CHAPITRE II
-
Emploi, travail adapté et travail protégé
Section 1
-
Principe de non-discrimination

Article 9
(art. L. 214-4-1-1 nouveau et L. 323-9 du code du travail)
Mesures d'aménagement en faveur des actifs handicapés

Objet : Cet article vise à permettre aux employeurs de prendre des mesures appropriées pour l'emploi et la formation des personnes handicapées, en particulier grâce à un aménagement de leurs horaires de travail.

I - Le dispositif proposé

Comme le rappelle l'exposé des motifs du présent projet de loi, la directive du Conseil européen du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, demande aux États membres de prévoir des « aménagements à l'égard des personnes handicapées » et de faire en sorte que les employeurs prennent « des mesures appropriées en fonction des besoins d'une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d'accéder à un emploi, de l'exercer et d'y progresser, ou pour qu'une formation lui soit dispensée, sauf si ces mesures imposent à l'employeur une charge disproportionnée ».

Cette directive est déjà partiellement transposée dans le code du travail, aux articles L. 122-45, alinéa 1 (motifs de discrimination) et alinéa 4 (charge de la preuve), L. 122-49, L. 122-50 et L. 122-51 (définition du harcèlement).

Mais, la législation française ne reprend pas la totalité de cette directive. En effet, s'inspirant du principe de non-discrimination à l'égard des personnes handicapées, l'article L. 323-9, figurant dans la section II du chapitre III du titre II du livre troisième du code du travail relatif aux « dispositions régissant l'emploi de certaines catégories de travailleurs », essentiellement des « travailleurs handicapés » dispose que l'emploi et le reclassement des travailleurs handicapés sont un élément de la politique de l'emploi. Le reclassement comprend la réadaptation fonctionnelle, éventuellement complétée d'un réentraînement à l'effort, l'orientation, la rééducation ou la formation professionnelle ainsi que le placement.

Le paragraphe I propose de compléter l'article L. 323-9 par les dispositions non encore transposées de la directive européenne. Ainsi, l'employeur sera désormais tenu de prendre des mesures appropriées pour permettre aux personnes handicapées d'accéder à un emploi, de l'exercer ou d'y progresser ainsi que de bénéficier d'une formation . Cette obligation est encadrée puisque les charges qu'elle implique pour l'employeur ne doivent pas être disproportionnées. Elles prennent notamment en compte les compensations financières accordées en contrepartie des dépenses supportées.

Également inspiré du principe de non-discrimination, le paragraphe II crée un article L. 212-4-1-1 nouveau, qui trouvera sa place dans la section 2 (« travail à temps choisi » ) du chapitre II (« durée du travail » ) du titre I (« conditions de travail » ) du livre deuxième (« réglementation du travail » ).

Il élargit les dérogations à la règle de l'horaire collectif de travail aux travailleurs handicapés bénéficiaires de l'obligation d'emploi, mentionnés à l'article L. 323-3, en permettant à l'employeur de mettre en place en leur faveur des horaires individualisés, dans la limite des possibilités de l'entreprise. Cette dérogation aura ainsi pour objet de faciliter leur accès à l'emploi, leur exercice professionnel ou le maintien dans leur emploi.

L'ensemble de ces nouvelles dispositions ne requérant pas de texte d'application, elles sont applicables dès l'entrée en vigueur du présent projet de loi.

L'étude d'impact du projet de loi précise enfin que la Commission européenne remettra au Parlement européen, au plus tard le 2 décembre 2005 et ensuite tous les cinq ans, un rapport évaluant le dispositif ainsi mis en place dans les États membres de l'Union.

II - La position de votre commission

Les dispositions du présent article viennent compléter celles du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, actuellement en cours d'adoption par le Parlement. En effet, l'article 5 de ce projet de loi dispose que « les personnes mentionnées à l'article L. 323-3, notamment les personnes handicapées, bénéficient d'actions spécifiques de formation qui visent leur accès à l'emploi, leur maintien dans l'emploi et leur promotion professionnelle ». Ce sont précisément ces actions spécifiques dont les modalités de mise en oeuvre sont définies au présent article.

Lors de l'examen de ce texte au Sénat, votre commission a même souhaité renforcer le principe de non-discrimination à l'égard des travailleurs handicapés en proposant d'inscrire dans le code du travail que les formations de droit commun leur sont également ouvertes : il s'agissait ainsi de leur adresser un signal fort en abordant la question de leur formation dans un cadre ordinaire.

Votre commission ne proposera donc à cet article qu'un amendement de précision tendant, sur la base de l'étude d'impact du projet de loi, à indiquer qu'au-delà des personnes handicapées, ce sont plus largement les populations mentionnées à l'article L. 323-3 du code du travail qui doivent également être concernées par le paragraphe I. Ces populations concernent :

- les travailleurs reconnus handicapés par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel ;

- les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à 10 % et titulaires d'une rente attribuée au titre du régime général de sécurité sociale ou de tout autre régime de protection sociale obligatoire ;

- les titulaires d'une pension d'invalidité attribuée au titre du régime général de sécurité sociale, de tout autre régime de protection sociale obligatoire ou au titre des dispositions régissant les agents publics à condition que l'invalidité des intéressés réduise au moins des deux tiers leur capacité de travail ou de gain ;

- les anciens militaires et assimilés, titulaires d'une pension militaire d'invalidité au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

- les veuves de guerre non remariées titulaires d'une pension au titre du même code, dont le conjoint militaire ou assimilé est décédé des suites d'une blessure ou d'une maladie imputable à un service de guerre ou alors qu'il était en possession d'un droit à pension militaire d'invalidité d'un taux au moins égal à 8 % ;

- les orphelins de guerre âgés de moins de vingt et un ans et les mères veuves non remariées ou les mères célibataires, dont respectivement le père ou l'enfant, militaire ou assimilé, est décédé des suites d'une blessure ou d'une maladie imputable à un service de guerre ou alors qu'il était en possession d'un droit à pension d'invalidité d'un taux au moins égal à 85 % ;

- les veuves de guerre remariées ayant au moins un enfant à charge issu du mariage avec le militaire ou assimilé décédé, lorsque ces veuves ont obtenu ou auraient été en droit d'obtenir, avant leur remariage, une pension ;

- les femmes d'invalides internés pour aliénation mentale imputable à un service de guerre ;

- les sapeurs-pompiers volontaires titulaires d'une allocation ou d'une rente d'invalidité attribuée en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 10
(art. L. 132-12, L. 132-27, L. 133-5 et L. 136-2 du code du travail)
Obligation de négociation collective sur les conditions d'emploi
et de travail des travailleurs handicapés

Objet : Cet article vise à instituer une obligation périodique de négociation de branche ou d'entreprise sur les conditions d'emploi et de travail des personnes handicapées.

I - Le dispositif proposé

Les dispositions relatives aux « conventions et accords collectifs de travail » figurent au titre III du livre premier du code du travail.

S'agissant plus particulièrement des conventions collectives de branches et accords professionnels et interprofessionnels, décrits à la section 2 du chapitre II, l'article L. 132-12 dispose que les partenaires sociaux, sur la base d'un rapport remis par la partie patronale, ont obligation de négocier les salaires « au moins une fois par an » et d'examiner la nécessité de réviser les classifications « au moins une fois tous les cinq ans ». Il prévoit également une négociation « tous les trois ans » sur l'égalité professionnelle hommes-femmes.

Le paragraphe I propose d'élargir le champ de cette négociation de branche ou interprofessionnelle à l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés en complétant l'article L. 132-12 par deux alinéas supplémentaires.

Le premier alinéa invite les partenaires sociaux liés par une convention de branche ou un accord professionnel à négocier tous les trois ans sur les mesures tendant à l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés et notamment sur les conditions d'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles ainsi que sur les conditions de travail et d'emploi.

Le second alinéa précise que cette négociation s'appuie sur un rapport établi par la partie patronale. Ce rapport doit décrire, pour chaque secteur d'activité, la façon dont est mise en oeuvre l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, telle qu'elle est prévue par la section 1 du chapitre III du titre II du livre III (« obligation d'emploi des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés » ).

S'agissant ensuite des conventions et accords collectifs d'entreprise, décrits dans la section 3 du chapitre II, l'article L. 132-27 dispose que l'entreprise doit, chaque année, engager des négociations sur les salaires, la durée et l'organisation du travail ainsi que sur l'égalité professionnelle hommes-femmes.

Parallèlement aux dispositions relatives la négociation de branche et interprofessionnelle, le paragraphe II propose également d'élargir la négociation d'entreprise à l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés, en complétant l'article L. 132-27 par trois alinéas supplémentaires.

Le premier alinéa dispose que la négociation annuelle organisée au niveau de l'entreprise doit porter sur les mesures qui s'y rapportent. Il précise également qu'elle peut s'appliquer aux conditions d'accès à l'emploi et à la promotion professionnelles ainsi qu'aux conditions de travail et d'emploi.

Le deuxième alinéa indique que cette négociation doit être menée sur la base d'un rapport établi par l'employeur présentant la mise en application de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.

Le troisième alinéa reprend à l'identique les dispositions de l'article L. 132-27 pour l'égalité professionnelle hommes-femmes et l'applique aux travailleurs handicapés : si l'employeur ne prend pas l'initiative d'ouvrir une nouvelle négociation douze mois après la précédente, une organisation syndicale peut en demander l'ouverture dans les trois mois. Cette demande doit être transmise dans les huit jours par l'employeur aux autres organisations représentatives.

Toutefois, la négociation se déroule à un rythme triennal lorsqu'un accord collectif comportant de tels objectifs et mesures est signé dans l'entreprise.

Par coordination, le paragraphe III modifie les conditions d'extension des conventions de branche conclues au niveau national . Selon l'actuel article L. 133-5, il est prévu que, pour pouvoir être étendues, ces conventions doivent, entre autres, contenir des clauses relatives aux « conditions propres à concrétiser le droit au travail de toutes personnes handicapées en état d'exercer une profession... ». Le présent paragraphe propose de préciser cette disposition en indiquant que ces conditions sont définies en application de l'obligation d'emploi prévue à l'article L. 323-1. Surtout, elles sont élargies aux mesures d'aménagement de postes ou d'horaires, d'organisation du travail et d'actions de formation.

Le paragraphe IV élargit les compétences de la commission nationale de la négociation collective au droit au travail des personnes handicapées.


La Commission nationale de la négociation collective

Constituée en application de la loi n° 82-957 du 13 novembre 1982 relative à la négociation collective et au règlement des conflits collectifs de travail, la Commission nationale de la négociation collective est chargée d'émettre un avis dans les domaines suivants :

- projets de textes relatifs à la négociation collective ;

- extension et élargissement des conventions et accords collectifs ;

- fixation du salaire minimum de croissance ;

- suivi de l'application du principe : « À travail égal, salaire égal », notamment entre les hommes et les femmes et entre les salariés sans considération d'appartenance à une ethnie, une nation ou une race ;

- interprétation de clauses d'une convention ou d'un accord collectif, à la demande de la commission d'interprétation compétente.

La commission suit également l'évolution des salaires effectifs et des rémunérations minimales déterminées par les conventions et accords et examine un bilan annuel de la négociation collective.

Il a enfin compétence pour suivre annuellement l'évolution du taux d'activité des personnes de plus de cinquante ans afin de faire au ministre chargé du travail toute proposition de nature à favoriser leur maintien ou leur retour dans l'emploi.

Jusqu'à présent, cette commission n'avait pas compétence pour émettre un avis sur les conditions d'accès à l'emploi des personnes handicapées. Le présent paragraphe dispose donc qu'elle devra désormais suivre chaque année l'application dans les conventions collectives des mesures prises en faveur du droit au travail des personnes handicapées .

II - La position de votre commission

L'emploi des personnes handicapées reste un thème faiblement exploré par les partenaires sociaux dans le cadre de la négociation collective. Le Gouvernement propose donc d'élargir l'obligation de négociation aux conditions d'emploi et de travail des personnes handicapées, tant au niveau de la branche qu'au niveau de l'entreprise.

Votre commission approuve la philosophie du présent article, relevant qu'il est cohérent non seulement avec les dispositions de l'article 9 du présent texte, mais encore avec celles du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social actuellement en cours d'adoption par le Parlement.

En effet, conformément à l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle, l'article 16 de ce dernier texte propose d'élargir les thèmes dévolus à la négociation triennale de branche, visés à l'article L. 934-2 du code du travail, à la « définition et aux conditions de mise en oeuvre des actions de formation en vue d'assurer l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés ».

Lors de l'examen de ce texte par le Sénat, votre commission avait obtenu que soit précisé le contenu de cette négociation pour qu'elle porte sur « l'égalité d'accès à la formation professionnelle, l'insertion professionnelle, le maintien dans l'emploi et le développement des compétences des travailleurs handicapés, notamment par la détermination d'un objectif de progression du taux d'accès des travailleurs handicapés aux différents dispositifs de formation et des modalités d'atteinte de ces objectifs ».

Votre commission regrette toutefois la complexité croissante de la négociation collective de branche, qui est organisée suivant un rythme différent selon les sujets en discussion. Ainsi, aux termes de l'article L. 132-12, la négociation de branche respecte une périodicité différente en fonction du thème abordé :

Périodicité de la négociation de branche selon le thème abordé

Thème de la négociation

Périodicité

Présentation d'un rapport

Salaires et évolution de l'emploi dans la branche

Au moins une fois par an

Oui, remis quinze jours avant l'ouverture de la négociation par la partie patronale

Révision des classifications

Au moins une fois
tous les cinq ans

non

Égalité professionnelle hommes-femmes

Tous les trois ans

Oui, mais ni l'auteur ni les délais de remise du rapport ne sont précisés

Mesures pour l'emploi des travailleurs handicapés

Tous les trois ans

Oui, remis par la partie patronale mais les délais ne sont pas précisés.

En outre, si le Gouvernement a souhaité inscrire, simultanément dans deux projets de loi, la prise en compte du handicap par la négociation collective, ce qui témoigne d'ailleurs de sa détermination, votre commission reste perplexe devant l'utilité de procéder de manière aussi redondante. Elle trouve singulier de soumettre au Parlement le présent projet de loi pour examen alors même que l'adoption du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, qui traite également du handicap, n'est pas encore acquise.

Votre commission propose toutefois d'adopter cet article sans modification.

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