays -nous aurons l'occasion d'en débattre- mais notre système moderne et performant coûte de plus en plus cher, même si nous ne nous en sortons pas parfaitement.

Ce que je voudrais souligner, ce n'est pas le contexte de la grève des médecins généralistes, ni celui d'une rupture de la confiance entre les patients et les médecins, mais le contexte général d'une conception très différente et d'une évolution de la profession qui m'inquiète et qui vous inquiète aussi, je le sais.

L'essentiel, je vous le dis du fond du coeur, parce que vous savez l'attachement que j'ai pour ce métier, ce sont ces conditions particulières qui me permettent d'insister sur l'importance de ce texte.

C'est ici, au Sénat, que se sont enracinés les divers textes d'amélioration du système de soins.

La transformation profonde de notre système de soins, nous l'avons entamée ; elle ne sera pas terminée avec ce texte, mais elle doit permettre de rétablir la confiance indispensable dans la période particulière que nous connaissons avec la grève des généralistes.

Cela va s'arranger : je suis sûr que, des négociations, sortiront des résultats positifs, mais je comprends très bien ces inquiétudes, cette angoisse.

Vous auriez pu citer l'arrêt Perruche, monsieur le président, et je sais que nous en parlerons.

Plus la performance est grande dans notre système de soins et plus l'inquiétude se fait jour, car on en demande de plus en plus ; plus on en a à demander, et plus on insiste pour en demander davantage.

C'est un hommage rendu au système, mais c'est évidemment un grand danger. Certains se découragent, et je comprends la lassitude d'un certain nombre de médecins.

Je voulais insister sur ces points mais, pour être très bref, je suis très heureux d'être devant vous pour présenter ce texte auquel le Gouvernement attache une importance particulière -je le crois personnellement- parce qu'il est très attendu par les malades et les acteurs du système de santé.

Je veux, je le répète, rétablir la confiance nécessaire, indispensable, entre les malades et les médecins.

En effet, les droits des malades, la qualité des soins, le développement de la prévention, l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, autant de sujets essentiels auxquels nous nous consacrons depuis des années qui, grâce à ce texte et à vous-mêmes, j'en suis certain, arrivent enfin à leur terme !

Ce projet de loi présente une réforme d'ensemble du fonctionnement du système de santé, afin de le démocratiser, d'en poursuivre sa modernisation et d'établir de nouveaux rapports de confiance.

Il fallait en effet prolonger et compléter par une loi d'ensemble les changements importants que j'ai soulignés tout à l'heure, intervenus dans ce domaine, afin d'en poursuivre la modernisation, une modernisation qui ne ferait pas des médecins les otages des malades mais, au contraire, des partenaires retrouvés, comme le renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, auxquels votre commission a apporté une contribution décisive, la lutte contre les exclusions dans le domaine de la santé, la mise en place de la CMU, qui assure la gratuité des soins pour les personnes les plus démunies, le développement des soins palliatifs, la réforme de la législation sur l'interruption volontaire de grossesse, la réforme des études médicales.

Par ailleurs, d'importants progrès thérapeutiques ont été réalisés ces dernières années. Des espoirs formidables sont nés pour le traitement du cancer ou des maladies de la vieillesse -j'en passe.

Dans le même temps, je partage votre sentiment : le malaise hospitalier, la crise d'identité des professionnels libéraux -on le voit aujourd'hui avec le mouvement des médecins généralistes visant à une meilleure reconnaissance de leur place dans le système de soins, mais aussi, plus largement, de leur place dans la société- la revendication d'un nouveau rôle pour les associations s'expriment aujourd'hui avec force. Je les comprends !

Enfin, le drame du sang a mis en lumière la conséquence tragique des dérives possibles de la médecine et la nécessité d'une politique déterminée de sécurité sanitaire.

Il faut aussi prendre en compte ces évolutions, mais bien plus encore ces aspirations, ces doutes, ces remises en cause et, devrais-je ajouter, ces progrès. Car c'est parce que nous sommes bons, en France, que l'on en demande d'autant plus. Avec le niveau moyen de la radiologie et de l'échographie aux Etats-Unis, on n'en demanderait pas autant ! Plus on connaît et plus on exige davantage et presque du 100 %. Ce n'est pas possible !

C'est pourquoi ce projet de loi était nécessaire.

La préparation de ce projet de loi a été annoncée par le Premier ministre lors de la clôture des états généraux de la santé, qui se sont déroulés de l'automne 1998 à fin juin 1999, et qui ont mobilisé un grand nombre de participants.

Il ne s'agit pas ici de saluer le rôle du Premier ministre, mais de rappeler les quelque 1.000 réunions qui ont été organisées dans ce cadre et qui furent un formidable exercice de démocratie. Elles ont toutes traduit la même demande du public, et notamment des associations de malades et d'usagers, en faveur d'une médecine plus humaine et d'une politique de santé plus complète et plus globale.

La critique ne visait pas les médecins, même si ceux-là, de temps en temps, se sont sentis interpellés, mais le système et non les professionnels !

Les conclusions de ces états généraux de la santé, ainsi que les réflexions engagées par les pouvoirs publics sur d'autres aspects du fonctionnement du système de santé ont servi de base à la rédaction de ce projet de loi que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui devant la Haute Assemblée.

Ce projet répond aux attentes légitimes des malades, de la population, mais aussi des professionnels et j'insiste sur ce point encore une fois, trop souvent négligé par les commentaires : l'insécurité des médecins ne protège jamais les malades !

C'est parce que l'on donne davantage de droits aux malades que l'on protège mieux les médecins, notamment en définissant les conditions d'un équilibre harmonieux des responsabilités entre les usagers, les professionnels, les institutions sanitaires et l'Etat.

Ce texte a pour objectif de développer la démocratie sanitaire, d'améliorer la qualité du système de santé, de mieux réparer les risques sanitaires.

La discussion, à l'Assemblée nationale, a été l'occasion de compléter et d'améliorer le projet de loi du Gouvernement. Il reste perfectible et je suis certain que les débats permettront de poursuivre ce travail, afin d'aboutir à un texte très attendu par les malades, mais aussi et surtout, aujourd'hui, par les professionnels de santé.

Le titre premier, relatif aux droits des personnes, tend à poser les conditions de cette démocratie sanitaire. Il consacre ou étend les droits de la personne malade, particulièrement nécessaires dans le contexte de grande vulnérabilité personnelle liée à la maladie.

Il affirme notamment le droit à la dignité, à la protection contre les discriminations, y compris en raison de caractéristiques génétiques, au respect de la vie privée, à la prévention et à la qualité des soins.

Il établit de manière claire le droit de prendre les grandes décisions concernant sa propre santé, notamment par le biais d'un concept que la médecine connaît bien : le consentement libre et éclairé.

Il pose le principe du droit de chaque malade à accéder directement, seul ou accompagné, aux informations médicales le concernant.

Il institue enfin un défenseur des droits des malades qui aura pour mission, au côté du ministre en charge de la santé, de promouvoir ces droits et de les faire respecter.

Il encadre de manière plus stricte les modalités selon lesquelles sont prononcées les hospitalisations sans consentement pour troubles mentaux.

En particulier, la liste des critères permettant aux préfets de prononcer des hospitalisations d'office est modifiée : désormais, le critère de la nécessité des soins sera indispensable et prioritaire pour prononcer une hospitalisation d'office et ceux ressortant de la sécurité publique, s'ils ne sont pas écartés, sont restreints aux atteintes à l'ordre public présentant un critère de gravité.

Je sais qu'il y a beaucoup de maires ici. Cela veut dire que, s'il n'y a pas de nécessité de soins, ce n'est pas à l'hôpital psychiatrique qu'il faut s'adresser, mais à la prison ! Il ne faut pas laisser stationner les gens des mois en hôpital psychiatrique pour qu'ils aillent ensuite en prison !

Il y aura une période de 72 heures durant laquelle les psychiatres pourront se déterminer de bonne façon. Il ne s'agit pas être laxiste, au contraire. Les consignes du Conseil de l'Europe en la matière sont d'ailleurs beaucoup plus souples, et celui-ci nous a jugés beaucoup trop sévères.

Ce texte crée également un statut nouveau des associations représentant les malades et usagers qui remplissent certaines conditions d'activité et de représentativité. Il leur reconnaît une place et un rôle dans toutes les instances participant à l'élaboration et à la gestion des politiques de santé, ainsi qu'un droit renforcé d'agir en justice.

Il aménage et clarifie les modalités selon lesquelles les professionnels et les établissements de santé sont tenus de déclarer les accidents médicaux, les affections iatrogènes, les infections nosocomiales.

Il prévoit également les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut mettre en demeure les professionnels et les institutions sanitaires de procéder à l'information des personnes en cas d'anomalie survenue lors d'un traitement ou d'une investigation médicale -sujet brûlant.

Il comporte par ailleurs un certain nombre de dispositions visant à préciser et à étendre les obligations déontologiques des professionnels de santé et des experts, qui sont consultés par le ministre chargé de la santé ou les agences de sécurité sanitaire, afin de permettre à l'administration de vérifier que l'indépendance professionnelle des intéressés est préservée.

Il prévoit de même que les agences de sécurité sanitaire sont tenues d'organiser tous les ans des débats publics sur des thèmes de santé du même nom.

Nous avons par ailleurs introduit une disposition importante au cours du débat parlementaire : la création d'un pôle santé-justice comme il en existe dans les finances, afin de permettre aux juges de traiter des dossiers souvent très complexes et qui exigent un certain professionnalisme et les experts dont nous avons souvent parlé ensemble.

Ces pôles permettront aux juges de s'adjoindre cette compétence d'assistance technique -médecins, vétérinaires, pharmaciens, etc.

Par ailleurs, le texte fait de la région le socle des politiques de santé en instituant un conseil régional de la santé, qui se substitue aux instances consultatives actuelles -conférences régionales de santé, CROS, etc.

Enfin -et ce n'est pas le moindre de ses mérites- il prévoit en amont de la loi de financement de la sécurité sociale, et à partir de l'analyse des besoins au niveau des régions, l'élaboration d'un projet de politique de santé par le Gouvernement qui transmet au Parlement, où ce texte est soumis à un débat public.

Ce serait donc en juin et on saurait enfin à quoi il faudrait consacrer les sommes habituelles et éventuellement les sommes nouvelles.

Deuxième titre : il comporte un certain nombre de dispositions visant à améliorer la qualité du système de santé.

Certaines tendent à garantir les compétences des professionnels. Elles visent par exemple à permettre la suspension, décrétée par le préfet, d'un praticien dangereux -cela nous est tous arrivé dans nos régions- et à encadrer celle des activités de chirurgie esthétique qui, aujourd'hui, se déroulent hors de tout contrôle sanitaire, en créant un système d'autorisation pour les structures de cette chirurgie esthétique.

Dans le même esprit, les dispositions concernant l'ANAES visent à développer sa mission d'évaluation des stratégies et des actes de prévention et de soins et à créer une mission nouvelle d'évaluation de la qualité de la prise en charge sanitaire de la population et des pratiques présentant des risques sérieux pour la santé des personnes, pouvant conduire à des accidents médicaux.

L'obligation de formation médicale continue est affirmée. Le dispositif actuel, tout le monde le sait, est inapplicable : nous avons essayé de l'appliquer tous ensemble !

Ces dispositions sont étendues à l'ensemble des médecins, qu'ils soient libéraux, hospitaliers ou salariés d'autres organismes que l'hôpital.

Le texte modernise profondément les ordres des professions médicales, en créant des chambres disciplinaires indépendantes des structures administratives, présidées par un magistrat et permettant aux patients d'être partie dans les procédures disciplinaires.

Il permet ainsi de mieux garantir les droits des plaignants et d'assurer un fonctionnement transparent des juridictions disciplinaires.

L'Assemblée nationale a souhaité que cette réforme profonde de l'Ordre des médecins, élaborée en pleine collaboration avec le Conseil national de l'Ordre des médecins, s'accompagne d'un changement de nom de cette institution, afin de signifier qu'il s'agit d'une transformation importante, la plus importante depuis la création de l'Ordre.

L'Assemblée nationale a par ailleurs étendu cette modification à l'Ordre des pharmaciens, par analogie.

Un Office des professions paramédicales est créé. Cet Office, devenu Conseil après la première lecture à l'Assemblée nationale, est une structure interprofessionnelle.

Il est chargé, pour les cinq professions essentielles que sont les infirmiers, les kinésithérapeutes, les orthophonistes, les orthoptistes et les pédicures-podologues, de fonctions disciplinaires, administratives et professionnelles.

Cet Office est destiné aux seuls professionnels ayant un exercice libéral, les salariés étant par ailleurs soumis à des procédures propres à leur secteur d'activité.

Le texte pose pour la première fois les bases d'une politique de prévention globale et cohérente. Celle-ci sera coordonnée au niveau national et financée, comme les soins, par le risque maladie.

Le projet transforme également le Comité français d'éducation pour la santé en Institut national de prévention et de promotion de la santé, qui sera opérateur et centre d'expertise pour les politiques de prévention, dont la préparation incombe à la Direction générale de la santé.

Enfin, le texte donne une base légale aux réseaux de santé qui ont pour objet de favoriser l'accès aux soins et favorise leur développement, notamment en précisant leurs modalités de financement par une enveloppe fongible régionalisée, intégrant l'enveloppe « hospitalière » et l'enveloppe « ville » et en facilitant les procédures administratives : guichet unique, décision conjointe des directeurs de l'IRCAM et de l'ARH.

Il permet aussi de pouvoir rémunérer par forfait des activités non prises en compte aujourd'hui, comme l'éducation thérapeutique ou la prise en charge des mineurs en danger de suicide par exemple, sous forme de psychothérapie.

Un amendement parlementaire a également été adopté permettant la constitution de coopératives hospitalières de santé, structure juridique pouvant servir de base à ces réseaux, si on le souhaite. Il existe aussi les associations et les sociétés à responsabilité limitée.

Le titre III du projet constitue enfin une innovation sans précédent dans les législations étrangères semblables, en raison de son ampleur.

Il n'existe en effet aucun équivalent. Même les projets suédois et danois, qui sont sans doute à ce jour les plus globaux et les plus proches du projet qui vous est proposé, ne couvrent pas l'aléa thérapeutique ni, dans la plupart des cas, les accidents dus à des produits de santé.

Ce chapitre met en place une procédure amiable de règlement des litiges en cas d'accident médical, d'infections nosocomiales ou d'affections iatrogènes.

Ainsi, toute personne s'estimant victime d'un accident médical pourra saisir une commission régionale, quelle que soit l'origine du dommage -acte médical ou produit de santé- et quel que soit le lieu où ce dommage s'est produit -hôpital, clinique, cabinet libéral.

La procédure devant la commission conduira, dès lors que le préjudice présente une certaine gravité, à une offre d'indemnisation ; si celle-ci est acceptée, ceci mettra fin au litige, dans la plupart des cas en moins d'un an.

Comme vous le savez, les litiges durent depuis souvent quinze ou vingt ans ! Il s'agit de mieux indemniser, en ayant moins recours aux juges, dans un délai raccourci.

Je tiens à souligner, au sein de cette procédure, l'importance de l'avis que rendra la commission qui sera saisie. Cette commission permettra à la victime, comme aux professionnels de santé qui, souvent, hésitent, de connaître les causes de l'accident et l'importance du dommage.

Il y aura ainsi pédagogie du risque -expression et concept auxquels je tiens- transparence sur le fonctionnement du système de santé et discussion sur des faits, avant toute idée d'indemnisation.

Il était important que cette indemnisation ne soit pas le fruit d'une « boîte noire », qui aurait peut-être soulagé les attentes financières, mais qui n'aurait pas permis cette confiance, à laquelle je tiens -pardonnez-moi de me répéter.

Cette confiance est essentielle. Si nous ne la reconstruisons pas, nous aurons des dérives américaines, qui sont déjà en train de se produire.

Il convient aussi de noter que le texte n'ouvre à un droit général à indemnisation en cas d'aléa thérapeutique qu'à la seule condition que le seul préjudice présente un caractère de gravité suffisant.

Ce droit pourra être invoqué directement devant les juridictions. Les indemnités pour aléa thérapeutique, c'est-à-dire sans faute établie, seront versées par un Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales créé par la loi, et qui sera financé par l'assurance maladie.

Le coût de ce dispositif peut être évalué, en régime de croisière, à 1,5 milliard, y compris les frais d'expertises et de fonctionnement des commissions régionales. C'est bien sûr un chiffre très approximatif. Si nous rétablissons la confiance, ce sera moins cher.

Le projet réaffirme par ailleurs les principes de la responsabilité médicale, notamment l'obligation de moyens, et rénove l'expertise médicale avec une liste nationale, etc.

Il tend également à faciliter l'accès à l'assurance, obligatoire pour les professionnels. Nous y travaillons. Obligation est également faite aux personnes présentant un risque aggravé de s'assurer. L'utilisation des tests génétiques par les assureurs est par ailleurs interdite.

Trois notions caractérisent donc la philosophie et l'ambition de ce projet :

- transparence, parce que la culture du secret n'est pas de mise dans une société moderne et adulte. L'efficacité de notre médecine, son succès international, doivent nous permettre d'en affronter les limites. La richesse de notre système de santé doit nous conduire à en expliciter les choix ;

- responsabilité, parce que l'acte médical est, par nature, un acte responsabilisé, pour le professionnel, bien sûr, mais pour le malade également, parce qu'il n'y a pas de décision plus grave, plus personnelle et plus responsable que celle concernant sa propre santé ;

- confiance, enfin et surtout, parce qu'elle est la clé fondamentale de la relation médecin-malade, parce qu'elle doit inspirer l'organisation de notre système de santé, parce que, sans elle, la personne malade serait sans espoir.

Ce texte apporte, j'en suis convaincu, de nombreuses réponses aux inquiétudes des professionnels de santé qui se font jour actuellement.

C'est bien entendu le cas du titre III, qui vient hélas trop tard par rapport à la crise actuelle, mais c'est vrai aussi des dispositions sur les droits des malades qui, loin d'être tournées contre les praticiens, visent au contraire, en renforçant la confiance, à faire en sorte que les relations entre les uns et les autres ne se dégradent pas, comme cela a pu être le cas dans d'autres pays, voire s'améliorent, ce qui est mon souhait et mon espoir le plus fort.

Mesdames et messieurs les sénateurs, monsieur le président, pour conclure, je ne puis que vous dire ma satisfaction et ma fierté de pouvoir vous présenter ce projet, dans les conditions que vous avez soulignées, monsieur le président.

Je sais que vous l'attendiez et qu'il a été long à venir. Je partage avec vous ce sentiment et cette attente, mais je pense qu'il était indispensable. Je vous remercie.

M. LE PRÉSIDENT - Merci, monsieur le ministre, de cet exposé très clair.

La parole est aux rapporteurs.

M. Francis GIRAUD, rapporteur - Monsieur le ministre, vous comprenez bien que ce texte important, attendu, représente pour beaucoup d'entre nous -car il y a, dans cette commission, de nombreux professionnels de la santé- des situations que nous revivons en lisant ce que vous nous présentez.

Je dois dire -et vous l'avez souligné de manière appuyée- que le problème essentiel est celui de la confiance entre les citoyens et les professionnels la santé. Peut-être n'avons-nous pas toutefois la même vue, non du résultat, pour lequel nous souhaitons tous la même chose, mais de la manière d'y accéder.

A quelque groupe que nous appartenions, nous savons, ici, à la commission des Affaires sociales, que les problèmes de santé sont au-delà des positions philosophiques, partisanes ou politiques.

Mais nous nous préoccupons de nos concitoyens, et nous-mêmes avons été ou serons un jour malades !

J'ai été mandarin. Il y en a parfois de bons -pas tous- mais je dois dire que l'exercice de cette profession, que vous avez exercée, comme beaucoup d'autres ici, quel qu'en soit le mode, nous interpelle tous.

Tout d'abord, je tiens à vous remercier de dire au monde de la santé -il est toujours bon de le rappeler- qu'il a des obligations et des devoirs. On l'oublie vite.

Vous avez parlé, dans un débat à l'Assemblée nationale, de ce fameux pouvoir médical. Oui, il existe ! Oui, il doit être contenu et rappelé pour qu'il n'y ait pas d'abus.

Mais il semble que l'on voudrait que le monde de la santé soit équivalent à d'autres modes de fonctionnement de la société. Et les termes employés ne sont pas innocents. D'ailleurs, j'ai bien lu qu'ils ne vous convenaient pas tout à fait. On parle d'un « usager » du système de santé. Non ! Moi, je me sens usager de l'EDF, de la SNCF, de la fonction publique, de l'éducation nationale, mais pas du monde de la santé !

Je crois qu'il faut quand même marquer une nuance. C'est peut-être regrettable mais, philosophiquement, on ne peut considérer que le système de santé soit un service public comme un autre !

Droit des malades, associations : il existe beaucoup de points fort positifs dans ce texte, mais le monde de la santé peut considérer que tout ceci porte atteinte à la confiance. Entre le pouvoir divin et absolu de celui qui sait contre celui qui ne sait pas, et celui qui veut que l'on se regroupe pour se défendre, la création d'un médiateur pour les droits des malades, nous parlons bien philosophie, vie, relation humaine. C'est bien de cela qu'il s'agit !

Ma première question -et nous aurons l'occasion d'en discuter amplement tout au long de ces journées- est la suivante : n'y a-t-il pas un risque que ce projet de loi aboutisse paradoxalement à détériorer la relation de confiance entre le patient devenu usager et son médecin, à transformer -et c'est cela qui nous guette- la médecine en une simple prestation de service ?

J'ai donné des consultations de conseil génétique, et je sais ce que c'est. Les échographistes ne veulent pas être des prestataires de services. Compétents, ils le sont, mais ils ne veulent pas qu'on puisse leur reprocher ce qu'une méthode ne peut donner.

On crée donc par là le déséquilibre que vous souhaiter éviter.

Un médecin, quel qu'il soit, face à un patient, ne se pose qu'une seule question : « Il souffre, comment puis-je l'aider ? ». Un malade ne va pas dire d'emblée à son médecin : « Attention : j'ai des droits ! ». Je ne crois pas que ce soit un facteur qui favorise cette confiance que l'on recherche tous les deux, je vous le dis du fond du coeur !

Autre point : s'il y a des droits, il existe aussi des obligations. N'aurait-il pas été novateur de définir, en regard des droits des malades, les obligations des patients et usagers, afin d'accéder, comme vous l'énoncez dans l'exposé des motifs, « à un équilibre harmonieux des responsabilités entre les usagers, les professionnels, les institutions sanitaires et l'Etat » ? Pour ce faire, je crois qu'il faut rappeler aux citoyens que, comme le corps médical, comme les professionnels de santé, ils ont des responsabilités et des obligations !

Mes quatre questions suivantes sont plus simples.

Vous nous avez dit que l'on allait transformer les ordres en conseils. Ce n'est pas le Gouvernement qui avait prévu cela : c'est l'Assemblée nationale qui l'a ajouté. Dans mon esprit, cela ne veut rien dire !

Pourquoi ne dirait-on pas aux médecins qu'ils ne peuvent plus délivrer d'ordonnances mais des conseils ? La sémantique est la même !

Le président du Conseil de l'Ordre des Pharmaciens nous a fait remarquer que le Conseil des Pharmaciens s'appelait « Ordre » avant la guerre, et que Vichy l'avait transformé en « Conseil » ! Il y a donc là un problème historique, sémantique, qui n'est pas très important, mais pour lequel je voulais avoir votre avis.

Je vous ai parlé de la création du défenseur du droit des malades : c'est la même philosophie que je vous ai exposée.

Par contre, monsieur le ministre, l'article 24 du titre I prévoit un rapport sur la politique de santé. Vous nous en avez parlé. Vous nous dites qu'il est présenté chaque année au mois de mai par le Gouvernement, compte tenu des priorités pluriannuelles qu'il détermine.

Cela veut dire que c'est le Gouvernement qui détermine la politique de santé pluriannuelle, et non le Parlement. Ces priorités pluriannuelles seront-elles débattues par le Parlement ? Je suis de votre avis : une politique annuelle de santé n'a aucun sens : il faut voir plus loin. Quelle sera donc la valeur ajoutée de ce rapport annuel par rapport aux rapports annexés à la loi de financement de la sécurité sociale ? Ces rapports annuels, chacun sait qu'ils ne servent strictement à rien !

D'autre part -et je sais que vous n'êtes pas loin de penser la même chose- quand notre pays se dotera-t-il d'un ministère de la santé qui regroupe ces agences, ces experts extraordinaires que nous possédons, afin qu'il n'y ait qu'une seule voix, une seule politique -selon les alternances- et qui prévoit un plan à long terme ?

Enfin, le Gouvernement a fait part de son intention de remettre en question la jurisprudence Perruche en déposant un amendement lors de l'examen de la proposition de loi de Jean-François Mattei, jeudi prochain. Avez-vous l'intention de reprendre le texte qui sera adopté par l'Assemblée nationale sous la forme d'un amendement au présent projet de loi lors de son examen par notre assemblée ?

M. LE PRÉSIDENT - Monsieur le ministre, vous avez la parole.

M. LE MINISTRE - Monsieur Giraud, je vous comprends. monsieur le rapporteur, vous n'avez pas toujours tort. Monsieur le mandarin, vous n'avez pas toujours raison, mais souvent !

Moi aussi, cela me rappelle des situations personnelles. Il est difficile d'évoquer seulement les situations personnelles que cela nous rappelle à chacun car, ce qui a évolué, c'est l'ensemble du monde médical, certes, mais aussi l'ensemble du monde de ceux que vous ne voulez pas appeler « usagers ». C'est un nom qui ne me plaît pas non plus. Je préfère les appeler les personnes malades.

Tout en partageant votre sentiment, je dois reconnaître qu'il y a maintenant des usagers, car c'est un système public auquel on recourt de plus en plus fréquemment et, me direz-vous, parfois de façon excessive, pour des raisons qui ne sont pas celles que l'on connaissait avant, ni vous, ni moi.

On peut le déplorer et se contenter -ce que j'ai tendance à faire peut-être plus encore que vous- de penser qu'avant, c'était le bon temps. Oui, c'est vrai, il y a aussi un usage du système qu'il faudrait bien transformer, mais qu'aucun pays n'est arrivé à transformer vraiment.

Je comprends votre sentiment. Je crois que c'est en réglementant obligations et devoirs que l'on arrivera à transformer ces usagers en personnes malades participantes, partenaires, je ne sais comment dire. Ce n'est pas une question facile. Ce sont des personnes malades.

Vous demandez -et votre question me trouble- si ce projet de loi est de nature à transformer la relation dans le mauvais sens, à déformer la relation ? Je ne le crois pas, mais je comprends que vous vous posiez la question.

Je pense que cela doit rétablir la confiance et que les rapports avec les personnes malades ne peuvent plus du tout se fonder sur le secret. C'est impossible. Parfois, c'est indispensable, mais ce n'est plus la mode ni l'esprit de ce fonctionnement. Il faut au contraire, pour qu'ils ne poursuivent pas de leurs exigences excessives et, parfois aussi, de leurs critiques également excessives, leur donner le plus de transparence possible. On ne peut faire autrement. Dans aucun pays du monde cela ne s'est fait. Aux Etats-Unis, c'était excessif. Tout le monde connaît des exemples.

Quand on imposait la vérité d'un cancer à un patient qui ne l'avait pas demandé, on n'évitait pas les dérives ! Je crois donc qu'il faut fournir le plus possible d'éléments qui, par ailleurs, sont en leur possession dans la plupart des cas -et peut-être même de façon plus importante encore qu'on ne l'imagine.

Je ne vous parle même pas d'Internet par rapport aux associations de malade du Sida, qui connaissent les progrès et les expérimentations cliniques avant même les professionnels et les spécialistes ! Comment voulez-vous faire ? Vous ne pouvez leur dire : « Vous en savez trop » ! Transparence : on ne peut faire autrement.

Je ne le déplore pas, mais je considère que c'est une nouveauté bouleversante par rapport à ce que j'ai appris et à ce que j'ai pratiqué, bien sûr.

Obligations des patients et des usagers : oui, d'accord, mais quelles obligations ? L'obligation d'être juste, de ne pas poursuivre en permanence ? C'est ce que nous proposons avec l'aléa thérapeutique.

Je ne parle pas des affections bénignes : je parle des maladies majeures. Les personnes sont dans un état d'infériorité qui est celui que l'on connaît quand on est malade. On ne va pas leur demander, en plus, des obligations.

Je comprends la question que vous avez posée. Il faudrait qu'ils sachent que tout ne leur est pas dû. Oui, c'est vrai, mais c'est au niveau, par exemple, de l'arrêt Perruche. Il ne faut pas qu'ils exagèrent. Je suis d'accord avec vous.

Pour répondre brièvement, le Conseil de l'Ordre, personnellement, je n'en ferai aucune maladie. Il y a eu une proposition. Cela a été accepté par les présidents, que j'ai vus. Si cela s'appelait encore « Ordre », cela ne me gênerait pas. Si cela s'appelle « Conseil », cela ne me gêne pas non plus. C'est comme vous voulez.

(On dit : « Cela s'appelle « Conseil de l'Ordre » ! »).

M. LE MINISTRE - Cela s'appelle d'ailleurs « Conseil de l'Ordre », en effet, mais le mot « Conseil » a plu à des tas de présidents.

Défenseur du droit des malades : Monsieur le rapporteur, ne nous méprenons pas. Je reçois plus de 1.000 lettres par mois, et vous aussi. De temps en temps, vous me les renvoyez. Il y a donc des problèmes.

S'il y a un défenseur du droit des malades, ce ne sera pas un type comme la défenseuse du droit des enfants. Ce ne sera pas M. Stasi. Ce sera un bureau à l'intérieur de la direction générale de la santé. Si je vous disais l'homme auquel je pense, vous seriez d'accord tout de suite !

Je veux une personnalité médicale à la retraite, qui puisse téléphoner au directeur de l'hôpital pour lui dire : « Il y a un problème à régler ». C'est tout.

Ce n'est pas un fonctionnement nouveau, avec des attributions nouvelles, un financement, etc. Je veux qu'il y ait quelqu'un qui soit une référence. Je vois, comme vous, trop de gens qui me disent : « Je vous ai écrit et vous ne m'avez pas répondu ! ». Que voulez-vous répondre ? Vous ne pouvez à chaque fois faire une enquête ! Il y aura donc un bureau exprès pour cela. Je ne veux pas d'un personnage qui tranche.

Priorités pluriannuelles : vous avez raison, elles doivent l'être. Il n'est pas question d'avoir une stratégie de santé publique sur un an, c'est ridicule !

Je vais être brutal : si, en juin, nous proposons 30.000 infirmières de plus pour l'hôpital, ce sera la CNAM qui paiera. Vous le voterez en septembre, mais on le fera sur des réalités, car vous avez raison de dire que le document attaché, personne ne le consulte jamais !

De même, un certain nombre de généralistes se plaignent en ce moment qu'ils ne peuvent se faire remplacer, mais ils ne seront pas remplacés eux-mêmes lorsqu'ils partiront ! Il faut un numerus clausus élargi, sans quoi vous ne pourrez pas ! Bien entendu, cela coûte plus cher !

Voilà ce que je voudrais.

Ministère de la santé : vous connaissez mon sentiment. Ce n'est pas le sujet, mais je pense, pour le bien de ce pays et pour une autre manière d'envisager ensemble les dépenses collectives majeures, les premières d'une Nation, qu'il conviendrait, plus tard -mais vous serez peut-être capable de le faire- d'avoir un ministre de la santé avec l'argent de l'assurance maladie dans un ministère autonome. Il n'y a aucun doute là-dessus. Je le pense depuis dix ans : je ne vais pas vous mentir en vous disant le contraire maintenant ! Personne ne l'a compris, hélas -sauf un essai qui a été écourté !

Je n'y serai plus car, après dix ans, croyez-moi, on n'a plus envie de le faire, mais je pense que si vous détachiez l'argent du ministère de l'éducation nationale pour le mettre ailleurs, vous feriez une erreur. C'est pareil : avoir la dépense d'un côté et les recettes de l'autre, c'est le prétexte à tous les affrontements !

C'est ce que je pense pour mon pays, le seul au monde qui connaisse cela. Mais attention ! C'est aussi le meilleur pays du monde pour le système de soins !

C'est devant le ministère de la santé qu'il y a le plus de manifestations -et souvent violentes. Mais c'est le meilleur système du monde ! Cet équilibre entre la revendication permanente et la satisfaction est-il mauvais ? Peut-être que non ! Et pourtant, croyez-moi, j'en pâtis !

Perruche : je pense qu'au moment où je vous parle, le Premier ministre a tranché. Le texte qui a été travaillé par les radiologues, les échographistes et le groupe que nous avons constitué au ministère de la santé est un texte équilibré, qui commence par cette phrase : « Au seul motif de sa naissance,... », qui va, je crois, donner un coup d'arrêt à ces dérives.

Il y a ensuite la reconnaissance d'un lien de causalité pour que l'on puisse demander indemnité car, en ce qui concerne les anomalies génétiques, les malformations, le médecin n'est pas responsable. C'est clairement écrit, et cela a reçu une approbation totale. J'étais encore avec eux hier soir. Ce groupe était dirigé par M. Claude Sureau et, vraiment, nous sommes d'accord.

Pour ne rien vous cacher, un autre texte s'est présenté. C'est un texte de l'Assemblée nationale, qui va plus loin encore contre l'arrêt Perruche -mais le choix a maintenant dû être arrêté. Evidemment, les professionnels ont tendance à dire : « C'est celui-là qu'il nous faut ». Je suis plus réticent, parce que l'on y considère le handicap comme un préjudice. Je crois que c'est une erreur. Les associations de handicapés ne l'accepteront pas !

Deuxièmement, on repart dans l'IVG. De grâce, on n'en est plus là ! Cela nous a déjà assez freinés. Le texte qu'a proposé Jean-François Mattei n'était pas du tout un texte attaquant l'IVG.

Troisièmement, à mon avis, il faut prévoir l'avenir, et je pense que le texte élaboré avec les professionnels permet de contrer exactement ce que vous avez demandé, monsieur Giraud.

Il y a, par exemple, trois échographistes en France qui, sur les malformations prénatales de la glande thyroïde, sont capables de dire quelque chose. Si le quatrième que l'on va consulter n'est pas capable de le dire tout de suite, va-t-on l'attaquer ? Ce n'est pas possible !

Cela étend terriblement le champ de la protection du personnel professionnel et, en même temps, limite la demande de plainte.

L'indemnisation serait versée tout au long de la vie, pour que les parents ou l'handicapé ne soient pas dans le besoin.

M. LE PRÉSIDENT - Le grand débat portait sur les deux catégories d'handicapés, les premiers qui seraient indemnisés et ceux qui ne le seraient pas.

Peut-être en reparlera-t-on tout à l'heure.

La parole est à M. Dériot.

M. Gérard DÉRIOT, rapporteur - Monsieur le ministre, nous allons passer au titre II, qui correspond à la qualité du système de santé, texte dans lequel un certain nombre de chapitres correspondent à ce que nous attendions, tout particulièrement sur la compétence professionnelle, qui nous semble quelque chose d'extrêmement important, et surtout sur son corollaire, qui est le problème de la formation médicale continue déjà mise en place par l'ordonnance du 24 avril 1996.

J'aimerais que vous puissiez nous dire en quoi ce nouveau dispositif de formation médicale continue que vous avez prévu dans le projet de loi paraît plus à même de fonctionner que celui institué par l'ordonnance en question.

Comment ce dispositif s'articulera-t-il avec la formation médicale conventionnelle ?

Enfin, pourriez-vous nous préciser comment sera abordé le fonds national de la formation médicale continue ?

Il faut reconnaître que dans ce titre II, un certain nombre de choses ne sont pas forcément liées les unes avec les autres mais correspondent à des améliorations de la qualité du système de santé.

En second lieu, le projet de loi prévoit la création d'un office pour les professions paramédicales.

Tout d'abord, pourquoi avoir retenu cette solution, au demeurant partielle, puisque toutes les professions auxiliaires de santé ne sont pas parties prenantes ?

Pourquoi avoir pris un Office plutôt qu'un Ordre véritable professionnel, puisqu'il y en a déjà eu de créés par la loi qui n'ont pas été mis en application, en particulier pour les kinésithérapeutes, les infirmiers, les podologues ?

Pourquoi ne pas appliquer la loi si, comme vous le dites, le terme d'« Ordre » ne vous heurte pas, alors qu'il veut bien dire ce qu'il veut dire ? Pourquoi prendre ce terme d'« Office » et ne pas faire un Ordre par profession ?

Surtout, pourquoi avoir réservé cet Office aux seuls libéraux ? L'Ordre, normalement, est fait pour retraduire le respect, l'éthique et la bonne conduite dans une profession, qu'elle soit exercée de façon salariée ou libérale.

Il me semble important que nous puissions avoir un Ordre par profession, qui regroupe toutes les personnes travaillant tant comme salariés que comme libéraux.

Par ailleurs, l'autre problème introduit par l'Assemblée nationale est un article additionnel qui tend à reconnaître l'ostéopathie dans la loi et à encadrer les conditions de son exercice.

C'est un vrai problème. Pourtant, il n'existe aucune évaluation globale et publique de cette pratique. Ne craignez-vous pas qu'une telle reconnaissance ne soit prématurée, dès lors qu'aucune véritable étude sur la qualité du travail n'a été effectuée ?

Ce problème concerne la santé publique, et l'Etat -tout au moins la République- va permettre un exercice médical sans qu'un véritable diagnostic soit établi par le professionnel qui doit exercer ce diagnostic, c'est-à-dire le médecin !

Je pense qu'il y là un véritable problème. Si l'ostéopathie est reconnue comme une activité médicale, que l'on dispense une formation de médecin ostéopathe dans les facultés de médecine ; autrement, on ne peut plus véritablement parler de la qualité du système de santé qui est basée, chez nous, sur l'action des médecins, des pharmaciens, des chirurgiens-dentistes, des diplômes d'Etat.

Enfin, dernière question : le projet prévoit la transformation du Comité français pour l'éducation de la santé en Institut national de prévention et de promotion de la santé. Comment s'articulent, en matière de prévention, les compétences respectives du Haut Conseil de la santé, de la Conférence nationale de la santé, du nouvel Institut et de la Direction générale de la santé ? Tout ceci me paraît constituer un puzzle un peu complexe, et nous ne voyons pas très bien comment tout cela peut marcher !

M. LE PRÉSIDENT - Monsieur le ministre, c'est à vous.

M. LE MINISTRE - Formation médicale continue : en quoi ce nouveau dispositif fonctionnera-t-il mieux que celui de 1996 ? La réponse est simple : celui de 1996 ne fonctionnait pas du tout ! Cela ne peut être pire, mais je ne suis pas sûr que cela puisse être mieux.

Je vous rappelle que ce texte est celui que Claude Huriet avait présenté en amendement à la loi de modernisation sociale.

Je fais confiance à notre réflexion, jointe à celle de Claude Huriet. Ce texte est en fait très proche du dispositif de 1996, qui comprenait de bonnes choses. Nous avons regardé de près les raisons de l'échec pour éviter de commettre les mêmes erreurs.

Pour l'essentiel, les raisons qui font qu'un tel dispositif fonctionnera mieux tiennent -je l'espère- à la qualité de la concertation avec les professionnels et les institutions concernées.

Cette concertation a été, cette fois, extrêmement large, très profonde, et je puis dire que, même si rien n'est jamais acquis, le projet a été bien accueilli par les institutions en question. C'est déjà cela !

En 1996, on a connu un échec des négociations sur la création du FAFML, texte représentant une base légale insuffisante.

Articulation avec la formation conventionnelle : le projet prévoit un mécanisme d'agrément des organismes de formation sur la base des formations proposées.

Cet agrément se fera à partir de critères : respect des objectifs, qualité pédagogique et scientifique, transparence financière.

A partir de là, une formation organisée dans le cadre de la formation conventionnelle, qui répond à un cahier des charges, pourra être agréée par les conseils.

Ceci ne veut pas dire que toutes les formations conventionnelles seront agréées. Par exemple, une formation centrée sur la gestion du cabinet médical n'entre a priori pas dans la formation médicale continue.

Par contre, la prise en charge du malade diabétique rentrera dans la formation médicale continue, et on verra, en fonction des critères énoncés, celles qui seront acceptées ou non.

Le fonds de formation continue sera public, abondé par de l'argent public -budget de l'Etat ou assurance maladie. Les choses ne sont pas aujourd'hui arrêtées. Cela dépendra aussi un peu de ce que cela représente. A mon avis, il devrait y avoir les deux.

Il aura pour mission première de financer le dispositif, mais aussi des formations.

Jusque là, c'est l'assurance maladie qui payait, et une part de l'argent venait des laboratoires, ce qui ne donnait pas satisfaction.

Pourquoi l'Office des professions paramédicales est-il devenu « Conseil » ? L'Office des professions paramédicales, apparemment, satisfait tout le monde. Selon le rapport Nauche, toutes les professions médicales, à l'époque, s'étaient montrées satisfaites, à l'exception des pédicures podologues.

Pourquoi ? Ceux-ci considèrent qu'ils constituent une profession médicale.

Personnellement, je n'ai pas de dogmatisme à propos du « Conseil », ni de l'« Ordre », ni des « offices ».

Une large majorité est maintenant acquise et nous remercie d'avoir installé cet office en ayant mis à leur disposition des secrétariats, etc.

Seule une profession médicale à compétences limitées n'est pas satisfaite. Ils sont prescripteurs, comme les sages-femmes, et ne sont pas contents. Ils ne sont toutefois pas extraordinairement nombreux, malgré l'importance de cette profession.

Pourquoi ne pas intégrer d'emblée les psychomotriciens, les ergothérapeutes, les diététiciens, etc. ? Ces professions n'ont pas d'activité libérale et le Conseil ne concerne, à ce stade, que les professionnels à exercice libéral. Vous savez très bien pourquoi : les syndicats n'en veulent pas !

M. Gérard DÉRIOT, rapporteur - C'est bien le problème !

M. LE MINISTRE - Si vous consultez les gens, comment les consultez-vous, sinon par leur syndicat ? C'est vrai pour toute la fonction publique hospitalière et pour tout le reste !

Comment faire autrement ? Nous évoluerons s'il en est besoin.

M. Gérard DÉRIOT, rapporteur - Ce n'est pas la même chose ! Un Ordre n'a rien à voir avec une organisation professionnelle syndicale.

M. LE MINISTRE - Je ne dis pas que vous avez tort : je dis que la réalité est celle-là. Pendant très longtemps, la représentation syndicale des infirmières ne souhaitait pas la création d'un Ordre. Voilà une réalité !

Je ne suis pas bloqué : si une évolution se fait jour dans la profession, pourquoi ne pas les représenter ? D'ailleurs, si je ne m'abuse, les médecins sont tous inscrits à l'Ordre des médecins, parce qu'ils doivent suivre obligatoirement les indications déontologiques du Conseil.

M. Gérard DÉRIOT, rapporteur - C'est la même chose pour les autres professions, qu'il s'agisse des kinésithérapeutes, des infirmiers, ou autres. C'est ce qui permet de s'assurer de la compétence et du bon exercice.

M. LE MINISTRE - Reconnaissance du titre d'ostéopathe. Nous sommes le dernier pays à ne pas avoir reconnu l'ostéopathie. Il y a eu beaucoup de travaux européens, en particulier au Parlement européen, pour faire reconnaître un certain nombre de médecines douces qui, à mon avis, n'ont pas le même sérieux ou la même évaluation, même si vous la jugez insuffisante.

Je partage à peu près votre sentiment, mais la réalité était la suivante : il y a aujourd'hui 4.000 professionnels qui pratiquent régulièrement l'ostéopathie et 12.000 de façon périodique, dont une minorité est d'ailleurs déjà médecin.

La majorité des praticiens qui exercent sont soit des kinésithérapeutes, soit des ostéopathes, ni médecins, ni kinésithérapeutes. Ils font six ans d'études dans des écoles extrêmement variables.

Quelle était la meilleure façon d'essayer d'y voir clair, de donner un peu de transparence et d'efficacité, voire de maîtriser les dangers ? Bien entendu, en validant leur formation !

De toutes façons, nous étions dépassés par les événements. Les conseils de l'Ordre qui portaient encore plainte ne voyaient pas les Parquets donner suite à ces plaintes. Nous étions dans un domaine de non-droit et, en réalité, nous acceptions tout ! Moi, je n'aime pas les lois qui ne sont pas appliquées !

Je n'ai pas de sentiment particulier. J'ai rencontré des ostéopathes très sérieux, dont des médecins, mais également des non-médecins, des gens qui prennent des précautions élémentaires. Vous n'avez pas tort : il faut les évaluer. C'est ce que nous allons faire.

C'est une approche qui va nous permettre d'évaluer leurs pratiques et la formation. Il y a des instituts qui vont fermer, car nous ne les validerons pas. Il y aura peut-être une spécialité d'ostéopathie qui, vous le savez, à l'Hôtel-Dieu, se pratique depuis longtemps.

Nous n'avons pas entendu trop de contestations. Cela a été fait dans bien des pays. Aux Etats-Unis, les ostéopathes ont pignon sur rue depuis longtemps. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'incidents, mais je partage votre sentiment : il faut se méfier et établir le plus de barrières et de garanties.

M. LE PRÉSIDENT - Aux Etats-Unis, un audit extrêmement sévère a quand même été réalisé avant.

M. LE MINISTRE - Si vous le souhaitez, nous ferons un audit.

M. Gérard DÉRIOT, rapporteur - Il me semble que la moindre des choses, quand on a la responsabilité de la santé publique dans un pays, c'est de s'assurer que, dans quelque domaine que ce soit, la pratique, quelle qu'elle soit, est dispensée par des professionnels qui ont reçu une formation dispensée par l'Etat. A partir de là, on a un minimum de sécurité !

M. LE MINISTRE - Vous n'avez pas tort, monsieur le rapporteur mais, pour contrôler, lorsque la rétorsion ne suffit pas -et elle ne suffisait plus- il faut reconnaître.

M. Gérard DÉRIOT, rapporteur - Si la loi n'est pas appliquée par la justice !

M. LE MINISTRE - Il y avait tellement de plaintes qu'il n'y avait plus de poursuites !

M. LE PRÉSIDENT - C'est ce qui se passe pour la drogue !

M. LE MINISTRE - Ce n'est pas de même nature !

Prévention : cet institut n'est un qu'opérateur. Il ne peut en aucun cas être comparé aux autres organismes cités qui ne participent pas, par leur avis, à l'élaboration des politiques publiques.

Dans le cadre de l'élaboration de la politique de santé, un rapport gouvernemental sera préparé par le Haut Conseil de la santé avec la Direction générale de la santé et soumis pour avis à la conférence nationale de santé avant d'être présenté devant le Parlement et discuté.

Ce rapport, qui identifiera les priorités à partir des analyses des conseils régionaux, traitera bien entendu des priorités sur plusieurs années.

Enfin, la DGS assurera, comme elle le fait pour tous les établissements publics, la coordination de la tutelle de l'Institut.

M. LE PRÉSIDENT - La parole est à monsieur Jean-Louis Lorrain.

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - L'intervention de M. le ministre a été, comme d'habitude, brillante et nous a stimulés.

Toutefois, si j'avais un article à écrire, je dirais aujourd'hui qu'on a « la peur au ventre ». Vous évoquez le principe de responsabilité. On ne peut exercer cette responsabilité lorsqu'on a peur et je crois que les précautions lorsqu'elles deviennent excessives, elles limitent les gestes utiles au malade. Je pense que cela va à l'encontre des intérêts du malade.

Vous avez rappelé la notion de confiance, mais ce n'est pas la loi qui va créer la confiance. C'est un ensemble d'éléments, c'est un climat.

Il est vrai que ce texte est attendu, et je crois que nous devrons y répondre. Peut-être la confiance sera-t-elle en partie acquise lorsqu'on aura donné un cadre, en particulier en ce qui concerne l'information des malades, mais quelle information, dans quelles limites ?

On pourra peut-être ensuite mieux définir l'ensemble des bonnes pratiques qui permettent aussi d'avoir des repères.

Le troisième point que vous avez abordé, c'est la notion de transparence. Vous évoquez la pédagogie du risque.

Où va-t-elle s'exercer ? Elle va s'exercer dans ces commissions régionales que nous évoquons ! Il faut savoir que nombre de magistrats et d'assureurs ont exprimé quelques réticences vis-à-vis de ces commissions régionales. Par contre, au niveau des associations, l'écoute était importante.

Pour entrer dans le vif du sujet, ma question portera sur les infections nosocomiales. On a l'impression, à écouter l'Assemblée nationale, qu'il y a un amalgame sur les affections nosocomiales, qui ont été largement définies par l'Académie de médecine.

On a tous les éléments d'appréciation nécessaires. Or, le texte adopté par l'Assemblée semble prévoir que ces infections relèveraient systématiquement de la faute. J'aimerais savoir si vous le confirmez.

Autre question : quelle réponse apportez-vous aux craintes exprimées par les assureurs médicaux quant aux conséquences financières que serait susceptible d'avoir pour eux le dispositif du titre III du projet de loi, notamment l'obligation d'assurance en responsabilité civile pour tous les professionnels des établissements de santé ?

Je me suis permis de rajouter une question : faut-il fixer un taux pour l'entrée dans le dispositif de la commission de conciliation et d'indemnisation ? On a parlé d'une borne qui correspondrait à 30 % de l'IPP. Ne vous paraît-il pas utile de l'introduire dans la loi ?

Ma quatrième question porte sur l'indemnisation de l'hépatite C. S'il y a eu inversion de la charge de la preuve, on ne peut être insensible aux appels de la multitude de personnes touchées par ce phénomène. J'aimerais avoir votre position.

Enfin, ce projet de loi comportera-t-il un texte concernant l'arrêt Perruche ? Les professionnels de santé attendent d'être rassurés en ce qui concerne leur exercice -et je ne m'étendrai pas sur le coût des primes d'assurance qui vont être appelées à évoluer de manière exorbitante.

M. LE PRÉSIDENT - Monsieur le ministre, vous avez là l'occasion de répondre à la question que posait tout à l'heure le professeur Giraud.

M. LE MINISTRE - Sur les infections nosocomiales, les professionnels ne sont responsables qu'« en cas de faute ou manquement, quelle que soit, selon l'appréciation du juge compétent, la nature ou le mode d'établissement de cette faute ou de ce manquement prouvé ou présumé ».

Cet amendement ne fait que reprendre les termes de la jurisprudence actuelle sur les infections nosocomiales. Il ne va pas au-delà, mais ne revient pas en arrière non plus. Il est le même.

De fait, aujourd'hui, la quasi-totalité des infections nosocomiales relève de la faute ou d'un manquement à une obligation de résultat -puisqu'il s'agit de matériel et non d'individus- selon l'appréciation des juges.

Evidemment, c'est injuste, sauf si on a le courage de dire qu'il y aura tout le temps des infections nosocomiales à l'hôpital parce qu'on ne peut faire autrement. Or, on ne peut le dire !

M. LE PRÉSIDENT - A moins de retourner à la théorie des pavillons !

M. LE MINISTRE - Exactement ! Tant que vous aurez ces circuits d'air très particulier, sur lesquels nous faisons un grand travail au ministère de la santé, qui brassent l'air, avec des filtres qui ne sont absolument pas suffisants, on ne pourra faire autrement. Il faut que les établissements, un par un, fassent des efforts en ce sens.

Un retour en arrière serait inacceptable pour les associations de victimes, déresponsabilisant pour les établissements de santé, impraticables en droit civil. C'est impossible ! Que diraient les gens qui poursuivent depuis 15 ans ?

Cela ne me satisfait pas non plus, car cela veut dire que les hôpitaux modernes accueillent et pérennisent des dangers dont il faut tenir compte.

Second point : les assurances médicales. Aujourd'hui, l'obligation d'assurance ne change pas fondamentalement la situation. C'est une situation de crise. L'assurance « responsabilité médicale » traverse une crise due à des facteurs de fond et anciens, comme l'instabilité de la jurisprudence, et à des éléments de contexte, dont la crise actuelle et, en particulier, les conséquences de l'arrêt Perruche.

Les assureurs, sous la pression de réassureurs, que j'ai rencontrés, très fragilisés par la situation internationale, dans le contexte du 11 septembre, dénoncent les contrats pour augmenter les prix, en particulier pour les professions à risques que sont l'obstétrique, l'anesthésie, la chirurgie et l'échographie.

Or, il est vrai que l'obligation d'assurance peut se heurter à l'étroitesse d'un marché, dont je répète qu'elle préexiste à la loi.

L'importance de cette difficulté doit être relativisée, les praticiens, établissements ou producteurs, étant pour l'essentiel assurés.

La question du refus d'assurance, et donc du recours au bureau central de tarification, ne devrait concerner qu'une fraction très minoritaire, mais nous les aiderons.

Il y aura non seulement une obligation, mais une pression, comme nous l'avons fait pour les centres de transfusion sanguine. Les assureurs assureront !

Deuxièmement, l'absence de limitation aux garanties apparaît totalement aux assureurs avec l'obligation d'assurance.

En l'état actuel du texte, les assureurs et réassureurs prédisent un assèchement total du marché en France. Ils demandent que soient inscrites dans la loi les limitations dans le temps et en termes de montant des garanties, voire des clauses d'exclusion.

Sur la limitation dans le temps, une mission composée de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des services judiciaires, suite à l'annulation partielle par le Conseil d'Etat de l'arrêté de 1980 limitant la garantie dans le temps des centres de transfusion sanguine, dont je parlais, est actuellement en cours.

Il est donc difficilement envisageable de légiférer sur ce point avant les conclusions de cette mission.

Sur la limitation du montant, il apparaît indispensable d'introduire dans la loi le principe d'un plafond de garanties, que ce soit pour les professionnels, les établissements ou les entreprises.

Des amendements vous seront proposés en ce sens lors du débat. Nous avons besoin d'un plafond, c'est clair. Le taux sera fixé par décret.

Hépatite C : j'ai déjà répondu que les multiples milliards que cela aurait nécessité auraient rendu impossible cette loi sur le droit des malades. Nous avons dit que, six mois avant l'acceptation de la loi, seront prises en compte une par une toutes les demandes d'indemnisation pour avoir contracté l'hépatite C dans des circonstances qui seront examinées par la commission. Une indemnisation sera proposée avant.

Les affaires devant les tribunaux se poursuivent, comme vous le savez, et comme il s'agit de l'Etablissement français du sang, c'est également le même financement.

Vous savez que la preuve doit être faite qu'il n'y a pas eu d'infection par le sang contaminé. Cela va faciliter les choses.

Hélas, je sais qu'il y a des gens, en France, qui ne connaissent même pas leur séropositivité ou leur séronégativité. Nous avons fait une grande campagne sur l'hépatite C. Cela ne suffit pas.

Il y a aussi des gens qui ne veulent pas connaître leur statut. Nous avons vu, vous et moi, des amis mourir à l'hôpital qui, évidemment, présentaient un tableau de sclérose hépatique ou de cancer du foie qui était en fait la conséquence d'une hépatite C qu'ils ne connaissaient pas !

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - Ne pourrait-on prendre les cas lourds en considération?

M. LE MINISTRE - Maintenant, on peut les prendre en charge. Il fallait que l'on mette une limite dans le temps, car cela représentait entre 25 et 30 milliards. Je ne pouvais raisonnablement espérer faire passer cela. Je me suis beaucoup battu. Un arbitrage a été rendu. Je le condamne personnellement, mais je le comprends. C'était cela, ou l'on n'avait pas ce fonds d'indemnité !

Cela a été bien accepté par les associations de malades. Bien sûr, tout le monde me dit, comme vous, monsieur Lorrain : « Et l'hépatite C, pourquoi ne l'avez-vous pas prise en charge ? ». Parce qu'on ne le pouvait pas !

Concernant l'arrêt Perruche...

M. LE PRÉSIDENT - Peut-être pourrait-on donner la parole à Pierre Fauchon avant que vous ne vous exprimiez sur ce sujet, monsieur le ministre ?

M. LE MINISTRE - Bien volontiers, monsieur le président.

M. LE PRÉSIDENT - Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez la parole, en vous remerciant une nouvelle fois de participer à ces auditions avec nous.

M. Pierre FAUCHON, rapporteur pour avis - Monsieur le président, vous n'avez pas à me remercier, étant donné le très grand intérêt de cette audition !

Monsieur le ministre, je voudrais dire combien j'ai le sentiment que ce texte représente potentiellement une grande avancée sur la situation du droit et du droit des malades, qui est une question incontestablement légitimement attendue.

Je suis de ceux qui souhaitent que ce texte porte les fruits que vous en attendez. C'est l'avenir qui nous le dira, bien entendu.

Sur le texte lui-même, je poserai deux questions.

La première est la suivante : étant donné l'importance de cette question du taux, qui définit la possibilité d'obtenir ou non indemnisation dans les hypothèses où n'il n'y a pas de faute, pensez-vous que l'on puisse s'en tenir à une appréciation par un décret en Conseil d'Etat ? N'appartient-il pas au législateur de définir ce taux ? Peut-on s'abriter derrière une décision réglementaire, alors que cela va fixer le droit ? Je me demande même si ce serait constitutionnel !

Autre question : vous avez imaginé une procédure dont vous attendez qu'elle soit de nature, avec les commissions régionales, à faciliter le règlement de ces litiges, mais souvenons-nous que ces litiges portent par définition sur les affaires graves, dont les enjeux financiers ne seront pas mineurs !

Ces commissions auront à trancher des questions d'ordre judiciaire classiques, notamment la distinction entre la faute et l'absence de faute. Ou c'est l'assurance qui paiera ou c'est l'Etat tout entier et la solidarité nationale, question importante pour des intérêts importants !

Pouvez-vous attendre de la création de ces organismes parallèles des résultats réellement supérieurs à ceux que vous pouvez attendre du fonctionnement habituel de la justice, étant entendu que, dans ce domaine, actuellement, dans les deux ordres de juridiction, que ce soit la juridiction administrative ou la juridiction judiciaire, le développement des procédures de référé fait que les délais se comptent non en années, mais en mois ?

Avec le référé ordinaire, vous avez des experts en un mois ; avec le référé provision, à partir du dépôt du rapport des experts, vous avez une décision provisionnelle dans les deux mois.

Vous êtes dans des délais opérationnels. Or, l'expérience prouve que les décisions rendues à titre professionnel par un magistrat qui présente toutes les garanties de voies de recours sont plus facilement respectées par ceux qu'elles concernent, victimes ou les assurances, que les décisions prises par des commissions qui n'ont ni les mêmes titres, ni la même autorité !

M. LE PRÉSIDENT - En d'autres termes, monsieur le ministre, ajoute-t-on des délais aux autres délais ?

M. LE MINISTRE - Si je devais vous répondre positivement, il serait stupide de présenter ce projet de loi !

J'ai bien entendu ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur pour avis, et je vous remercie de vos appréciations.

Doit-on légiférer ou un décret en Conseil d'Etat sera-t-il suffisant ? Franchement, je n'ai pas de certitudes sur cette affaire. On y a beaucoup réfléchi. Je pense que c'est la manière dont seront prises en compte ces affaires pénibles pour chacun qui compte. On verra bien à partir de quel taux d'invalidité ou de quelle importance on proposera une indemnisation.

Quelques chiffres : il y environ 1.000 accidents par an, dont 50 % sont non fautifs. C'est beaucoup mais, dans tous les cas, on peut recourir aux tribunaux. N'importe quel citoyen, à n'importe quel moment de la procédure amiable, peut se présenter devant un tribunal. Il y aura donc peut-être plus de cas portés devant les tribunaux, mais je ne le crois pas. Dans les pays où cela a été appliqué, au contraire, il y a eu moins de conflits portés devant les tribunaux. C'est cela, le rétablissement de la confiance !

Nous proposons de considérer que la mise en place du dispositif suscitera une augmentation des contentieux par un effet d'appel. Nous sommes vraiment très grands seigneurs, car je pense le contraire, mais cela a été constaté dans certains pays ; dans d'autres, cela a été le contraire.

Retenons l'hypothèse d'une augmentation de 75 %, soit 87.500 non fautifs par an dans les premières années. C'est énorme. Nous partons du principe que ne sont indemnisés que les accidents graves, c'est-à-dire une catastrophe individuelle. A partir de quand ? Il faut que l'on voie. Je ne peux vous le dire maintenant. Bien malin qui peut dire à partir de quel moment et pour quel individu. Cela dépend quand même des individus !

Le taux minimal d'incapacité permanente partielle -IPP- retenu sur cette hypothèse est de 25 % minimum. Il nous reste de la marge ! On prend beaucoup de cas.

Données statistiques. Aléas : dècès estimés à 20 % : 1.700. IPP estimée à 4 % de plus de 50 % : 350. 25 % jusqu'à 50 % : 350. Nombre d'incidents non fautifs pris en charge par les commissions : 2.400 aléas. Fautifs plus aléas : 5.000 par an.

Estimation du coût : décès : 0,3 million de francs par 1.700, soit 510 millions de francs. IPP jusqu'à 50 % : 420 millions de francs - 25 % à 50, soit 140 millions de francs. Cela fait donc un peu plus d'un milliard. C'est pourquoi j'ai parlé de 1 à 1,5 milliard de francs. Ce sont les chiffres sur lesquels nous nous sommes fondés : en France, les assurances, et un peu à l'étranger.

Je ne peux pas vous dire plus pour le moment. J'ai ici une courbe qui représente l'évolution des sinistres corporels déclarés entre 1991 et 2000. Il était temps de faire quelque chose !

M. LE PRÉSIDENT - Loi ou décret, monsieur le ministre ?

M. LE MINISTRE - Nous avons tranché pour le décret, parce que cela me semble très difficile de dire maintenant comment faire dans la loi.

Vous avez évoqué des délais de trois ans. Il y en a aussi de quinze ans ! C'est ce que l'on veut éviter : que traînent les rancunes.

Les délais sont raccourcis mais surtout, l'expertise est transformée. Les experts ne seront plus contestés. Chaque expert sait comment cela se passe dans les affaires médicales. Ce n'est plus possible !

M. Pierre FAUCHON, rapporteur pour avis de la commission des Lois - La partie « expertise » est l'une des meilleures du texte ! J'ai oublié de le dire.

M. LE MINISTRE - Voici le texte qui a été beaucoup travaillé. Je vous le donne, parce qu'il n'y a pas de raisons que je vous le cache, mais je ne sais pas ce que le Premier ministre a décidé : « Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance.

« La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap, l'a aggravé ou n'a pas permis de prendre les mesures pour l'atténuer ».

M. LE PRÉSIDENT - Qu'est-ce que cela veut dire « atténuer ». Le faire disparaître ?

M. LE MINISTRE - Non ! Cela veut dire qu'il n'a pas conseillé à la mère telle ou telle conduite. Il n'a pas à conseiller l'IVG ! C'est autre chose.

Troisième paragraphe : « Lorsque le handicap, en raison d'une faute, n'a pas été décelé pendant la grossesse, les parents peuvent demander une indemnité, destinée à la personne handicapée, correspondant aux charges particulières découlant, tout au long de sa vie, de son handicap, déduction faite du montant des allocations et prestations, de quelque nature qu'elles soient, dont cette personne bénéficie, au titre de la solidarité nationale ou de la sécurité sociale.

« Les organismes sociaux ne peuvent exercer de recours à l'encontre de l'auteur de la faute pour obtenir le remboursement des prestations versées ».

Dernier paragraphe : « Les dispositions de la présente loi sont applicables aux instances en cours, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation ».

Nous avons beaucoup travaillé ce texte. Je ne sais ce qui a été proposé, mais j'ai fait ce que j'ai pu !

Il y a un autre texte. Je vous le lis pour votre culture générale, car il n'y en aura pas deux. C'est celui de la commission : « Un enfant né handicapé ne peut obtenir la réparation par un professionnel ou un établissement de santé du préjudice résultant de son handicap, du seul fait que les fautes commises par ce professionnel ou cet établissement ont empêché la mère de l'enfant d'exercer son droit d'interrompre sa grossesse ».

C'est exactement ce que pourraient souhaiter les professionnels si l'on s'en tenait à l'arrêt Perruche, mais c'est, à mon avis, beaucoup moins large que ce que nous avons fait. Si cela se trouve, le Premier ministre a tranché pour celui-là. Je n'en sais rien.

M. LE PRÉSIDENT - Je reviens à ce que j'évoquais tout à l'heure. La rédaction de ce texte me paraît profondément choquante dans les deux propositions ! Il ne peut y avoir d'enfant handicapé ayant une indemnité du fait de ce handicap ou du fait qu'on n'a pas provoqué un avortement, et d'autres enfants handicapés qui n'ont pas d'indemnité !

C'est la société qui crée le handicap en ne s'adaptant pas aux capacités de certaines personnes. Il appartient donc à la solidarité nationale de faire face au handicap que l'Etat a lui-même constitué, puisque le handicap, c'est l'incapacité de l'ensemble de la Nation à faire face aux déficiences de certains d'entre nous ! Chacun ayant les mêmes droits, il appartient à la solidarité nationale de permettre à tout le monde d'exercer ses droits : se rendre à tel ou tel endroit, vivre, etc.

C'est la solidarité nationale qui doit s'exprimer, et il est trop simple, à travers ce type de dispositif, de faire retomber, pour une partie des enfants handicapés, la charge sur les assurances et, à travers elles, sur les cotisations d'un certain nombre de professionnels !

Voilà ce que je voulais exprimer et je puis vous dire que beaucoup de familles de handicapés ressentent aussi ces propositions comme une véritable provocation et une souffrance.

M. LE MINISTRE - J'écoute non seulement avec intérêt mais aussi émotion ce que vient de dire le président : je ne vois rien de tout cela ! Nous partions de cet arrêt Perruche et de l'émotion suscitée par cette procédure particulière qui a permis de faire retomber sur l'assurance personnelle du médecin ce qui devrait être pris en charge par la société du fait du handicap.

Je partage ce sentiment, mais c'est justement ce que l'on dit ! C'est un rapport de causalité.

M. LE PRÉSIDENT - Je ne parle pas du premier, mais du second paragraphe.

M. LE MINISTRE - En droit, vous ne pouvez empêcher les parents de porter plainte !

M. LE PRÉSIDENT - Je trouve normal que le médecin soit condamné à payer une sorte de praetium doloris , mais cela n'a pas de rapport avec une indemnité qui serait versée à l'enfant handicapé toute sa vie, alors que d'autres enfants qui naissent handicapés n'ont pas le droit à une indemnisation !

M. LE MINISTRE - Il faudrait qu'ils y aient droit, mais...

M. LE PRÉSIDENT - Non, il faut que la solidarité nationale s'exprime pour tous les enfants handicapés !

M. LE MINISTRE - Je comprends ce que vous voulez dire, mais vous ne pouvez empêcher les gens de porter plainte. Les autres auront droit à la solidarité nationale !

M. LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Paul Blanc.

M. Paul BLANC - Je partage tout à fait le point de vue de notre président.

Qu'est-ce qui a motivé la plainte des parents ? Ils ont eu peur que leur enfant handicapé n'ait pas, dans l'avenir, les moyens d'avoir une vie décente !

Si votre texte est adopté, vous allez avoir une grande inégalité entre les enfants qui seront handicapés et dont les parents n'auront pas porté plainte et ceux dont les parents auront porté plainte puisque, vous l'avez dit, ils auront plus que ceux qui auront les indemnités « handicapés ». Il y a là une très grande injustice !

M. LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Vasselle, rapporteur général de la commission.

M. Alain VASSELLE - Monsieur le Président, ce n'est pas tant en qualité de rapporteur général qu'en qualité de membre de la commission que je pose la question, mais je vous remercie de souligner cette fonction.

Je partage le point de vue exprimé par le président et par Paul Blanc. Je crois qu'il sera difficile d'admettre qu'il puisse exister dans notre société deux catégories d'handicapés : ceux qui bénéficieront d'une indemnité parce qu'une procédure a été engagée pour essayer de prouver qu'il y a eu faute professionnelle, et une seconde série de situations qui peuvent résulter du fait des familles qui auront fait le choix, en fonction de leurs convictions propres, philosophiques ou religieuses, de procéder à l'IVG ou de ne pas y procéder, ceux qui seront libérés de leur handicap parce qu'ils n'ont pas d'état d'âme sur la suppression de la vie à un moment donné, et ceux qui décideront de garder cet enfant handicapé, qui résulte d'une faute ou non et qui n'auront pas le droit à indemnisation.

Cela pose des problèmes philosophiques majeurs, en dehors de toute sensibilité politique d'ailleurs, car je pense que c'est très courant.

Il y a là un problème fondamental auquel il n'est pas facile d'apporter une réponse, celle-ci étant, je crois, plus du ressort de notre société, dans le cadre de l'expression de la solidarité nationale, que de l'indemnisation, par le biais des assurances.

Je pense que vous avez raison, monsieur le ministre, de dire qu'il faut que nous procédions à une lecture attentive du texte avant de nous prononcer d'une manière un peu radicule sur les solutions à prendre, mais je crois qu'il faut que nous essayons de construire ensemble une solution qui réponde à l'attente de l'ensemble de ces familles !

Je crois qu'il y a un consensus général sur la première partie du texte, et je pense que nous pourrons certainement trouver une position unanime.

C'est sur la seconde partie du texte que nous nous posons un certain nombre de questions, et c'est là où il faut peut-être affiner la rédaction pour éviter des quiproquos et des malentendus.

M. LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Sellier, puis à M. Leclerc, sur un autre sujet, ainsi qu'à M. Fischer.

M. Bernard SEILLIER - Monsieur le ministre, ne peut-il y avoir, sur ce paragraphe II, organisation après coup, ayant constaté à la naissance ce handicap, d'une procédure vicieuse, en quelque sorte connivence entre les parents et les médecins alors qu'il n'y aurait pas eu de constatations, pour obtenir le bénéfice de la solidarité nationale, puisqu'on ouvre une porte à ce type de dérive ?

C'est une question qui me vient à l'esprit spontanément, après la lecture de ce paragraphe.

M. Guy FISCHER - Monsieur le ministre, la difficulté qui est soulevée montre bien la nécessité d'avoir ce débat. Il va avoir lieu à l'Assemblée nationale cette semaine. Est-ce que ce sera intégré dans le texte ?

M. LE MINISTRE - Je ne sais si ce sera intégré ou non. Théoriquement, c'est une proposition de loi de Jean-François Mattei. Cela suit donc la procédure habituelle, mais je suis très attentif à tout ce que vous dites.

M. Dominique LECLERC - Monsieur le ministre, l'article 45 de votre projet initial prévoit la création d'une section H des pharmaciens hospitaliers dans le cadre de l'Ordre. Cela n'a pas été retenu par l'Assemblée nationale. Quelle est la réaction du Gouvernement sur ce point ?

M. LE PRÉSIDENT - Mme Desmarescaux va poser la dernière question.

Mme Sylvie DESMARESCAUX - Cette question est celle de M. Gournac, qui a dû s'absenter.

Monsieur le ministre, l'article 36 du projet de loi prévoit de renforcer l'encadrement des conditions d'exercice de la chirurgie esthétique en instituant notamment une obligation d'autorisation des installations.

Comment, dans ce cadre, sera prise en compte la situation particulière des quelque 3.000 médecins qui exercent actuellement des activités de chirurgie esthétique, sans être pour autant qualifié par l'Ordre à ce titre ?

M. LE PRÉSIDENT - Monsieur Fischer, une dernière question...

M. Guy FISCHER - Monsieur le ministre, le problème des médecins à diplôme extra-communautaire va-t-il être traité définitivement ? Je suis ici loin du texte, mais le problème existe néanmoins !

M. LE MINISTRE - Je n'ai pas de réponse à cette question. Il existe une obligation de posséder un diplôme français. Je sais qu'ils sont mal payés, qu'ils sont utilisés tout le temps. Trouvez-moi la solution : je l'appliquerai ! Je crois que j'ai fait plus que tout le monde réuni pour leur permettre d'accéder aux PAC, puis aux postes d'EPH.

Sur 8.000, plus de 7.000 sont régularisés. J'ai fait tout ce que j'ai pu, mais pour ceux-là, je ne peux rien faire ! Il y a là une vraie loi. Il faut que je change la loi.

Aurait-on le droit d'exercer, en France, avec un diplôme non français ? Pour le moment, on ne l'a pas ! Cela ouvre quand même la porte à un certain nombre de perspectives sur lesquelles il faut réfléchir.

Je partage votre sentiment sur l'injustice que cela constitue mais, pour le moment, monsieur Fischer, je n'ai pas de solution !

Madame, c'est justement parce qu'il y a au moins 3.000 personnes qui exercent cette activité de chirurgie dite esthétique dans des conditions qui ne sont pas raisonnables que nous allons légiférer.

Nous allons bien sûr édicter, par décret mais aussi grâce à un certain nombre d'inspections, des réglementations qui, dans les cabinets et ailleurs, vont permettre d'exercer selon des modalités que réclament eux-mêmes les chirurgiens esthétiques.

Rétablir la section H ou non : franchement, je n'y comprends rien ! J'ai honte ! Il y a une querelle que je n'arrive pas à surmonter. J'écouterai avec intérêt vos propositions.

M. LE PRÉSIDENT - Je n'arrive pas à croire que vous n'y compreniez rien, monsieur le ministre ! Je pense que vous comprenez trop bien !

M. LE MINISTRE - C'est exact !

Sur le fond, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que vous dites, et je comprends bien l'idée. On vous prévient d'une malformation ; votre choix philosophique ou religieux vous pousse à maintenir la grossesse ; la femme ne veut pas avoir recours à l'IVG ; l'enfant handicapé, puisqu'on l'a prévenue, n'aura pas les mêmes chances d'indemnisation s'il poursuit, puisqu'il n'a rien à poursuivre. Je comprends.

Evidemment, celles qui auront souhaité interrompre la grossesse sont légitimement fondées à le faire, puisqu'il y a une loi pour cela. Je comprends.

En ce qui concerne la poursuite, n'est-ce pas le cas dans tous les incidents de la vie ? Aux termes de la Constitution même, on ne peut interdire de porter plainte !

Vous me dites qu'il y aurait donc trois catégories de personnes avec un handicap. Je pense que la réponse est dans la solidarité nationale.

Je pense que cette réponse doit prendre en compte votre proposition, mais comment manifester cette solidarité nationale ? Il faut y réfléchir.

C'est ma position personnelle et il faut que j'y réfléchisse, car je n'y ai pas assez réfléchi, mais il y handicap et handicap. Il y a un certain nombre de choses qui sont bien difficiles à raisonner comme cela : malformations bénignes, trisomie, etc.

M. Paul BLANC - Comment faire le diagnostic prénatal d'un autisme ?

M. LE MINISTRE - Il faut qu'on en reparle au cours du débat mais, indépendamment des présupposés ou des attitudes, que je respecte de la part des uns et des autres concernant l'IVG en cas de handicap prévisible majeur, j'ai le sentiment de faire avec cette loi plus pour la transparence, pour le progrès et pour la prise en charge des gens, y compris avec cette correction de l'amendement Perruche.

La proposition de loi de Jean-François Mattei -que je respecte, bien que je ne pense pas la même chose que lui- n'allait pas jusque-là. La proposition Mattei, c'était : « Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du fait de sa naissance ». J'ai précisé « seul » -ce qui est beaucoup plus important juridiquement. Tout le reste, nous l'avons ajouté ! Il ne faut donc pas nous accuser de ne pas vouloir voter cette proposition de loi. Il fallait au contraire la préciser. Peut-être ne l'avons-nous pas précisé assez dans ce domaine, mais qu'allez-vous proposer ? Que nous soyons beaucoup plus attentifs en général à la prise en charge des handicaps ? C'est ce à quoi l'on va aboutir.

Jusque-là, nous éclairons les femmes et leur permettons de choisir. C'est la réponse la plus sincère dont je suis capable pour le moment. Poursuivons ! Je n'ai pas de réponse toute faite.

Je comprends la position de quelqu'un qui a sur l'IVG une attitude différente de la mienne...

M. LE PRÉSIDENT - Il n'y a pas que cela ! Il y a toutes les familles dans lesquelles naît un enfant handicapé...

M. LE MINISTRE - C'est la troisième catégorie !

M. Paul BLANC - C'est la grande majorité, monsieur le ministre.

M. LE PRÉSIDENT - ... Et qui se retrouvent démunies !

Pour conclure, monsieur le ministre, je voudrais vous remercier du temps que vous nous avez accordé sur ce texte très important, qui touche à l'essentiel.

Votre dimension humaine apporte toujours beaucoup à ces débats, et je vous remercie beaucoup, avec la simplicité qui est la vôtre, d'accepter ces discussions en nous faisant part du fond de votre pensée, même si vous ne vous conformez peut-être pas toujours aux obligations strictes de vos responsabilités.

Vous parlez ici aussi en tant qu'homme, et je vous en remercie profondément.

Nous aurons bien sûr à en reparler. Nous allons suivre ce qui va se faire à l'Assemblée nationale. Au-delà de ces deux rédactions, il y en aura peut-être une troisième qui sera la proposition du Sénat.

Je pense que ce sera très difficile ; nous le ferons néanmoins les uns et les autres avec l'intime conviction que l'on ne travaille ni pour un camp, ni pour l'autre, mais dans l'intérêt de nombreux Français, qui sont dans des situations très difficiles.

Ce sera sans esprit partisan, vous le savez bien sûr comme moi.

Merci encore.

M. LE MINISTRE - Merci à vous tous.

* 35 Les comptes rendus figurant dans le présent rapport ont été adressés aux personnes auditionnées afin qu'elles puissent en valider la teneur.

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