TITRE IV
-
DISPOSITIONS RELATIVES À LA CONSTITUTION
DE PARTIE CIVILE DES ASSOCIATIONS OEUVRANT
DANS LE DOMAINE DE L'ENFANCE MALTRAITÉE

Article 9
(art. 2-2 du code de procédure pénale)
Constitution de partie civile par des associations
dans les cas de violence exercée contre des victimes majeures

Objet : Cet article modifie l'article 2-2 du code de procédure pénale afin d'en réserver les dispositions aux constitutions de partie civile des associations luttant en faveur des majeurs victimes de violences sexuelles ou familiales.

I - Le dispositif proposé

A. Les dispositions actuelles de l'article 2-2

Aux termes de l'article 2 du code de procédure pénale, « l'action civile en réparation d'un dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction » . Toutefois, pour certaines infractions, des associations peuvent exercer les droits reconnus aux victimes en se constituant partie civile.

L'article 2-2 du code de procédure pénale précise les conditions de mise en oeuvre de ce droit dans les cas où l'infraction est assimilée à une violence sexuelle ou à une violence exercée sur un membre de la famille, quel que soit l'âge de la victime.

Pour pouvoir se porter partie civile, l'association doit remplir deux conditions préalables : être régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de survenance des faits et comporter dans son objet statutaire, la lutte contre les violences sexuelles ou les violences exercées contre un membre de la famille.

L'association qui répond à ces critères peut ensuite agir en qualité de partie civile si l'infraction dont il est question concerne « les atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité de la personne, les agressions et autres atteintes sexuelles, l'enlèvement et la séquestration et la violation de domicile ».

L'article 2-2 du code de procédure pénal impose, en outre, aux associations souhaitant se porter partie civile une troisième condition puisque l'accord express de la victime est un préalable obligatoire. Si la victime est mineure, cet accord doit être donné par le titulaire de l'autorité parentale, son représentant légal ou, à défaut, par le juge des tutelles.

Cette dernière condition n'est toutefois pas exigée lorsque les faits se sont déroulés à l'étranger et qu'il est fait application des articles du code pénal concernant le tourisme sexuel (articles 222-22 et 227-27-1).

B. Les modifications prévues

Le présent article modifie la rédaction de l'article 2-2 du code de procédure pénale pour ne plus désormais concerner que les victimes majeures à la date des faits.

On notera que le choix d'une limitation de ces dispositions aux victimes majeures est cohérent avec l'objet premier de leur mise en place : il s'agissait en effet à l'origine de permettre aux associations, ayant pour objet statutaire la lutte contre le proxénétisme et la défense des droits de femmes, de se constituer partie civile pour aider les victimes d'agressions sexuelles. Dans la mesure où la loi prévoit des dispositions spécifiques pour les violences sexuelles sur mineurs, il est légitime de « réserver » aux associations agissant pour le compte de victimes majeures les dispositions de l'article 2-2 du code de procédure pénale.

En conséquence, la rédaction proposée pour l'article 2-2 ne fait plus état des infractions ou conditions de saisine qui concernaient l'hypothèse où la victime était mineure.

Cette disposition aura néanmoins pour conséquence d'obliger les associations qui souhaiteront agir en matière de violences sexuelles sur mineurs, à modifier leur objet statutaire pour y intégrer spécifiquement la défense ou l'assistance de l'enfant en danger.

La seconde innovation est la prise en compte des cas particuliers où la victime est un majeur protégé : l'accord donné à l'association pour lui permettre de se constituer partie civile émane du représentant légal de la victime.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve la spécialisation des dispositions de l'article 2-2 du code de procédure pénale aux associations souhaitant se porter partie civile en soutien d'une victime majeure.

Toutefois, s'il apparaît effectivement nécessaire de prendre en compte le cas particulier des majeurs protégés en prévoyant que c'est alors à son représentant légal d'autoriser l'association à agir, le problème demeure si c'est ce dernier qui est présumé fautif des violences ou s'il ne peut ou ne veut intervenir.

Ce point avait notamment été souligné par la commission d'enquête sénatoriale sur la maltraitance des personnes handicapées :

« La famille de la personne handicapée peut (...) ne pas être en mesure de l'assister au cours de la procédure, soit parce que celle-ci a disparu - les situations de ce type risquant d'être de plus en plus fréquentes, du fait du vieillissement de la population handicapée -, soit parce que, du fait de pressions extérieures ou d'intérêts divergents, elle ne défend pas complètement les intérêts de la victime. »

Forte de ce constat, votre commission vous propose donc d'adopter un amendement permettant aux associations concernées de se porter partie civile lorsque la victime est un majeur protégé et que son représentant légal n'est pas en mesure de donner son accord. L'autorisation pourrait être alors donnée par le juge des tutelles, ainsi que l'article 2-2 du code de procédure pénale le prévoit aujourd'hui pour les mineurs.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 10
(art. 2-3 du code de procédure pénale)
Constitution de partie civile par des associations dans les cas de violences exercées contre des victimes mineures

Objet : Cet article a pour objet d'élargir les conditions de constitution de partie civile des associations lorsque la victime est mineure.

I - Le dispositif proposé

A. Des conditions strictes encadrent aujourd'hui l'action des associations

L'article 2-3 du code de procédure pénale fixe les conditions qui s'appliquent aux associations souhaitant se porter partie civile dans les cas où la victime de l'infraction est mineure.

De la même manière que pour l'article 2-2, l'association doit d'abord être régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits litigieux.

Ensuite, son statut doit préciser qu'elle a pour objet de défendre ou d'assister les enfants martyrisés ou les mineurs victimes d'atteintes sexuelles.

Enfin, elle ne peut se porter partie civile que pour des infractions limitativement énumérées par la législation, soit « les tortures et actes de barbarie, les violences et agressions sexuelles commis sur la personne d'un mineur et les infractions de mise en péril des mineurs ». Ce dernier type d'infractions peut notamment concerner le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption d'un mineur (article 227-22 du code pénal).

Si l'accord du titulaire de l'autorité parentale ou du représentant légal de la victime n'est pas un préalable nécessaire à sa constitution de partie civile, l'association ne peut que se joindre à une l'action publique déjà engagée par la partie lésée ou le ministère public, et non la déclencher.

B. Une adaptation nécessaire du droit existant aux nouveaux types d'infractions

Or, au regard du type d'infractions commises à l'heure actuelle à l'encontre de mineurs, le dispositif de l'article 2-3 du code de procédure pénale est apparu incomplet, puisqu'il ne permet notamment pas aux associations de se constituer partie civile pour :

- des infractions pour lesquelles la victime n'est pas identifiée tels la fixation, l'enregistrement ou transmission en vue de la diffusion de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique ;

- des faits d'infanticide, d'homicide, d'enlèvement et de séquestration, et d'exhibition sexuelle sur des personnes mineures.

Le présent article propose en conséquence de modifier les dispositions de l'article 2-3 du code de procédure pénale afin d'élargir le type d'infractions pour lesquelles une association peut se porter partie civile.

Le deuxième aliéna du présent article ouvre tout d'abord cette possibilité aux associations dont l'objet statutaire comporte « la défense ou l'assistance de l'enfance en danger et victime de toutes formes de maltraitance » , soit bien au-delà de la seule défense des enfants martyrisés ou victimes de violences sexuelles comme actuellement.

Les infractions qui peuvent faire l'objet d'une constitution de partie civile sont également plus nombreuses puisqu'elles concernent désormais « les atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité, les agressions et autres atteintes sexuelles commises sur la personne d'un mineur » , dont la liste est ensuite strictement énumérée. Ont ainsi été intégrées par le présent article les infractions suivantes : les atteintes volontaires à la vie, dont l'empoisonnement (article 221-5 du code pénal) ; les appels téléphoniques malveillants ; la menace de commettre un crime ou un délit contre la personne ; l'exhibition sexuelle ; le harcèlement sexuel ; l'enlèvement et la séquestration ; la fixation, l'enregistrement et la transmission, en vue de sa diffusion, de l'image ou de la représentation à caractère pornographique d'un mineur ; le transport, la fabrication et la diffusion d'un message à caractère violent ou pornographique lorsqu'il est susceptible d'être vu par un mineur.

Le troisième alinéa prévoit en revanche une condition supplémentaire à la constitution de partie civile d'une association en exigeant que celle-ci obtienne au préalable l'accord du titulaire de l'autorité parentale ou du représentant légal, sauf quand il est fait application des dispositions relatives au tourisme sexuel (articles 222-22 et 227-27-1 du code pénal).

Cette condition est le pendant à la possibilité désormais accordée aux associations de se porter partie civile sans action préalable du ministère public ou de la partie lésée.

II - La position de votre commission

Les questions soulevées par cette modification du code de procédure pénale sont complexes.

En effet, l'évolution proposée constitue une nouvelle étape dans la privatisation de l'action publique. Actuellement, les cas dans lesquels les associations peuvent elles-mêmes mettre en mouvement l'action publique, sans que le Parquet ou la partie lésée agissent, sont peu nombreux. En outre, ces dernières années, le législateur a plutôt essayé de faire en sorte que les associations se joignent au procès plutôt que de le provoquer elles-mêmes.

Toutefois, plusieurs affaires récentes relatives à des infractions à l'encontre de mineurs amènent aujourd'hui le législateur à constater que l'action propre des associations peut être utile, notamment lorsque la victime n'est pas identifiée. Il s'agit par exemple de la production ou de la diffusion d'images pédopornographiques.

En conséquence, la modification proposée pour la procédure de l'article 2-3 se justifie mais elle mérite toutefois d'être mieux encadrée et précisée.

C'est pourquoi votre commission vous propose quatre amendements destinés à :

- compléter la liste limitative d'infractions pour lesquelles une association peut se porter partie civile en y intégrant la mise en danger de la personne, les atteintes à la dignité de la personne (recours à la prostitution de mineurs, exploitation de la mendicité...) ou encore le délaissement de mineurs. En revanche, les atteintes involontaires à la vie ou à l'intégrité physique d'un mineur ne sauraient ici être prises en compte.

Cet amendement permettra ainsi de prendre en compte l'ensemble des infractions désignées par le texte du présent article comme « les atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité, les agressions et autres atteintes sexuelles commises sur la personne d'un mineur et les infractions de mise en péril des mineurs ».

- encadrer davantage cette procédure en en réservant l'accès aux associations ayant fait la preuve de leur sérieux et de leur professionnalisme.

Ainsi, en plus des critères requis d'ancienneté et d'objet statutaire, votre commission propose que les associations soient inscrites auprès du ministère de la justice, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Cette condition permettra ainsi d'éviter qu'une association aux intentions douteuses, notamment à caractère sectaire, puisse agir en justice dans le domaine de la protection de l'enfance sur le seul fondement de son objet statutaire.

En outre, cette régulation par le biais d'une inscription préalable permettra de limiter le risque d'encombrement des prétoires par des constitutions de partie civile, par des associations plus ou moins sérieuses ;

- prendre en compte l'impossibilité d'un accord du titulaire de l'autorité parentale ou du représentant légal de la victime mineure à la constitution de partie civile de l'association. Dans ce cas, l'association pourra s'adresser à l'administrateur ad hoc , nommé par le juge des tutelles, lorsque les représentants du mineur font défaut ;

- enfin, préciser que l'intégrité dont il est question dans le présent article est bien l'intégrité physique du mineur.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 11
(art. 2-2 et 2-3 du code de procédure pénale)
Extension des mesures à certains territoires ultra-marins

Objet : Cet article vise à rendre applicables les dispositions des articles 2-2 et 2-3 du code de procédure pénale en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis et Futuna.

I - Le dispositif proposé

Le principe de spécialité législative qui s'applique dans certaines collectivités territoriales exige que des mesures d'extension du droit métropolitain soient expressément prévues pour certaines dispositions.

C'est pourquoi, le présent article prévoit l'extension expresse des mesures des articles 9 et 10 du présent projet de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, afin que les nouvelles dispositions des articles 2-2 et 2-3 du code de procédure pénale relatives à la constitution de partie civile des associations puissent s'appliquer automatiquement à ces territoires.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve l'extension des dispositions des articles 2-2 et 2-3 du code de procédure pénale aux territoires concernés, dans le souci de voir appliqué un droit identique dans l'ensemble du territoire français.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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