EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
(art. L. 225-21, L. 225-54-1, L. 225-67, L. 225-77,
L. 225-94 et L. 225-94-1 du code de commerce)
Règles de cumul applicables aux mandats sociaux
dans les sociétés anonymes

L'article premier, disposition centrale de la proposition de loi, modifie successivement au sein de six paragraphes les règles applicables en matière de cumul des mandats sociaux au sein des sociétés anonymes.

Le I modifie l'article L. 225-21 du code de commerce fixant le régime de limitation du nombre de mandats d'administrateur.

La loi du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques a ramené de huit à cinq le nombre maximal de mandats d'administrateur susceptibles d'être exercés simultanément dans des sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français. Elle a par ailleurs prévu la neutralisation des mandats d'administrateur détenus dans les sociétés contrôlées au sens de l'article L. 233-16, c'est-à-dire les sociétés faisant l'objet d'un contrôle exclusif ou d'un contrôle conjoint au sens des règles relatives à la consolidation des comptes, dès lors que les titres de ces sociétés contrôlées ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé. Par dérogation au principe, ne sont donc pas comptabilisés dans la limite des cinq les mandats d'administrateur exercés dans les sociétés contrôlées non cotées.

Enfin, la loi du 15 mai 2001 a exclu du champ de cette dérogation le mandat de président du conseil d'administration. Le nombre de mandats de président susceptibles d'être exercés par une personne physique est donc strictement limité à cinq.

Le I du texte proposé élargit doublement le champ de la dérogation :

- désormais, la neutralisation des mandats d'administrateur détenus dans les sociétés contrôlées serait effective, que ces sociétés soient ou non cotées ;

- par ailleurs, la dérogation de groupe s'appliquerait non seulement au mandat d'administrateur mais également au mandat de président du conseil d'administration .

Votre commission des Lois souscrit pleinement à cet assouplissement des règles du cumul de mandat d'administrateur. Elle avait elle-même proposé, lors de l'examen du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, d'écarter la distinction entre sociétés contrôlées cotées ou non cotées, estimant que le critère pertinent était celui de l'appartenance à un même groupe 8 ( * ) . Cette position, partagée par la commission des Finances, avait été adoptée par le Sénat 9 ( * ) .

Observons en outre que le dispositif proposé lève l'ambiguïté relative aux mandats croisés . La rédaction issue de la loi du 15 mai 2001, se référant à la notion de « mandat de même nature » pouvait laisser penser que la dérogation de groupe ne pouvait jouer que pour les mandats d'administrateur détenus dans les filiales alors qu'elle doit logiquement valoir également pour les mandats de membre d'un conseil de surveillance, qui constituent eux aussi des mandats de gestion.

Au cours de l'examen du texte, l'Assemblée nationale a par ailleurs adopté un amendement présenté par M. Xavier de Roux permettant de faire bénéficier d'un régime dérogatoire les groupes organisés selon une structure dite « en râteau », c'est-à-dire constitués de filiales « soeurs » toutes rattachées à une société mère. Compteraient ainsi désormais pour un seul mandat les mandats d'administrateur détenus par une même personne physique dans plusieurs sociétés contrôlées dans le même périmètre de consolidation comptable par une même société mère, dès lors que ces sociétés ne sont pas cotées et que le nombre de mandats ainsi détenu n'excède pas cinq. Ainsi, que cette personne détienne un, deux, trois, quatre ou cinq mandats, ces mandats compteront pour un seul au regard de l'application des règles de cumul. Compte tenu de la limite globale fixée à cinq mandats, hors dérogations de groupe jouant désormais non seulement verticalement (filiales contrôlées) mais également horizontalement (société organisée en « râteau »), une même personne pourra désormais, par exemple, exercer jusqu'à cinq fois cinq mandats d'administrateur dans cinq groupes distincts organisés en « râteau » ou encore, cinq mandats de ce type dans des sociétés soeurs d'un groupe ainsi organisé et quatre autres mandats ainsi que, si certains parmi ces derniers sont des mandats détenus dans une société mère, d'autres mandats de gestion en nombre illimité dans les filiales contrôlées du périmètre de consolidation comptable.

Notons que le dispositif adopté a omis de traiter la question des mandats croisés que le texte adopté par la commission des Lois de l'Assemblée nationale s'est attaché à régler concernant la première dérogation.

Le II modifie l'article L. 225-54-1 du code de commerce fixant les règles de limitation du nombre de mandats de directeur général de sociétés anonymes exercés simultanément.

Le dispositif issu de la loi du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques a réduit de deux à un le nombre de mandats de directeur général susceptibles d'être exercés simultanément dans des sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français. Il a cependant admis que, par dérogation, un second mandat puisse être détenu dans une société contrôlée dans le périmètre de consolidation comptable à la condition que celle-ci ne soit pas cotée.

La proposition de loi prévoit d'assouplir le dispositif en élargissant le champ de la dérogation déjà en vigueur et en ajoutant une seconde dérogation.

Ainsi, si le principe est toujours celui de l'exercice d'un mandat unique de direction générale, un deuxième mandat pourra être détenu dans une société contrôlée, cotée ou non : comme celle prévue pour le mandat d'administrateur, cette dérogation fait prévaloir la logique de groupe pour laquelle il n'y a pas lieu de prendre en considération le point de savoir si la société contrôlée est cotée ou non. En outre, comme précédemment pour les dispositions relatives au mandat d'administrateur, la rédaction proposée lève l'ambiguïté relative à la détention de mandats de direction de nature différente dans la société mère et la société contrôlée . Si l'hypothèse ici concernée est celle de l'exercice d'un mandat d'administrateur dans la société mère, le mandat détenu dans la filiale peut être soit de même nature, et donc un mandat d'administrateur, soit un mandat de membre du conseil de surveillance.

La seconde dérogation , instaurée par la proposition de loi, permet à un directeur général de société non cotée d'exercer un autre mandat de direction , directeur général s'il s'agit d'une société anonyme à conseil d'administration, directeur général unique ou membre du directoire s'il s'agit d'une société à conseil de surveillance, dans une autre société anonyme à condition qu'elle non plus ne soit pas cotée . Le bénéfice de ce dispositif, destiné aux petites et moyennes entreprises, suppose donc qu'aucune des deux sociétés considérées ne soit cotée.

Au total, en vertu de ces nouvelles règles, une même personne physique pourrait exercer au maximum trois mandats exécutifs simultanément.

Le III opère à l'article L. 225-67 pour les personnes physiques exerçant un mandat de directeur général unique ou de membre du directoire les mêmes modifications que le II sur l'article L. 225-54-1 pour le mandat de directeur général.

La limite de principe est donc toujours fixée à un seul mandat mais deux dérogations permettent :

- d'exercer un deuxième mandat dans une société contrôlée qu'elle soit ou non cotée ;

- et d'exercer un autre mandat exécutif dans une autre société, sous réserve qu'aucune des deux sociétés ne soit cotée.

Le IV opère à l'article L. 225-77 pour les personnes physiques exerçant des mandats de membre du conseil de surveillance les mêmes modifications que le I sur l'article L. 225-21 pour celles exerçant des mandats d'administrateur.

Sont donc prévus deux types de dérogations :

- la première permettant l'exercice d'autres mandats de gestion que celui détenu dans la société mère, sans limitation de nombre dans les sociétés contrôlées du périmètre de consolidation comptable ;

- la seconde, introduite lors du débat par l'adoption d'un amendement présenté par M. Xavier de Roux, pour les mandats de membre du conseil de surveillance détenus dans des sociétés soeurs d'un groupe, à concurrence de cinq mandats au maximum et sous réserve que lesdites sociétés ne soient pas cotées.

Le V modifie l'article L. 225-94 qui tend à appliquer aux mandats de gestion d'une part (alinéa 1 er ), et aux mandats de direction d'autre part (alinéa 2), les règles de cumul prévues par ailleurs pour chaque type de mandat séparément, c'est-à-dire les mandats d'administrateur ou les mandats de membre du conseil de surveillance pour les mandats de gestion et les mandats de directeur général ou les mandats de directeur général unique ou de membre du directoire pour les mandats de direction.

Ce paragraphe propose une nouvelle rédaction du second alinéa destinée à expliciter la possibilité de dérogations croisées en ce qui concerne les mandats de direction , le directeur général dans une société mère pouvant être membre du directoire ou directeur général unique dans une filiale, et réciproquement.

On peut cependant s'interroger sur la nécessité du maintien de l'article L. 225-94, dans la mesure où la question des dérogations croisées entre sociétés d'un même groupe est désormais traitée au sein même des dispositions définissant les règles de cumul pour chaque catégorie de mandat.

? Le VI modifie l'article L. 225-94-1 qui fixe le régime applicable en matière de cumul global, tous types de mandats sociaux confondus.

Ce paragraphe complète le premier alinéa dudit article pour lever l'incertitude relative au nombre de mandats qui doivent être décomptés lorsque le directeur général est choisi parmi les administrateurs . Il est désormais explicitement prévu que l'exercice de la direction générale par un administrateur est décompté pour un seul mandat .

Le VI propose par ailleurs l'abrogation du second alinéa de l'article L. 225-94-1 , issu de la loi du 15 mai 2001, qui prévoit l'application de la dérogation de groupe dans les filiales contrôlées du périmètre de consolidation lors de la mise en oeuvre des règles de cumul global, tous types de mandats confondus. Cette disposition paraît en effet inutile puisque cette dérogation est déjà prévue pour chaque catégorie de mandat de gestion et que l'application des règles, y compris des dérogations, relatives à ce type de mandat est garantie au premier alinéa par l'utilisation de l'expression « Sans préjudice des dispositions des articles... ». Au surplus, le maintien en l'état de ce second alinéa de l'article L. 225-94-1 aurait pu conduire à des difficultés d'interprétation car n'auraient été visée que la dérogation de groupe dans les filiales contrôlées (dérogation verticale) et pas celle admise désormais pour les mandats détenus dans des sociétés soeurs (dérogation horizontale).

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 1 er sans modification .

Article 1er bis
(art. L. 225-95-1 du code de commerce)
Exclusion des mandats détenus dans les SEM
pour l'application des règles de cumul de mandats sociaux

Le présent article, issu d'un amendement présenté par M. Michel Bouvard à l'Assemblée nationale, vise à écarter les mandats de gestion ou de direction détenus dans une société d'économie mixte (SEM) par un représentant d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales du décompte mis en oeuvre pour l'application de la réglementation relative au cumul de mandats sociaux .

Observons que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale comporte une lacune car sont visés tous les types de mandats sociaux à l'exclusion du mandat de membre du conseil de surveillance. Il ne fait pas de doute qu'il s'agit là d'un simple oubli ; les impératifs de calendrier empêchant d'y remédier immédiatement, il convient de souligner dès à présent que l'esprit de la loi est bien d'exclure du décompte tous les mandats sociaux détenus dans des SEM, que la structure de la société anonyme soit moniste ou dualiste.

L'auteur de l'amendement a expliqué que les membres des exécutifs locaux, conduits à siéger au sein des conseils d'administration de sociétés d'économie mixte, étaient également susceptibles, au titre de leur activité professionnelle, de siéger au conseil d'administration de sociétés privées et qu'ils ne devaient pas être pénalisés au regard des règles de cumul par l'exercice de mandats au sein des SEM, les conseils municipaux devant en outre conserver la possibilité de désigner librement leurs représentants aux conseils d'administration de ces sociétés.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 1 er bis sans modification .

Article 2
(art. L. 214-17 du code monétaire et financier -
art. L. 322-4-2 du code des assurances)
Exceptions aux règles de cumul de mandats sociaux
pour les SICAV et les sociétés d'assurance mutuelle

La proposition de loi adoptée par la commission des Lois de l'Assemblée nationale aménageait l'exception prévue par le code monétaire et financier pour les SICAV (paragraphes I et II). Un amendement du Gouvernement est venu compléter l'article 2 afin d'ajouter une exception pour les sociétés d'assurance mutuelle (paragraphe III).

Les paragraphes I et II adaptent le dispositif applicable aux mandats détenus dans les SICAV .

Cette adaptation répond à une demande formulée par la Commission des opérations de bourse (COB).

En effet, la loi du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création de fonds communs de créance avait instauré un régime de cumul des mandats dérogeant à celui défini par la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, justifié par l'ampleur du développement des SICAV et la difficulté corrélative de trouver un nombre suffisant de personnes compétentes pour en assurer la direction.

Le 4. de l'article L. 214-17 du code monétaire et financier dispose ainsi qu'« une même personne physique peut exercer simultanément six mandats de président de conseil d'administration ou de membre du directoire si quatre d'entre eux au moins sont des mandats de président du conseil d'administration ou de membre du directoire d'une SICAV ».

Or, cette disposition n'a pas été modifiée pour tenir compte de la nouvelle répartition des pouvoirs entre les organes dirigeants dans les sociétés anonymes et, en particulier, de la dissociation des fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général. La présente proposition de loi prévoit d'adapter le dispositif dérogatoire prévu pour les SICAV à cette dissociation des fonctions de direction : elle permet l'exercice simultané de cinq mandats de directeur général ou de membre du directoire par une même personne physique.

Par ailleurs, et comme cela a été prévu par l'article L. 225-95-1 du code de commerce, issu de la loi sur les nouvelles régulations économiques, pour les fonds communs de placement, l'article 2 de la proposition de loi prévoit une dérogation à la limitation du cumul des mandats pour les représentants permanents des sociétés au conseil d'administration ou de surveillance d'une SICAV. Par cette précision, la proposition de loi corrige opportunément un oubli de la loi du 15 mai 2001.

Le paragraphe III crée une dérogation pour les sociétés d'assurance mutuelle qui ont des sociétés anonymes comme filiales .

Il s'agit, selon les propos du secrétaire d'Etat, de « permettre une meilleure gestion » de ces sociétés.

La dérogation ne concerne ici que les mandats d'administrateur . Désormais, les mandats d'administrateur, quel que soit leur nombre, détenus dans des sociétés anonymes contrôlées par une société d'assurance mutuelle ou de réassurance mutuelle ne seront décomptés que pour un seul mandat pour l'application des règles relatives au cumul de mandats sociaux.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 2 sans modification .

Article 2 bis
(art. L. 511-31 du code monétaire et financier)
Exception aux règles de cumul de mandats sociaux
pour les établissements de crédit mutualistes
et coopératifs à organe central

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale par adoption d'un amendement présenté par M. Xavier de Roux, modifie l'article L. 511-31 du code monétaire et financier pour créer une nouvelle exception en matière de cumul des mandats sociaux au bénéfice des mandats sociaux, de gestion comme de direction, détenus au sein des établissements de crédit mutualistes et coopératifs ou au sein des organes centraux auxquels sont affiliés ces établissements.

Les organes centraux visés sont ceux énumérés à l'article L. 511-30 du code monétaire et financier, à savoir : la Caisse nationale de crédit agricole, la Chambre syndicale des banques populaires, la Confédération nationale du crédit mutuel, la Caisse centrale de crédit coopératif, la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance ainsi que la Chambre syndicale des sociétés anonymes de crédit immobilier.

Le régime dérogatoire prévu pour ces organes centraux et établissements affiliés consiste à décompter pour un seul mandat au regard des règles de cumul l'ensemble des mandats détenus en leur sein.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 2 bis sans modification .

Article 3
Entrée en vigueur

L'article 3 modifie l'article 131 de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques pour substituer au délai de dix-huit mois initialement prévu pour la mise en oeuvre des nouvelles règles relatives au cumul des mandats sociaux un délai de deux mois à compter de la date de publication de la présente loi.

Les titulaires de mandats de gestion ou de direction de sociétés anonymes disposeront donc de deux mois pour mettre en conformité leur situation avec les nouvelles exigences légales en matière de cumul des mandats sociaux. Comme dans le dispositif prescrit par la loi du 15 mai 2001, la sanction de la non observation de ces exigences à la date butoir est la déchéance de tous les mandats sociaux détenus : les titulaires fautifs sont en effet « réputés démissionnaires de tous leurs mandats ».

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 3 sans modification .

* 8 Rapport pour avis n° 10 (2000-2001) fait par M. Jean-Jacques Hyest au nom de la commission des Lois, page 83.

* 9 J.O. Débats Sénat du 13 octobre 2000, page 4.998.

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