TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 8 octobre 2003 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l' examen du rapport de M. Jean-Louis Lorrain sur le projet de loi n° 434 (2002-2003) relatif à l' accueil et à la protection de l'enfance .

A titre liminaire, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a indiqué que le projet de loi n° 434 (2002-2003) relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance abordait divers problèmes distincts auxquels il apportait des solutions d'une utilité certaine, bien qu'on puisse les juger modestes. Il a considéré qu'il s'agissait d'un texte d'appel, dont il convenait de saluer les avancées, tout en souhaitant qu'elles ne soient que les prémices de réformes plus ambitieuses.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a souligné que l'objectif central du projet de loi se rapportait à la protection de l'enfant dans les différents cas de figure où il pouvait se trouver en situation de danger : la maltraitance, l'exploitation au travail et les carences éducatives ayant pour conséquence un absentéisme scolaire régulier.

Constatant la difficile appréhension du problème de l'enfance en danger en raison de l'absence de données complètes et officielles, il a signalé que les derniers chiffres publiés par l'observatoire de l'action sociale décentralisée (ODAS) pour 2001, faisaient état de 85.500 signalements, dont 20 % concernaient des enfants maltraités.

Il a précisé que les abus sexuels et les violences physiques étaient les premières formes de maltraitance que subissaient les enfants, suivies de près par les négligences lourdes, puis les violences psychologiques, plus difficiles à identifier car moins visibles. Il a ajouté que les filles étaient plus souvent victimes de maltraitance que les garçons puisqu'elles représentaient 58 % des cas et subissaient un plus grand nombre d'abus sexuels, les garçons ayant davantage de risques d'être maltraités physiquement que les filles.

Il a rappelé que, dans la majorité des cas, les parents s'avéraient être les auteurs des mauvais traitements, les déséquilibres familiaux et l'inactivité, notamment des mères, semblant en outre être des facteurs d'augmentation du risque.

Il a dénoncé les conséquences particulièrement dramatiques de la maltraitance dont l'actualité récente venait de donner deux exemples tragiques. A cet égard, il a précisé que 3 à 5 % des enfants maltraités en mourraient, les sévices corporels tuant ainsi entre 400 et 700 enfants par an, soit pratiquement deux par jour et représentant désormais, en France, la deuxième cause de mortalité infantile, passée la première semaine de vie. Il a ajouté que de nombreux enfants qui avaient été maltraités en conservaient des séquelles définitives, indélébiles, graves d'un point de vue neurologique, orthopédique, psychoaffectif ou psychomoteur.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a rappelé que le dispositif français de protection de l'enfance était pourtant particulièrement riche puisqu'il constituait le premier poste de dépenses d'aide sociale des départements, auquel il convenait d'ajouter les crédits d'Etat consacrés à la protection judiciaire et au fonctionnement des tribunaux pour enfants. Dans le même temps, le phénomène de la maltraitance demeurait très mal connu.

Face à ce constat contradictoire, il a expliqué que, en pratique, chaque administration ou service utilisait des indicateurs et critères particuliers, mettait en oeuvre des modes de recueil et de traitement des données qui lui étaient spécifiques et que, faute de système statistique partagé, le nombre exact de signalements d'enfants en danger n'était pas connu.

Il a en outre observé que de nombreux enfants subissaient des violences, sans être signalés, ni protégés puisqu'à ce jour, il n'existait pas d'enquête sur les violences subies par les enfants, effectuée sur l'ensemble de la population, comparable à celle dont on disposait en matière de violences sur les femmes, ni d'étude de suivi du devenir des enfants qui avaient fait l'objet d'un signalement. Il a estimé que, pour prévenir les récidives de maltraitance, il fallait se donner les moyens d'assurer une surveillance épidémiologique rigoureuse de la maltraitance et d'évaluer l'efficacité des mesures mises en oeuvre.

Il a alors indiqué qu'il s'agissait du premier objectif du projet de loi, qui prévoyait de confier cette mission à un observatoire de l'enfance maltraitée, afin que les différents acteurs, mieux informés de la situation au niveau national, puissent agir plus efficacement sur le terrain.

Il a précisé que cet observatoire serait compétent en matière de recueil et d'analyse des données chiffrées et des études concernant la maltraitance envers les mineurs, en provenance des autorités publiques, des établissements publics, ainsi que des fondations et associations spécialisées, et qu'il aurait pour mission d'harmoniser ces informations afin d'améliorer la connaissance des phénomènes de maltraitance en vue d'une prise en charge effective des enfants.

Il a ajouté que l'observatoire serait le partenaire privilégié des structures locales et internationales, notamment en participant aux activités du réseau européen des observatoires de l'enfance. A cet égard, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a émis le souhait que chaque département puisse mettre en place un observatoire local afin que l'observatoire national dispose de relais implantés sur l'ensemble du territoire.

Il a indiqué que, concernant l'observatoire, deux amendements seraient proposés dont l'un avait pour objectif de préciser son nom.

Il a ajouté que, dans le souci d'améliorer le dispositif de protection de l'enfant maltraité, le présent projet de loi prévoyait d'élargir le droit des associations de se constituer partie civile aux procès engagés contre les auteurs présumés d'actes de maltraitance sur mineur, en inscrivant cette faculté dans le code de procédure pénale, au profit des associations dont l'objet statutaire comportait la défense ou l'assistance de l'enfant en danger ou maltraité. Il a précisé par ailleurs que le projet de loi complétait la liste des infractions commises à l'encontre des mineurs susceptibles d'ouvrir le droit à agir des associations.

Il a toutefois estimé nécessaire d'encadrer plus strictement cette procédure par plusieurs amendements.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a précisé ensuite que la maltraitance ne saurait être réduite à la violence physique car elle pouvait prendre un visage moins reconnaissable, comme certaines formes de travail des mineurs.

Il a rappelé que le travail des enfants était interdit en France avant l'âge de seize ans, même si des dérogations venaient atténuer ce principe, lorsqu'il s'agissait d'insertion professionnelle, de découverte du monde du travail, d'entraide familiale ou d'engagements dans les métiers du spectacle et de la publicité.

En dépit de ce dispositif, il a constaté que les cas d'emploi illégal, voire d'exploitation, de mineurs étaient une réalité constatée par les services concernés et qu'il s'agissait bien, dans les cas extrêmes, d'enfants en danger.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a indiqué que le présent projet de loi prévoyait donc de renforcer les sanctions à l'encontre des employeurs illégaux d'enfants, précisant que deux articles additionnels seraient proposés à la commission pour accroître la protection des enfants au travail.

Abordant ensuite le troisième volet du projet de loi sur l'assiduité scolaire, il a rappelé que cette obligation s'imposait aux enfants scolarisés comme à leurs parents ou tuteurs, depuis l'entrée en vigueur de la « loi Ferry » du 28 mars 1882 relative à l'obligation de l'instruction.

Il a observé que le phénomène de l'absentéisme scolaire atteignait pourtant aujourd'hui des proportions inquiétantes puisque 81.700 cas avaient été signalés aux inspecteurs d'académie, sur une population totale de sept millions d'élèves, et qu'environ 9.000 suspensions d'allocations familiales par les caisses d'allocations familiales (CAF) ou la mutuelle sociale agricole (MSA) avaient été prononcées au cours de l'année scolaire 2001-2002.

Il a constaté que les jeunes les plus fragilisés socialement, psychologiquement et culturellement étaient aussi les plus touchés par l'absentéisme scolaire, et donc par l'échec scolaire, et que l'absentéisme n'était pas dépourvu de lien avec la délinquance et le travail illégal des mineurs de moins de seize ans.

Partant de ce constat, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a estimé que l'absentéisme scolaire constituait un danger pour les jeunes concernés, notamment lorsqu'il était la conséquence de violences en milieu scolaire, d'une action délibérée des adultes responsables de l'enfant ou encore d'un emploi illégal, rappelant à cet égard que le manquement à l'obligation scolaire pouvait être sanctionné comme une carence éducative de la part des parents au sens du code pénal.

Il a indiqué que le projet de loi avait pour ambition de rénover la lutte contre l'absentéisme scolaire en proposant des sanctions mieux adaptées, à la suite des conclusions rendues par le groupe de travail mis en place par M. Christian Jacob en octobre dernier pour expertiser les mesures existantes et examiner les moyens de mieux responsabiliser les familles.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a déclaré que ce groupe de travail avait conclu que le dispositif de suspension des prestations familiales s'était révélé particulièrement injuste et inefficace car les prestations familiales n'avaient pas pour seul objet de financer la scolarité de l'enfant et que cette sanction ne touchait ni les familles à enfant unique, qui ne percevaient pas d'allocations familiales, ni celles attributaires du RMI, puisque ce dernier augmentait en proportion de la baisse de ces prestations.

Il a fait valoir que ce dispositif, mal compris par les parents, était rarement appliqué, en raison notamment des réticences du corps enseignant à signaler certains cas d'absentéisme pour ne pas pénaliser les familles.

Il a rappelé que, face à un tel constat, le Gouvernement avait décidé de donner une impulsion nouvelle à la lutte contre l'absentéisme scolaire avec la mise en oeuvre d'un plan d'action gouvernemental en faveur de l'assiduité scolaire et de la responsabilisation des familles, présenté en Conseil des ministres le 26 mars dernier. L'article 3 du projet de loi en constituait un élément majeur, puisqu'il abrogeait le dispositif de sanction fondé sur la suspension ou la suppression des prestations familiales.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a expliqué qu'en contrepartie, il était envisagé de fixer l'amende applicable en cas de non-respect de l'obligation scolaire à 750 euros. Il a souhaité que ce plan d'action gouvernemental, opérationnel depuis la rentrée de septembre 2003, porte rapidement ses fruits.

Il a ensuite indiqué que la deuxième grande priorité du projet de loi portait sur les conditions de garde des jeunes enfants par les assistantes maternelles. Il a rappelé que l'accueil des 2,27 millions d'enfants de moins de trois ans se partageait très exactement par moitié entre la garde au foyer par l'un des parents et l'accueil assuré par des personnes extérieures.

Dans ce dernier cas, il a souligné que le choix d'une assistante maternelle s'avérait être le mode de prise en charge privilégié par 20 % des parents, car il constituait une solution intermédiaire, en termes de coût, de souplesse des horaires et de facilité d'accès, entre la crèche et la garde à domicile par une employée.

Il a noté que cette tendance s'était confirmée au cours des dernières années, notamment grâce à la revalorisation régulière de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA), les pouvoirs publics ayant clairement favorisé cette prestation, au détriment de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED). En conséquence, le système de garde par une assistante maternelle était aujourd'hui financièrement intéressant pour de nombreuses familles, mais aussi le moins coûteux pour la collectivité.

Il a toutefois déploré l'insuffisance de l'offre de garde, du fait de l'embellie démographique que connaissait la France depuis 1995, et a indiqué que la demande risquait encore de croître avec la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004. Or, dans le même temps, les nouveaux rythmes de travail conduisaient certains parents à ne plus faire garder leur enfant qu'à temps partiel, modifiant ainsi la nature de leur demande de service.

Face à ces évolutions, il a constaté que beaucoup d'assistantes maternelles ne pouvaient répondre à la demande des parents, en raison de la rigidité de leur agrément qui ne les autorisait actuellement à garder qu'un maximum de trois enfants.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a alors indiqué que le texte proposait d'assouplir ces conditions d'accueil en autorisant la garde de plus de trois enfants dès lors que les horaires choisis par les familles conduisaient à la présence simultanée de trois enfants au maximum. Ce faisant, les capacités d'accueil des assistantes maternelles seraient augmentées, celles-ci pourraient bénéficier d'un rythme de travail plus régulier, et certains parents pourraient alors ne laisser leur enfant en garde que quelques heures par semaine sans que le revenu de l'assistante maternelle en pâtisse.

Il a toutefois estimé qu'il semblait nécessaire de fixer, par un amendement, un plafond maximal d'enfants pouvant être accueillis.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a enfin abordé le troisième axe du projet de loi qui concernait la réforme du financement du dispositif de protection juridique des majeurs.

Il a rappelé, à cet égard, que le mode de financement actuel était fondé, pour l'essentiel, sur la règle du « mois mesure », c'est-à-dire que la prise en charge des frais de gestion dépendait de la nature de la mesure de placement (tutelle, curatelle...) et même de la personne désignée pour en assurer la gestion. Il a considéré que cette conception était peu pertinente car l'importance du travail demandé dépendait moins de la nature de la mesure que des besoins de chaque personne concernée, notamment en termes d'accompagnement. Il a rappelé, de surcroît, qu'il existait des écarts de rémunération des tuteurs de l'ordre de 8.000 euros par an, selon qu'il s'agissait d'une tutelle d'Etat ou d'une tutelle en gérance privée.

Pour les majeurs protégés, il a souligné que le système de prélèvement sur ressources était particulièrement inéquitable puisque les taux de prélèvement variaient de zéro à plus de 8 % du revenu de la personne et étaient, selon les cas, progressifs (pour les tutelles et curatelles d'Etat), dégressifs (pour les tutelles en gérance) ou simplement inexistants (pour les mesures de tutelle aux prestations sociales).

Enfin pour les financeurs publics, il a indiqué que le système du « mois mesure » avait des effets inflationnistes car le seul moyen, pour les associations, d'équilibrer leur budget était de rechercher un nombre toujours croissant de mesures, sans toujours se soucier de leur adaptation aux besoins de la personne concernée.

Fort de ce constat, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a considéré qu'il fallait envisager un autre mode de financement et s'est félicité de ce que le projet de loi autorisait le Gouvernement à expérimenter, pendant deux ans, un mode de financement des associations tutélaires par dotation globale.

Il a expliqué que cette expérimentation ne concernerait, à ce stade, que les mesures confiées à une personne morale et aurait pour objectif de permettre un ajustement de la première dotation globale « en rythme de croisière » aux besoins réels des associations, afin de donner le temps à ces dernières d'adapter leur système d'information, et de développer les indicateurs quantitatifs et qualitatifs nécessaires à l'appréciation de leur activité et de son évolution dans le temps.

Il a indiqué que la dotation globale serait financée par l'Etat pour ce qui concernait les mesures de protection civile et, pour ce qui concernait les mesures de tutelle aux prestations sociales, par l'organisme qui, à ce jour, prenait en charge le volume de mesures le plus important dans le département concerné.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a alors précisé que cette expérimentation appelait, à son sens, un certain nombre de remarques. Il a tout d'abord constaté qu'elle n'était que partielle car elle n'entreprenait pas une réforme complète du financement des tutelles, ce qui ne permettrait pas d'utiliser les seules informations financières recueillies au cours de l'expérimentation à la fixation définitive des dotations globales.

Il a ensuite indiqué que les transferts de charges entre les différents financeurs publics devraient, à terme, être neutralisés puisque le financement des frais de tutelle incombait aujourd'hui, à près de 80 %, à la branche famille, du fait notamment des frais liés à l'allocation aux adultes handicapés (AAH) qui était pourtant une prestation versée pour le compte de l'Etat, alors que les règles prévues pour le financement de la dotation globale revenaient, de fait, à en transférer la charge à la seule caisse nationale d'allocations familiales.

Il a estimé qu'à l'occasion de cette expérimentation -et, en tout état de cause, avant toute généralisation du dispositif- une remise à plat de la participation des différents financeurs devrait être menée à bien.

Puis, il a déclaré que le dynamisme des dotations globales devrait, en « régime de croisière », être assuré par la prise en compte d'indicateurs qualitatifs pertinents, les deux ans d'expérimentation devant être mis à profit pour développer ces indicateurs.

Enfin, il a ajouté qu'il proposerait par amendement la présentation d'un bilan de cette expérimentation avant la généralisation de ce nouveau mode de financement des associations tutélaires puisqu'il s'agissait d'une exigence constitutionnelle.

En conclusion, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a considéré que les propositions du projet de loi étaient constructives car elles constituaient un premier pas vers des réformes à venir de plus grande ampleur, notamment celle du statut des assistantes maternelles et celle des tutelles. Il a toutefois indiqué qu'il souhaitait proposer plusieurs amendements à la commission pour préciser la portée des mesures présentées et en renforcer l'efficacité.

Sous cette réserve, il a invité la commission à approuver le projet de loi.

M. Francis Giraud a estimé que le chiffre de 85.500 signalements d'enfants en danger ne représentait sans doute qu'une petite partie de la réalité mais que cela était dû à la prudence dont devaient faire preuve les professionnels, avant d'émettre un signalement pour maltraitance. Il a estimé que les médecins hésitaient souvent à signaler les cas diagnostiqués, par peur de l'erreur, mais aussi en raison de la quasi-absence de retour d'information après le traitement du dossier par les instances concernées. Il a indiqué que le problème se posait de la même manière pour les enseignants et a plaidé pour l'indulgence envers les acteurs de terrain qui portaient une lourde responsabilité dans ces dossiers difficiles. Il a ensuite demandé au rapporteur si des structures équivalentes à l'observatoire existaient déjà dans d'autres pays européens.

Mme Annick Bocandé a estimé qu'il fallait analyser la maltraitance de manière qualitative car elle ne se limitait pas à des conséquences physiques. Elle a rappelé que ce phénomène existait dans tous les milieux sociaux même s'il était moins visible dans les familles plus favorisées. A ce titre, elle a émis le souhait que l'observatoire s'intéresse d'une manière approfondie à l'ensemble des phénomènes de maltraitance.

Abordant la question de l'accueil des enfants par une assistante maternelle, elle a soulevé le problème de l'accueil des enfants scolarisés en dehors des horaires de classe par les assistantes maternelles ayant en garde leurs cadets. Elle a considéré que la limite maintenue à trois enfants simultanément ne permettait pas de régler cette difficulté que connaissent toutes les familles à la naissance d'un deuxième enfant.

M. Gilbert Chabroux a considéré qu'il s'agissait d'un texte d'appel, aux intentions louables mais aux propositions insuffisantes. Il s'est interrogé sur le contenu et la date prévue pour la réforme du statut des assistantes maternelles et il a fait valoir qu'il ne fallait pas privilégier ce type de garde au détriment des crèches, qui devaient continuer à être financées. Il a ensuite demandé au rapporteur quelles étaient les mesures prévues en cas de manquement à l'obligation scolaire, en remplacement du dispositif de suppression des allocations familiales.

Mme Michèle San Vincente s'est étonnée de l'existence de mesures en faveur des assistantes maternelles dans le projet de loi alors même qu'une réforme de leur statut était prévue en 2004. Elle a, par ailleurs, estimé que le délai de trois mois dont disposaient les départements pour traiter les demandes d'agrément des assistantes maternelles s'avérait beaucoup trop court.

Elle a considéré que l'activité d'assistante maternelle correspondait à une vocation plutôt qu'à une recherche de professionnalisation et de rentabilité. Elle s'est étonnée des statistiques produites par l'ODAS, établissant un lien entre l'inactivité des mères et la maltraitance des enfants, alors qu'autrefois on avait plutôt tendance à attribuer à l'activité des mères le délaissement des enfants. Elle s'est déclarée favorable à la création d'observatoires départementaux avec lesquels les maires pourraient collaborer dans le domaine de l'enfance en danger.

Concernant l'absentéisme scolaire, elle a émis le souhait qu'il soit fait état de « responsabilisation » et non pas de « responsabilité » des familles et a souhaité que les sanctions à leur égard privilégient l'éducation plutôt que l'amende.

M. André Lardeux a estimé que, s'il fallait certes assouplir les conditions d'accueil par les assistantes maternelles, les départements ne souhaitaient souvent pas le faire eux-mêmes en raison des risques encourus, ce qui occasionnait de nombreux refus d'agrément par peur d'un contentieux entraînant leur responsabilité.

Il a déclaré que, à son sens, la création d'un observatoire était inutile, d'autres organisations déjà existantes pouvant exercer des missions d'inspection sérieuses et ciblées. En outre, il a souligné que la maltraitance était plus un problème de comportement social que de moyens mis en oeuvre puisqu'un nombre important de dispositifs existaient en faveur des enfants en danger. Pour mieux prendre en compte ce phénomène, il a estimé que la responsabilité de chacun devait être engagée, notamment pour éviter la propagation d'images violentes sur internet et à la télévision qui avaient des conséquences très néfastes sur certaines familles. Il a parlé, à cet égard, d'une dérive de civilisation et d'une absence de références morales de la société.

Sur le thème de l'absentéisme scolaire, il a souhaité que les allocations familiales soient réorientées afin d'être réellement affectées à la prise en charge de l'enfant et s'est déclaré favorable à la mise en place d'une amende, si toutefois la justice avait le temps de se prononcer. A cet égard, il a indiqué qu'il fallait responsabiliser les enseignants pour les inciter à mieux signaler les cas d'absentéisme.

Mme Gisèle Printz s'est déclarée choquée des situations de maltraitance dont sont encore victimes aujourd'hui certains enfants. Elle a dénoncé le faible taux de retour d'information aux associations après qu'elles ont signalé des enfants en danger. Elle s'est également interrogée sur le rôle de l'observatoire par rapport à celui du défenseur des enfants et elle a souhaité que l'ensemble des départements développe des unités médico-judiciaires afin de traiter globalement le phénomène de la maltraitance au niveau local.

M. Alain Gournac a convenu que le texte était une étape vers des réformes plus importantes. Il s'est toutefois déclaré dubitatif quant à la mise en place d'une amende en cas d'absentéisme scolaire, estimant que les enseignants ne seraient pas davantage disposés à signaler les absences que dans la situation actuelle.

Concernant les assistantes maternelles, il a déploré le manque de logements sociaux en leur faveur et souhaité que ce problème soit évoqué avec les sociétés d'habitations à loyer modéré (HLM). En outre, il a considéré que certaines normes de sécurité s'appliquant à l'accueil par les assistantes maternelles étaient parfois dépassées et rendaient les agréments particulièrement rigides. Il a estimé qu'il fallait parallèlement aider les maires à mettre en place un accueil spécifique, pour quelques jours ou quelques heures par semaine, qui soit adapté au nouveau rythme des parents, compte tenu de la mise en place de la réduction du temps de travail.

Abordant enfin la création de l'observatoire, il a souhaité une approche qualitative du phénomène de la maltraitance afin de mieux en prendre la mesure.

M. André Geoffroy a soulevé le problème particulier de la mort subite du nourrisson, demandant que l'on prévoie une autopsie obligatoire par le médecin légiste afin de mieux en connaître les causes et de déculpabiliser les familles, cruellement ébranlées par cette épreuve.

Mme Janine Rozier a déploré la complexité et la lenteur du système de signalement, de l'assistante sociale à l'inspecteur d'académie, qui rendaient difficile l'action d'un maire souhaitant qu'un enfant repéré soit pris en charge.

Elle a estimé, par ailleurs, que la formation des assistantes maternelles était indispensable, ne serait-ce que parce qu'elle leur permettait de se rencontrer et de confronter leurs expériences. Elle a enfin appelé de ses voeux un retour à « l'ordre moral » au sein de la société, estimant que certaines formes de maltraitance avaient leur origine dans le développement de la violence sociale.

M. Michel Esneu a considéré que le maire n'était pas très présent dans la procédure de dépistage et de prise en charge de la maltraitance et qu'il n'était souvent pas averti des décisions prises pour un enfant résidant dans sa commune, déplorant qu'on ne fasse appel à lui que lorsqu'une erreur est apparue. Il a estimé à cet égard que son rôle devait être mieux précisé, notamment afin de lui permettre de faire aboutir plus facilement un signalement.

Il a, en revanche, regretté la suppression du dispositif de suspension des prestations familiales en cas d'absentéisme scolaire, estimant qu'il était particulièrement efficace pour les gens du voyage, souvent sensibles aux questions d'argent, et dont les enfants ne fréquentaient pas assidûment l'école.

Répondant à cette remarque, M. Nicolas About, président , a indiqué qu'il faisait lui-même partie de la commission consultative des gens du voyage et que la scolarisation des enfants était l'un des thèmes de travail qu'elle allait prochainement aborder.

Concernant la création de l'observatoire, M. Jean Chérioux a indiqué qu'il devait être moins question d'observer que d'évaluer la maltraitance.

Il s'est ensuite félicité de la mise en oeuvre d'une réforme à venir des tutelles, dont le mauvais fonctionnement était une réalité, en particulier à Paris où il était devenu extrêmement difficile de trouver des tuteurs volontaires.

Il a enfin estimé que l'un des problèmes de recrutement des assistantes maternelles était lié au manque de logements et a déclaré que les normes de sécurité qui s'appliquaient à ce mode de garde étaient souvent excessives et suscitaient un développement inquiétant des contentieux.

Mme Michelle Demessine a approuvé la prudence du rapporteur quant au contenu du texte. Elle a estimé qu'on ne pouvait pas aborder le sujet de la maltraitance sans avoir à l'esprit plus largement les problèmes de société, notamment l'érosion des repères et les situations de grande pauvreté, qui créent de nombreuses carences éducatives et un désert culturel inquiétant.

Elle s'est montrée dubitative quant à la création de l'observatoire, estimant que les réponses curatives n'étaient pas suffisantes puisque c'est l'ensemble de la société qui avait changé et, par là même, les modes d'éducation des enfants.

Abordant la question de l'absentéisme scolaire, elle s'est félicitée de l'abandon du dispositif de suppression des allocations familiales mais a estimé qu'une amende constituait une autre mauvaise réponse. Elle a interrogé sur ce sujet le rapporteur sur les autres mesures proposées par le Gouvernement pour remédier à ce problème et sur la réalité du lien entre l'absentéisme et l'échec scolaire.

Concernant les assistantes maternelles, elle a insisté sur la nécessité de conserver la diversité de l'offre et, donc la spécificité des assistantes maternelles, et a ajouté qu'il ne fallait pas s'appuyer uniquement sur ce mode de garde. Elle a estimé, à cet égard, que l'élargissement de l'accueil proposé par le projet de loi était une dérive vers une forme d'accueil collectif et posait le risque de l'apparition de « haltes garderies sauvages », alors même que les assistantes maternelles étaient formées pour fournir un accueil individualisé.

Elle a estimé indispensable qu'il soit fait état de la façon dont était exercée la tutelle sur les majeurs protégés qui souffraient du regard que l'on portait trop souvent sur eux et qui souhaitaient que leurs attentes soient mieux prises en compte, au-delà du problème de financement des régimes.

Au regard des mesures proposées par le texte, elle a enfin estimé que son intitulé, « accueil et protection de l'enfance », affichait une ambition non traduite dans les faits.

M. Alain Vasselle a souhaité souligner quatre points. Concernant les assistantes maternelles, il a évoqué la question récurrente de l'accueil des enfants hors de la commune de résidence, rappelant qu'un dispositif obligeait cette dernière à rembourser les frais afférents à la commune d'accueil. Il a estimé, à ce titre, que ce remboursement devait également être mis en place dans le cas d'un accueil par une assistante maternelle. Il s'est ensuite indigné de ce qu'un tuteur ne bénéficie pas, à l'heure actuelle, d'une indemnité identique à celle dont disposaient les associations qui avaient cette charge. Il a indiqué, en outre, partager le point de vue évoqué par M. Michel Esneu sur la scolarisation des enfants du voyage. Il a enfin émis un doute sur l'efficacité de la mise en place d'une amende en cas de manquement à l'obligation scolaire.

M. Louis Souvet s'est déclaré mal à l'aise face à un texte qui abordait des problèmes aussi différents que ceux de l'accueil de l'enfant et de sa protection, soulignant que cette dernière faisait l'objet d'un contexte médiatique tel que la question de l'accueil risquait d'être oubliée. S'intéressant ensuite au dépistage de la maltraitance, il a estimé que les travailleurs sociaux avaient une lourde responsabilité en matière de signalements. Il s'est prononcé contre la possibilité donnée aux présidents de conseils généraux d'accorder des dérogations pour les agréments des assistantes maternelles, reconnaissant toutefois l'insuffisance actuelle de l'offre de garde. Il a enfin déploré l'abrogation du dispositif de suppression des allocations familiales et fait valoir que la protection de l'enfance ne concernait pas que les familles désavantagées.

M. Claude Domeizel s'est étonné que le texte proposé ne soit pas plus ambitieux eu égard aux problèmes essentiels qu'il soulevait. Il a souligné que la protection de l'enfance était un domaine plus difficile à aborder que celui de l'accueil, parce qu'il concernait des questions internes aux familles et qu'il était difficile de donner une définition exacte de la maltraitance. Il a constaté que, dans ce domaine, le texte n'abordait que quelques questions, qu'il laissait notamment de côté le rôle de l'école en matière de signalements des cas de maltraitance et il a appelé de ses voeux une meilleure formation des enseignants dans ce domaine.

Mme Sylvie Desmarescaux a estimé que les travailleurs sociaux ne travaillaient actuellement pas suffisamment en collaboration les uns avec les autres, ce qui nuisait à une protection efficace des enfants.

Répondant aux différents intervenants, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur , a indiqué que les médecins devaient rester un élément moteur de la lutte contre la maltraitance, qu'ils soient médecins légistes, médecins de famille ou urgentistes.

Il a ensuite estimé qu'il fallait donner des outils efficaces, par le biais de l'observatoire, aux différents partenaires du secteur social et aux magistrats afin de remédier aux inégalités existant entre les départements dans le domaine de la prise en charge des enfants en danger.

Reconnaissant que le texte restait d'ampleur modeste, il a indiqué qu'il proposait toutefois de nombreuses mesures positives, anticipant sur des réformes plus importantes à venir, et qu'il avait le mérite d'ouvrir le débat sur des questions difficiles.

Il a rappelé, à cet égard, qu'une réforme était en cours de préparation sur le statut des assistantes maternelles, leur formation, leurs perspectives de carrière et leurs modes de rémunération, et qu'il serait effectivement utile, à cette occasion, d'aborder la question de leur logement.

Concernant l'absentéisme scolaire, il a indiqué que, avant qu'il ne soit question d'amendes, existaient des modules de soutien à la responsabilité parentale, gérés par les CAF et les unions des associations familiales (UDAF), pour venir en aide aux familles.

Il a ensuite estimé qu'il n'était pas question de culpabiliser les acteurs de la lutte contre l'enfance en danger, mais de les responsabiliser et d'organiser, à leur intention, un retour efficace de l'information après traitement des dossiers.

Il a rappelé que l'observatoire était nécessaire à une action efficace de coordination et de partenariat des différents intervenants afin de mieux connaître le phénomène de la maltraitance. Il a considéré pour autant que la structure proposée était suffisamment légère pour ne pas craindre d'éventuelles difficultés de fonctionnement.

Il a également reconnu que la question de l'autopsie en cas de mort subite du nourrisson méritait d'être posée prochainement, à l'occasion du prochain débat sur la loi de santé publique, mais qu'il y avait également une réelle insuffisance des moyens en matière de médecins légistes.

Abordant la question des gens du voyage, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur, a indiqué que les schémas départementaux les concernant devaient prendre en compte le problème dans sa globalité, notamment la question de l'obligation scolaire, et a proposé que soient créé un nombre plus important d'écoles pouvant accueillir ces enfants. Il a rappelé que la question des enfants issus de l'immigration clandestine devait également rapidement être prise en compte par les pouvoirs publics.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements présentés par le rapporteur.

A l' article premier (modification de l'agrément des assistantes maternelles), à l'issue d'un large débat au cours duquel sont intervenus Mmes Michelle Demessine, Sylvie Desmarescaux, Annick Bocandé, Françoise Henneron et M. André Lardeux , la commission a adopté un amendement limitant à six le nombre global d'enfants pouvant être accueillis par une assistante maternelle.

Elle a adopté sans modification les articles 2 (dispositions transitoires relatives à la réforme de l'agrément des assistantes maternelles non permanentes) et 3 (abrogation de l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale).

Avant l'article 4 , elle a adopté deux articles additionnels afin de renforcer les règles protectrices s'appliquant au travail des enfants dans certaines professions de la mode et du spectacle.

Elle a ensuite adopté sans modification les articles 4 (renforcement des sanctions pénales en cas d'infraction aux règles régissant le travail des enfants dans les professions ambulantes et la durée du travail dans le mannequinat), 5 (renforcement des sanctions pénales en cas d'emploi non autorisé d'un enfant dans une entreprise de spectacles ou de mannequinat et d'infraction à la législation sur la répartition de la rémunération de l'enfant) et 6 (renforcement des sanctions pénales en cas d'emploi dissimulé d'un mineur de moins de seize ans et application dans la collectivité territoriale de Mayotte).

A l' article 7 (création d'un observatoire de l'enfance maltraitée), elle a précisé par deux amendements le nom et les missions de l'observatoire.

Elle a adopté l' article 8 (application à l'observatoire des dispositions relatives au secret professionnel et au financement du service national d'accueil téléphonique de l'enfance maltraitée (SNATEM) sans modification.

A l' article 9 (constitution de partie civile par des associations dans les cas de violences exercées contre des victimes majeures), elle a adopté un amendement de précision.

A l' article 10 (constitution de partie civile par des associations dans les cas de violences exercées contre des victimes mineures), elle a souhaité encadrer plus strictement la procédure de constitution de partie civile des associations au travers de quatre amendements.

Elle a adopté l' article 11 (extension des mesures à certains territoires ultra-marins) sans modification.

Enfin, elle a adopté deux amendements de précision à l' article 12 (expérimentation de dotations globales de financement dans les services tutélaires).

La commission a enfin adopté le projet de loi ainsi amendé.

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