3. Un scénario de suppression vertueuse

Dès l'an dernier, votre rapporteur avait, dans son rapport, dressé un tableau des deux solutions de suppression du FOREC dont il rappelle ici la teneur :

La suppression « vertueuse » du FOREC

Elle consisterait à inscrire ses recettes et ses dépenses au budget de l'Etat, c'est-à-dire à fondre ses recettes dans la masse des impôts et taxes et à inscrire les dotations budgétaires correspondantes à la compensation des différentes exonérations dans les dépenses du budget de l'Etat, comme cela était le cas avant la création du FOREC.

Cette solution pose un problème de masses financières (gonflement des dépenses de l'Etat d'environ 16 milliards d'euros), même si les soldes restent inchangés. Elle soulève également une interrogation quant à la cohérence de la répartition de certains impôts et taxes entre l'Etat et la sécurité sociale, puisque les droits de consommation sur les tabacs et les alcools sont des recettes importantes du FOREC. Or, il apparaît logique que ces recettes, qui obéissent à une logique de santé publique et qui demeurent dissuasives, restent affectées sinon à la sécurité sociale, du moins à la « sphère sociale ».

La suppression « dangereuse » du FOREC

Elle consisterait à dissoudre le FOREC et à affecter ses recettes directement aux différentes caisses et régimes concernés par les exonérations de cotisations.

En effet, le défaut du FOREC, qui tient à l'impossible ajustement annuel des recettes aux dépenses, serait ainsi accentué (et même multiplié par le nombre de caisses), ce qui rendrait le suivi de la compensation des exonérations à chaque caisse extrêmement difficile. Le contrôle du respect, par l'Etat, de l'obligation posée par la « loi Veil » de 1994, deviendrait alors irréalisable.

Le projet de loi propose la mise en oeuvre de la première hypothèse, ce qui démontre la « mauvaise affaire » que constituait le FOREC pour la sécurité sociale.

L'ensemble des recettes du FOREC est versé au profit du budget général. Elles comprennent notamment les droits de consommation sur les tabacs que l'article 24 du projet de loi de finances propose de répartir de façon à :

- affecter, conformément à l'engagement du Gouvernement, l'ensemble du produit de l'augmentation de la fiscalité sur le tabac à la CNAMTS ;

- figer le montant de ces droits affectés à l'État au niveau du montant dont bénéficiait le FOREC (en 2003, 7,3 milliards d'euros).

Ce tableau de réaffectation constitue en réalité une opération de « dégagement » du BAPSA, ce dernier bénéficiant de la moitié des droits - 50,16 % + 0,31 % du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FIPSA) - en contrepartie d'une rétrocession à l'État des recettes de TVA (4,6 milliards d'euros), du préciput sur les droits sur les alcools (19 millions d'euros) et de la disparition de sa subvention budgétaire d'équilibre (150 millions d'euros en 2003).

L'État procède donc à un échange de fiscalité sur le tabac contre des recettes de TVA.

Cette opération est-elle profitable à moyen et long termes pour la protection sociale agricole ? Les recettes de fiscalité sur le tabac ne croissent qu'en raison d'une augmentation massive de la pression fiscale (+ 20 % en 2003) qui, de fait, ne pourra se poursuivre indéfiniment, et sur une maîtrise de la contrebande aujourd'hui difficile à évaluer. A cet égard, les recettes de la TVA constituent sans doute une meilleure base de financement. L'échange entre une taxe, dont le produit a vocation à disparaître du fait de la baisse de la consommation résultant elle-même de la baisse de la fiscalité, contre une taxe croissante par nature (la TVA) constitue-t-il un marché équitable pour l'avenir ?

Le rapporteur pour avis de la commission des finances de l'Assemblée nationale, François Goulard, précise pour sa part que, « globalement, la rebudgétisation du fonds se traduit par une charge nette, pour le budget de l'État, de 1,25 milliard d'euros. Cette charge n'est évidemment que très partiellement compensée par le versement en recettes non fiscales de 382 millions d'euros provenant du fonds de roulement du FOREC.

« Après 2004, le budget général devra supporter la charge croissante résultant de la différence de dynamique de l'assiette des impositions réaffectées au budget (soit 2 à 3 % par an), - à taux constant de ces différentes taxes -, et des allégements de charges sociales . Ainsi, selon le rapport général sur le projet de loi de finances pour 2004, l'impact de cet effort d'allégement de charges supplémentaires a d'ores et déjà été évalué à 3,2 milliards d'euros. »

Ce contrat laisse bien évidemment entendre quelle était la véritable motivation du montage FOREC, motivation rappelée par la Cour des comptes 10 ( * ) : « pour le ministère des finances du moins, la création du FOREC répondait aussi à l'idée qu'à l'avenir les taxes affectées pourraient se substituer à la logique du remboursement des exonérations - et donc à l'abandon du principe posé par la loi de 1994. Cette logique n'a finalement pas prévalu. Dès lors que le FOREC est resté dans une logique de remboursement, il n'apporte rien de plus par rapport au versement du montant des exonérations directement à l'ACOSS. »

Dans cette hypothèse, la sécurité sociale aurait supporté la déformation de la compensation entre le coût des allégements de cotisations plus dynamique que la progression des recettes censées la financer. Cette déformation François Goulard la constate à présent à l'envers. Cette opération « pour solde de tout compte » aurait abrogé, dans les faits, la règle de la compensation intégrale des exonérations de cotisations décidées par l'État, à laquelle votre commission demeure très attachée.

Les dépenses du FOREC sont, en conséquence, réintégrées au sein du budget général. Le chapitre 44-77 du titre IV du budget du ministère du travail récapitule les 18,204 milliards d'euros d'exonérations compensées.

Compensation de l'exonération des cotisations sociales

en millions d'euros

Exonération de cotisations sociales au titre de l'incitation à la réduction du temps de travail (loi du 13 juin 1998)

890,00

Exonération de cotisations sociales au titre de l'incitation à l'aménagement et à la réduction du temps de travail (loi du 11 juin 1996)

408,00

Réduction dégressive des cotisations sociales patronales sur les bas salaires (loi du 17 janvier 2003) (nouveau)

15.792,00

Exonération de cotisations sociales pour l'embauche du deuxième au cinquantième salarié dans les entreprises situées en zone de revitalisation rurale ou de redynamisation urbaine

27,05

Exonération de cotisations sociales en faveur des cinquante premiers salariés des entreprises situées dans les zones franches

294,94

Exonération de cotisations sociales au titre de la zone franche de Corse

10,06

Exonération de cotisations sociales des correspondants locaux de la presse régionale ou départementale

0,09

Exonération de cotisations sociales au profit des secteurs de production dans les DOM

668,65

Exonération de cotisations sociales au titre de l'article L. 241-14 du code de la sécurité sociale

104,20

Exonération de cotisations d'allocations familiales

10,00

Total

18.204,99

* 10 Cf. en annexe, réponse au questionnaire de votre rapporteur.

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