II. LE MANDAT D'ARRÊT EUROPÉEN : UN PROGRÈS INCONTESTABLE MAIS LIMITÉ

L'article 31 du traité sur l'Union européenne prévoit que l'action en commun dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale vise entre autres à faciliter l'extradition entre Etats membres. La décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres répond à cet objectif.

Dès 1999, le Conseil européen réuni à Tampere affirmait que « la procédure formelle d'extradition devrait être supprimée entre Etats membres pour les personnes qui tentent d'échapper à la justice après avoir fait l'objet d'une condamnation définitive » et remplacée par « un simple transfèrement des personnes, conformément à l'article 6 du traité sur l'Union européenne ».

Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ont accéléré le processus de décision. Dès le 11 décembre 2001, un accord politique a été conclu entre les Etats membres sur le contenu de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen.

Le 27 novembre 2001, votre commission des Lois avait adopté une proposition de résolution sur la proposition de décision-cadre, devenue résolution du Sénat le 5 décembre 2001.

La décision-cadre a formellement été adoptée le 13 juin 2002 par le Conseil de l'Union européenne.

A. LES RÈGLES ACTUELLES DE L'EXTRADITION

De nombreuses conventions internationales régissent aujourd'hui l'extradition, la plus importante étant la Convention européenne d'extradition de 1957. En l'absence de convention, les règles applicables résultent de la loi du 10 mars 1927.

1. La Convention européenne d'extradition de 1957

Les règles actuellement applicables en matière d'extradition figurent, pour l'essentiel, dans la Convention européenne d'extradition signée en 1957 dans le cadre du Conseil de l'Europe. Cette convention constitue la pièce maîtresse du droit européen de l'extradition, mais a fait l'objet de nombreuses réserves de la part des Etats membres. De nombreuses conventions bilatérales lient également certains Etats.

Les principes posés par la Convention de 1957 sont les suivants :

- l'extradition aux fins de poursuite est possible pour des faits punis par les lois de la partie requérante et de la partie requise (principe de la double incrimination) « d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'un maximum d'au moins un an ou d'une peine plus sévère » 3 ( * ) ; la France a émis une réserve pour porter à deux ans le seuil de peine encourue à partir duquel elle accepte l'extradition ;

- l'extradition aux fins d'exécution d'une peine est possible lorsque la peine prononcée sur le territoire de la partie requérante est d'au moins quatre mois d'emprisonnement ;

- l'extradition n'est pas accordée si l'infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par la partie requise comme une infraction politique ; de même, l'extradition n'est pas accordée pour des faits déjà jugés par la partie requise ( non bis in idem ) ou pour des faits prescrits ;

- toute partie a la faculté de refuser l'extradition de ses propres ressortissants ;

- quelques conditions de forme sont exigées : en principe, la requête doit être formulée par écrit et présentée par la voie diplomatique, mais une autre voie peut être convenue par arrangement direct entre deux ou plusieurs parties.

La requête doit être accompagnée soit d'une décision de condamnation exécutoire, soit d'un mandat d'arrêt ou de tout autre acte ayant la même force. Un exposé des faits pour lesquels l'extradition est demandée ainsi qu'une copie des dispositions légales applicables doivent également être transmis à la partie requise ;

- en cas d'urgence, les autorités compétentes de la partie requérante peuvent demander « l'arrestation provisoire » de l'individu recherché ; les autorités compétentes de la partie requise statuent sur cette demande conformément à la loi de cette partie.

2. La procédure applicable en France

En l'absence de traité, les conditions, la procédure et les effets de l'extradition sont déterminés par les dispositions de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers. Cette loi s'applique également aux points qui n'auraient pas été réglementés par les traités.

En ce qui concerne les conditions de fond de l'extradition, la loi du 10 mars 1927 prévoit notamment que les faits susceptibles de donner lieu à l'extradition sont les faits punis de peines criminelles par la loi de l'Etat requérant ainsi que les faits punis de peines correctionnelles par la loi de l'Etat requérant, quand le maximum de la peine encourue, aux termes de cette loi, est de deux ans ou au dessus (un an dans la Convention européenne d'extradition de 1957).

En ce qui concerne la procédure, les demandes d'extradition sont adressées au ministre des affaires étrangères qui les transmet au ministre de la justice, lequel « s'assure de la régularité de la requête et lui donne telles suites que de droit ». S'il décide d'engager la procédure, le ministre adresse le dossier au Procureur de la République du lieu où l'individu recherché est signalé.

Lorsque l'arrestation provisoire de la personne recherchée est demandée, une demande distincte doit être formulée, qui peut être directement transmise d'autorité judiciaire à autorité judiciaire. Un avis doit être donné par le procureur de la République au ministre de la justice et au procureur général dans les vingt-quatre heures de l'arrestation.

Un membre du parquet procède à un interrogatoire d'identité avant l'incarcération de la personne. La personne peut être remise en liberté si, par la suite, une demande d'extradition en bonne et due forme n'est pas présentée.

L'examen de la demande d'extradition comporte une phase judiciaire et une phase administrative .

Le procureur de la République compétent fait arrêter la personne recherchée sauf si une demande distincte d'arrestation provisoire a été formulée. Dans les vingt-quatre heures de l'arrestation, un membre du parquet procède à un interrogatoire d'identité de la personne.

La personne dont l'extradition est demandée comparaît devant la chambre de l'instruction dans un délai maximal de huit jours. Elle est alors interrogée sur le fond de l'affaire et peut se faire assister d'un avocat.

Si la personne consent formellement à être livrée aux autorités du pays requérant, il lui est donné acte de cette déclaration et le dossier est transmis sans retard au ministre de la justice.

Dans le cas contraire, la chambre de l'instruction donne son avis motivé sur la demande d'extradition. L'avis est défavorable si la Chambre de l'instruction estime que les conditions légales ne sont pas remplies ou qu'il y a une erreur évidente.

Si l'avis de la chambre de l'instruction est négatif, l'extradition ne peut pas être accordée. En principe, la chambre de l'instruction statue sans recours, mais la Cour de cassation a progressivement admis la formation de pourvois .

Lorsque l'avis de la chambre de l'instruction est favorable à l'extradition, le ministre de la justice propose, « s'il y a lieu », à la signature du Premier ministre un décret autorisant l'extradition. Ce décret peut faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat .

Enfin, si, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'acte, l'extradé n'a pas été reçu par les agents de la puissance requérante, il est mis en liberté et ne peut plus être réclamé pour la même cause.

Les règles relatives à l'extradition sont donc actuellement complexes. Elles peuvent constituer une entrave à l'efficacité de la justice. Même dans le cas où l'intéressé accepte l'extradition, sa détention en France peut durer de nombreux mois.

* 3 Certains Etats définissent, pour chaque infraction, une « fourchette » de peines ; d'autres, dont la France depuis l'adoption du nouveau code pénal, n'établissent qu'un « plafond » de peine pour chaque infraction. La Convention exige, pour que l'extradition soit possible, que la peine « plafond » encourue soit au moins égale à un an d'emprisonnement.

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