N° 304

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 mai 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité ,

Par M. Bernard SEILLIER,

Sénateur.

Tome II :

Travaux de la commission, Annexes et Tableau comparatif

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Sénat : 282 et 305 (2002-2003)

Action sociale et souveraineté nationale.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 21 mai 2003 sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M Bernard Seillier sur le projet de loi n° 282 (2002-2003) portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion (RMI) et créant un revenu minimum d'activité (RMA).

M. Bernard Seillier, rapporteur , a rappelé qu'il était prévu, lors de sa création en 1988, que le revenu minimum d'insertion (RMI) constitue une rupture par rapport à la logique traditionnelle de l'assistance, en luttant dans un même effort contre la pauvreté et contre l'exclusion. Il a souligné que le large consensus, qui avait alors prévalu, résidait dans le fragile équilibre entre deux principes constitutionnels, le droit à un minimum de ressources et le devoir de travailler, et un engagement réciproque entre la collectivité et le bénéficiaire.

Il a considéré que le bilan du RMI ne pouvait pas se résumer à un constat d'échec car il répondait à un véritable besoin dans notre dispositif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Mais il a observé que les craintes concernant les fragilités intrinsèques du dispositif s'étaient révélées fondées.

Il a estimé que l'augmentation continue et inquiétante du nombre de bénéficiaires mettait en lumière les faiblesses du dispositif de gestion de l'allocation : la multiplicité des acteurs intervenant dans l'instruction des dossiers, la nécessité, soulignée par la Cour des comptes, de renforcer les contrôles, l'effet déresponsabilisant du partage des compétences dans le domaine de l'insertion, et la défaillance des instances chargées d'animer les politiques locales.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a déclaré que, s'il y avait un échec du RMI, c'était celui du dispositif d'insertion et que même les départements les plus concernés par les phénomènes d'exclusion rencontraient des difficultés pour consommer l'ensemble des crédits inscrits à leur budget.

Il a jugé que la mauvaise volonté des départements, souvent mise en avant pour expliquer ce phénomène, ne saurait expliquer les reports de crédits constatés qui sont largement imputables au manque de souplesse dans les possibilités d'utilisation de ces crédits, notamment en matière de suivi ou de prévention. Il a insisté sur le fait que la faiblesse du taux de contractualisation, oscillant depuis 10 ans autour de 50 %, résultait largement d'une carence de l'offre d'insertion.

Il a considéré que ces carences du dispositif d'insertion expliquaient pour partie les difficultés d'accès ou de retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI et que l'effet de « trappe à inactivité » n'était pas prédominant dans la mesure où le souci de retrouver un statut social reconnu, apporté par le travail, jouait pour les allocataires un rôle important.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a souligné que le projet de loi entendait ainsi apporter une réponse aux deux limites actuelles du dispositif du RMI - une gestion peu optimale et des perspectives d'insertion trop limitées - et a relevé qu'il constituait la première application de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, laquelle dispose que les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences susceptibles de mieux être mises en oeuvre à leur échelon.

Il a distingué trois axes dans le dispositif proposé : la décentralisation de l'allocation elle-même, la redynamisation de l'insertion individuelle et la fin du co-pilotage du dispositif local d'insertion.

S'agissant de la décentralisation de l'allocation, il a noté que le projet de loi transférait au président du conseil général l'ensemble des décisions individuelles relatives à l'allocation qu'il pourra également déléguer aux caisses d'allocations familiales (CAF) et aux caisses de mutualité sociale agricole (CMSA), de façon plus large qu'auparavant.

Sur ce volet consacré à la décentralisation, M. Bernard Seillier, rapporteur , a fait part de trois interrogations.

Il a relevé, en premier lieu, l'imprécision du projet de loi sur les conditions financières du transfert au département de l'ensemble des compétences liées au RMI. Il a noté que M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, en avait précisé la philosophie devant la commission en annonçant que la dépense de RMI constatée en 2003 serait compensée par l'attribution, pour solde de tout compte, d'une recette fiscale d'un montant équivalent : une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Il a jugé toutefois qu'il était très difficile de prévoir les évolutions respectives de la recette et de la dépense et que l'on pouvait, tout au plus, estimer que le bilan financier de ce transfert, s'il avait été réalisé en 1993, aurait coûté aux départements plus de 4 milliards d'euros en dix ans. Il a évoqué également la question des conditions de transfert aux départements des personnels de l'Etat en charge de la gestion de la prestation dans les directions départementales de l'action sanitaire et sociale (DDASS).

M. Bernard Seillier, rapporteur , s'est interrogé, en second lieu, sur les conditions de la compensation aux CAF et aux CMSA des charges de trésorerie liées au service de l'allocation. Il a jugé que le législateur devait avant tout s'assurer que ces relations nouvelles pourraient être préservées des frictions récurrentes opposant aujourd'hui la CNAF et l'Etat quant à la gestion de cette prestation.

En dernier lieu, il s'est inquiété des modalités de la décentralisation du RMI dans les départements d'outre-mer, qui lui ont semblé avoir davantage leur place dans le projet de loi de programme pour l'outre-mer actuellement examiné par le Sénat.

Abordant le deuxième volet du titre premier consacré à l'amélioration du contenu des contrats d'insertion, M. Bernard Seillier, rapporteur , a noté que le projet de loi donnait un rôle plus actif au bénéficiaire dans la définition de son contrat d'insertion et visait également à améliorer l'accompagnement individuel des allocataires dans l'élaboration de leur parcours d'insertion, par la désignation d'un référent.

Il a indiqué que le texte s'attachait également à définir de manière plus concrète les actions qui pouvaient être inscrites dans le contrat d'insertion : il pose le principe de l'inscription obligatoire d'une mesure orientée vers le retour à l'emploi, éventuellement complétée par des mesures d'accès aux droits ; dans un souci de simplification, il donne à l'attestation délivrée par l'employeur, le formateur ou l'accompagnateur, la valeur de contrat d'insertion.

Tout en se félicitant de cette volonté de mettre fin à l'imprécision des contrats d'insertion, M. Bernard Seillier, rapporteur, a mis en avant trois risques que semblait comporter cette nouvelle définition : un risque d'appauvrissement des contrats en donnant à une simple attestation valeur de contrat d'insertion ; un risque d'éviction des plus démunis confrontés parfois à des engagements irréalistes; enfin et surtout, un changement de nature du contrat d'insertion, ce dernier pouvant devenir un engagement à suivre une action précise, et non une mobilisation de la personne et de la collectivité pour atteindre un objectif.

Concernant enfin le pilotage de l'insertion, il a affirmé que le projet de loi consacrait la responsabilité pleine et entière du département à l'égard du dispositif local d'insertion et se traduisait par une liberté accrue dans l'organisation des instances départementales.

Il a relevé que l'adoption par le conseil général lui-même du programme départemental d'insertion devrait conduire à la définition d'un programme plus précis et que l'examen des programmes locaux d'insertion ainsi que la possibilité de déléguer leur mise en oeuvre aux communes ou à leurs groupements devraient permettre de mettre en place des programmes plus réalistes et plus efficaces. Il a noté que le projet de loi recentrait les commissions locales d'insertion (CLI) sur leur rôle initial de définition de l'offre locale d'insertion, en les déchargeant de leurs attributions en matière d'approbation des contrats d'insertion.

Après s'être félicité de la fin du copilotage, il a néanmoins souhaité faire part à la commission de deux préoccupations.

Il a estimé, en premier lieu, que le rôle du secteur associatif apparaissait peu dans le texte proposé. Il a jugé que, sans entraver la liberté du département, le projet de loi pourrait davantage insister sur le rôle des associations, notamment au sein des conseils départementaux d'insertion (CDI) et des CLI.

Il a insisté, en second lieu, sur la question des crédits d'insertion qui sont obligatoirement inscrits au budget des départements.

Il a estimé que la logique de la décentralisation voudrait, en s'appuyant sur une responsabilisation des départements, que cette obligation soit supprimée et que le seul fait que l'allocation soit à leur charge devrait les inciter à s'engager plus fortement en faveur de l'insertion.

Il a constaté, cependant, la manifestation d'une crainte forte, exprimée par le monde associatif, d'un recul de l'effort d'insertion et surtout d'un creusement des inégalités entre départements, préjudiciable aux bénéficiaires. Il a jugé que le bouleversement que représente déjà le transfert de la gestion de l'allocation l'incitait à la prudence et à vouloir laisser la discussion se poursuivre. Il a également relevé que M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, présenterait un amendement tendant à la suppression de l'inscription obligatoire de ces crédits d'insertion. Il a ainsi proposé de laisser le temps de la réflexion et de trancher cette question à l'occasion du débat qui interviendra à l'occasion de l'examen des amendements extérieurs.

Il a considéré que la décentralisation du RMI pouvait être une chance pour la politique d'insertion et qu'il était possible d'apporter certaines améliorations au dispositif proposé, notamment sur son volet insertion. Il a estimé que l'amélioration de l'insertion passait d'abord par une meilleure définition des contrats d'insertion. A ce titre, il a indiqué qu'il proposerait à la commission plusieurs amendements visant à mettre à la disposition des allocataires des outils plus diversifiés pouvant s'inscrire dans un parcours d'insertion.

Il a déclaré qu'il proposerait également de supprimer la possibilité de donner aux attestations de l'employeur valeur de contrat d'insertion et de préciser le rôle du référent à l'égard de l'allocataire. Il a souhaité que soient aménagées les conditions de pilotage par le département du dispositif local d'insertion, en précisant la portée du programme local d'insertion et en réaffirmant le rôle des associations dans la mise en oeuvre des actions d'insertion. Il a jugé nécessaire de renforcer l'évaluation de ce dispositif, afin de pouvoir diffuser les « bonnes pratiques ».

M. Bernard Seillier, rapporteur, a observé que le second volet du présent projet de loi visait à favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI en instituant un nouveau dispositif d'insertion pouvant constituer une première étape vers un emploi durable. Il a observé que la philosophie du RMA était à cet égard relativement simple et dans la mesure où il s'agissait d'une « activation » des dépenses d'allocation en contrepartie d'un accompagnement renforcé du bénéficiaire vers l'emploi.

Il a noté que ce volet du texte, sans être expérimental, constituait un dispositif incontestablement innovant, autorisant en effet, sous conditions, à verser directement à l'employeur une somme équivalente à l'allocation de RMI, en contrepartie de l'embauche d'un bénéficiaire du RMI et de la mise en oeuvre d'actions d'insertion individualisées qui seront définies conjointement par le salarié, le département et l'employeur. Il a précisé que le salarié bénéficiera, d'un salaire au moins égal au salaire minimum de croissance (SMIC) et d'un accompagnement pour la réalisation de son projet professionnel dans le cadre de son parcours d'insertion. Il a observé que l'employeur bénéficiera, lui, d'une aide substantielle, permettant de réduire significativement les coûts salariaux.

Il a insisté sur les principales caractéristiques du dispositif qui présentent au total de sérieux gages d'efficacité : un dispositif ciblé sur les bénéficiaires du RMI qui rencontrent de réelles difficultés d'accès à l'emploi, un contrat de travail spécifique à durée déterminée de six mois renouvelable deux fois et ouvert aux secteurs marchand et non marchand.

Il a affirmé que sans être un « sas » obligatoire, le RMA avait vocation à constituer une première étape dans un processus de retour durable à l'emploi et que ce contrat à temps partiel d'une durée hebdomadaire de 20 heures visait des personnes très en difficulté pour lesquelles le retour direct à un emploi à temps plein n'était en effet pas immédiatement envisageable. Il a indiqué que, comme tout contrat de travail, il ouvrait droit à un salaire versé par l'employeur, ce dernier ne finançant directement que le « différentiel » entre le RMI et le salaire.

Il a mentionné, en dernier lieu, que le dispositif prévoyait un accompagnement renforcé vers l'emploi et que la conclusion d'un contrat RMA était soumise à la signature préalable d'une convention entre le département et l'employeur. Il a noté que cette convention déterminait, au vu du projet professionnel du bénéficiaire, les actions d'insertion qui devront être réalisées dans le cadre du contrat et qui pourront concerner l'orientation professionnelle, le tutorat, le suivi individualisé et la formation nécessaires à une insertion durable.

Il a estimé que, pour le salarié, le dispositif offrait à la fois un statut social, un complément de rémunération significatif (au moins 180 euros par mois quelle que soit sa situation de famille), un retour dans la sphère professionnelle et le bénéfice d'actions d'insertion adaptées à sa situation. Il a considéré que, pour l'employeur, il constituait une réelle incitation à l'embauche de ce public. Compte tenu de l'aide départementale, il a chiffré le coût total mensuel pour l'employeur à 257 euros dans le secteur non marchand et à 327 euros dans le secteur marchand. Il a précisé que cette différence tenait au fait que le « différentiel » financé directement par l'employeur était exonéré de cotisations sociales pour le secteur non marchand.

Il a constaté que le dispositif avait pu soulever certaines interrogations, voire certaines craintes notamment au sein du monde associatif. Il a jugé néanmoins que ces craintes s'expliquaient avant tout par le dépôt quelque peu « précipité » du projet de loi.

Il a estimé qu'au cours des nombreuses auditions qu'il avait conduites en sa qualité de rapporteur, s'étaient manifestés non pas une opposition totale à la philosophie du texte, mais quatre types de préoccupations principales.

Il a relevé, en premier lieu, le problème de l'articulation du nouveau contrat avec les autres dispositifs d'insertion et plus largement avec la politique de l'emploi qui reste de la responsabilité de l'Etat. Sur ce point, il s'est dit persuadé que le nouveau dispositif introduisait plus de complémentarité que de concurrence, en s'adressant en effet à un public qui ne bénéficie pas des contrats d'insertion classiques, et comblait ainsi une faille dans nos politiques d'insertion.

Il a jugé que la lisibilité de l'ensemble du dispositif était pour l'instant quelque peu brouillée par la perspective d'une réforme prochaine des autres dispositifs, et notamment de la fusion entre le contrat emploi-solidarité (CES) et le contrat emploi consolidé (CEC) dans un contrat d'insertion unique dont l'architecture n'est pas encore définitivement établie. Il a considéré qu'il ne faudrait pas que ce nouveau dispositif, piloté et financé par les départements, conduise l'Etat à contingenter plus drastiquement les contrats aidés qu'il continuera à financer.

Il a exposé une seconde préoccupation : la rigidité des différents « paramètres » (condition d'ancienneté de deux ans au RMI, 20 heures par semaine, durée maximale de 18 mois) qui pourrait être trop stricte pour prendre en compte la diversité des situations et l'hétérogénéité des besoins d'insertion. Il a reconnu que ces différentes conditions pouvaient apparaître contraignantes au moment même où le pilotage de l'ensemble du dispositif RMI était confié au département pour permettre justement son adaptation au plus près du terrain.

Il s'est déclaré préoccupé, en troisième lieu, par la question des garanties offertes aux salariés, notamment en matière de protection sociale.

Il a rappelé que le Gouvernement avait fait le choix, pour garantir l'attractivité du dispositif, de retenir une assiette dérogatoire au droit commun pour le calcul des cotisations et des contributions sociales et que seul le « différentiel » pris en charge par l'employeur serait pris en compte. Il a constaté que les droits différés seraient réduits d'autant, notamment en matière d'assurance vieillesse et d'assurance chômage. Il a observé néanmoins que le projet de loi prévoyait parallèlement le maintien des droits connexes au RMI, à savoir la couverture maladie universelle de base (CMU) et la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) ainsi qu'une couverture maladie et accidents du travail plus avantageuse que le droit commun : le salarié aura en effet droit au maintien de la totalité de son salaire dès le premier jour de congé.

Sur ce point, il ne lui a pas paru possible d'élargir l'assiette retenue sous peine de déséquilibrer le bouclage financier du dispositif. Toutefois, il a estimé possible, par un allongement de la durée hebdomadaire du contrat, d'augmenter l'effort contributif et par là même de majorer le montant de ces prestations différées.

Il a fait part de sa dernière préoccupation sur la question de l'avenir des salariés à l'issue des 18 mois de contrat. Il a rappelé que le RMA ne constituait pas une fin en soi, mais devait marquer la première étape d'un processus d'insertion professionnelle : la réussite du RMA exige une mobilisation particulière des moyens de la politique de l'emploi.

M. Bernard Seillier, rapporteur , tout en souscrivant très largement à l'économie globale du dispositif, a annoncé qu'il proposerait plusieurs amendements qui, sans en modifier l'architecture générale, visaient à en préciser la portée et à en renforcer l'efficacité en matière d'insertion.

Il a articulé ces propositions autour de trois axes.

Il a souhaité, en premier lieu, mieux inscrire le RMA dans le parcours d'insertion. A ce titre, il a jugé nécessaire de lever toute ambiguïté en prévoyant que le contrat RMA s'inscrivait bien dans le cadre du parcours d'insertion dont il constitue une composante de son volet professionnel. Il a souhaité voir préciser et renforcer les actions d'insertion qui seront mises en oeuvre dans le cadre du contrat RMA.

Il a constaté que la convention conclue entre le département et l'employeur jouera, à cet égard, un rôle décisif puisque c'est elle qui définira les actions d'insertion et qui déterminera les modalités de leur mise en oeuvre. Il a jugé que le projet de loi n'était sans doute pas suffisamment explicite, ni sur le contenu des actions d'insertion, ni sur leur finalité, ni sur les conditions de leur mise en oeuvre, ni sur celles de leur suivi et de leur renouvellement.

Il s'est montré soucieux, en second lieu, de mieux adapter le contrat RMA à la situation des bénéficiaires, soulignant que les solutions d'insertion qui devaient être proposées nécessitaient d'être individualisées pour être pleinement efficaces. Il a estimé nécessaire de pouvoir moduler la durée du travail en fonction des capacités de la personne et de son projet professionnel. Il a jugé que fixer une durée hebdomadaire uniforme de 20 heures semblait inutilement restrictif et que la condition d'ancienneté au RMI devait être ramenée à une durée d'un an. Il a considéré que cette nouvelle durée serait suffisante pour prévenir tout effet d'aubaine tout en renforçant l'efficacité du dispositif.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a, en dernier lieu, considéré qu'il fallait clarifier le financement.

Il a observé que l'allégement du coût du travail était financé à la fois par le département qui versait une aide équivalente au RMI et par l'Etat qui compensait l'exonération de charges sur le « différentiel » versé par l'employeur dans le secteur non marchand. Il a noté que, parallèlement, les actions d'insertion étaient principalement à la charge des départements, mais que l'Etat était également sensé y contribuer dans le cadre d'une convention Etat-département. Aussi, a-t-il estimé qu'il convenait de supprimer l'exonération de cotisations sociales prévue par le projet de loi, qui risquait d'être à la fois peu lisible, complexe à gérer et finalement peu incitative pour l'employeur (70 euros par mois).

En contrepartie, il a estimé nécessaire d'amplifier l'effort financier en faveur des actions d'insertion en proposant d'introduire le principe d'une aide à l'employeur pour l'accompagnement financée par le département. Il a précisé que cette aide, dont le conseil général fixerait le montant, pourrait être modulée afin de prendre en compte la situation de l'employeur et les difficultés d'accès à l'emploi des bénéficiaires. Il a jugé qu'il s'agissait donc d'introduire une corrélation entre l'effort d'insertion de l'employeur et l'aide départementale et qu'il serait logique que l'Etat abonde le financement départemental des actions d'insertion, au moins à hauteur des économies qu'il réaliserait du fait de la suppression des exonérations, soit 70 millions d'euros.

M. Gilbert Chabroux a constaté que le rapport présenté par M. Bernard Seillier apparaissait plus équilibré que le texte du projet de loi qui stigmatisait les exclus et s'inscrivait dans une logique comptable.

Il a observé que les nombreuses interrogations formulées par le rapporteur ainsi que le nombre d'amendements qu'il propose témoignaient de la précipitation dans laquelle le projet de loi avait été déposé par le Gouvernement.

S'agissant des difficultés de l'insertion, il a estimé que la cause principale du problème résidait dans l'insuffisance de l'offre et la mauvaise situation économique.

Il s'est déclaré par ailleurs opposé à l'éventualité de la suppression de la règle prévoyant l'inscription obligatoire de crédits d'insertion au budget des départements.

Il a considéré en outre que le rapporteur avait posé le problème de l'assiette des cotisations mais sans y répondre.

Il a estimé, en définitive, que le projet de loi était fort éloigné de l'esprit de la loi de 1988 et constituait à la fois un coût d'arrêt et une régression sociale.

M. André Lardeux a estimé que les insuffisances du dispositif du RMI étaient imputables à un manque de souplesse et à une excessive rigidité dans l'interprétation des textes.

Au-delà de la question des déficiences de l'offre d'insertion, il a considéré que les services de l'Etat étaient apparus davantage préoccupés par le nombre de contrats d'insertion que par leur contenu. Il s'est interrogé sur la notion de « trappes d'inactivité » et a souligné qu'à chaque fois que les charges des entreprises augmentaient ou que la durée du temps de travail était réduite, les entreprises se trouvaient contraintes d'augmenter la productivité. Il a évoqué en outre le problème des « surdiplômés » et la question de l'adéquation entre certaines formations universitaires et le marché de l'emploi.

M. André Lardeux a considéré que la non-consommation des crédits d'insertion inscrits obligatoirement au budget des départements était imputable pour l'essentiel au passé.

Constatant que la principale conséquence de cette obligation avait été de gonfler la trésorerie des départements, il a déploré que ces sommes aient été indisponibles pour les investissements ou d'autres dépenses utiles.

Se fondant sur les exemples de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), de l'aide sociale à l'enfance et de l'action des personnes handicapées, il a jugé infondée la crainte que les départements ne jouent pas le jeu de l'insertion. Il a estimé que le maintien des crédits obligatoires d'insertion traduisait une défiance vis-à-vis des élus locaux.

Il a enfin souligné la nécessité d'une grande vigilance quant aux conditions dans lesquelles s'opèreraient des transferts de personnels entre les services de l'Etat et les départements.

M. Roland Muzeau a souligné le contraste entre les propos du rapporteur et l'intervention du ministre devant la commission. Il a estimé que cette dernière était principalement fondée sur l'idée que les allocataires du RMI étaient massivement installés dans l'inactivité et ne voulaient pas en sortir.

Il a mentionné à cet égard une étude de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) estimant à 75 % la proportion des allocataires cherchant activement un emploi.

Sur la question des crédits obligatoires d'insertion, il s'est inquiété, si le législateur n'imposait pas le maintien de cette règle, d'une possible baisse de ces crédits dans de nombreux départements.

Mme Nelly Olin a félicité M. Bernard Seillier pour la qualité de son rapport et pour l'objectivité avec laquelle il avait abordé un sujet difficile.

Elle a salué le rôle important des associations, notamment dans les grandes agglomérations. Elle a, par ailleurs, estimé qu'une partie importante de l'échec de l'insertion était imputable au mode de fonctionnement des CLI.

Elle s'est interrogée sur le renforcement, prévu par le projet de loi, du rôle des CAF alors même que celles-ci se désengagent des crèches familiales, des haltes-garderies et des centres sociaux.

M.  Yves Krattinger a estimé qu'il serait injuste d'imputer aux départements les insuffisances du volet insertion du RMI. Il a jugé que les conseils généraux avaient fait ce qu'ils pouvaient dans une conjoncture économique très défavorable et a considéré que le succès de l'insertion dépendait de l'importance de l'offre et de son degré d'acceptabilité sociale. Il a fait part de son inquiétude quant aux conditions financières de la décentralisation du RMI. Il a estimé, à ce titre, que les départements les plus pauvres feraient difficilement face à cette charge supplémentaire. Il a noté que le projet de loi imposait certaines options aux conseils généraux, comme par exemple le recours obligatoire aux CAF et aux CMSA, et ne faisait pas suffisamment, à ce titre, confiance aux élus locaux.

M. Guy Fischer a estimé que le rapport de M. Bernard Seillier illustrait la parfaite connaissance qu'il avait du sujet, dont avait déjà témoigné son rapport sur la loi d'orientation contre l'exclusion. Il a observé que le nombre d'amendements proposés attestait du caractère incomplet du projet de loi présenté hâtivement par le Gouvernement. Il a constaté que ce texte constituait une première étape qui serait suivie par une fusion des dispositifs CES et CEC et a exprimé son scepticisme quant à la possibilité, dans un contexte économique dégradé, d'accompagner les allocataires du RMI vers l'emploi marchand.

M.  Paul Blanc a exprimé une certaine déception par rapport au contenu du projet de loi. Il a estimé que beaucoup de Français considéraient qu'en contrepartie de l'effort de la solidarité nationale, les allocataires du RMI avaient un « devoir d'activité » qui, pour les personnes les plus fragiles du dispositif, pouvaient se traduire par des gestes simples de la vie quotidienne.

Répondant aux différents intervenants, M. Bernard Seillier, rapporteur, a déclaré ne pas voir de contradiction entre le projet de loi et l'humanisme que certains membres de la commission voulaient bien reconnaître au rapporteur.

Il a estimé que la question du maintien des crédits obligatoires d'insertion lui semblait liée à l'équilibre que feraient apparaître les conditions financières dans lesquelles s'effectuerait la décentralisation du RMI. Il a observé que cette règle présentait l'avantage de désigner le secteur sur lequel devait porter l'effort mais il a souligné, parallèlement, qu'une politique de quotas était toujours difficile à mettre en oeuvre, ne serait-ce que dans la définition des dépenses à prendre en compte.

Il a affirmé de façon générale qu'il convenait de rester fidèle aux grands principes républicains : le devoir de travailler, le droit d'obtenir un emploi et, en cas d'incapacité d'obtenir un emploi, le droit d'obtenir de la collectivité des conditions décentes d'existence. Il a ajouté qu'il convenait d'activer les dispositions en sommeil figurant dans la loi de 1988 et considéré que l'insertion par l'activité permettait à l'homme de retrouver sa dignité.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles et des amendements proposés par le rapporteur.

A l'article 4 (attribution au président du conseil général des pouvoirs de décisions individuelles en matière de RMI), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 10 (renouvellement du droit à l'allocation), elle a adopté un amendement de précision faisant apparaître le lien entre l'appréciation portée par le président du conseil général sur la mise en oeuvre du contrat d'insertion et les procédures de suspension prévues parallèlement.

A l'article 11 (révision du contrat d'insertion), la commission a adopté un amendement permettant au référent de demander la révision du contrat d'insertion et précisant que la suspension de l'allocation n'est possible qu'en l'absence de motif légitime justifiant le non-respect du contrat d'insertion.

A l'article 14 (neutralisation des flux de trésorerie entre les caisse d'allocations familiales et les départements), la commission a adopté deux amendements, l'un tendant à préciser que le principe de neutralité des flux financiers s'applique également à la période transitoire, dans l'attente des conventions entre les départements et les caisses, l'autre visant à assurer la neutralité des flux financiers pour la trésorerie du régime général de sécurité sociale.

A l'article 18 (signature du contrat d'insertion), elle a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 19 (contenu du contrat d'insertion), la commission a adopté quatre amendements : le premier tend à inscrire le contrat d'insertion dans un parcours d'insertion à plus long terme ; le deuxième vise à faire figurer, au titre des actions que peuvent comporter un contrat d'insertion, un emploi aidé, une mesure d'insertion par l'activité économique ou une prestation d'accompagnement social ; le troisième a pour objet de ne pas introduire de discrimination entre les actions d'insertion par l'activité et les mesures d'accès aux droits, et le quatrième est un amendement de coordination.

A l'article 20 (mise en oeuvre et suivi des actions d'insertion), elle a adopté deux amendements, le premier tendant à supprimer la disposition selon laquelle l'attestation de suivi d'une action d'insertion vaudrait contrat d'insertion, et le deuxième ayant pour objet de permettre au référent de demander la révision du contrat d'insertion préalablement à sa suspension.

A l'article 24 (fin du copilotage du dispositif local d'insertion), la commission a adopté un amendement visant à mieux faire apparaître le rôle du service public de l'emploi et des associations au sein du dispositif local d'insertion.

A l'article 25 (composition et rôle du conseil départemental d'insertion), elle a adopté un amendement de coordination.

A l'article 26 (programme départemental d'insertion), la commission a adopté un amendement visant à donner un cadre plus précis aux programmes départementaux d'insertion.

A l'article 27 (programmes locaux d'insertion), elle a adopté un amendement tendant à prévoir l'approbation, par le conseil général, des programmes locaux d'insertion proposés par les CLI.

A l'article 30 (composition des commissions locales d'insertion), la commission a adopté un amendement visant à préciser la composition des CLI.

Elle a également adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 32 , visant à coordonner les règles d'adoption des programmes locaux d'insertion avec les nouvelles dispositions relatives aux pouvoirs du conseil général en matière de programme départemental d'insertion.

A l'article 34 (décentralisation du RMI à Saint-Pierre-et-Miquelon), elle a adopté un amendement visant à corriger une erreur matérielle.

A l'article 35 ( création du contrat d'insertion - revenu minimum d'insertion -CIRMA), la commission a adopté, sur proposition de M. Bernard Seillier, rapporteur, 21 amendements :

- à l'article L. 322-4-15 du code du travail (institution du CIRMA), deux amendements tendant à replacer le CIRMA dans le cadre du parcours d'insertion défini par le contrat d'insertion conclu entre le département et l'allocataire ;

- à l'article L. 322-4-15-1 nouveau du code du travail (employeurs concernés et convention entre l'employeur et le département), quatre amendements de précision ;

- à l'article L. 322-4-15-2 nouveau du code du travail (contenu, mise en oeuvre et durée de la convention entre le département et l'employeur), deux amendements tendant, d'une part, à renforcer les actions d'insertion professionnelle définies par la convention entre le département et l'employeur et à préciser leurs conditions de mise en oeuvre et, d'autre part, à garantir le suivi et le contrôle de l'exécution de la convention ;

- à l'article L. 322-4-15-3 nouveau du code du travail (bénéficiaires du CIRMA), un amendement tendant à ouvrir l'accès au CIRMA aux personnes ayant bénéficié du RMI depuis au moins un an ;

- à l'article L. 322-4-15-4 nouveau du code du travail (nature du CIRMA), outre un amendement de précision, un amendement tendant à mieux définir les conditions de renouvellement de la convention entre le département et l'employeur, un amendement visant à autoriser la conclusion d'un CIRMA pour une durée de travail hebdomadaire supérieure à 20 heures, un amendement permettant de ramener, à titre dérogatoire, cette durée du travail en deçà de 20 heures, et un amendement interdisant la possibilité de fixer la durée de la période d'essai à moins de 15 jours par voie contractuelle ;

- à l'article L. 322-4-15-5 nouveau du code du travail (rupture du CIRMA et interdiction de cumul avec un autre contrat de travail), un amendement tendant à porter de 6 à 9 mois la durée minimale d'un contrat de travail à durée déterminée pouvant justifier une rupture anticipée du CIRMA, à l'initiative du salarié, et un amendement tendant à assouplir le principe de non-cumul d'activités professionnelles pour un bénéficiaire du CIRMA ;

- à l'article L. 322-4-15-6 nouveau du code du travail (montant du RMA, aide du département et garanties accordées au salarié en cas d'arrêt de travail), outre deux amendements de précision, un amendement tendant à qualifier le RMA de salaire ;

- à l'article L. 322-4-15-7 nouveau du code du travail (conditions d'assujettissement du RMA à cotisations sociales et exonérations de cotisations sociales dans le secteur non marchand), un amendement visant à supprimer l'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les employeurs du secteur non marchand au titre du complément de rémunération versé ;

- à l'article L. 322-4-15-8 nouveau du code du travail (financement des actions d'insertion), un amendement tendant à instituer une aide départementale à l'accompagnement ;

- à l'article L. 322-4-15-9 nouveau du code du travail (conditions de cumul des aides à l'emploi pour le CIRMA), un amendement supprimant la possibilité, pour les départements, de prendre en charge tout ou partie des coûts afférents à l'embauche et des coûts liés à la formation complémentaire des bénéficiaires du CIRMA, cette disposition devenant inutile du fait de l'institution d'une aide à l'accompagnement, et un amendement de coordination.

A l'article 36 (prise en compte des bénéficiaires du CIRMA pour le décompte des effectifs et informations des représentants du personnel), la commission a adopté un amendement de précision.

A l'article 38 (conditions particulières d'application du CIRMA dans les départements d'outre-mer), elle a adopté un amendement de précision et un amendement de coordination.

A l'article 40 (suivi statistique, évaluation et contrôle), elle a adopté trois amendements tendant à préciser le contenu des informations sur le RMI et le RMA devant être transmises aux autorités de l'Etat par le président du conseil général, par la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) et la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) et par les organismes associés à la gestion du RMA.

Elle a également adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 40 prévoyant un rapport au Parlement comportant une évaluation détaillée de l'application de la présente loi avant le 1 er juillet 2006.

La commission a alors adopté le projet de loi ainsi amendé.

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