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Rapport n° 304 (2002-2003) de M. Bernard SEILLIER , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 21 mai 2003

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N° 304

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 mai 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité ,

Par M. Bernard SEILLIER,

Sénateur.

Tome II :

Travaux de la commission, Annexes et Tableau comparatif

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Sénat : 282 et 305 (2002-2003)

Action sociale et souveraineté nationale.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 21 mai 2003 sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M Bernard Seillier sur le projet de loi n° 282 (2002-2003) portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion (RMI) et créant un revenu minimum d'activité (RMA).

M. Bernard Seillier, rapporteur , a rappelé qu'il était prévu, lors de sa création en 1988, que le revenu minimum d'insertion (RMI) constitue une rupture par rapport à la logique traditionnelle de l'assistance, en luttant dans un même effort contre la pauvreté et contre l'exclusion. Il a souligné que le large consensus, qui avait alors prévalu, résidait dans le fragile équilibre entre deux principes constitutionnels, le droit à un minimum de ressources et le devoir de travailler, et un engagement réciproque entre la collectivité et le bénéficiaire.

Il a considéré que le bilan du RMI ne pouvait pas se résumer à un constat d'échec car il répondait à un véritable besoin dans notre dispositif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Mais il a observé que les craintes concernant les fragilités intrinsèques du dispositif s'étaient révélées fondées.

Il a estimé que l'augmentation continue et inquiétante du nombre de bénéficiaires mettait en lumière les faiblesses du dispositif de gestion de l'allocation : la multiplicité des acteurs intervenant dans l'instruction des dossiers, la nécessité, soulignée par la Cour des comptes, de renforcer les contrôles, l'effet déresponsabilisant du partage des compétences dans le domaine de l'insertion, et la défaillance des instances chargées d'animer les politiques locales.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a déclaré que, s'il y avait un échec du RMI, c'était celui du dispositif d'insertion et que même les départements les plus concernés par les phénomènes d'exclusion rencontraient des difficultés pour consommer l'ensemble des crédits inscrits à leur budget.

Il a jugé que la mauvaise volonté des départements, souvent mise en avant pour expliquer ce phénomène, ne saurait expliquer les reports de crédits constatés qui sont largement imputables au manque de souplesse dans les possibilités d'utilisation de ces crédits, notamment en matière de suivi ou de prévention. Il a insisté sur le fait que la faiblesse du taux de contractualisation, oscillant depuis 10 ans autour de 50 %, résultait largement d'une carence de l'offre d'insertion.

Il a considéré que ces carences du dispositif d'insertion expliquaient pour partie les difficultés d'accès ou de retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI et que l'effet de « trappe à inactivité » n'était pas prédominant dans la mesure où le souci de retrouver un statut social reconnu, apporté par le travail, jouait pour les allocataires un rôle important.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a souligné que le projet de loi entendait ainsi apporter une réponse aux deux limites actuelles du dispositif du RMI - une gestion peu optimale et des perspectives d'insertion trop limitées - et a relevé qu'il constituait la première application de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, laquelle dispose que les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences susceptibles de mieux être mises en oeuvre à leur échelon.

Il a distingué trois axes dans le dispositif proposé : la décentralisation de l'allocation elle-même, la redynamisation de l'insertion individuelle et la fin du co-pilotage du dispositif local d'insertion.

S'agissant de la décentralisation de l'allocation, il a noté que le projet de loi transférait au président du conseil général l'ensemble des décisions individuelles relatives à l'allocation qu'il pourra également déléguer aux caisses d'allocations familiales (CAF) et aux caisses de mutualité sociale agricole (CMSA), de façon plus large qu'auparavant.

Sur ce volet consacré à la décentralisation, M. Bernard Seillier, rapporteur , a fait part de trois interrogations.

Il a relevé, en premier lieu, l'imprécision du projet de loi sur les conditions financières du transfert au département de l'ensemble des compétences liées au RMI. Il a noté que M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, en avait précisé la philosophie devant la commission en annonçant que la dépense de RMI constatée en 2003 serait compensée par l'attribution, pour solde de tout compte, d'une recette fiscale d'un montant équivalent : une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Il a jugé toutefois qu'il était très difficile de prévoir les évolutions respectives de la recette et de la dépense et que l'on pouvait, tout au plus, estimer que le bilan financier de ce transfert, s'il avait été réalisé en 1993, aurait coûté aux départements plus de 4 milliards d'euros en dix ans. Il a évoqué également la question des conditions de transfert aux départements des personnels de l'Etat en charge de la gestion de la prestation dans les directions départementales de l'action sanitaire et sociale (DDASS).

M. Bernard Seillier, rapporteur , s'est interrogé, en second lieu, sur les conditions de la compensation aux CAF et aux CMSA des charges de trésorerie liées au service de l'allocation. Il a jugé que le législateur devait avant tout s'assurer que ces relations nouvelles pourraient être préservées des frictions récurrentes opposant aujourd'hui la CNAF et l'Etat quant à la gestion de cette prestation.

En dernier lieu, il s'est inquiété des modalités de la décentralisation du RMI dans les départements d'outre-mer, qui lui ont semblé avoir davantage leur place dans le projet de loi de programme pour l'outre-mer actuellement examiné par le Sénat.

Abordant le deuxième volet du titre premier consacré à l'amélioration du contenu des contrats d'insertion, M. Bernard Seillier, rapporteur , a noté que le projet de loi donnait un rôle plus actif au bénéficiaire dans la définition de son contrat d'insertion et visait également à améliorer l'accompagnement individuel des allocataires dans l'élaboration de leur parcours d'insertion, par la désignation d'un référent.

Il a indiqué que le texte s'attachait également à définir de manière plus concrète les actions qui pouvaient être inscrites dans le contrat d'insertion : il pose le principe de l'inscription obligatoire d'une mesure orientée vers le retour à l'emploi, éventuellement complétée par des mesures d'accès aux droits ; dans un souci de simplification, il donne à l'attestation délivrée par l'employeur, le formateur ou l'accompagnateur, la valeur de contrat d'insertion.

Tout en se félicitant de cette volonté de mettre fin à l'imprécision des contrats d'insertion, M. Bernard Seillier, rapporteur, a mis en avant trois risques que semblait comporter cette nouvelle définition : un risque d'appauvrissement des contrats en donnant à une simple attestation valeur de contrat d'insertion ; un risque d'éviction des plus démunis confrontés parfois à des engagements irréalistes; enfin et surtout, un changement de nature du contrat d'insertion, ce dernier pouvant devenir un engagement à suivre une action précise, et non une mobilisation de la personne et de la collectivité pour atteindre un objectif.

Concernant enfin le pilotage de l'insertion, il a affirmé que le projet de loi consacrait la responsabilité pleine et entière du département à l'égard du dispositif local d'insertion et se traduisait par une liberté accrue dans l'organisation des instances départementales.

Il a relevé que l'adoption par le conseil général lui-même du programme départemental d'insertion devrait conduire à la définition d'un programme plus précis et que l'examen des programmes locaux d'insertion ainsi que la possibilité de déléguer leur mise en oeuvre aux communes ou à leurs groupements devraient permettre de mettre en place des programmes plus réalistes et plus efficaces. Il a noté que le projet de loi recentrait les commissions locales d'insertion (CLI) sur leur rôle initial de définition de l'offre locale d'insertion, en les déchargeant de leurs attributions en matière d'approbation des contrats d'insertion.

Après s'être félicité de la fin du copilotage, il a néanmoins souhaité faire part à la commission de deux préoccupations.

Il a estimé, en premier lieu, que le rôle du secteur associatif apparaissait peu dans le texte proposé. Il a jugé que, sans entraver la liberté du département, le projet de loi pourrait davantage insister sur le rôle des associations, notamment au sein des conseils départementaux d'insertion (CDI) et des CLI.

Il a insisté, en second lieu, sur la question des crédits d'insertion qui sont obligatoirement inscrits au budget des départements.

Il a estimé que la logique de la décentralisation voudrait, en s'appuyant sur une responsabilisation des départements, que cette obligation soit supprimée et que le seul fait que l'allocation soit à leur charge devrait les inciter à s'engager plus fortement en faveur de l'insertion.

Il a constaté, cependant, la manifestation d'une crainte forte, exprimée par le monde associatif, d'un recul de l'effort d'insertion et surtout d'un creusement des inégalités entre départements, préjudiciable aux bénéficiaires. Il a jugé que le bouleversement que représente déjà le transfert de la gestion de l'allocation l'incitait à la prudence et à vouloir laisser la discussion se poursuivre. Il a également relevé que M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, présenterait un amendement tendant à la suppression de l'inscription obligatoire de ces crédits d'insertion. Il a ainsi proposé de laisser le temps de la réflexion et de trancher cette question à l'occasion du débat qui interviendra à l'occasion de l'examen des amendements extérieurs.

Il a considéré que la décentralisation du RMI pouvait être une chance pour la politique d'insertion et qu'il était possible d'apporter certaines améliorations au dispositif proposé, notamment sur son volet insertion. Il a estimé que l'amélioration de l'insertion passait d'abord par une meilleure définition des contrats d'insertion. A ce titre, il a indiqué qu'il proposerait à la commission plusieurs amendements visant à mettre à la disposition des allocataires des outils plus diversifiés pouvant s'inscrire dans un parcours d'insertion.

Il a déclaré qu'il proposerait également de supprimer la possibilité de donner aux attestations de l'employeur valeur de contrat d'insertion et de préciser le rôle du référent à l'égard de l'allocataire. Il a souhaité que soient aménagées les conditions de pilotage par le département du dispositif local d'insertion, en précisant la portée du programme local d'insertion et en réaffirmant le rôle des associations dans la mise en oeuvre des actions d'insertion. Il a jugé nécessaire de renforcer l'évaluation de ce dispositif, afin de pouvoir diffuser les « bonnes pratiques ».

M. Bernard Seillier, rapporteur, a observé que le second volet du présent projet de loi visait à favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI en instituant un nouveau dispositif d'insertion pouvant constituer une première étape vers un emploi durable. Il a observé que la philosophie du RMA était à cet égard relativement simple et dans la mesure où il s'agissait d'une « activation » des dépenses d'allocation en contrepartie d'un accompagnement renforcé du bénéficiaire vers l'emploi.

Il a noté que ce volet du texte, sans être expérimental, constituait un dispositif incontestablement innovant, autorisant en effet, sous conditions, à verser directement à l'employeur une somme équivalente à l'allocation de RMI, en contrepartie de l'embauche d'un bénéficiaire du RMI et de la mise en oeuvre d'actions d'insertion individualisées qui seront définies conjointement par le salarié, le département et l'employeur. Il a précisé que le salarié bénéficiera, d'un salaire au moins égal au salaire minimum de croissance (SMIC) et d'un accompagnement pour la réalisation de son projet professionnel dans le cadre de son parcours d'insertion. Il a observé que l'employeur bénéficiera, lui, d'une aide substantielle, permettant de réduire significativement les coûts salariaux.

Il a insisté sur les principales caractéristiques du dispositif qui présentent au total de sérieux gages d'efficacité : un dispositif ciblé sur les bénéficiaires du RMI qui rencontrent de réelles difficultés d'accès à l'emploi, un contrat de travail spécifique à durée déterminée de six mois renouvelable deux fois et ouvert aux secteurs marchand et non marchand.

Il a affirmé que sans être un « sas » obligatoire, le RMA avait vocation à constituer une première étape dans un processus de retour durable à l'emploi et que ce contrat à temps partiel d'une durée hebdomadaire de 20 heures visait des personnes très en difficulté pour lesquelles le retour direct à un emploi à temps plein n'était en effet pas immédiatement envisageable. Il a indiqué que, comme tout contrat de travail, il ouvrait droit à un salaire versé par l'employeur, ce dernier ne finançant directement que le « différentiel » entre le RMI et le salaire.

Il a mentionné, en dernier lieu, que le dispositif prévoyait un accompagnement renforcé vers l'emploi et que la conclusion d'un contrat RMA était soumise à la signature préalable d'une convention entre le département et l'employeur. Il a noté que cette convention déterminait, au vu du projet professionnel du bénéficiaire, les actions d'insertion qui devront être réalisées dans le cadre du contrat et qui pourront concerner l'orientation professionnelle, le tutorat, le suivi individualisé et la formation nécessaires à une insertion durable.

Il a estimé que, pour le salarié, le dispositif offrait à la fois un statut social, un complément de rémunération significatif (au moins 180 euros par mois quelle que soit sa situation de famille), un retour dans la sphère professionnelle et le bénéfice d'actions d'insertion adaptées à sa situation. Il a considéré que, pour l'employeur, il constituait une réelle incitation à l'embauche de ce public. Compte tenu de l'aide départementale, il a chiffré le coût total mensuel pour l'employeur à 257 euros dans le secteur non marchand et à 327 euros dans le secteur marchand. Il a précisé que cette différence tenait au fait que le « différentiel » financé directement par l'employeur était exonéré de cotisations sociales pour le secteur non marchand.

Il a constaté que le dispositif avait pu soulever certaines interrogations, voire certaines craintes notamment au sein du monde associatif. Il a jugé néanmoins que ces craintes s'expliquaient avant tout par le dépôt quelque peu « précipité » du projet de loi.

Il a estimé qu'au cours des nombreuses auditions qu'il avait conduites en sa qualité de rapporteur, s'étaient manifestés non pas une opposition totale à la philosophie du texte, mais quatre types de préoccupations principales.

Il a relevé, en premier lieu, le problème de l'articulation du nouveau contrat avec les autres dispositifs d'insertion et plus largement avec la politique de l'emploi qui reste de la responsabilité de l'Etat. Sur ce point, il s'est dit persuadé que le nouveau dispositif introduisait plus de complémentarité que de concurrence, en s'adressant en effet à un public qui ne bénéficie pas des contrats d'insertion classiques, et comblait ainsi une faille dans nos politiques d'insertion.

Il a jugé que la lisibilité de l'ensemble du dispositif était pour l'instant quelque peu brouillée par la perspective d'une réforme prochaine des autres dispositifs, et notamment de la fusion entre le contrat emploi-solidarité (CES) et le contrat emploi consolidé (CEC) dans un contrat d'insertion unique dont l'architecture n'est pas encore définitivement établie. Il a considéré qu'il ne faudrait pas que ce nouveau dispositif, piloté et financé par les départements, conduise l'Etat à contingenter plus drastiquement les contrats aidés qu'il continuera à financer.

Il a exposé une seconde préoccupation : la rigidité des différents « paramètres » (condition d'ancienneté de deux ans au RMI, 20 heures par semaine, durée maximale de 18 mois) qui pourrait être trop stricte pour prendre en compte la diversité des situations et l'hétérogénéité des besoins d'insertion. Il a reconnu que ces différentes conditions pouvaient apparaître contraignantes au moment même où le pilotage de l'ensemble du dispositif RMI était confié au département pour permettre justement son adaptation au plus près du terrain.

Il s'est déclaré préoccupé, en troisième lieu, par la question des garanties offertes aux salariés, notamment en matière de protection sociale.

Il a rappelé que le Gouvernement avait fait le choix, pour garantir l'attractivité du dispositif, de retenir une assiette dérogatoire au droit commun pour le calcul des cotisations et des contributions sociales et que seul le « différentiel » pris en charge par l'employeur serait pris en compte. Il a constaté que les droits différés seraient réduits d'autant, notamment en matière d'assurance vieillesse et d'assurance chômage. Il a observé néanmoins que le projet de loi prévoyait parallèlement le maintien des droits connexes au RMI, à savoir la couverture maladie universelle de base (CMU) et la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) ainsi qu'une couverture maladie et accidents du travail plus avantageuse que le droit commun : le salarié aura en effet droit au maintien de la totalité de son salaire dès le premier jour de congé.

Sur ce point, il ne lui a pas paru possible d'élargir l'assiette retenue sous peine de déséquilibrer le bouclage financier du dispositif. Toutefois, il a estimé possible, par un allongement de la durée hebdomadaire du contrat, d'augmenter l'effort contributif et par là même de majorer le montant de ces prestations différées.

Il a fait part de sa dernière préoccupation sur la question de l'avenir des salariés à l'issue des 18 mois de contrat. Il a rappelé que le RMA ne constituait pas une fin en soi, mais devait marquer la première étape d'un processus d'insertion professionnelle : la réussite du RMA exige une mobilisation particulière des moyens de la politique de l'emploi.

M. Bernard Seillier, rapporteur , tout en souscrivant très largement à l'économie globale du dispositif, a annoncé qu'il proposerait plusieurs amendements qui, sans en modifier l'architecture générale, visaient à en préciser la portée et à en renforcer l'efficacité en matière d'insertion.

Il a articulé ces propositions autour de trois axes.

Il a souhaité, en premier lieu, mieux inscrire le RMA dans le parcours d'insertion. A ce titre, il a jugé nécessaire de lever toute ambiguïté en prévoyant que le contrat RMA s'inscrivait bien dans le cadre du parcours d'insertion dont il constitue une composante de son volet professionnel. Il a souhaité voir préciser et renforcer les actions d'insertion qui seront mises en oeuvre dans le cadre du contrat RMA.

Il a constaté que la convention conclue entre le département et l'employeur jouera, à cet égard, un rôle décisif puisque c'est elle qui définira les actions d'insertion et qui déterminera les modalités de leur mise en oeuvre. Il a jugé que le projet de loi n'était sans doute pas suffisamment explicite, ni sur le contenu des actions d'insertion, ni sur leur finalité, ni sur les conditions de leur mise en oeuvre, ni sur celles de leur suivi et de leur renouvellement.

Il s'est montré soucieux, en second lieu, de mieux adapter le contrat RMA à la situation des bénéficiaires, soulignant que les solutions d'insertion qui devaient être proposées nécessitaient d'être individualisées pour être pleinement efficaces. Il a estimé nécessaire de pouvoir moduler la durée du travail en fonction des capacités de la personne et de son projet professionnel. Il a jugé que fixer une durée hebdomadaire uniforme de 20 heures semblait inutilement restrictif et que la condition d'ancienneté au RMI devait être ramenée à une durée d'un an. Il a considéré que cette nouvelle durée serait suffisante pour prévenir tout effet d'aubaine tout en renforçant l'efficacité du dispositif.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a, en dernier lieu, considéré qu'il fallait clarifier le financement.

Il a observé que l'allégement du coût du travail était financé à la fois par le département qui versait une aide équivalente au RMI et par l'Etat qui compensait l'exonération de charges sur le « différentiel » versé par l'employeur dans le secteur non marchand. Il a noté que, parallèlement, les actions d'insertion étaient principalement à la charge des départements, mais que l'Etat était également sensé y contribuer dans le cadre d'une convention Etat-département. Aussi, a-t-il estimé qu'il convenait de supprimer l'exonération de cotisations sociales prévue par le projet de loi, qui risquait d'être à la fois peu lisible, complexe à gérer et finalement peu incitative pour l'employeur (70 euros par mois).

En contrepartie, il a estimé nécessaire d'amplifier l'effort financier en faveur des actions d'insertion en proposant d'introduire le principe d'une aide à l'employeur pour l'accompagnement financée par le département. Il a précisé que cette aide, dont le conseil général fixerait le montant, pourrait être modulée afin de prendre en compte la situation de l'employeur et les difficultés d'accès à l'emploi des bénéficiaires. Il a jugé qu'il s'agissait donc d'introduire une corrélation entre l'effort d'insertion de l'employeur et l'aide départementale et qu'il serait logique que l'Etat abonde le financement départemental des actions d'insertion, au moins à hauteur des économies qu'il réaliserait du fait de la suppression des exonérations, soit 70 millions d'euros.

M. Gilbert Chabroux a constaté que le rapport présenté par M. Bernard Seillier apparaissait plus équilibré que le texte du projet de loi qui stigmatisait les exclus et s'inscrivait dans une logique comptable.

Il a observé que les nombreuses interrogations formulées par le rapporteur ainsi que le nombre d'amendements qu'il propose témoignaient de la précipitation dans laquelle le projet de loi avait été déposé par le Gouvernement.

S'agissant des difficultés de l'insertion, il a estimé que la cause principale du problème résidait dans l'insuffisance de l'offre et la mauvaise situation économique.

Il s'est déclaré par ailleurs opposé à l'éventualité de la suppression de la règle prévoyant l'inscription obligatoire de crédits d'insertion au budget des départements.

Il a considéré en outre que le rapporteur avait posé le problème de l'assiette des cotisations mais sans y répondre.

Il a estimé, en définitive, que le projet de loi était fort éloigné de l'esprit de la loi de 1988 et constituait à la fois un coût d'arrêt et une régression sociale.

M. André Lardeux a estimé que les insuffisances du dispositif du RMI étaient imputables à un manque de souplesse et à une excessive rigidité dans l'interprétation des textes.

Au-delà de la question des déficiences de l'offre d'insertion, il a considéré que les services de l'Etat étaient apparus davantage préoccupés par le nombre de contrats d'insertion que par leur contenu. Il s'est interrogé sur la notion de « trappes d'inactivité » et a souligné qu'à chaque fois que les charges des entreprises augmentaient ou que la durée du temps de travail était réduite, les entreprises se trouvaient contraintes d'augmenter la productivité. Il a évoqué en outre le problème des « surdiplômés » et la question de l'adéquation entre certaines formations universitaires et le marché de l'emploi.

M. André Lardeux a considéré que la non-consommation des crédits d'insertion inscrits obligatoirement au budget des départements était imputable pour l'essentiel au passé.

Constatant que la principale conséquence de cette obligation avait été de gonfler la trésorerie des départements, il a déploré que ces sommes aient été indisponibles pour les investissements ou d'autres dépenses utiles.

Se fondant sur les exemples de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), de l'aide sociale à l'enfance et de l'action des personnes handicapées, il a jugé infondée la crainte que les départements ne jouent pas le jeu de l'insertion. Il a estimé que le maintien des crédits obligatoires d'insertion traduisait une défiance vis-à-vis des élus locaux.

Il a enfin souligné la nécessité d'une grande vigilance quant aux conditions dans lesquelles s'opèreraient des transferts de personnels entre les services de l'Etat et les départements.

M. Roland Muzeau a souligné le contraste entre les propos du rapporteur et l'intervention du ministre devant la commission. Il a estimé que cette dernière était principalement fondée sur l'idée que les allocataires du RMI étaient massivement installés dans l'inactivité et ne voulaient pas en sortir.

Il a mentionné à cet égard une étude de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) estimant à 75 % la proportion des allocataires cherchant activement un emploi.

Sur la question des crédits obligatoires d'insertion, il s'est inquiété, si le législateur n'imposait pas le maintien de cette règle, d'une possible baisse de ces crédits dans de nombreux départements.

Mme Nelly Olin a félicité M. Bernard Seillier pour la qualité de son rapport et pour l'objectivité avec laquelle il avait abordé un sujet difficile.

Elle a salué le rôle important des associations, notamment dans les grandes agglomérations. Elle a, par ailleurs, estimé qu'une partie importante de l'échec de l'insertion était imputable au mode de fonctionnement des CLI.

Elle s'est interrogée sur le renforcement, prévu par le projet de loi, du rôle des CAF alors même que celles-ci se désengagent des crèches familiales, des haltes-garderies et des centres sociaux.

M.  Yves Krattinger a estimé qu'il serait injuste d'imputer aux départements les insuffisances du volet insertion du RMI. Il a jugé que les conseils généraux avaient fait ce qu'ils pouvaient dans une conjoncture économique très défavorable et a considéré que le succès de l'insertion dépendait de l'importance de l'offre et de son degré d'acceptabilité sociale. Il a fait part de son inquiétude quant aux conditions financières de la décentralisation du RMI. Il a estimé, à ce titre, que les départements les plus pauvres feraient difficilement face à cette charge supplémentaire. Il a noté que le projet de loi imposait certaines options aux conseils généraux, comme par exemple le recours obligatoire aux CAF et aux CMSA, et ne faisait pas suffisamment, à ce titre, confiance aux élus locaux.

M. Guy Fischer a estimé que le rapport de M. Bernard Seillier illustrait la parfaite connaissance qu'il avait du sujet, dont avait déjà témoigné son rapport sur la loi d'orientation contre l'exclusion. Il a observé que le nombre d'amendements proposés attestait du caractère incomplet du projet de loi présenté hâtivement par le Gouvernement. Il a constaté que ce texte constituait une première étape qui serait suivie par une fusion des dispositifs CES et CEC et a exprimé son scepticisme quant à la possibilité, dans un contexte économique dégradé, d'accompagner les allocataires du RMI vers l'emploi marchand.

M.  Paul Blanc a exprimé une certaine déception par rapport au contenu du projet de loi. Il a estimé que beaucoup de Français considéraient qu'en contrepartie de l'effort de la solidarité nationale, les allocataires du RMI avaient un « devoir d'activité » qui, pour les personnes les plus fragiles du dispositif, pouvaient se traduire par des gestes simples de la vie quotidienne.

Répondant aux différents intervenants, M. Bernard Seillier, rapporteur, a déclaré ne pas voir de contradiction entre le projet de loi et l'humanisme que certains membres de la commission voulaient bien reconnaître au rapporteur.

Il a estimé que la question du maintien des crédits obligatoires d'insertion lui semblait liée à l'équilibre que feraient apparaître les conditions financières dans lesquelles s'effectuerait la décentralisation du RMI. Il a observé que cette règle présentait l'avantage de désigner le secteur sur lequel devait porter l'effort mais il a souligné, parallèlement, qu'une politique de quotas était toujours difficile à mettre en oeuvre, ne serait-ce que dans la définition des dépenses à prendre en compte.

Il a affirmé de façon générale qu'il convenait de rester fidèle aux grands principes républicains : le devoir de travailler, le droit d'obtenir un emploi et, en cas d'incapacité d'obtenir un emploi, le droit d'obtenir de la collectivité des conditions décentes d'existence. Il a ajouté qu'il convenait d'activer les dispositions en sommeil figurant dans la loi de 1988 et considéré que l'insertion par l'activité permettait à l'homme de retrouver sa dignité.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles et des amendements proposés par le rapporteur.

A l'article 4 (attribution au président du conseil général des pouvoirs de décisions individuelles en matière de RMI), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 10 (renouvellement du droit à l'allocation), elle a adopté un amendement de précision faisant apparaître le lien entre l'appréciation portée par le président du conseil général sur la mise en oeuvre du contrat d'insertion et les procédures de suspension prévues parallèlement.

A l'article 11 (révision du contrat d'insertion), la commission a adopté un amendement permettant au référent de demander la révision du contrat d'insertion et précisant que la suspension de l'allocation n'est possible qu'en l'absence de motif légitime justifiant le non-respect du contrat d'insertion.

A l'article 14 (neutralisation des flux de trésorerie entre les caisse d'allocations familiales et les départements), la commission a adopté deux amendements, l'un tendant à préciser que le principe de neutralité des flux financiers s'applique également à la période transitoire, dans l'attente des conventions entre les départements et les caisses, l'autre visant à assurer la neutralité des flux financiers pour la trésorerie du régime général de sécurité sociale.

A l'article 18 (signature du contrat d'insertion), elle a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 19 (contenu du contrat d'insertion), la commission a adopté quatre amendements : le premier tend à inscrire le contrat d'insertion dans un parcours d'insertion à plus long terme ; le deuxième vise à faire figurer, au titre des actions que peuvent comporter un contrat d'insertion, un emploi aidé, une mesure d'insertion par l'activité économique ou une prestation d'accompagnement social ; le troisième a pour objet de ne pas introduire de discrimination entre les actions d'insertion par l'activité et les mesures d'accès aux droits, et le quatrième est un amendement de coordination.

A l'article 20 (mise en oeuvre et suivi des actions d'insertion), elle a adopté deux amendements, le premier tendant à supprimer la disposition selon laquelle l'attestation de suivi d'une action d'insertion vaudrait contrat d'insertion, et le deuxième ayant pour objet de permettre au référent de demander la révision du contrat d'insertion préalablement à sa suspension.

A l'article 24 (fin du copilotage du dispositif local d'insertion), la commission a adopté un amendement visant à mieux faire apparaître le rôle du service public de l'emploi et des associations au sein du dispositif local d'insertion.

A l'article 25 (composition et rôle du conseil départemental d'insertion), elle a adopté un amendement de coordination.

A l'article 26 (programme départemental d'insertion), la commission a adopté un amendement visant à donner un cadre plus précis aux programmes départementaux d'insertion.

A l'article 27 (programmes locaux d'insertion), elle a adopté un amendement tendant à prévoir l'approbation, par le conseil général, des programmes locaux d'insertion proposés par les CLI.

A l'article 30 (composition des commissions locales d'insertion), la commission a adopté un amendement visant à préciser la composition des CLI.

Elle a également adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 32 , visant à coordonner les règles d'adoption des programmes locaux d'insertion avec les nouvelles dispositions relatives aux pouvoirs du conseil général en matière de programme départemental d'insertion.

A l'article 34 (décentralisation du RMI à Saint-Pierre-et-Miquelon), elle a adopté un amendement visant à corriger une erreur matérielle.

A l'article 35 ( création du contrat d'insertion - revenu minimum d'insertion -CIRMA), la commission a adopté, sur proposition de M. Bernard Seillier, rapporteur, 21 amendements :

- à l'article L. 322-4-15 du code du travail (institution du CIRMA), deux amendements tendant à replacer le CIRMA dans le cadre du parcours d'insertion défini par le contrat d'insertion conclu entre le département et l'allocataire ;

- à l'article L. 322-4-15-1 nouveau du code du travail (employeurs concernés et convention entre l'employeur et le département), quatre amendements de précision ;

- à l'article L. 322-4-15-2 nouveau du code du travail (contenu, mise en oeuvre et durée de la convention entre le département et l'employeur), deux amendements tendant, d'une part, à renforcer les actions d'insertion professionnelle définies par la convention entre le département et l'employeur et à préciser leurs conditions de mise en oeuvre et, d'autre part, à garantir le suivi et le contrôle de l'exécution de la convention ;

- à l'article L. 322-4-15-3 nouveau du code du travail (bénéficiaires du CIRMA), un amendement tendant à ouvrir l'accès au CIRMA aux personnes ayant bénéficié du RMI depuis au moins un an ;

- à l'article L. 322-4-15-4 nouveau du code du travail (nature du CIRMA), outre un amendement de précision, un amendement tendant à mieux définir les conditions de renouvellement de la convention entre le département et l'employeur, un amendement visant à autoriser la conclusion d'un CIRMA pour une durée de travail hebdomadaire supérieure à 20 heures, un amendement permettant de ramener, à titre dérogatoire, cette durée du travail en deçà de 20 heures, et un amendement interdisant la possibilité de fixer la durée de la période d'essai à moins de 15 jours par voie contractuelle ;

- à l'article L. 322-4-15-5 nouveau du code du travail (rupture du CIRMA et interdiction de cumul avec un autre contrat de travail), un amendement tendant à porter de 6 à 9 mois la durée minimale d'un contrat de travail à durée déterminée pouvant justifier une rupture anticipée du CIRMA, à l'initiative du salarié, et un amendement tendant à assouplir le principe de non-cumul d'activités professionnelles pour un bénéficiaire du CIRMA ;

- à l'article L. 322-4-15-6 nouveau du code du travail (montant du RMA, aide du département et garanties accordées au salarié en cas d'arrêt de travail), outre deux amendements de précision, un amendement tendant à qualifier le RMA de salaire ;

- à l'article L. 322-4-15-7 nouveau du code du travail (conditions d'assujettissement du RMA à cotisations sociales et exonérations de cotisations sociales dans le secteur non marchand), un amendement visant à supprimer l'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les employeurs du secteur non marchand au titre du complément de rémunération versé ;

- à l'article L. 322-4-15-8 nouveau du code du travail (financement des actions d'insertion), un amendement tendant à instituer une aide départementale à l'accompagnement ;

- à l'article L. 322-4-15-9 nouveau du code du travail (conditions de cumul des aides à l'emploi pour le CIRMA), un amendement supprimant la possibilité, pour les départements, de prendre en charge tout ou partie des coûts afférents à l'embauche et des coûts liés à la formation complémentaire des bénéficiaires du CIRMA, cette disposition devenant inutile du fait de l'institution d'une aide à l'accompagnement, et un amendement de coordination.

A l'article 36 (prise en compte des bénéficiaires du CIRMA pour le décompte des effectifs et informations des représentants du personnel), la commission a adopté un amendement de précision.

A l'article 38 (conditions particulières d'application du CIRMA dans les départements d'outre-mer), elle a adopté un amendement de précision et un amendement de coordination.

A l'article 40 (suivi statistique, évaluation et contrôle), elle a adopté trois amendements tendant à préciser le contenu des informations sur le RMI et le RMA devant être transmises aux autorités de l'Etat par le président du conseil général, par la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) et la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) et par les organismes associés à la gestion du RMA.

Elle a également adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 40 prévoyant un rapport au Parlement comportant une évaluation détaillée de l'application de la présente loi avant le 1 er juillet 2006.

La commission a alors adopté le projet de loi ainsi amendé.

II. AUDITION DE M. FRANÇOIS FILLON, MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITÉ (MERCREDI 14 MAI 2003)

Réunie le mercredi 14 mai 2003 sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur le projet de loi n° 282 (2002-2003) portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, s'est réjoui de pouvoir présenter, à la commission, un tel projet de loi, pour une raison de fond : la situation actuelle du RMI n'est pas satisfaisante sur le plan de la justice sociale ; un allocataire sur trois est au RMI depuis plus de trois ans, et près d'un sur dix depuis plus de dix ans.

Il a considéré que ce relatif échec du dispositif était à l'origine d'un doute qui monte dans notre pays ; un fossé se creuse entre le monde du travail et celui de l'assistance.

M. François Fillon a déclaré que, face à l'urgence de ce dossier, l'attentisme et le statu quo n'étaient pas défendables. Il a annoncé que, face à cet échec, le Gouvernement avait décidé de mettre en application l'un des engagements forts du Président de la République lors de sa campagne. Il s'est également félicité que le Sénat ait déjà, par le passé, pris plusieurs initiatives pour créer un revenu minimum d'activité.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a précisé que le projet du Gouvernement partait d'un constat : celui d'un net décalage entre l'objectif d'insertion assigné dès l'origine au RMI et les résultats insuffisants observés depuis plusieurs années.

Il a rappelé que, lors de sa création en 1988, le RMI devait représenter une rupture par rapport à la logique traditionnelle de l'assistance. Il a souligné que le contrat d'insertion matérialisait « l'engagement réciproque » entre la collectivité et l'allocataire et devait permettre à ce dernier de retrouver le chemin de l'insertion sociale et, si possible, professionnelle.

M. François Fillon a constaté que quinze ans après, le dispositif, conçu au départ comme une aide momentanée, était devenu une prestation sociale de « masse » et d'assistance dans la durée : le filet de sécurité qu'instituait le RMI est, en réalité, devenu un filet qui retient.

Il a mentionné plusieurs signes qui témoignent de cette évolution : la proportion des personnes en contrats aidés parmi les allocataires du RMI a diminué, pour revenir de 21 % en 1996 à 13 % en 2001 ; le nombre des allocataires âgés de 35 à 60 ans depuis plus de deux ans au RMI témoigne d'un phénomène « d'installation », voire d'enfermement, dans l'assistance ; le taux de contractualisation stagne à 50 %, voire à 35 %, dans les départements à forte densité d'allocataires.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a considéré que ce constat d'essoufflement de l'insertion était à la source d'un certain malaise pour nos concitoyens qui acceptaient l'effort de solidarité, mais estimaient aussi légitime une contrepartie en termes d'effort d'insertion et de quête d'une activité. Il a affirmé que cette attente était renforcée chez les Français qui tirent de leur travail quotidien des revenus faibles sans que leurs conditions d'existence diffèrent sensiblement de ceux qui ne travaillent pas.

Il a précisé qu'en disant cela, il n'entendait nullement dresser le procès des RMIstes, dont le profil, d'ailleurs extrêmement varié, ne se prêtait nullement à des généralisations blessantes. Il a insisté sur sa volonté de décrire la situation telle qu'elle est ressentie par nos concitoyens, mais aussi par une majorité de RMIstes qui aspirent au retour à l'emploi, par souci d'améliorer leur situation personnelle, mais aussi par besoin d'utilité sociale, de dignité personnelle ou encore d'autonomie familiale.

Face à ce constat, M. François Fillon a considéré qu'une réforme ample apparaissait nécessaire avec un double objectif : optimiser la gestion du RMI en étant au plus près du terrain et des hommes et développer le cadre d'une insertion plus incitative.

Afin d'assurer la proximité de gestion, le projet de loi propose tout d'abord de décentraliser le RMI.

M. François Fillon a estimé au préalable que, pour répondre au principe d'égalité de traitement, les conditions d'attribution du revenu minimum d'insertion, ainsi que son barème, devaient être fixés au plan national, de même que le service de l'allocation devait continuer à être assuré par les caisses d'allocations familiales (CAF) et les caisses de mutualité sociale agricole (CMSA).

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué, à l'inverse, que la responsabilité de la gestion et du financement de l'allocation relèvera à l'avenir des départements. Il a observé que, dès l'automne 1988, les débats parlementaires sur le projet de création du RMI avaient souligné l'incohérence consistant à confier ce dispositif à l'État, cinq ans à peine après la première loi de décentralisation qui avait confié l'aide sociale au département.

M. François Fillon a souligné que le projet de loi constituait ainsi la première application de la récente réforme constitutionnelle sur l'organisation décentralisée de la République. Il a rappelé les termes de l'article 72, alinéa 2, de la Constitution : « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon ».

Il a estimé que cet effort de décentralisation était particulièrement significatif, dans la mesure où il portera sur environ 4,5 milliards d'euros et s'accompagnera d'un transfert de ressource fiscale dans des conditions qui seront précisées par la loi de finances pour 2004.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a relevé que le projet de loi, en confiant au seul département le pilotage local de l'insertion des allocataires, mettait également fin à l'enchevêtrement actuel des compétences de l'État et du conseil général.

Il a noté que plusieurs articles du projet de loi illustraient cette orientation : la présidence du comité départemental d'insertion (CDI) sera confiée au président du conseil général, qui en désignera les membres et élaborera, puis mettra en oeuvre le programme départemental d'insertion (PDI) ; le président du conseil général désignera seul les membres et le président des commissions locales d'insertion (CLI) ; les compétences en matière d'approbation des contrats d'insertion seront transférées des CLI vers les services du conseil général ; l'accompagnement de l'allocataire sera renforcé, dès le dépôt de la demande de l'allocataire, par une information complète sur ses droits et ses devoirs et par la désignation d'une personne référente.

M. François Fillon a fait valoir que, dans ce cadre rénové, le Gouvernement avait souhaité maintenir l'obligation d'inscription au budget départemental d'un crédit d'insertion égal à 17 % du montant des allocations de RMI versées l'année précédente dans le département. Il a expliqué que ce choix, dont il n'a pas douté qu'il donnera lieu à un ample débat parlementaire, était destiné à apaiser les inquiétudes de ceux qui craignaient une éventuelle réduction de l'effort d'insertion sociale et professionnelle à l'occasion du transfert de compétence et de ressource.

Evoquant ceux qui ont pu qualifier, ces derniers jours, le second volet de la réforme, le RMA, de « retour du servage » ou qui se sont insurgés à l'idée que les RMIstes se voient proposer un « boulot », il a jugé que ces apostrophes étaient consternantes et ignorantes des objectifs du Gouvernement et, de surcroît, décalées par rapport aux attentes de nos concitoyens et aux espoirs exprimés par de nombreux RMIstes.

Il a observé que le RMI était souvent considéré comme le filet de sécurité de notre protection sociale et qu'il jouait ce rôle à bien des égards. Il a jugé, en revanche, que ce filet devait protéger, et non emprisonner dans une assistance durable et déstructurante, des centaines de milliers d'hommes et de femmes.

M. François Fillon a considéré que le RMI ne devait pas être l'antichambre de l'exclusion, ni l'alibi de l'inaction, mais être mis au service d'une véritable reconstruction professionnelle et individuelle.

Il a estimé qu'à côté du RMI qui demeurera, l'objet du RMA consistait à imaginer un cadre incitatif et stimulant rehaussant la valeur et l'intérêt du travail.

M. François Fillon a rappelé que le RMA répondait à une aspiration constante du Sénat, qui s'était exprimée, en 1998, à l'initiative de la commission, lors des débats sur la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, et plus récemment en 2001 par la proposition de loi de MM. Alain Lambert et Philippe Marini. Il a précisé que le projet de loi portant décentralisation en matière de RMI et créant le RMA s'inspirait de ces initiatives.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a considéré que l'idée du RMA était simple dans la mesure où il s'agissait de combattre la précarité et le chômage de longue durée en activant les dépenses de solidarité, de mettre en contact le RMIste et le monde du travail, dans la mesure ou l'un et l'autre peuvent y trouver un intérêt respectif.

Il a observé que ce nouveau dispositif était ciblé sur ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi : les allocataires depuis plus de deux ans du RMI.

M. François Fillon a précisé que le RMA s'appuyait sur un contrat de travail à mi-temps, de vingt heures, s'inscrivant dans un parcours d'insertion personnalisé et bénéficiant d'actions de tutorat, de suivi individualisé ou de formation, déterminées par l'employeur, le titulaire d'un RMA pouvant également bénéficier des actions d'insertion du conseil général.

Il a estimé que le RMA devait être considéré comme une transition vers l'emploi ordinaire et que, pour éviter tout risque d'installation dans ce dispositif, sa durée ne pourra pas excéder dix-huit mois.

M. François Fillon a mis en avant les traits spécifiques liés à cet objectif. Il a ainsi noté que le RMA associera une allocation forfaitaire du RMI versée par la CAF ou par la CMSA à l'employeur et un complément à la charge de ce dernier ; le salaire sera versé par l'employeur au salarié, lequel bénéficiera au total d'une rémunération au moins égale au SMIC. Il a relevé que le RMA maintiendra pour chaque membre du foyer les droits garantis aux allocataires du RMI, et notamment l'accès à la couverture maladie universelle (CMU).

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué que le champ d'application de ce contrat était celui des employeurs du secteur marchand et du secteur non marchand (à l'exception de l'État et des départements). S'agissant du secteur non marchand, il a précisé que le RMA ouvrira droit à une exonération des cotisations patronales de sécurité sociale compensée par le budget de l'État.

Il a expliqué que la spécificité du RMA était liée également à l'équilibre entre plusieurs finalités qu'il apparaissait souhaitable de marier : améliorer les gains de l'allocataire dans le respect des limites de la dépense publique ; rendre plus attractif le passage à l'activité sans remettre en cause les avantages associés à l'allocation, comme l'accès aux soins grâce à la CMU ; créer, à la différence des contrats aidés, un dispositif dont l'architecture est identique dans le secteur marchand et le secteur non marchand ; rechercher une réciprocité entre l'allégement du coût du travail dont bénéficie l'employeur grâce à l'aide publique et les responsabilités attachées à une embauche.

M. François Fillon a réaffirmé que ce projet de loi visait, d'une part, à optimiser et rénover la gestion du RMI en allant au plus près du terrain et, d'autre part, à épauler et inciter les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, à retrouver le chemin de l'activité et de la confiance.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a considéré, en définitive, que ce projet était animé par une conception positive et dynamique de notre pacte social.

M. Bernard Seillier, rapporteur, s'est interrogé sur les gains en terme de simplification et d'efficacité apportés par la décentralisation du RMI ; il a souhaité connaître les raisons qui avaient conduit le Gouvernement à écarter le maintien d'une allocation versée pour le compte de l'État par des caisses d'allocations familiales davantage responsabilisées et une décentralisation du seul volet insertion.

Il a ensuite demandé des précisions quant aux mécanismes exacts de répartition de la ressource fiscale transférée pour compenser les charges liées au RMI. Il a notamment voulu savoir si ce transfert concernerait une part fixe de cet impôt ou une part révisable en fonction des dépenses d'allocations constatées les années précédentes.

Il a enfin fait part de ses inquiétudes concernant l'articulation de la politique d'insertion et de la politique de l'emploi, qui reste à la charge de l'État. Il s'est notamment interrogé sur ses implications en termes de programmation des emplois aidés.

M. Bernard Seillier s'est également interrogé sur la possibilité, pour le département, de moduler un certain nombre de paramètres du contrat d'insertion RMA - notamment sa durée et la condition d'ancienneté pour en bénéficier - afin de permettre une plus grande individualisation de la mesure et de tirer les conséquences de la décentralisation du RMI.

Il s'est enfin interrogé sur les conséquences, en matière d'accès à la protection sociale, de l'assiette retenue des cotisations sociales, qui ne porte que sur le complément de rémunération versé par l'employeur.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a souligné qu'une séparation entre la gestion de l'allocation elle-même et celle de la politique d'insertion posait d'abord une question de principe dans le cadre général d'une décentralisation de l'aide sociale. Il a également rappelé que l'absence de liens entre le versement de l'allocation et l'obligation d'insertion était la principale critique adressée aujourd'hui au RMI. Il a donc plaidé pour un transfert clair de l'ensemble du dispositif.

S'agissant de la compensation aux départements des charges liées à ces nouvelles compétences, il a précisé que celles-ci seraient financées par une quote-part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) et qu'il s'agirait d'une quote-part fixe dont le produit suivrait l'évolution du rendement de la taxe.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a ensuite écarté tout risque d'éclatement de la politique de l'emploi, en soulignant que le RMA ne serait pas un passage obligé pour les allocataires et que la décentralisation du RMI ne modifierait pas la programmation des emplois aidés. Il a souligné, par ailleurs, que l'État et le département seraient amenés à coopérer au sein des commissions départementales d'insertion et que le président du conseil général pourrait, dans tous les cas, demander le concours du service public de l'emploi pour la mise en oeuvre des actions d'insertion.

S'agissant des paramètres du CIRMA, M. François Fillon a précisé que la condition d'ancienneté de deux années au RMI répondait à un souci d'équilibre entre la volonté de prévenir une installation durable du bénéficiaire dans le RMI et le souci d'éviter tout effet de substitution avec les autres dispositifs d'insertion. Il a, par ailleurs, indiqué que la fixation de la durée du contrat à vingt heures hebdomadaires tenait aux caractéristiques du public visé constitué par les personnes en grande difficulté pour lesquelles un temps plein n'était pas envisageable dans l'immédiat.

Il a enfin observé que l'assiette retenue pour le calcul des cotisations sociales permettait de maximiser le revenu net du bénéficiaire, mais avait nécessairement des conséquences sur les avantages contributifs. Il a ainsi précisé que le contrat permettrait de valider deux trimestres par an pour l'assurance vieillesse et que le niveau de l'assurance chômage restait fonction de la durée de cotisation. Il a toutefois estimé que la protection sociale des bénéficiaires du RMA restait favorable, dans la mesure où le dispositif leur garantissait le maintien des droits connexes au RMI, et notamment la CMU complémentaire.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, a estimé que la décentralisation devait se fixer pour objectif de rendre plus efficace l'action publique et qu'un tel objectif supposait de responsabiliser les départements. Il a indiqué que, selon lui, un transfert d'impôt, calculé sur le coût total actuel du RMI, et dont l'évolution suivrait ensuite celle du produit de l'impôt, était conforme à cette responsabilisation des départements.

Il a regretté, dans ces conditions, que le projet de loi maintienne l'obligation pour les départements d'inscrire à leur budget 17 % des sommes versées l'année précédente au titre de l'allocation, soulignant que cette obligation était incohérente dans le cadre d'une décentralisation responsable.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a précisé que le maintien de ces 17 % avait pour but de ne pas envoyer un message qui serait incompris par le monde associatif et, qu'à terme, la logique de la décentralisation devait, en effet, conduire à leur suppression.

M. Alain Vasselle s'est étonné du fait que l'accès au RMA soit conditionné par une ancienneté de deux ans de perception du RMI. Il a estimé que l'effort d'insertion du bénéficiaire devait être entamé le plus tôt possible afin d'accroître ses chances de trouver un emploi. S'agissant de l'exonération de charges prévue au titre du RMA, il s'est interrogé sur leur compensation au régime de sécurité sociale.

Mme Sylvie Desmarescaux s'est inquiétée de la totale liberté laissée aux présidents de conseils généraux pour déterminer la composition des CDI et des CLI. Elle a voulu s'assurer que les communes seraient effectivement représentées au sein de ces instances.

M. Jean-Pierre Fourcade s'est félicité de la rupture opérée par le projet de loi en compensant les charges nouvelles pour les départements, non plus par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement, mais par le transfert d'une ressource fiscale. Il a fait part de son inquiétude face à la complexité des flux de trésorerie entre les départements et les caisses d'allocations familiales engendrés par le maintien du service de l'allocation par celles-ci. Il a néanmoins convenu qu'il était exclu de reconstituer au niveau des services sociaux départementaux des services de liquidation du RMI.

Il s'est enfin fait l'écho de l'inquiétude des associations et des entreprises intermédiaires et il a estimé qu'il était nécessaire de faire un geste dans leur direction en rappelant leur rôle dans la loi.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, s'est voulu rassurant quant à la condition d'ancienneté de deux ans nécessaire pour bénéficier du RMA. Il a expliqué que cette condition était motivée par une volonté de ciblage sur les allocataires les plus en difficulté et que la durée d'ancienneté requise pourrait être revue à la baisse au vu du fonctionnement du dispositif. Il a également précisé que les exonérations de charges prévues au titre du RMA seraient compensées par l'État à la sécurité sociale.

S'agissant de la composition des CLI, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a insisté sur le fait que la décentralisation impliquait de laisser la liberté aux départements d'organiser, au cas par cas, le pilotage du dispositif d'insertion. Il a fait part de sa volonté de rassurer la caisse nationale des allocations familiales concernant la compensation des charges de trésorerie et il a indiqué qu'il travaillait, d'ores et déjà, à un décret visant à préciser les modalités de cette compensation.

Il a enfin reconnu le rôle essentiel du monde associatif en matière de lutte contre l'exclusion et en matière d'insertion et s'est montré ouvert à la possibilité qu'il soit mentionné dans le texte même de la loi.

M. Roland Muzeau s'est inquiété du risque d'une nouvelle stigmatisation des bénéficiaires du RMI. Il s'est interrogé sur l'utilité du contrat RMA, observant que celui-ci revenait aussi cher pour l'employeur qu'un CES, mais offrait moins de garanties pour son bénéficiaire. Il a regretté que l'accent soit essentiellement porté sur l'insertion professionnelle et ignore largement l'insertion sociale, notamment pour les questions de logement ou de santé.

M. Gilbert Chabroux s'est interrogé sur la précipitation ayant présidé au dépôt de ce projet de loi, regrettant à cet égard l'absence d'évaluation préalable. Il a considéré que le contrat RMA s'apparentait à un contrat de travail « au rabais », n'offrant aucune garantie d'insertion sociale. Il a insisté sur la nécessité de fonder la politique d'insertion sur une approche globale et non sur la seule question de l'activité.

Observant que la principale faiblesse du RMI avait été l'échec de l'insertion, M. Jean Chérioux a souhaité obtenir des précisions sur l'articulation entre la décentralisation du RMI et l'évolution de l'action de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE).

M. Guy Fischer a souhaité que le débat sur le projet de loi soit reporté afin de laisser au Parlement la possibilité de l'examiner sérieusement.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a souligné la différence entre le CES et le contrat RMA : s'ils assurent une rémunération similaire au bénéficiaire, le contrat RMA est moins coûteux pour l'employeur, mais vise des publics plus en difficulté.

S'agissant de la méthode retenue par le Gouvernement, il a rappelé que le projet de loi se fondait sur les nombreuses évaluations du RMI et des politiques d'insertion qui avaient été publiées et que la concertation avait été menée, le Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE), le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE), l'Assemblée des départements de France (ADF), les partenaires sociaux et les caisses de sécurité sociale ayant été consultés. Il a estimé qu'il importait d'agir rapidement dans le domaine de l'insertion.

Il a souhaité que le rôle de l'ANPE soit renforcé en matière d'insertion des bénéficiaires du RMI.

M. Bernard Cazeau a craint que le projet de loi ne conduise à créer une main d'oeuvre à bas prix et s'est interrogé sur son efficacité dans une période d'aggravation du chômage.

M. André Lardeux s'est interrogé sur les conséquences du projet de loi pour les crédits d'insertion départementaux jusqu'à présent reportés. Il a également souhaité savoir si la gestion du RMA se ferait à moyens constants pour les départements ou s'ils seraient amenés à accroître leurs dépenses de fonctionnement en créant de nouveaux services.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a jugé nécessaire de garantir un coût du travail relativement faible pour les employeurs afin d'assurer l'efficacité du dispositif. Il a estimé que le dispositif n'engendrerait pas d'effet d'aubaine, dans la mesure où le recrutement d'un bénéficiaire du RMI depuis plus de deux ans constituerait un choix lourd pour l'employeur. Il a, à cet égard, avancé l'hypothèse qu'au départ le dispositif soit principalement utilisé dans le secteur non marchand.

Il a indiqué que les règles relatives au report des crédits d'insertion non consommés restaient identiques dans la mesure où le projet de loi ne prévoyait pas, en l'état, de modifier leur régime budgétaire.

S'agissant des transferts éventuels de personnels, il a précisé que cette question serait traitée dans le cadre des dispositions relatives au transfert de services du projet de loi de décentralisation actuellement en cours de préparation.

III. AUDITIONS

A. AUDITION DE M. BERTRAND FRAGONARD, ANCIEN DÉLÉGUÉ INTERMINISTÉRIEL AU RMI (MARDI 13 MAI 2003)

La commission a, tout d'abord, procédé à l'audition de M. Bertrand Fragonard, ancien délégué interministériel au RMI.

M. Bertrand Fragonard a précisé qu'il ne s'exprimait pas, devant la commission, en sa qualité de président de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, lequel ne s'était pas prononcé sur le projet de loi.

Abordant tout d'abord la décentralisation du revenu minimum d'insertion, M. Bertrand Fragonard a estimé qu'il était difficile de parier sur les résultats de cette démarche tout en rappelant qu'une telle option avait été évoquée dès 1992.

Il a fait part de sa satisfaction de constater que le projet actuel consolidait les éléments fondamentaux du RMI : une prestation légale d'aide sociale constituant un droit objectif opposable aux administrations qui la gèrent, financé de façon solidaire par l'impôt et préservant le lien entre une prestation et une démarche d'insertion.

M. Bertrand Fragonard a observé que la décentralisation était motivée par l'espoir que l'unité d'action au niveau du département permettrait de meilleurs résultats en matière d'insertion. A cet égard, il a estimé que le fait de confier l'entière responsabilité du RMI aux départements excluait la création d'un mécanisme de garantie financière pour ceux-ci en cas de dérapage.

Il a ensuite souligné les risques inhérents à la démarche de décentralisation. S'agissant des crédits obligatoires d'insertion, il a rappelé que ce mécanisme avait constitué, lors de sa création, une innovation astucieuse permettant d'apporter des crédits de fonctionnement et d'accompagnement qui faisaient défaut à l'ensemble des autres prestations nationales. Il a observé que, malgré leur suppression, les départements seraient poussés à investir dans cet accompagnement, afin de réduire leurs dépenses d'allocations. Il n'a toutefois pas écarté la possibilité que des départements plus frileux ne prennent prétexte des reports importants de crédits pour réduire leur contribution.

Il a également souligné le risque lié à une déconnexion entre l'insertion des bénéficiaires du RMI et la politique de l'emploi et il a expliqué qu'une grande partie de la réussite de la décentralisation dépendrait des partenariats noués avec l'État à ce sujet et plus largement avec l'ensemble des autres acteurs de l'insertion. Il a estimé qu'il existait un risque non négligeable de désengagement de l'État sur les autres outils de la politique de l'emploi et de clivage entre une politique essentiellement sociale visant les allocataires du RMI et une politique d'emploi réservée aux autres catégories de chômeurs.

Il a enfin rappelé que la décentralisation du RMI ne devait pas se traduire par un regard stigmatisant et réducteur sur les bénéficiaires du RMI.

S'agissant ensuite du revenu minimum d'activité (RMA), M. Bertrand Fragonard a considéré qu'il était nécessaire de mener une politique de discrimination positive en faveur des publics les plus en difficulté, même s'il a reconnu que les politiques d'allègement de charges sur les bas salaires avaient eu un impact général positif sur l'emploi des personnes les moins qualifiées. Estimant que le RMA constituait avant tout un nouveau contrat aidé qui n'est pas fondamentalement différent du contrat emploi-solidarité (CES) hormis son ouverture sur le secteur marchand, il a constaté que ce dispositif constituerait un instrument d'insertion non contingenté pour les départements. Observant que la question essentielle était de savoir si les départements allaient utiliser ce nouvel instrument, il a jugé que l'économie générale du projet de loi ne pouvait que les y inciter.

Il a toutefois souligné certaines difficultés inhérentes au dispositif.

Il a d'abord observé que le projet de loi interdisait au bénéficiaire du contrat d'insertion RMA (CIRMA) d'exercer une autre activité pendant la durée du contrat, rappelant qu'une telle interdiction de cumul avait été initialement appliquée au CES, puis assouplie par la suite.

Il a ensuite constaté que l'assiette des cotisations sociales n'était pas égale à la totalité de la rémunération perçue par le bénéficiaire du CIRMA. Il s'est alors interrogé sur les conséquences d'une telle étroitesse de l'assiette en termes de droits sociaux, évoquant notamment les conditions d'accès à l'assurance chômage, de validation des droits à retraite et de calcul des indemnités journalières. Il a toutefois observé que l'étroitesse de l'assiette permettait de limiter le coût du dispositif tant pour l'État que pour l'employeur.

Jugeant que le RMA était « une construction un peu baroque », il a estimé qu'il pourrait être un instrument efficace à la condition que les départements investissent l'ensemble du champ de l'insertion sociale et professionnelle, rappelant que le RMI se caractérisait aujourd'hui par l'échec de son accompagnement social. Dans ces conditions, il a considéré que l'efficacité du dispositif serait largement conditionnée par le contenu des conventions conclues entre le département et l'État qui devraient être suffisamment ambitieuses.

Il a toutefois exprimé la crainte d'une trop forte assimilation entre RMI et RMA et a considéré que le RMA ne pouvait être qu'un élément d'une politique d'insertion plus globale.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a tout d'abord rappelé que les crédits obligatoires d'insertion avaient finalement été maintenus dans le projet de loi, mais n'a pas exclu une évolution du texte sur ce point. Il a également fait part de son souci de préserver l'équilibre de l'ensemble du dispositif de lutte contre l'exclusion.

Il a souligné que la décentralisation du RMI était justifiée, selon le Gouvernement, par un souci de cohérence dans la gestion des situations individuelles. Il s'est interrogé sur l'étendue des simplifications et des gains d'efficacité apportés par la décentralisation ainsi que sur l'opportunité de la séparation entre l'instruction administrative et l'instruction sociale des demandes d'allocations créée par le projet de loi.

M. Bertrand Fragonard a indiqué que les concepteurs de la loi avaient unanimement souhaité en 1988 une telle séparation. Il a cependant observé que la charge de travail représentée par l'instruction des dossiers avait conduit à une dérive de la gestion administrative vers les caisses d'allocations familiales. Il a estimé que la question de la séparation des instructions administratives et sociales était toutefois un faux problème et qu'il fallait se concentrer sur la qualité de cette instruction socio-économique.

M. Bernard Seillier, rapporteur , s'est ensuite interrogé sur le bilan du fonctionnement et de l'action tant des conseils départementaux d'insertion (CDI) que des commissions locales d'insertion (CLI) et sur leur recentrage, que comporte le projet de loi, sur l'analyse des besoins et la définition d'une offre d'insertion adaptée. Il s'est demandé si la suppression de leurs compétences en matière de décisions individuelles était de nature à renforcer leur efficacité.

M. Bertrand Fragonard a souligné qu'un jugement global ne pouvait pas être porté sur ce dispositif totalement décentralisé. Il a néanmoins estimé que la valeur ajoutée des CLI pour les décisions individuelles était inégale. Il a rappelé que, dans le cadre de la décentralisation, l'inconnue demeurait la qualité de l'instruction des dossiers par le département. A cet égard, il a observé que la liberté laissée aux départements pour organiser cette instruction ne serait positive qu'à la condition que ceux-ci sachent s'entourer d'une équipe pluridisciplinaire. Il a jugé que la CLI pourrait avoir à l'avenir un rôle important pour organiser l'offre d'insertion.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a constaté que le projet de loi prévoyait clairement l'inscription d'une mesure d'emploi dans le contrat d'insertion, les autres mesures possibles devenant complémentaires. Il s'est interrogé sur la portée de cette priorité pour les publics les plus fragiles et les plus désocialisés.

M. Bertrand Fragonard a estimé que l'affirmation d'une telle priorité restait théorique et que son utilité était de répondre aux affirmations selon lesquelles le RMI était un échec parce que tous les allocataires n'accédaient pas à l'emploi. Il a cependant rappelé que l'échec de l'insertion dans l'emploi n'était pas le monopole du RMI. Il a souligné que l'objectif d'un contrat d'insertion devait être de « faire au mieux » tout en observant qu'un tel affichage était difficile à assumer. Il a enfin souhaité une adaptation du RMI pour les personnes de plus de 55 ans, jugeant qu'il était irréaliste de les obliger à s'insérer par l'emploi.

M. Bernard Seillier, rapporteur , s'est également interrogé sur la pertinence des différents paramètres du CIRMA et notamment sur la condition d'ancienneté de deux ans dans le dispositif RMI et sur la durée de 20 heures hebdomadaires du contrat.

M. Bertrand Fragonard a estimé que la durée hebdomadaire de 20 heures pouvait apparaître trop rigide. Il a jugé que la condition d'ancienneté retenue par le projet de loi aurait eu un sens si le dispositif avait été contingenté mais n'était pas ici nécessairement pertinente dans la mesure où le dispositif est financé par les départements, auxquels il appartenait de cibler les publics visés.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, a fait part de ses inquiétudes concernant la compensation aux départements des transferts de charges liés à la décentralisation du RMI. A cet égard, il a regretté le laconisme du projet de loi s'agissant des dispositions financières.

Il a indiqué que la décentralisation du RMI impliquait une liberté d'action importante pour les départements, assortie d'un simple contrôle de l'État, et que tout mécanisme de garantie, comme l'inscription obligatoire de 17 % du montant des allocations versées dans le département, s'apparentait à une simple sous-traitance du dispositif pour le compte de l'État.

M. Bertrand Fragonard a insisté sur l'importance de la convention qui serait passée entre le département et l'État et des moyens en matière d'aide à l'emploi sur lesquels ce dernier s'engagerait. Il a également souligné la nécessité d'adosser le financement du RMI décentralisé sur un impôt suffisamment robuste et dynamique. Il s'est, en revanche, déclaré opposé à toute forme de garantie pour les départements en cas de dérapage du nombre d'allocataires.

M. Louis Souvet a précisé que l'absence de mécanisme de garantie financière ne pouvait se concevoir que si les frais occasionnés par la décentralisation du RMI étaient correctement évalués y compris en termes de frais de gestion indirects. Il s'est ensuite interrogé sur les dispositions particulières applicables aux départements d'outre-mer en matière de décentralisation du RMI. Il a enfin demandé des précisions quant au caractère non imposable des revenus tirés du RMA.

M. Gilbert Chabroux s'est interrogé sur les raisons ayant conduit le Gouvernement à présenter son projet de loi dans une telle précipitation, rappelant que les associations n'avaient pas été consultées et que le Gouvernement avait nommé un parlementaire en mission sur ce sujet qui n'avait pas encore présenté son rapport. Il a également regretté la faiblesse des données statistiques disponibles sur la pauvreté, l'exclusion et les politiques d'insertion. Exprimant la crainte que le projet de loi puisse être un moyen de fournir une main-d'oeuvre à bon marché aux entreprises, il a jugé nécessaire de repenser globalement la politique du RMI, estimant à cet égard que l'approche par la seule activité n'était pas la solution.

M. Jean Chérioux a considéré que la politique en matière de RMI menée ces dernières années n'avait pas suffisamment mis l'accent sur le retour à l'emploi. Il s'est interrogé sur les liens existant entre évolution du chômage et évolution du nombre de bénéficiaires du RMI, observant que la diminution du nombre des demandeurs d'emploi constatée ces dernières années ne s'était répercutée que tardivement et de manière très limitée sur le nombre de bénéficiaires du RMI. Il s'est également interrogé sur le rôle de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) dans la politique d'insertion des bénéficiaires du RMI.

M. Guy Fischer a regretté que le projet de loi soit déposé alors qu'aucune évaluation de la loi d'orientation de lutte contre les exclusions n'a été réalisée. Jugeant que le texte du Gouvernement répondait avant tout à des considérations politiciennes, il a exprimé la crainte qu'il ne conduise à une nouvelle stigmatisation des bénéficiaires du RMI.

M. Roland Muzeau , partageant les craintes exprimées par son collègue Guy Fischer, a observé que les associations considéraient le CIRMA comme un « sous CES » et a souhaité recueillir l'avis de M. Bertrand Fragonard sur ce point. Il a en outre estimé que l'ouverture du contrat au secteur marchand allait engendrer un nouveau champ de précarité.

Répondant à l'ensemble des intervenants, M. Bertrand Fragonard a fait part de la difficulté qu'il rencontrait pour apprécier l'éventualité d'une dérive financière du RMI par rapport à l'assiette fiscale transférée, dans la mesure où l'impôt concerné n'est actuellement pas précisé.

S'agissant de la non-imposition des revenus tirés du RMA, il a estimé que la question de savoir si cette non-imposition s'étendait ou non à l'ensemble des revenus du foyer était mineure du fait notamment du reprofilage des aides aux logements qui les rendent accessibles à un plus grand nombre de foyers à faibles revenus.

Il a témoigné que le RMI était l'un des dispositifs pour lequel l'information statistique était la plus développée.

Reconnaissant que le CIRMA était effectivement un contrat « bon marché » pour l'employeur, il a jugé que toute politique de discrimination positive impliquait nécessairement un effort sur le coût du travail pour favoriser l'embauche des personnes les plus en difficulté. A cet égard, il a estimé qu'il s'agissait moins de savoir si les contrats aidés étaient utiles que de savoir s'il était possible de s'en passer pour affecter l'ensemble des moyens de la politique de l'emploi à un abaissement général du coût du travail non qualifié. Il a jugé pour sa part qu'il était impossible de faire l'économie de ces contrats aidés sauf à ne pouvoir prendre en compte les personnes les plus en difficulté. Observant que le CIRMA se rapprochait effectivement du CES, il a jugé positif que le CIRMA soit étendu au secteur marchand.

Rappelant qu'en 1988 le choix avait été fait de ne pas subordonner le bénéfice du RMI à l'inscription à l'ANPE, notamment pour éviter de gonfler les chiffres du chômage, il a précisé qu'aujourd'hui 60 à 65 % des allocataires du RMI étaient inscrits à l'ANPE.

S'agissant de la sensibilité du RMI à la conjoncture, il a indiqué que le nombre d'allocataires du RMI évoluait en moyenne avec quatre mois de décalage par rapport au nombre des chômeurs de longue durée, même si cette corrélation était peut-être moins nette ces dernières années. Il a toutefois observé que de nombreuses personnes restaient au RMI malgré l'amélioration de la conjoncture. A cet égard, il a jugé que l'analyse des économistes faisant du RMI une « trappe à inactivité » n'était guère fondée. Il a ainsi précisé que le différentiel entre l'allocation du RMI et les bas salaires n'avait cessé de s'accroître depuis la création du dispositif et s'était même accéléré ces dernières années avec le reprofilage des aides au logement, la réforme de la taxe d'habitation ou l'instauration de la prime pour l'emploi. Il a ainsi estimé que ce différentiel s'était accru d'un tiers depuis 1988. Dans ces conditions, il a jugé que l'enjeu prioritaire était moins d'accroître plus encore ce différentiel que de mettre en oeuvre une politique plus dynamique de retour à l'emploi des chômeurs de longue durée.

B. AUDITION DE MME NICOLE PRUD'HOMME, PRÉSIDENTE DE LA CAISSE NATIONALE DES ALLOCATIONS FAMILIALES (CNAF) (MARDI 13 MAI 2003)

La commission a ensuite procédé à l'audition de Mme Nicole Prud'homme, présidente de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).

A titre liminaire, M. Nicolas About, président, a interrogé Mme Nicole Prud'homme sur les raisons qui ont conduit le conseil d'administration de la CNAF, lors de sa réunion du 29 avril 2003, à émettre, à une courte majorité (7 voix contre, 6 voix pour, 12 abstentions ou prises d'acte), un avis défavorable sur le projet de loi.

Mme Nicole Prud'homme a souligné que la raison principale expliquant ce vote lui semblait être le caractère très précipité de cette consultation, les différentes organisations représentées au conseil d'administration n'ayant pas eu les moyens d'analyser le projet de loi. Elle a précisé, en outre, que cet avis défavorable reflétait plus des interrogations qu'une opposition de fond. Elle a insisté, à cet égard, sur le caractère flou de nombreux points du texte, illustré par le renvoi fréquent à des mesures réglementaires. Elle a ajouté que la CNAF se sentait d'autant plus concernée par le RMI qu'elle avait été mise en cause par certaines interprétations consécutives au rapport public de la Cour des comptes de 2001.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a rappelé les propositions du rapport de l'Observatoire de l'action sociale décentralisée (ODAS), qui consistaient à transférer l'instruction de l'ensemble des demandes de RMI aux caisses d'allocations familiales (CAF) et aux caisses de mutualité sociale agricole (CMSA). Il a demandé à Mme Nicole Prud'homme si une telle clarification lui paraissait souhaitable et à quelles conditions elle serait envisageable. Constatant que le projet de loi se limitait à prévoir une possibilité de déléguer aux CAF et aux CMSA certains pouvoirs des présidents de conseils généraux en matière de décisions individuelles relatives à l'allocation, il l'a interrogée sur la manière dont elle concevait les limites de cette délégation.

Mme Nicole Prud'homme a répondu que le projet de loi ouvrait la possibilité de déléguer certaines compétences aux CAF, mais qu'il n'était pas souhaitable d'aller plus loin, en l'état actuel des choses, et ce, pour trois raisons principales.

Elle a précisé, en premier lieu, que les centres communaux d'action sociale (CCAS) disposaient déjà d'une très forte implantation géographique, qui permettait un lien de proximité sans guère d'équivalent, notamment avec les personnes en situation de précarité. Elle en a conclu que l'éventualité du transfert de l'ensemble de l'instruction des demandes de RMI aux CAF ne pourrait pas représenter une amélioration.

Mme Nicole Prud'homme a considéré, en second lieu, que les CAF ne disposaient pas d'un personnel suffisamment formé et disponible pour faire face à une telle extension de leur domaine d'activité. Elle a mentionné que l'instruction d'un dossier de RMI nécessitait, en moyenne, une heure d'entretien avec la personne demandant l'allocation. Face à la grande diversité des questions abordées par la problématique de l'insertion, elle a jugé qu'une formation spécifique du personnel était nécessaire.

Elle a souligné, en dernier lieu, que les CAF ne bénéficiaient pas de locaux adaptés permettant de préserver, lors de la conduite des entretiens, la nécessaire confidentialité de la relation avec les allocataires. Elle a ajouté que, compte tenu de l'effectif des populations déjà prises en charge par les CAF, il ne lui semblait pas possible de faire face à ce nouvel afflux de dossiers.

Mme Nicole Prud'homme a indiqué que les départements d'outre-mer, dans lesquels les CAF instruisent les dossiers de RMI, constituaient un cas particulier. Elle a rappelé que cette exception était motivée par les spécificités de l'outre-mer. Elle a indiqué que, dans ces départements, contrairement à ceux de métropole, les CAF disposaient de moyens spécifiques, ainsi que d'une organisation adaptée.

S'agissant des dispositions du projet de loi permettant aux CAF de conclure des conventions avec les conseils généraux, Mme Nicole Prud'homme a considéré que la CNAF ne s'opposerait pas à ce que certaines CAF s'engagent dans ce type de démarche. Elle a toutefois précisé qu'une généralisation au plan national lui apparaissait impossible.

Mme Nicole Prud'homme a confirmé qu'il était possible, sur un plan technique, pour la CAF, de se voir déléguer, par le président du conseil général, ses pouvoirs en matière de décisions individuelles sur le RMI, à l'exception des demandes de suspension. Elle a néanmoins soulevé, d'un point de vue pratique, deux questions difficiles pour les CAF : la mise en oeuvre de l'obligation alimentaire et la difficulté à apprécier les ressources des travailleurs indépendants.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a demandé à Mme Nicole Prud'homme quels étaient les « risques financiers » liés à la décentralisation du RMI mis en avant par le conseil d'administration de la CNAF. Il l'a également interrogée sur la nature des garanties dont souhaiterait disposer la CNAF pour continuer à assurer le service d'un RMI décentralisé.

Mme Nicole Prud'homme a insisté sur la nécessité, pour la CNAF, de disposer d'un cadre financier sûr. Rappelant que la centralisation actuelle du financement par l'État offrait une grande sécurité pour les flux de trésorerie qui permettait même le paiement dans des délais très courts de la « prime de Noël », elle a fait part de son inquiétude quant à l'hypothèse de gérer, à l'avenir, des flux de trésorerie avec une centaine de départements.

Elle a considéré que la CNAF ne devait pas faire les frais de cette partie de la réforme car elle n'en avait pas les moyens. Elle s'est inquiétée, à ce titre, de la capacité de tous les départements à mettre les fonds nécessaires à disposition de la CNAF, le 5 du mois civil. Faisant référence à l'existence de prestations additionnelles dans certaines collectivités locales, elle a affirmé qu'une plus grande fréquence de ce cas de figure aboutirait à remettre en cause la gratuité du service apporté par la CNAF et rendrait nécessaire une facturation appropriée.

Mme Nicole Prud'homme a mis en avant l'homogénéité nécessaire des conditions d'ouverture des droits et s'est déclarée attentive aux dispositions qui figureront dans le décret auquel renvoie sur ce point le projet de loi.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a interrogé Mme Nicole Prud'homme sur l'impact de la décentralisation du RMI sur le rôle de contrôle des CAF. Mentionnant la nécessité d'améliorer les contrôles sur les allocataires du RMI, mis en évidence par la Cour des comptes dans son rapport 2001, il lui a demandé quels seraient les moyens dont devraient disposer les caisses pour parvenir à cet objectif.

Mme Nicole Prud'homme a déclaré ne pas vouloir méconnaître les observations de la Cour des comptes, mais désapprouver l'appréciation qui a pu en être faite dans l'opinion publique. Elle a fait observer que le contrôle des allocataires du RMI ne relevait pas de la seule compétence des CAF, mais concernait également les services de l'État qui ont la charge de faire respecter le droit du travail. Elle a noté, en précisant par ailleurs qu'elle ne souhaitait pas dégager sa propre part de responsabilité, que les CAF n'ont ni la mission, ni le pouvoir de lutter contre le « travail gris » ou le « travail au noir ».

Elle a souhaité fournir à la commission quelques données chiffrées pour rendre compte de l'ampleur des contrôles réalisés par ses services : en 2000/2001, le pourcentage de personnes contrôlées s'est élevé à 32 % pour l'ensemble des allocataires des CAF, et à environ 40 % pour ceux du RMI spécifiquement. Elle a décrit les trois types de vérifications exercées par les CAF. Elle a indiqué, en premier lieu, que près de 93.600 contrôles avaient été conduits par des agents assermentés. Elle a noté, en second lieu, que 315.000 contrôles destinés à prévenir le risque de double affiliation avaient été effectués par des moyens informatiques. Elle a enfin souligné que les CAF procédaient également à des vérifications par échanges d'informations avec les ASSEDIC.

M. Guy Fischer a interrogé Mme Nicole Prud'homme sur le détail des contrôles permettant de détecter les tentatives de double affiliation par des personnes cherchant à déposer deux demandes de RMI dans des départements différents.

M. Jean-Pierre Fourcade a souligné que ces chiffres attestaient du sérieux des contrôles réalisés par les CAF, mais que, par nature, ils ne pouvaient appréhender le phénomène du « coup de main ». Il a demandé à Mme Nicole Prud'homme si elle ne pensait pas possible de mieux utiliser les commissions locales d'insertion (CLI) et de développer la collaboration avec les ASSEDIC et les agences de l'ANPE, afin de vérifier les possibilités de sorties du RMI. Il s'est interrogé sur les inquiétudes de la CNAF en matière de décentralisation des flux de trésorerie.

M. Gilbert Chabroux s'est interrogé sur la place des CCAS dans le cadre de ce nouveau dispositif. Il lui a semblé que les départements étaient les grands gagnants de cette réforme, alors même que l'on ne pouvait se passer des CCAS.

Revenant sur les explications formulées par Mme Nicole Prud'homme au sujet du vote du conseil d'administration de la CNAF, M. Bernard Cazeau s'est demandé si cet avis défavorable reposait uniquement sur des facteurs techniques.

Mme Nicole Prud'homme a réaffirmé que le conseil d'administration de la CNAF n'avait pas souhaité émettre une opposition formelle ou critiquer la finalité du projet consistant à faire évoluer le RMI vers le RMA. Elle a considéré que la position de la CNAF devait être appréciée sur la base de critères techniques et de gestion.

S'agissant des CLI, elle a noté que les CAF n'étaient vraisemblablement pas présentes dans toutes les CLI. Elle a estimé comprendre le souci visant à accroître la coopération avec les ASSEDIC et l'ANPE. Mais elle a affirmé que l'insertion, qui recouvre des dimensions très variées pouvant aller jusqu'à réapprendre aux allocataires à se lever le matin ou à accompagner leurs enfants à l'école, n'était pas la vocation des CAF. Sur l'aspect décentralisation des flux de trésorerie, elle a insisté sur le coût de gestion potentiellement considérable des mesures envisagées. Elle a rappelé, à ce titre, que celui du RMI pour la CNAF représentait aujourd'hui 193 millions d'euros.

C. AUDITION DE M. MICHEL DOLLÉ, RAPPORTEUR GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L'EMPLOI, DES REVENUS ET DE LA COHÉSION SOCIALE (CERC) (MERCREDI 14 MAI 2003)

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Michel Dollé, rapporteur général du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC).

M. Michel Dollé a précisé qu'il intervenait devant la commission à titre personnel et non en tant que rapporteur général du CERC, cet organisme ne s'étant pas prononcé sur le projet de loi. Il a indiqué qu'il fonderait ses analyses sur les travaux déjà menés par le CERC sur le retour à l'emploi, mais aussi sur les travaux qu'il avait menés sur l'évolution du « welfare » aux Etats-Unis.

Il a souligné que se dégageait aujourd'hui un consensus sur la nécessité de réformer le RMI. Il a observé que les critiques les plus fréquemment adressées au dispositif s'articulaient autour de quatre volets : le niveau de l'allocation, qui n'est pas particulièrement élevé par rapport aux pays voisins, l'accès au dispositif, qui est limité aux personnes de plus de 25 ans, ce qui reste une spécificité française, la faiblesse du volet insertion, caractérisée notamment par des pratiques très variables d'un département à l'autre et par un partage des responsabilités peu optimal entre l'État et les départements et, enfin, la pauvreté des travaux d'évaluation du dispositif. Il a alors observé que tous ces aspects n'étaient pas nécessairement visés par le projet de loi.

Revenant sur la relation entre RMI, recherche d'emploi et activité, M. Michel Dollé a estimé que la relation entre le bénéfice de l'allocation du RMI et le travail avait été laissée dans une certaine ambiguïté à la création du dispositif et que cette ambiguïté subsistait dans le présent projet de loi. Il a considéré que, dès lors que le droit à l'allocation était fondé sur l'incapacité de travailler, il serait logique que le bénéficiaire du RMI s'inscrive comme demandeur d'emploi, sauf incapacité liée à l'âge, aux charges de famille, à la santé ou au handicap. Il a toutefois précisé que l'inscription à l'ANPE n'était pourtant pas obligatoire en France pour ouvrir droit au RMI, à la différence de la majorité des pays européens, tout en observant qu'aujourd'hui une majorité de bénéficiaires s'inscrivaient effectivement comme demandeurs d'emploi. A cet égard, il a estimé que la première composante de la démarche d'insertion devenait alors le plan d'aide personnalisée (PAP) proposé à tout demandeur d'emploi inscrit à l'ANPE.

Il a considéré, en revanche, que poser le principe d'une activité en contrepartie de l'allocation serait sans doute en contradiction avec le principe constitutionnel issu du préambule de la Constitution de 1946 qui fait de l'incapacité à travailler le fondement de la solidarité nationale. Observant que le projet de loi ne prévoyait pas la mise en oeuvre d'un tel principe, il a toutefois exprimé la crainte que cette logique puisse se réintroduire dans les modalités pratiques d'application.

Abordant plus précisément le RMA, il a estimé qu'il ne s'agissait pas d'un contrat de travail de plein droit, dans la mesure où les cotisations sociales ne sont pas assises sur l'ensemble de la rémunération, mais seulement sur le différentiel versé par l'employeur, ce qui conduit à limiter les droits différés en matière d'assurance vieillesse et d'assurance chômage notamment. Il a ainsi observé que le bénéficiaire du RMA travaillerait de 12 à 15 heures par semaine sans acquérir de droits différés et a estimé que cette disposition pouvait fragiliser la démarche de retour à l'emploi, à la différence des dispositifs d'intéressement mis en place précédemment.

Replaçant le RMA dans le parcours d'insertion du bénéficiaire du RMI, il a estimé que la condition d'ancienneté de deux ans de RMI pour pouvoir conclure un contrat d'insertion RMA visait à cibler prioritairement les publics les plus en difficulté. Il a toutefois considéré qu'il ne serait pas illogique de bénéficier d'un tel contrat avant l'expiration d'un délai de deux ans au regard de l'évaluation réalisée au moment de l'entrée dans le RMI. Il a ainsi estimé que, dans une logique de décentralisation, une telle responsabilité pourrait relever du président du conseil général.

Il s'est également interrogé sur le positionnement du contrat d'insertion RMA par rapport au contrat emploi-solidarité (CES). Observant que ce dernier est un contrat de plein droit qui amène à un niveau de revenu supérieur au RMA du fait de l'intéressement, il a rappelé que l'expérience du CES soulignait une certaine faiblesse pour les politiques d'accompagnement et de formation qui lui sont associées. Il a toutefois jugé intéressante l'ouverture du RMA au secteur marchand, dans la mesure où le retour effectif à l'emploi durable était plus difficile dans le secteur non marchand, mais a, parallèlement, exprimé la crainte que ce nouveau contrat se traduise par un « effet de noria », les employeurs faisant succéder plusieurs bénéficiaires de contrats aidés sur un même poste de travail. Il a alors évoqué la possibilité d'encadrer de telles pratiques en interdisant à l'employeur de réembaucher immédiatement en contrat aidé sur un même poste de travail.

S'agissant de la décentralisation du RMI, il a estimé que le partage actuel de la responsabilité entre le département et l'État n'était pas satisfaisant et qu'un éclaircissement des responsabilités était nécessaire. Il a toutefois observé que le projet de loi conduisait à confier aux départements le soin de piloter une prestation de solidarité nationale, ce qui exigeait de nécessaires garanties et précisions, notamment en matière de suspension des droits à l'allocation. A cet égard, il a suggéré d'introduire une procédure d'appel qui fasse que l'État reste le responsable en dernier recours des décisions de suspension ou de radiation d'un bénéficiaire pour, par exemple, non-respect du contrat d'insertion.

Il a également insisté sur la nécessité d'améliorer et de renforcer le dispositif de contrôle, de suivi statistique et d'évaluation du dispositif, évoquant à cet égard l'exemple de la loi américaine de 1996 qui confiait aux Etats fédérés de nouvelles et importantes responsabilités en matière d'aide sociale mais qui, parallèlement, prévoyait un encadrement très strict et très précis par l'État fédéral en fonction de l'évaluation du dispositif.

Il a souligné, enfin, le caractère peu précis des conditions de financement du transfert de compétences en matière de RMI. A cet égard, il a souligné que le transfert d'une ressource fiscale impliquait que son produit puisse évoluer différemment des besoins de financement de l'allocation. Il a également jugé que les règles de répartition de la ressource entre départements devaient être précisées afin de pouvoir prendre en compte l'évolution du nombre de bénéficiaires de l'allocation, tout en restant incitatives pour les départements menant une politique d'insertion efficace. Il a alors estimé que ce volet financier, par ses implications, semblait dépasser le strict cadre de la loi de finances.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a demandé des précisions complémentaires sur l'analyse des difficultés rencontrées par les bénéficiaires du RMI pour accéder à l'emploi, sur la réalité des « trappes à inactivité », sur le bilan et les conditions d'efficacité des mécanismes d'intéressement et sur les « bonnes pratiques » identifiées dans le cadre des politiques d'accompagnement dans l'accès à l'emploi.

M. Michel Dollé a rappelé que la population bénéficiaire du RMI était très hétérogène et qu'une partie était proche de l'accès à l'emploi. A cet égard, il a précisé qu'un tiers des bénéficiaires retrouvait un emploi en moins de six mois. Il a toutefois indiqué qu'une autre partie de ce public rencontrait des difficultés spécifiques limitant leurs possibilités d'accès à l'emploi, qu'il s'agisse de problèmes de santé, de logement, de transport ou de famille. Revenant sur la notion de « trappe à inactivité », il a reconnu que certains avantages inhérents aux minima sociaux soulevaient des difficultés et n'incitaient pas financièrement au retour à l'emploi. Il a cité notamment les modes de calcul des allocations logement, l'exonération de la taxe d'habitation, la majoration de l'allocation selon les charges de famille et les aides locales dont peuvent bénéficier les allocataires du RMI.

M. Michel Dollé a toutefois indiqué que, malgré la faible attractivité financière du retour à l'emploi, un nombre important de bénéficiaires des minima sociaux préférait travailler, même à temps partiel, quand bien même leur rémunération ne serait pas supérieure à l'allocation. Il a donné deux explications principales à ces comportements : le retour à l'emploi constitue une première étape dans un parcours professionnel pouvant à l'avenir être plus favorable et la valorisation sociale attachée à l'exercice d'une activité professionnelle est bien réelle. Il a, en outre, précisé qu'un certain nombre d'obstacles financiers au retour à l'emploi avaient été levés ces dernières années, citant notamment la réforme de la taxe d'habitation, le reprofilage des allocations logement et la création de la prime pour l'emploi, même s'il a reconnu que certains obstacles demeuraient comme par exemple le bénéfice de la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire pour les bénéficiaires des minima sociaux.

S'agissant des politiques d'intéressement, il a indiqué qu'aucun bilan n'était disponible en France en l'absence d'évaluation. Il a toutefois précisé que les évaluations menées aux Etats-Unis sur des politiques similaires concluaient à un bilan positif, même si la durabilité du retour à l'emploi des personnes les plus fragiles restait incertaine.

S'agissant de l'accompagnement dans l'accès à l'emploi, il a insisté sur deux exemples étrangers pouvant apparaître comme autant de « bonnes pratiques » : les Pays-Bas, où la gestion de l'ensemble des minima sociaux et des dispositifs d'insertion est centralisée au sein d'une même agence communale et le Royaume-Uni, où l'accompagnement personnalisé ne s'arrête pas au jour du retour à l'emploi, mais se prolonge quelques mois au-delà.

M. André Lardeux a souligné que la législation réglait déjà la question des recours pour les décisions de suspension de l'allocation par le biais du recours juridictionnel de droit commun. Il a souligné la diversité des politiques d'insertion menées par les départements. Il s'est interrogé sur la pertinence d'une limitation à 20 heures hebdomadaires de la durée du contrat RMA et s'est demandé si le taux de consommation des crédits départementaux d'insertion constituait un paramètre permettant d'évaluer l'efficacité de la politique d'insertion.

M. Alain Gournac s'est félicité de la décentralisation du RMI en estimant que la conduite de la politique d'insertion au plus près du terrain permettrait de renforcer son efficacité. Il a rappelé que le bénéfice de l'allocation impliquait des droits mais aussi des devoirs. Il a enfin insisté sur l'importance du tutorat.

M. Roland Muzeau , après avoir regretté la précipitation dans laquelle le Parlement était amené à examiner le projet de loi, a souligné la pertinence de l'exposé de M. Michel Dollé et a déclaré partager ses interrogations. Il a souhaité recueillir son opinion sur l'évolution du RMI et son impact sur les parcours des allocataires.

Revenant sur l'exemple des Etats-Unis, M. Guy Fischer a exprimé la crainte que la décentralisation du RMI ne fragilise les conditions d'exercice de la solidarité nationale.

Revenant sur le débat sur les droits et devoirs, M. Michel Dollé s'est déclaré favorable à l'inscription des bénéficiaires du RMI à l'ANPE, ce qui impliquait l'obligation de recherche d'emploi.

S'agissant du rôle respectif de l'État et du département, il a considéré que le cumul des responsabilités n'était pas satisfaisant. Il a jugé souhaitable de confier la responsabilité du dispositif à un seul partenaire, mais a estimé nécessaire que l'État conserve un pouvoir de contrôle réel. Sur ce point, il a estimé que les dispositions du projet de loi étaient sans doute insuffisantes.

S'agissant de la diversité des politiques départementales d'insertion, il a rappelé que les critiques formulées, et notamment celles de la Cour des comptes, ne concernaient pas seulement le taux de consommation des crédits d'insertion souvent trop faible, mais plus largement l'efficacité globale de ces politiques.

S'agissant de la récente réforme intervenue aux Etats-Unis, il a exprimé son désaccord avec son contenu mais a insisté sur l'exemplarité du dispositif de contrôle et d'évaluation qui l'accompagnait.

S'agissant enfin du tutorat et de l'accompagnement, il a estimé qu'il s'agissait souvent d'une condition fondamentale pour un retour durable à l'emploi, mais que les pratiques restaient souvent trop limitées dans ce domaine. Il a notamment observé que les dispositifs d'accompagnement bénéficiaient le plus souvent aux personnes les plus proches de l'emploi, alors même qu'ils devraient concerner en priorité les personnes les plus en difficulté.

D. AUDITION DE M. JEAN-PIERRE DUPONT, VICE-PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE DES DÉPARTEMENTS DE FRANCE (ADF), PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL DE LA CORRÈZE (MERCREDI 14 MAI 2003)

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Dupont, vice-président de l'Assemblée des départements de France (ADF), président du conseil général de la Corrèze .

A titre liminaire, M. Jean-Pierre Dupont a rappelé les principales données chiffrées sur le RMI. Il a observé que le nombre d'allocataires s'élevait à 1.084.000 personnes à la date du 20 juin 2002. Il a noté que les sorties du dispositif concernaient essentiellement les jeunes de moins de 30 ans et a souligné que la classe d'âge des 50/59 ans était caractérisée par une forte augmentation de ses effectifs. Il a constaté que les différents départements connaissaient des situations très différentes et que certains, notamment ceux comprenant de grandes métropoles, affichaient un nombre d'allocataires très élevé.

M. Jean-Pierre Dupont a ensuite développé les enjeux du projet de loi. Il a observé que l'architecture de base du RMI n'était pas affectée, car l'allocation demeurait une prestation de solidarité nationale. Il a noté, a contrario, la suppression du copilotage entre l'État et les départements sur le volet insertion de la prestation.

Il a fait référence à plusieurs avancées que ce projet de loi comporte pour les conseils généraux : la présidence effective de la commission départementale d'insertion, ainsi que la définition du programme départemental d'insertion. Il a également évoqué la possibilité de fixer plus librement les limites géographiques des commissions locales d'insertion, dont le caractère consultatif a été affirmé.

Il a souligné que l'un des enjeux principaux résidait dans la question de l'obligation, au titre de l'insertion, d'inscrire au budget des départements un montant égal à 17 % des allocations versées l'année précédente. Il a déclaré que le Premier ministre avait, en définitive, choisi de maintenir cette disposition afin de rassurer les personnes craignant que la décentralisation ne puisse se traduire par une baisse des dépenses consacrées à l'insertion. Il a estimé que cette question sera examinée attentivement à l'occasion des débats parlementaires.

M. Jean-Pierre Dupont a mis en avant les aspects du projet de loi qui restent à clarifier. Pour qualifier le rôle nouveau du département, il a préféré les termes de « chef de file » à ceux de « pilote unique » du RMI/RMA. Il a mentionné, à ce titre, la possibilité de s'appuyer sur les caisses d'allocations familiales (CAF) et sur les caisses de mutualité sociale agricole (CMSA) suivant des modalités qui restent à déterminer. S'agissant de l'instruction des dossiers de RMI, il s'est prononcé en faveur de la compétence des départements.

Il a relevé le caractère imprécis du transfert de ressources qui doit accompagner ce transfert de charges et de compétences. Il a insisté sur la nécessité de savoir quel serait le mode de compensation et quel impôt serait transféré.

Il a considéré que la prise en compte éventuelle des frais de gestion par les caisses d'allocations familiales devrait faire l'objet d'une discussion avec les conseils généraux et serait réglée par la voie du conventionnement.

S'agissant du RMA, il s'est prononcé en faveur d'une dynamique visant à renforcer l'accès à l'emploi, tout en reconnaissant que la probabilité de voir des bénéficiaires du RMA revenir au RMI à l'issue de la période de 18 mois était élevée. Il a ajouté qu'il semblait souhaitable d'étendre l'accès du RMA aux allocataires depuis plus d'un an au RMI, et non de deux ans, comme le prévoit le projet de loi. Il a estimé que les conseils généraux devaient se voir confier pleinement la tâche de contrôler le RMI/RMA et devaient assurer le suivi individualisé des bénéficiaires.

Rappelant la demande de l'ADF d'une compensation des charges liées au RMI par le transfert d'une part de CSG, M. Bernard Seillier, rapporteur, s'est interrogé sur les conditions financières de la décentralisation de l'allocation et notamment sur l'évolution de la part de l'impôt qui serait transférée aux départements.

M. Jean-Pierre Dupont a observé que la compensation financière des charges créées pour le département par la décentralisation du RMI demandait d'abord une première étape d'évaluation de son coût total. Il a estimé qu'une réflexion devait également être engagée sur les termes d'une alternative entre un financement par la dotation budgétaire et un financement par l'impôt, ainsi que sur les critères de répartition de cette nouvelle ressource et son éventuelle péréquation. Il a indiqué que la part d'impôt transférée pourrait être fixée en fonction du coût moyen du RMI sur les cinq dernières années. Il a, par ailleurs, fait part de son inquiétude quant à une remise en cause, à chaque loi de finances, du périmètre de la compensation. Il a donc estimé que le transfert du RMI pourrait être financé, s'agissant de l'allocation, par une dotation budgétaire et, concernant le volet insertion, par une part de CSG.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a demandé des précisions sur la manière dont l'ADF concevait les relations des départements avec les services instructeurs et payeurs de l'allocation. Il s'est inquiété des risques de dérapage des dépenses d'allocation qui pourraient être occasionnés par le conventionnement des caisses d'allocations familiales et des caisses de la mutualité sociale agricole en l'absence d'un contrôle adéquat.

Répondant à ces inquiétudes, M. Jean-Pierre Dupont a souligné la nécessité d'adapter les conventions aux spécificités de la population locale. Il a indiqué qu'il reviendrait à chaque département de fixer les conditions d'instruction et de service de l'allocation en fonction de ces spécificités.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a ensuite fait observer la faible incitation au partenariat qui résultait de la réduction des compétences des CDI et des CLI. Il a souligné que les associations regrettaient notamment la logique descendante qui prévalait pour l'élaboration des programmes départementaux d'insertion.

M. Jean-Pierre Dupont a reconnu que la collaboration avec les associations était indispensable et il a assuré que celles-ci resteraient des interlocuteurs privilégiés, notamment pour la conception de ces programmes d'insertion.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a souligné que le projet de loi confiait aux départements une compétence nouvelle dans le domaine de la politique de l'emploi en les chargeant de piloter et d'assurer l'accompagnement du contrat d'insertion-RMA. Il s'est alors interrogé sur l'articulation entre cette politique en faveur du retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI et les autres volets de la politique de l'emploi qui restent de la compétence de l'État.

M. Jean-Pierre Dupont a précisé que la responsabilité de l'accompagnement des allocataires du RMI vers l'emploi se répartirait entre l'État et le département en fonction du type de contrat, et que s'agissant du RMA, sa mise en oeuvre passerait par une contractualisation avec les employeurs.

M. Gilbert Chabroux a regretté la précipitation et le manque de concertation dans lesquels la réforme s'était engagée. S'agissant tant de l'instruction des demandes que des actions d'insertion, il s'est interrogé sur la place qui serait réservée aux centres communaux d'action sociale (CCAS) et sur l'éventualité d'une rémunération de leurs services.

M. Jean-Pierre Dupont a indiqué que le rôle des CCAS serait un rôle de veille et de collaboration, mais il a insisté sur la nécessité d'un véritable pilotage par le département et donc d'une instruction, à titre principal, par les services sociaux départementaux, sous réserve de conventionnements passés avec d'autres organismes. Il a estimé, par ailleurs, que la réforme avait fait l'objet d'une concertation satisfaisante au niveau de l'ADF, car celle-ci avait pu être consultée et avait pu faire valoir son point de vue auprès du ministre.

M. Nicolas About, président, s'est demandé si les départements seraient intéressés au résultat de l'insertion ou si les économies, résultant d'une politique efficace d'insertion des bénéficiaires du RMI, seraient neutralisées.

M. Jean-Pierre Dupont a reconnu que les départements devraient rendre des comptes sur les résultats de la politique d'insertion. Il a toutefois considéré que le maintien de l'inscription d'un crédit obligatoire d'insertion aurait pour conséquence de les déresponsabiliser. Il a indiqué qu'il demanderait au Gouvernement leur suppression, estimant que la crainte des associations de voir baisser les crédits consacrés à l'insertion était injustifiée.

M. Roland Muzeau a fait part de ses interrogations quant aux critères d'évolution de la ressource accordée aux départements.

M. André Lardeux s'est, lui aussi, inquiété de l'imprécision du projet de loi en matière de financement. Il a rappelé qu'on avait déjà transféré un impôt, la vignette, pour financer l'aide sociale départementale, mais qu'on l'avait ensuite abolie. Il a, par ailleurs, souligné que la suppression des crédits obligatoires d'insertion, loin de réduire les crédits consacrés à l'insertion, responsabiliserait davantage les départements. Il a enfin demandé des précisions sur le maintien, ou non, des reports de crédits obligatoires d'insertion dans le cadre de la décentralisation.

M. Bernard Cazeau a constaté la présence d'un noyau dur d'allocataires du RMI pour lesquels aucune action d'insertion ne paraissait efficace. Il a fait part de son sentiment d'un désengagement de l'État, tant de l'insertion de ces publics difficiles que du financement de l'allocation.

M. Alain Gournac a insisté sur la nécessité de poursuivre à titre de transition les actions de tutorat auprès des bénéficiaires qui retrouvent un emploi et il a plaidé pour un recrutement de qualité de ces tuteurs.

En réponse, M. Jean-Pierre Dupont a indiqué que la répartition de la ressource fiscale devrait prendre en compte à la fois le nombre d'allocataires résidant dans le département et les impératifs de péréquation en fonction du potentiel fiscal. Il a précisé que la règle des reports de crédits d'insertion restait en l'état, dans le cadre du projet de loi déposé. S'agissant enfin du tutorat, il a souligné que chaque contrat passé entre le département et l'employeur ferait l'objet d'un suivi afin d'apprécier l'effectivité des actions de tutorat et de formation prévues dans la convention.

A N N E X E S

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

Etude d'impact

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR

• M. Gilbert Lagouanelle , directeur de l'action institutionnelle au Secours catholique

• M. Martin Hirsch , président d'Emmaüs France

• M. Jean-François Veysset , vice-président chargé des affaires sociales, M. Georges Tissié , directeur des affaires sociales, à la CG-PME

• M. Jean-Paul Heliot , président, Mme Brigitte OGEE, secrétaire générale, du Comité national des entreprises d'insertion (CNEI)

• M. Jean-Louis Sanchez , délégué général de l'Observatoire de l'action sociale décentralisée (ODAS)

• M. Jacques Rastoul , secrétaire confédéral, Mme Marie-Jo Charon , de la CFDT

• M. Daniel Zielinski , délégué général de l'Union nationale des centres communaux d'actions sociales (UNCASS)

• M. Jean-Marc Icard , secrétaire national chargé du pôle emploi de la CFE-CGC

• M. Bruno Dulac , volontaire permanent d'ATD-Quart Monde

• M. Julien Lauprêtre , président, Mme Jacqueline Merigot , secrétaire nationale, responsable de la solidarité en France, du Secours populaire

• M. Michel Bernard , directeur général, Mme Dominique Vernaudon-Prat , chef du département des politiques d'interventions de l'ANPE

• M. Michel Moise-Mijon , conseiller chargé de la protection sociale, Mme Bernadette Caliskan , conseillère technique, de la CFTC

• M. Jean-Paul Peneau , directeur général de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réadaptation sociale (FNARS)

• M. Dominique Tellier , directeur des relations du travail, Mme Catherine Martin , directeur de l'emploi, M. Jean-Pierre Philibert , directeur des relations avec les pouvoirs publics, du mouvement des entreprises de France (MEDEF)

• M. Claude Alphandery , président du Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE)

• Mme Jeannette Gros , présidente, M. Yves Humez , directeur général de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA)

• M. Hubert Allier , directeur général, M. Bruno Groues , conseiller technique, de l'Union nationale interfédérale des oeuvres privées sanitaires et sociales (UNIOPSS)

• M. Jean-Claude Mallet , secrétaire confédéral chargé de la protection sociale, M. Arnaud Breuil , assistant confédéral en charge de la branche famille, de la CGT-FO

• M. Jean-Baptiste de Foucauld , membre du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE)

• M. Guy Laroque , directeur des études et synthèses économiques de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE)

• M. Michel Thierry , M. Jérôme Guedj , membres de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS)

• Mme Monique Descoins , responsable de l'activité protection sociale, Mme Jacqueline Farache , administratrice à la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), de la CGT

• M. Georges Arhiman , vice-président, responsable de l'association de chômeurs de l'île de la Réunion, Mlle Zalie Mansoibou , membre du conseil d'administration, responsable de l'association de chômeurs et précaires de Paris, Mouvement national des chômeurs et précaires, (MNCP)

ÉTUDE D'IMPACT

I. PRESENTATION DE LA MESURE NOUVELLE

a) Décentralisation du RMI

Dans la situation actuelle, l'Etat est responsable en matière d'allocation de revenu minimum d'insertion (RMI) et le volet insertion du RMI est copiloté par l'Etat et le département.

Désormais, dans un cadre législatif et réglementaire unique fixant les conditions d'attribution et le barème de l'allocation de RMI - comme pour tout dispositif d'aide sociale légale -, la charge de la dépense correspondante et les compétences relatives aux décisions individuelles d'attribution, de renouvellement et de suspension du versement de l'allocation sont transférées de l'Etat au département.

Concernant le volet insertion, l'organisation et le pilotage du dispositif d'insertion des allocataires sont placés sous la responsabilité complète du département.

Les avantages attendus résident dans la simplicité et la lisibilité du nouveau dispositif grâce à la réduction du nombre d'interlocuteurs des allocataires (les DDASS n'intervenant plus sur les situations individuelles) et à la clarification des responsabilités.

Par ailleurs, la charge de l'allocation et le pilotage du dispositif d'insertion étant confiés à la même collectivité, il est attendu une plus grande efficience du dispositif d'insertion permettant d'accroître les sorties du RMI.

Parallèlement, le rôle de l'Etat se concentre sur son rôle régalien et ses missions normatives, de suivi et d'évaluation qui sont déjà les siennes. La mission d'évaluation doit s'appuyer sur des outils informatifs juridiquement et techniquement confortés, qui s'appuient notamment sur les réseaux nationaux des caisses de la branche famille, confirmées dans leur rôle d'opérateurs de la gestion de l'allocation.

b) Création d'un RMA

La création d'un revenu minimum d'activité (RMA) permet aux conseils généraux d'activer les dépenses passives de l'allocation de revenu minimum d'insertion et renforce donc les résultats positifs attendus de la décentralisation du dispositif RMI, en même temps qu'elle permet de développer l'offre d'insertion des allocataires du revenu minimum d'insertion. La plupart d'entre eux souhaitent travailler, mais beaucoup, en particulier ceux qui n'ont pas occupé d'emploi depuis longtemps, voire n'en ont jamais occupé, ne sont pas d'emblée prêts à entrer directement sur le marché du travail dans des conditions ordinaires.

Le RMA constituera pour eux un dispositif d'insertion sociale et professionnelle, dont les conseils généraux, responsables du RMI, seront les pilotes. Il apportera à ses bénéficiaires un contrat de travail, assorti d'un revenu incitatif plus favorable que l'allocation de revenu minimum d'insertion, mais non désincitatif à la prise d'un emploi ordinaire.

Pour les employeurs, ce contrat de travail aura un coût peu élevé, justifié par le caractère spécifique de l'emploi constitué d'au moins autant de réentraînement que de productivité.

Le RMA est destiné à faciliter l'insertion professionnelle des allocataires du RMI en leur permettant de renouer un lien social et de leur donner une place au sein de la collectivité, ainsi qu'à leur proposer une activité rémunérée susceptible de rétablir leur autonomie personnelle et leur utilité sociale plutôt que de les maintenir dans la dépendance d'une allocation.

Le RMA prend appui sur un contrat de travail spécifique à durée déterminée de six mois en moyenne renouvelable deux fois dans la limite de dix-huit mois. Il n'a pas vocation à se substituer aux dispositifs actuels de la politique de l'emploi et notamment aux contrats aidés du secteur marchand et non marchand.

Le bénéficiaire du RMA exerce une activité à temps partiel de 20 heures par semaine (87 heures par mois). Le RMA est versé par l'employeur. Son niveau mensuel est égal à 87 fois le SMIC horaire, soit 594,21 € pour un SMIC brut horaire de 6,83 €. L'employeur reçoit du département une aide dont le montant est égal au montant du plafond du RMI garanti pour un allocataire isolé après abattement du forfait logement, soit 362,30 €. L'assiette des cotisations et contributions sociales d'origine légale et conventionnelle est égale à la différence entre le RMA et l'aide du département, soit 231,91 €. Le bénéficiaire perçoit donc un RMA net de cotisations de sécurité sociale de 545 €. Dans le secteur non marchand, l'employeur est exonéré des cotisations patronales de sécurité sociale. Cette exonération est compensée par le budget de l'Etat.

Le cas échéant, le RMI continue d'être versé aux personnes bénéficiaires d'un CI-RMA, pour un montant égal à celui qui résulterait de l'application du barème de l'allocation, diminué du montant de l'aide à l'employeur. De la sorte, le cumul RMI-RMA garantit que cette reprise d'activité est financièrement attractive, même lorsque le bénéficiaire perçoit le RMI pour les autres membres du foyer.

II. ANALYSE DE L'IMPACT JURIDIQUE ET ADMINISTRATIF MODIFICATION JURIDIQUES NECESSAIRES

Modifications juridiques nécessaires

a) Décentralisation du RMI

Les principes de la décentralisation sont fixés par la loi, qui modifie le code de l'action sociale et des familles (notamment, dispositions introduites par la loi n° 88-1088 du 1 er décembre 1988 modifiée relative au revenu minimum d'insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et professionnelle).

La loi ne modifie pas la répartition des compétences en ce qui concerne le barème de l'allocation de revenu minimum d'attribution et ses conditions d'attribution, dont la fixation continue de relever de la compétence de l'Etat, dans le cadre de son pouvoir réglementaire.

Au-delà, la gestion du dispositif est effectuée sous la responsabilité du département qui passe des conventions à cet effet avec les opérateurs de l'allocation (CAF, CMSA) et de l'insertion (ANPE, associations, entreprises, autres collectivités au titre de leurs compétences respectives - communes et EPCI - pour assurer la fonction de suivi des personnes référents, voire pour gérer la politique locale d'insertion, régions pour les jeunes et la formation professionnelle, Etat au titre des mesures emploi), avec des marges de manoeuvre accrues : possibilité de déléguer complètement aux organismes payeurs les décisions individuelles liées à l'allocation à l'exception des décisions de suspension du versement de l'allocation, réorganisation du dispositif institutionnel d'insertion (CDI, CLI) sous la direction du seul département dans un cadre législatif plus ouvert concernant notamment la composition du CDI et des CLI.

Dans de rares cas, principalement pour le service de l'allocation, les conventions de coopération que le département pourra conclure avec ses partenaires seront encadrées par des règles générales fixées par décret, ce pour assurer une unité de traitement des usagers.

C'est le conseil général qui élabore et adopte le programme départemental d'insertion qu'il met en oeuvre avec le concours des autres collectivités avec lesquelles il aura passé convention ainsi que de ses partenaires économiques et sociaux.

Globalement le choix est de donner toutes les marges de manoeuvre possibles au département, dans le cadre d'un dispositif qui doit assurer à ses bénéficiaires des droits égaux sur l'ensemble du territoire.

Le texte est applicable aux DOM et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le respect de leur organisation spécifique qui est préservée pour tenir compte de l'existence des agences départementales d'insertion dans les DOM et de la commission territoriale d'insertion en substitution au conseil départemental d'insertion à Saint-Pierre-et-Miquelon, où par ailleurs les missions dévolues aux CAF sont confiées à la caisse de prévoyance sociale.

b) Création d'un RMA

Les mesures de la politique de l'emploi sont orientées sur l'accès ou le retour à l'emploi ou à une formation des populations les plus éloignées de l'emploi. Elles concernent directement les bénéficiaires de minima sociaux dont le RMI. Ces mesures figurant au livre 3 (placement et emploi) du code du travail sont les suivantes :

- Article L. 322-4-1 : prise en charge par l'Etat des frais de formation et des dépenses afférentes à la rémunération et à la protection sociale des stagiaires ;

- Article L. 322-4-2 : contrat initiative emploi ;

- Article L. 322-4-7 : contrat emploi solidarité ;

- Article L. 322-4-8-1 contrat emploi consolidé ;

- Article L. 322-4-16 : insertion par l'activité économique ;

- Article L. 322-4-17 : accompagnement social pour faciliter l'accès ou le maintien dans l'emploi.

Toutefois la diversité des publics entrant dans le RMI nécessite de compléter la gamme des outils pour les personnes connaissant un cumul de difficultés sociales et professionnelles. Le dispositif juridique complète également les dispositions relatives à l'intéressement et à la prime pour l'emploi.

Le support juridique est la loi de décentralisation du RMI qui porte création d'un revenu minimum d'activité donnant lieu à la création d'un contrat de travail spécifique inséré dans le code du travail.

Les modifications apportées à l'état du droit concernent :

- La création d'un nouveau contrat caractérisé par un parcours d'insertion fondé sur l'évolution de la participation du salarié à l'activité de l'établissement chargé d'assurer son encadrement et son insertion professionnelle grâce à des actions d'accueil, d'orientation, de suivi, d'accompagnement et de formation. Le parcours d'insertion est destiné à conduire le bénéficiaire à élaborer un projet professionnel et à préparer son retour à l'emploi dans les conditions ordinaires du marché.

- La création d'un revenu minimum d'activité dont le montant est établi au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance. Le revenu minimum d'activité est versé par l'employeur qui perçoit une aide du département constituée d'un montant équivalant à celui de l'allocation de revenu minimum d'insertion pour un personne isolée. Elle permet ainsi l'activation des dépenses de l'aide sociale dans le cadre d'une activité salariée. Les cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle sont assises sur la fraction du RMA restant à la charge de l'employeur.

La loi distingue deux catégories d'employeurs :

- Les employeurs du secteur non marchand, dont le champ est identique à celui des employeurs des contrats aidés du type CES ou CEC (à l'exception des services du département), qui bénéficient de l'exonération de cotisations sociales patronales : ils bénéficient d'une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale. Celle exonération est compensée par le budget de l'Etat ;

- Les employeurs du secteur marchand.

Portée des modifications apportées à l'état du droit

Les caractéristiques juridiques sont liées à la spécificité du contrat qui constitue une innovation en la matière : le RMA constitue une extension du RMI en ce sens qu'il crée une articulation entre une prestation de solidarité et un revenu de travail pour des allocataires très éloignés de l'emploi et qui conservent à ce titre les droits connexes attachés au RMI. Toutefois le revenu du bénéficiaire est conforme au taux du SMIC.

Exposé des différentes solutions possibles et motifs de la solution retenue

Le dispositif de création du RMA permet de compléter la gamme des outils de la politique de lutte contre les exclusions et de l'emploi aux côtés des dispositifs du CIE, du CQA, du SAE dans le secteur marchand et des CES et CEC dans le secteur non marchand.

L'articulation entre une prestation de solidarité et un revenu de travail ne prend pas comme support les dispositifs existants de la politique de l'emploi dans la mesure où le RMA n'a pas vocation à se substituer aux contrats aidés qui relèvent de la politique de l'emploi et donc de l'Etat. Le RMA constitue une étape dans un parcours d'insertion devant conduire soit directement à l'emploi dans les conditions ordinaires du marché du travail soit à une formation ou un contrat aidé dans le secteur marchand ou dans le secteur non marchand en fonction du projet professionnel de la personne en insertion.

Il se distingue des dispositifs d'intéressement prévus dans le cadre de la reprise d'activité par la neutralisation des sommes perçues au titre du complément de revenu versé par l'employeur. Celles-ci n'entrent pas dans la base de ressources destinée au calcul du RMI lors des déclarations trimestrielles de ressources et ce durant la durée du RMA.

Dispositif juridique

Dispositif juridique législatif : la loi crée dans le code du travail un contrat de travail à durée déterminée pour les bénéficiaires du RMI et modifie les codes de l'action sociale et des familles et le code général des impôts pour introduire la notion de revenu minimum d'activité.

Dispositif juridique réglementaire : il vise à définir les conditions d'accès au dispositif, de détermination du revenu minimum d'activité notamment en cas de suspension, les modalités de versement, de suspension, d'annulation et de reversement de l'aide ainsi que les modalités de coordination :

- entre les services du département et de l'Etat ;

- entre les opérateurs de l'action sociale et de l'emploi ;

- entre les collectivités territoriales (communes et EPCI, département, régions).

Application des dispositions outre-mer (conditions de l'application : adaptation, respect des procédures consultatives)

En sus des dispositions déjà existantes en métropole, un certain nombre de mesures figurant au livre 8 du code du travail (dispositions spécifiques aux départements d'outre-mer) concernent les bénéficiaires du RMI outre-mer : contrat d'accès à l'emploi (CAE, article L. 832-2), allocation de retour à l'activité (ARA, article L. 832-9) et du code de l'action sociale et des familles renvoyant aux articles L. 322-4-7 et suivants du code du travail : les contrats d'insertion par l'activité (CIA, article L. 522-8).

Les dispositions de création du RMA complètent le dispositif existant et sont applicables dans les départements d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon.

III. IMPACT DE LA MESURE : PRESENTATION DES EFFETS SOCIAUX ET ECONOMIQUES

Effets sociaux

Ils concernent principalement la création du RMA.

Impact des dispositions proposées sur la société au regard des principes démocratiques et républicains, de l'intérêt général et des intérêts particuliers en cause

Le RMA correspond à la mise en oeuvre du principe défini dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ». Au regard de l'objectif de la loi qui est d'assurer le retour progressif vers un travail de droit commun des personnes confrontées à des difficultés particulières, pour accéder à l'emploi dans les conditions de droit commun, la finalité est bien d'assurer par un dispositif spécifique d'insertion, complet et individualisé, l'effectivité du droit au travail égal pour tous.

L'activation des dépenses sociales dans le cadre du RMA vise à assurer une qualification professionnelle aux bénéficiaires du RMI dont l'ancienneté dans le dispositif contribue à faire du RMI une trappe d'inactivité dans laquelle s'enferment des personnes qui n'ont pas les moyens d'occuper un emploi ordinaire. Il s'agit bien d'un dispositif de réinsertion sociale et professionnelle.

L'accès au dispositif donne lieu à une égalité de traitement entre tous les bénéficiaires, quels que soient le montant de l'allocation versée et la composition du foyer. En effet, le montant de l'allocation de RMI transformée en RMA est fixé en référence à un montant identique pour tous sur la base de l'allocation versée à une personne isolée après abattement du forfait logement (soit 362.30 € au 1 er janvier 2003). Au-delà de ce montant, le montant du RMI fixé en fonction du nombre de personnes par foyer n'est pas intégré dans le calcul du RMA et reste versé par les CAF ou les CMSA.

Amélioration en termes de bien-être social

Le RMA contribue à recréer un lien social autour de la personne en insertion par une réadaptation progressive aux rythmes et aux contraintes de la reprise d'activité en milieu de travail et en permettant par une durée de contrat adaptée à son degré d'intégration et de productivité de lui conférer un sentiment de sécurité et de stabilité dans l'emploi.

La protection sociale (maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles) d'un bénéficiaire du RMA est plus avantageuse que celle d'un salarié de droit commun.

En effet, d'une part, le bénéficiaire du RMA conserve les droits qui lui étaient garantis au titre du RMI (régime de base et régime complémentaire de la couverture maladie universelle).

D'autre part, le bénéficiaire du RMA bénéficie de la part de l'employeur du maintien intégral de son salaire dès le premier jour de congé, au lieu du onzième jour dans le droit commun.

Effets économiques

Effets micro-économiques et macro-économiques des mesures proposées

a) Décentralisation du RMI

La décentralisation en tant que telle n'a pas d'impact direct sur l'emploi des bénéficiaires du RMI. Toutefois plusieurs dispositions visent à inciter l'allocataire à prendre une part plus active à son parcours d'insertion (responsabilisation accrue dans le processus de contractualisation) et à mettre l'accent sur l'insertion professionnelle à laquelle une priorité est donnée dans le contenu du contrat d'insertion. Cette orientation est favorisée par la création du revenu minimum d'activité.

b) Création d'un RMA

L'impact sur l'emploi du RMA est déterminé en fonction de la mobilisation des acteurs (services d'action sociale du département, service public de l'emploi, employeurs, organismes agréés d'action sociale et de formation) autour de la construction du parcours d'insertion dont bénéficie la personne bénéficiaire du RMA.

Outre les effets directs du RMA sur la situation globale de l'emploi, la réduction des difficultés d'accès à l'emploi des bénéficiaires grâce à ce parcours permettra d'améliorer leur employabilité, donc leurs chances d'accéder à un autre contrat de travail, aidé ou non.

Les effets de substitution entre embauches aidées et non aidées et entre le RMA et les autres mesures en faveur de l'emploi marchand et non marchand sont évités en raison :

- du ciblage sur des publics confrontés à des difficultés d'accès à l'emploi et dont la situation a fait l'objet d'un diagnostic social et professionnel par les organismes agréés d'action sociale, les services d'action sociale du département et du service public de l'emploi, notamment au regard de la qualification, de l'expérience professionnelle et des difficultés sociales et professionnelles rencontrées par la personne ;

- des conditions de durée pendant une période relativement courte (18 mois au maximum) et dont le renouvellement est encadré sur la base d'un réexamen périodique par les services chargés de la prescription de la mesure ;

- des conditions d'éligibilité des employeurs dont le versement de l'aide est subordonné à l'engagement de mettre en oeuvre un parcours d'insertion dont le contenu est déterminé avec le département.

L'impact sur le chômage tient compte d'effets d'appel sur la population inactive. Les effets macro-économiques sur le chômage peuvent être analysés de la manière suivante :

Actuellement il ne semble pas y avoir de différence notable dans les processus de sortie du chômage entre des personnes comparables dont la seule différence proviendrait du fait de bénéficier ou non du RMI. Avec le RMA un nouvel outil sera disponible et permettra d'appuyer plus intensément le processus de retour à l'emploi des bénéficiaires de RMI. Il est actuellement prématuré d'identifier les impacts d'un tel dispositif dans la mesure où les conditions de mobilisation des acteurs de l'insertion autour de la mise en oeuvre des parcours d'insertion détermineront son efficacité. A ce stade les CI-RMA semblent assez similaires aux CES lorsque l'employeur relève du non-marchand. Il pourrait donc avoir des effets similaires, son coefficient chômage serait de 72, ce qui s'analyse comme suit: 100 personnes présentes en RMA chez un employeurs non-marchand correspondent à 90 emplois supplémentaires (et à 72 chômeurs évités compte tenu d'un effet d'appel de 80%).

Dans le secteur marchand, l'effet emploi dépend de la baisse du coût du travail, on estime que l'élasticité de l'emploi au coût du travail est de l'ordre de 0,6. Le salaire chargé versé par l'employeur sera environ 50 % plus faible qu'en l'absence de RMA, mais deux types de causes non monétaires viendront alourdir le coût du travail : d'une part l'organisation du parcours d'insertion et la formation, d'autre part le fait que les publics choisis seront moins productifs que d'autres personnes.

L'économie générale du dispositif met en relief l'importance et le coût des engagements des entreprises. En effet, il ne serait pas justifié de les faire accéder à ce type de mesures sans réelle contrepartie de leur part à travers la construction d'un parcours d'insertion efficace qui a un prix. Le RMA ne peut pas se limiter à un accès pour les entreprises à de la main d'oeuvre moins chère puisque dès lors l'emploi de l'ensemble des salariés actuels serait fragilisé et l'effet global de la mesure diminuerait fortement.

Ainsi, compte tenu des coûts autres que salariaux supportés, la mesure pourrait aboutir à une diminution d'environ 50% du coût du travail supporté par les entreprises et il en résulterait un effet emploi d'environ 30% et un coefficient chômage de 25%, ce qui s'analyse comme suit : 100 personnes présentes en RMA chez un employeur marchand correspondent à 30 emplois supplémentaires (et à 25 chômeurs évités compte tenu d'un effet d'appel de 80%).

Définition du rythme de réalisation et phases éventuelles

La mesure est destinée à être mise en oeuvre au 1er janvier 2004. Les phases éventuelles de mise en oeuvre sont fonction :

- du transfert des moyens financiers aux conseils généraux pour assurer le pilotage et l'animation du dispositif,

- de la mise en oeuvre des systèmes de gestion, d'information et de paiement entre le conseil général et les opérateurs délégués (CAF, CMSA) chargés du paiement de l'allocation, les services de l'Etat, l'ANPE, les URSSAF et les employeurs.

Identification des bénéficiaires de la mesure

Le public cible pour le RMA représente parmi une population hétérogène, dont la situation résulte du cumul de plusieurs difficultés et pas seulement vis à vis de l'emploi, environ 50% des allocataires du RMI (500 000).

Par rapport aux autres outils de la politique de l'emploi, le RMA vise plus particulièrement un groupe rassemblant des personnes confrontées à des difficultés (plus âgés que la moyenne des allocataires du RMI, avec un niveau de qualification faible), mais qui cherchent à s'insérer socialement et professionnellement.

Les populations de bénéficiaires non ciblées par la mesure concernent :

- des individus très désocialisés et éloignés de l'emploi relevant prioritairement de l'insertion sociale ;

- des individus plus jeunes et diplômés que la moyenne rencontrant moins de difficultés sociales ayant précédemment connu des périodes d'emploi souvent sous contrat aidé mais nécessitant une insertion professionnelle. Ces personnes relèvent des autres mesures de la politique de l'emploi (CIE, CES-CEC...) ;

- des personnes connaissant peu de difficultés sociales, proches de l'emploi ordinaire, n'ayant pas a priori besoin d'accompagnement pour regagner le marché du travail.

Les bénéficiaires de la mesure sont identifiés comme les allocataires :

présentant des difficultés d'accès à l'emploi, au vu d'un diagnostic individualisé effectué par les services sociaux et de l'emploi ;

bénéficiaires du RMI depuis au moins deux ans durant les trois dernières années. La condition de durée est destinée à empêcher d'éventuels effets d'appel ou de substitution.

IV. EFFETS ADMINISTRATIFS : ORGANISATION ADMINISTRATIVE ET CIRCUITS

Capacité des autorités publiques (Etat et collectivités locales) à mettre en oeuvre les nouvelles normes

Impact en termes de formalités administratives

a) Décentralisation du RMI

Le département devient le responsable unique pour l'allocation et le volet insertion du RMI, soit un système simplifié, plus lisible pour l'usager.

Dès l'entrée dans le dispositif, le président du conseil général désigne un référent qui suivra le bénéficiaire.

Par ailleurs les CAF et CMSA continuent à verser l'allocation, ce qui facilite la transition d'un système à un autre et garantit une certaine qualité de service.

Le projet de loi prévoit en outre qu'une information complète est délivrée aux demandeurs de RMI sur leurs droits et devoirs.

En outre, l'intervention des commissions locales d'insertion sur les situations individuelles n'est maintenue que lorsqu'une suspension du versement de l'allocation est envisagée, de façon à améliorer la lisibilité du dispositif.

Il est également proposé qu'un certain nombre de mesures d'accès à l'emploi (tel le CI-RMA) ou de prestations comportant un accompagnement personnalisé puissent désormais valoir par elles-mêmes contrat d'insertion au sens du RMI. L'allègement des démarches, tant pour les usagers que pour les services sociaux, est donc certain.

Parallèlement, la mise en place prochaine du nouveau formulaire de demande de l'allocation de RMI constitue une simplification administrative tout en apportant l'ensemble des informations utiles aux services instructeurs. De ce fait, la démultiplication de modèles de formulaires sur le territoire ou la demande de pièces supplémentaires sont rendues inutiles.

b) Création d'un RMA

Le département est également pilote pour la mise en oeuvre du RMA : c'est lui, notamment, qui conventionne les employeurs, mais il est prévu que le service public de l'emploi lui apporte son concours aussi bien dans la connaissance des employeurs au titre des informations fournies sur leur situation concernant le versement des cotisations sociales, les licenciements économiques et leur capacité à encadrer une personne en insertion. La connaissance qu'a le service public de l'emploi des bassins d'emploi, de l'offre de formation et des employeurs peut favoriser la mise en relation entre les demandes d'emploi et les offres, notamment via l'ANPE et ses cotraitants.

Conséquences en termes de complexité de l'ordonnancement juridique

a) Décentralisation du RMI

Les mesures de recentrage des responsabilités, de clarification des rôles et de simplification des circuits prévues par le projet de loi aboutissent à une moindre complexité de l'ordonnancement juridique du dispositif, quel que soit le point de vue duquel on se place :

- pour l'usager, qui pourra mieux identifier les compétences de ses interlocuteurs ;

- pour le département, qui aura clairement le rôle de chef de file tant pour l'allocation que pour l'insertion ;

- pour ses partenaires, qui n'auront plus qu'un interlocuteur ;

- pour les services de l'Etat parce que, n'en étant plus copilotes, ils pourront mieux se consacrer à leurs missions de contrôle, de suivi et d'évaluation.

b) Création d'un RMA

La mise en oeuvre du RMA se fait dans le cadre de la loi de décentralisation du RMI, dont le pilotage sera confié aux conseils généraux, chefs de file en matière d'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du RMA.

Le RMA est un contrat de travail aidé de type nouveau et complète la gamme des emplois aidés existants. Cependant, la gamme des contrats aidés de l'Etat est concomitamment amenée à une reconfiguration des contrats emploi solidarité (CES) et contrats emploi consolidé (CEC) dans un nouveau dispositif unifié.

Les DOM conservent leur dispositif spécifique d'aides à l'emploi tout en complétant leur gamme d'outils par le CI-RMA.

Nombre d'autorités intervenant dans la procédure

Autorités

Compétences

Observations

Préfet (DDTEFP)

Possibilités de prospection des offres d'emploi dans le secteur non marchand

Informations des services du département sur la situation des employeurs en matière de licenciements

Articulation avec le service public de l'emploi dans le cadre des politiques territorialisées orientées vers les allocataires du RMI

ANPE (et cotraitants)

Prospection des offres d'emploi dans le secteur non marchand,

Traitement des offres RMA, Mise en relation avec les employeurs,

Orientation à l'entrée du dispositif et évaluation de la situation professionnelle du salarié en vue d'une réorientation en dehors du dispositif

URSSAF

Recouvrement et contrôle du versement des cotisations de sécurité sociale

ASSEDIC

établissement et vérification des cotisations d'assurance chômage

CAF / CMSA

Versement de l'allocation RMI

Recueil des informations relatives au RMA en vue d'établir les droits au RMI

Possibilité de versement de l'aide du département à l'employeur

Les CAF/CMSA continuent à assurer le versement du RMI aux bénéficiaires de CI-RMA

Conseil Général

Pilotage du dispositif d'insertion.

Impact en termes de simplification administrative

Le dispositif du RMA contribue à simplifier chez les bénéficiaires l'accès aux moyens incitatifs à la reprise d'une activité et aux effets consécutifs à leur inscription dans un parcours d'insertion.

Les simplifications visent à introduire davantage de rationalité dans l'information portée aux bénéficiaires du RMI et aux employeurs.

Le poids de la complexité administrative liée aux partenariats, aux systèmes d'information et de gestion ainsi qu'au montage et au développement de l'ingénierie d'accompagnement et de formation des bénéficiaires sera essentiellement supporté par le département. Cette complexité sera surmontée dans le cadre de la coordination entre le conseil général (conseil départemental d'insertion, CLI, référents) et les services de l'Etat (service public de l'emploi). Elle associera les représentants des autres collectivités territoriales.

L'intérêt en termes de gains pour la personne fait l'objet d'une étude par les services de la CAF ou de la CMSA au regard de la situation sociale et financière du foyer. L'intérêt du bénéficiaire à entrer dans le dispositif donne lieu à une simulation de ses revenus et à une information aux intéressés sur les droits sociaux qui lui sont ouverts avec le RMA.

La connaissance de la situation sociale, financière et professionnelle des bénéficiaires entrant dans le dispositif permet d'orienter uniquement ceux qui y ont intérêt. La nature des informations pouvant être communiquées aux commissions locales d'insertion par les CAF / CMSA fera l'objet d'une saisine préalable de la commission nationale informatique et libertés.

Le département dispose ainsi d'un outil de gestion et de pilotage lui permettant d'évaluer le potentiel de personnes susceptibles d'être orientées vers le dispositif et de maîtriser la gestion budgétaire et financière des versements effectués au titre du RMA (recouvrement pour indus, ajustement du versement du RMA en fonction des évolutions de ressources du foyer...).

Formalités administratives

Pour l'employeur :

- dépôt des offres d'emploi à l'ANPE ;

- convention initiale ou avenant avec le conseil général attestant des renseignements portant sur la nature du poste et des activités exercées les conditions d'accueil, d'accompagnement, d'encadrement et de formation. Un exemplaire de la convention est adressée au Préfet ( DDTEFP), aux ASSEDIC, à l'URSSAF, aux CAF ou CMSA, à la CLI et au bénéficiaire.

Pour le bénéficiaire :

- signature du formulaire de la demande, attestant des renseignements concernant son identité, son âge, sa situation au regard de l'emploi et de l'allocation de RMI ;

- déclaration trimestrielle de revenus faisant état des informations sur les sommes perçues au titre du RMA.

V. EFFETS BUDGETAIRES

a) Décentralisation du RMI

Le transfert des crédits représentatifs de l'allocation de RMI aux départements sera basé sur la dépense réelle de l'Etat pour 2003. Pour mémoire : 4, 4603 milliards € sont prévus sur le chapitre 46-83, article 20.

b) Création d'un RMA

Pour l'essentiel, le RMA constitue un redéploiement de dépenses passives en dépenses d'aides à l'emploi.

Pour l'Etat, le coût du RMA est égal à la compensation de l'exonération, dans le secteur non marchand, des cotisations patronales de sécurité sociale assises, pour chaque bénéficiaire du RMA, sur la différence entre le montant du RMA et l'aide versée par le département à l'employeur (263,23 € par employeur).

Hormis les coûts supportés relatifs à la décentralisation du RMI abondant le budget du conseil général consacré au RMI et au RMA, la mise en oeuvre du RMA répartit la charge sur plusieurs budgets : Etat, conseil général, employeurs, autres collectivités locales. Sur la base de 100 000 RMA par an, dont 70 000 dans le secteur non marchand et 30 000 pour le secteur marchand, le coût induit par le projet est le suivant (coût revenu minimum d'activité pour une personne et pour 100 000 bénéficiaires) :

Coût mensuel d'un contrat insertion
revenu minimum d'activité en fonction du SMIC

Situation au 1 er mai 2003 (en €)

Situation au 1 er juillet 2003 (en €)

Situation au 1 er juillet 2004 (en €)

Coût du SMIC horaire brut

6,83

7,19

7,56

Aide du département

362,30

362,30

362,30

Supplément employeur brut

231.91

263,23

295,42

Cotisations salariales

49,16

55,80

62,63

Supplément employeur net

182,75

207,43

232,79

Cotisations patronales

95,06

107,90

121,09

Dont sécurité sociale

70,01

79,47

89,18

Et hors sécurité sociale

25,05

28,43

31,90

Coût total employeur

689,27

733,43

778,81

Coût total employeur après déduction de l'aide

326,97

371,13

416,51

Coût total employeur secteur non marchand après déduction de l'aide et de l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale.

256,96

291,66

327,33

Coût total aide à l'emploi secteur non marchand (aide du département + compensation de l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale)

432,31

441,77

451,48

RMA brut

594,21

625,53

657,72

RMA net

545,05

569,73

595,09

Les données ci-dessous doivent être analysées, toutes choses égales par ailleurs, au regard des éléments suivants :

- Le montant de l'aide du département au 1er janvier 2004 ne prend pas en compte la revalorisation de l'allocation pour une personne isolée en fonction de l'évolution des prix. Une estimation d'une augmentation de l'indice des prix de 1,5 % au 31 décembre 2003 en glissement annuel pourrait aboutir à un montant de 367,82 € ;

- Les estimations ne préjugent pas des éventuelles augmentations de cotisations et contributions sociales d'origine légale ou conventionnelle durant la période.

Coût moyen (2003-2004) du RMA pour les finances publiques

en €

Coût unitaire mensuel

Coût unitaire annuel

Coût total annuel (pour 100 000 bénéficiaires, dont 70 000 dans le secteur non marchand)

Aide du département (hypothèse : même montant en 2003 et 2004)

362,3

4347,60

434 760 000

Coût moyen Etat

Compensation des exonérations de charges de sécurité sociale patronales dans le secteur non marchand pour 70 000 CIRMA

84,32

1011,9

70 833 000

A ces coûts il convient d'ajouter les incidences du RMA sur la prime pour l'emploi (PPE) difficilement estimables compte tenu des effets liés au seuil de déclenchement du dispositif à compter du 7ème mois dans l'année civile.

Dans le cas où le RMA a été perçu moins de 7 mois au cours de l'année civile, le montant de la PPE est nul. Dans le cas où le RMA a été perçu 7 mois au cours de l'année civile n, le montant de la PPE est légèrement inférieur au montant de la PPE calculé sur 12 mois. Enfin, l'effet de la PPE dépend de la configuration familiale et peut aboutir, pour les situations les plus fréquentes à des variations allant de 24 € de PPE par mois pour une personne isolée sans ressources à 36 € pour un couple avec enfants sans ressources autres que le RMA.

Au total le coût pour l'Etat hors prime pour l'emploi de 100 000 RMA est d'environ 71 M€ par an.

Les coûts indirects relatifs aux actions d'accompagnement, de formation et d'orientation ainsi qu'aux actions liées à la gestion, au contrôle sont essentiellement supportés par :

- les crédits d'insertion des départements. L'incitation des départements à mobiliser leurs crédits d'insertion pour créer un effet levier sur les actions d'insertion menées dans le cadre du CI-RMA peut conduire à supposer qu'en fonction de la proratisation des crédits de 733 M€ engagés en 2001, les crédits mobilisés sur les actions d'accompagnement pour 100.000 RMA pourraient représentent environ 80 M€. Ces crédits sont en partie mobilisés pour les actions menées par l'ANPE ;

- les crédits de la formation des conseils généraux et d'ingénierie de formation, d'insertion et d'accompagnement des autres collectivités territoriales (communes et EPCI : plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi) ;

- les crédits mobilisés par l'Etat notamment au titre des actions menées par l'Agence nationale pour l'emploi ;

- les crédits mobilisés dans le cadre du Fonds social européen notamment au titre des actions d'accompagnement, de préformation et formation préalables à l'insertion, de mise en situation de travail d'appui social pour l'insertion menées dans le cadre du PDI.

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