IV. EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

A. ARTICLE 81 RATTACHÉ

L'article 81 du projet de loi de finances pour 2004, rattaché, pour son examen, aux crédits de la santé et de la solidarité, vise à majorer des taxes et redevances affectées à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).

L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé 10 ( * ) (AFSSAPS), établissement public administratif de l'Etat créé par la loi n° 98-535 du 1 er juillet 1998, est responsable de la sécurité sanitaire des produits de santé destinés à l'homme, tels que les médicaments, les produits sanguins labiles, les organes, tissus et cellules, les produits de thérapie cellulaire et génique, les produits thérapeutiques annexes, les dispositifs médicaux, les réactifs de laboratoires ou certaines variétés d'aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales, ainsi que des produits à finalité cosmétique ou d'hygiène corporelle.

L'établissement disposait à sa création d'un dispositif de taxes et redevances sur les médicaments et les réactifs de laboratoire dont était dotée l'Agence du médicament, à laquelle il a succédé. Ce dispositif a été complété par la création, en loi de finances pour 2001, de taxes sur le chiffre d'affaires des dispositifs médicaux (articles L. 5211-5-2 et L. 5221-7 du code de la santé publique) ainsi que sur les demandes d'inscription de dispositifs médicaux sur la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale (article L. 5211-5-1 du même code).

Le présent article majore ces taxes, parfois dans des proportions importantes. Cinq modifications sont prévues.

1. Le droit progressif d'autorisation de mise sur le marché de médicaments

Le droit progressif sur les demandes d'autorisation de mise sur le marché de médicaments (AMM) est prévu à l'article L. 5121-16 du code de la santé publique. Le montant plafond de cette taxe a été fixé par la loi n° 95-116 du 4 février 1995 à 150.000 francs. L'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 a converti ce montant en euros, à 23.000 euros selon les règles de transposition. Ce montant est appliqué aux dossiers d'AMM contenant un nouveau principe actif.

Il est proposé de revaloriser ce montant plafond en fonction de l'évolution de l'indice des prix depuis 1996, soit 10,3 %. Le plafond passera ainsi de 23.000 euros à 25.400 euros. Une revalorisation similaire serait menée pour les taux fixés par voie réglementaire (nouvelles indications, renouvellement, modifications).

Ces deux mesures conjuguées amèneraient, sur la base de l'activité de l'année 2002, un rendement complémentaire de la taxe d'environ 2,11 millions d'euros, soit un rendement total de 22,34 millions d'euros, contre 20,23 millions euros actuellement.

2. La taxe annuelle sur les médicaments

La taxe annuelle sur les médicaments et produits bénéficiaires d'une AMM est prévue à l'article L. 5121-17 du code de la santé publique.

D'une part, un plafond de 3.050 euros par spécialité pharmaceutique et produit d'une AMM est actuellement fixé par la loi. Ce plafond s'applique aux spécialités dont le chiffre d'affaires est supérieur à 1,5 million d'euros.

D'autre part, un seuil d'imposition est prévu : la taxe n'est pas exigible pour les médicaments ou produits dont les ventes, à l'exclusion des ventes à l'exportation, n'ont pas atteint, au cours de l'année civile précédente, un montant hors taxe de 76.000 euros.

Selon l'exposé des motifs, ce seuil d'imposition et le niveau du plafond aboutissent à un dispositif peu progressif, « dont le rendement et l'équité sont limités ». En effet, sur environ 8.600 spécialités déclarées auprès de l'AFSSAPS en 2002, près de 3.200, soit 37 %, se situent en-dessous du seuil de taxation et sont donc exonérées, tandis qu'un tiers des spécialités taxées (1.800 sur 5.400) sont imposées au taux plafond.

Le présent article propose donc deux mesures de niveau législatif :

- d'une part d'abroger le seuil d'imposition de 76.000 euros ;

- d'autre part, de relever le montant du plafond de 3.050 euros à 17.000 euros.

Par ailleurs, il est proposé de créer par décret quatre tranches additionnelles de taxation, la dernière tranche étant applicable aux chiffres d'affaires supérieurs à 30 millions d'euros. Le montant dû pour chaque tranche serait augmenté du montant de l'inflation depuis 1993, soit 15,3 %. Sur la base des données 2002, environ 800 spécialités se répartiraient dans les quatre nouvelles tranches ainsi créées (chiffres d'affaires supérieurs à 5, 10, 15 et 30 millions d'euros). Seules 54 spécialités se situeraient dans la dernière tranche.

Un tel réaménagement devrait générer un rendement complémentaire de près de 6,5 millions d'euros, soit un rendement total de la taxe de l'ordre de 16 millions d'euros, contre 9,4 millions d'euros en 2002.

3. La redevance sur les demandes de visas de publicité

L'article L. 5122-5 du code de la santé publique dispose que toute demande de visa ou de renouvellement de visa de publicité, ainsi que tout dépôt de publicité, doit être accompagné du versement d'une redevance au profit de l'AFSSAPS.

Son taux est fixé par décret, dans la limite de 460 euros. Ce montant est actuellement applicable aux dossiers soumis à l'AFSSAPS.

Le présent article propose de revaloriser ce montant plafond en fonction de l'évolution de l'indice des prix depuis 1996. Ce relèvement du plafond à 510 euros et son application dans la même proportion aux taux fixés par voie réglementaire entraînerait, sur la base de l'activité constatée en 2002, un rendement complémentaire de la redevance d'environ 0,56 million d'euros, soit un rendement total de la redevance d'environ 4,7 millions d'euros contre 4,14 millions d'euros actuellement.

Une interrogation réside sur la qualification juridique de cette redevance. Le Conseil d'Etat a en effet estimé que la qualification de « taxe » pourrait être plus appropriée. L'Assemblée nationale a adopté un amendement allant en ce sens.

4. La taxe perçue sur les dossiers de demande d'inscription d'un médicament sur la liste des spécialités remboursables

L'AFSSAPS assure le secrétariat de la commission de la transparence. Cette commission, placée auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, a pour mission de donner un avis sur le bien-fondé de l'inscription des médicaments sur les listes des spécialités remboursables et des médicaments agréés à l'usage des collectivités.

L'article L. 5123-5 du code de la santé publique prévoit que l'AFSSAPS perçoit une redevance à la charge du demandeur sur tout dossier de demande d'inscription ou de modification d'inscription d'un médicament sur la liste des spécialités remboursables.

Le montant de cette redevance est fixé par arrêté des ministres chargés de l'économie et des finances, de la santé et de la sécurité sociale, dans la limite de 4.600 euros pour les demandes d'inscription. Le montant perçu à l'occasion d'une demande de modification d'inscription est fixé dans les mêmes conditions dans la limite de 20 % de la redevance perçue pour une demande d'inscription.

En revanche, et en l'absence de dispositions spécifiques, les demandes de renouvellement d'inscription sont traitées comme des demandes de modification, et ce alors même que ces deux types de demande sont différents.

L'exposé des motifs indique que, compte tenu du volume de travail entraîné par un dossier de demande de renouvellement d'inscription, il est proposé de créer un taux spécifique de redevance pour ces demandes, représentant 60 % de celui exigible pour une demande initiale. Le rendement de cette mesure est estimé à 0,7 million d'euros.

D'autre part, le terme « redevance » est remplacé par le terme « taxe » au sein de l'ensemble de l'article.

5. La taxe sur le chiffre d'affaires des dispositifs médicaux

L'article L. 5211-5-2 dispose qu'il est institué au profit de l'AFSSAPS une taxe annuelle frappant les dispositifs médicaux mis sur le marché français. Elle est exigible des fabricants, ou pour les produits importés hors de la Communauté européenne, de leurs mandataires.

Le taux de cette taxe est fixé à 0,15 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes réalisé. La taxe n'est pas exigible lorsque les ventes n'ont pas atteint, au cours de l'année civile précédente, un montant hors taxes de 763.000 euros. Le montant de la taxe est versé au moment de la déclaration de mise sur le marché, qui est obligatoire.

Le présent article propose de porter le taux de cette taxe de 0,15 % à 0,28 %. Trois arguments sont avancés pour expliquer cette hausse :

- le développement du contrôle du marché des dispositifs médicaux ainsi que par la mise en place du contrôle du diagnostic in vitro prévue par l'ordonnance n° 2001-198 du 1 er mars 2001 et ses règlements d'application ;

- le développement de la matério-vigilance et de la réacto-vigilance concernant les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, prévu par le même texte ;

- le développement d'une activité d'évaluation transversale de la commission d'évaluation des produits, qui générera un surcroît d'activité pour l'agence.

Le rendement attendu de cette mesure s'élève à 4,47 millions d'euros.

Au total, la hausse prévue du rendement devrait s'élever à 14,34 millions d'euros. Cette hausse doit être rapprochée de la hausse de la dotation budgétaire de l'agence, qui était nécessaire dans la mesure où cette dotation avait été limitée l'an passé afin de puiser dans les réserves de trésorerie . Votre rapporteur spécial, qui a récemment procédé à un contrôle de l'agence, sera particulièrement attentif à l'utilisation de ces crédits. Il espère ainsi que les efforts engagés par l'AFSSAPS se poursuivront .

B. ARTICLE 82 RATTACHÉ

L'article 82 du projet de loi de finances pour 2004, rattaché, pour son examen, aux crédits de la santé et de la solidarité, vise à mettre en place un forfait unifié de prise en charge des dépenses de couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) relevant d'une caisse d'assurance maladie ou d'un organisme complémentaire

1. Le dispositif actuel

Instaurée par la loi du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle (CMU), la CMU est entrée en vigueur le 1 er janvier 2000. Elle comprend deux volets : la CMU de base et la CMU complémentaire. La CMU complémentaire (CMUC) bénéficiait au 31 décembre 2002 à 4,5 millions de personnes. Parmi elles, 3,9 millions résidaient en métropole et environ 600.000 dans les DOM.

La CMU complémentaire permet de fournir une couverture complémentaire gratuite à toute personne résidant en France de manière stable et régulière, sous condition de ressources fixée par décret. Elle remplace l'aide médicale dispensée par les conseils généraux dans le cadre de l'aide sociale décentralisée.

Elle permet ainsi la prise en charge avec dispense d'avance de frais du ticket modérateur, du forfait journalier et des frais supplémentaires concernant les prothèses dentaires, l'orthopédie dento-faciale et certains dispositifs médicaux à usage individuel.

Les personnes peuvent choisir si les prestations sont gérées par une caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) ou un organisme complémentaire ayant choisi d'assurer cette gestion. En pratique, seuls 15 % des bénéficiaires de la CMU complémentaire ont choisi un organisme complémentaire.

a) Un financement par dotation de l'Etat

Le financement de la CMU complémentaire est assuré par un fonds ad hoc , le fonds de financement de la CMU, qui est doté de deux ressources : d'une part, une contribution de l'Etat fixée en loi de finances et prélevée sur les crédits des ministères sociaux et, d'autre part, une contribution trimestrielle des organismes de couverture maladie complémentaire, correspondant à 1,75 % du montant des cotisations et des primes concernant les frais de santé recouvrées au trimestre précédent. Le fonds verse aux caisses de sécurité sociale une somme correspondant aux dépenses qu'elles supportent au titre de la prise en charge de la CMU complémentaire.

L'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale permet aux organismes de protection sociale complémentaire participant à la CMUC (mutuelles, sociétés d'assurance, institutions de prévoyance) de déduire de cette contribution un montant représentatif des adhésions ou contrats souscrits au titre de la CMUC. Cette déduction est actuellement fixée à 70,75 euros par trimestre.

b) Une différence de traitement entre les CPAM et les organismes complémentaires

Il existe donc une différence de traitement entre les caisses de sécurité sociale, qui voient leurs dépenses à ce titre intégralement compensées par un versement du fonds de financement de la CMU, et les organismes complémentaires, qui peuvent bénéficier d'une déduction à la contribution versée au fonds de financement, qui ne couvre pas en pratique l'intégralité de leurs dépenses.

Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999 sur la loi portant création d'une couverture maladie universelle, avait justifié ainsi cette différence de traitement :

« Considérant que, s'il est vrai que les conditions de compensation des dépenses engagées au titre de la protection complémentaire des bénéficiaires de la couverture maladie universelle ne sont pas les mêmes selon que le choix des intéressés se porte sur un organisme d'assurance maladie ou sur un organisme de protection sociale complémentaire, les différences de traitement qui en résultent entre organismes sont la conséquence de la différence de situation de ces derniers au regard de l'objet de la loi ; qu'en effet, les organismes d'assurance maladie ont l'obligation de prendre en charge, dans le cadre de leur mission de service public et pour le compte de l'Etat, la couverture complémentaire des bénéficiaires de la couverture maladie universelle qui leur en font la demande ; qu'en revanche, les organismes de protection sociale complémentaire ont la simple faculté de participer à ce dispositif et la liberté de s'en retirer ; que la différence de traitement critiquée est en rapport direct avec l'objet de la loi, lequel consiste à garantir l'accès à une protection complémentaire en matière de santé aux personnes dont les ressources sont les plus faibles ».

2. Le dispositif proposé

a) Une majoration de la déduction accordée aux organismes complémentaires

Initialement fixée en 2000 à 57 euros par trimestre, soit 228 euros par an, la déduction apparaissait bien inférieure à la charge financière liée à la prise en charge de la CMU complémentaire. La loi de finances pour 2003 a porté la déduction à 70,75 euros par trimestre, afin de combler ce retard. Le projet de loi de finances pour 2004 poursuit cet effort en prévoyant de porter la déduction à 75 euros par trimestre, soit 300 euros par an.

b) La mise en place d'un forfait unifié

Par ailleurs, dans le but de mettre fin à la différence de traitement précédemment exposée entre organismes de sécurité sociale et organismes de protection sociale complémentaire, le présent article prévoit que le fonds de financement de la CMUC allouera aux régimes obligatoires une dotation par bénéficiaire d'un montant égal à la déduction accordée aux organismes complémentaires.

Au total, la mise en place d'un forfait unifié de prise en charge devrait induire en 2004 une économie de 117 millions d'euros pour l'Etat :

- 128 millions d'euros d'économie par forfaitisation du remboursement des régimes obligatoires ;

- 11 millions d'euros de surcoût du fait de l'augmentation du forfait pour les organismes de protection sociale complémentaire.

Cette mesure a donc pour objectif à la fois de poursuivre l'effort engagé en vue de couvrir le coût des frais engagés par les organismes de protection sociale complémentaire dans des conditions économiquement viables et de maîtriser l'augmentation continue de la dépense afférente aux prestations de CMU complémentaire 11 ( * ) en plaçant les gestionnaires de régimes obligatoires en situation de gestion active du risque maladie des bénéficiaires de la CMU complémentaire dont ils ont la charge, ce qui devrait leur permettre d'améliorer leur gestion du dispositif.

Votre rapporteur spécial, s'il salue la volonté de maîtrise des dépenses et de gestion active du risque, s'interroge toutefois sur le bien fondé du changement de statut du financement des caisses d'assurance maladie et craint que cette opération ne se solde que par un transfert de charge de l'Etat vers l'assurance maladie, et ce alors que les caisses assurent bien une mission de service public pour le compte de l'Etat, ainsi que l'avait re levé le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée.

* 10 Pour davantage d'informations, se reporter au rapport d'information de votre rapporteur spécial, « L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé : sortir de la crise de croissance », rapport d'information n° 409 (2002-2003).

* 11 Les prestations assurées par les caisses d'assurance maladie au titre de la CMU complémentaire se sont élevées à 1,16 milliard d'euros en 2002, dont 1,1 milliard d'euros pour le seul régime général.

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