EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
-
DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article premier
(art. L. 114 à L. 114-3-1, L. 114-5, L. 540-1 et L. 580-1
du code de l'action sociale et des familles)
Définition du handicap, accès aux droits fondamentaux
et droit à compensation des personnes handicapées

Objet : Cet article définit le handicap dans ses différentes composantes (handicaps moteur, sensoriel, mental, psychique et cognitif), pose le principe de l'accès des personnes handicapées à l'ensemble des droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens et leur garantit le plein exercice de leur citoyenneté.

I - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

Cet article poursuit quatre objectifs :

- il donne, pour la première fois, une définition légale du handicap, inspirée de la classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé établie en 2001 par l'Organisation mondiale de la santé : celui-ci est défini comme la conséquence, la répercussion, dans le champ social, d'une déficience d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales ou psychiques ;

- il rappelle le principe de l'accès des personnes handicapées à l'ensemble des droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ;

- il définit le droit à compensation, dont le principe avait été introduit par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, et énumère les moyens, individuels et collectifs, de mise en oeuvre de ce droit à compensation ;

- il complète le dispositif strictement sanitaire de recherche sur le handicap, en prévoyant que celle-ci doit avoir un caractère pluridisciplinaire.

Le Sénat avait apporté six amendements à cet article :

- le premier visait à inscrire la liberté du choix de vie, le droit à la retraite et le plein exercice de la citoyenneté parmi les droits fondamentaux reconnus à l'ensemble des citoyens et plus particulièrement garantis aux personnes handicapées ;

- le deuxième rendait obligatoire le dépôt triennal au Parlement d'un rapport sur la mise en oeuvre de l'obligation de solidarité nationale à l'égard des personnes handicapées ;

- le troisième inscrivait l'accueil de la petite enfance et les moyens et prestations accompagnant les mesures de protection juridique parmi les besoins à prendre en compte au titre du droit à compensation des personnes handicapées ;

- par le quatrième, le Sénat avait tenu à mentionner le principe de l'évaluation des besoins de compensation par une équipe pluridisciplinaire et l'élaboration par celle-ci d'un plan de compensation, plus large que la seule prestation de compensation définie à l'article 2, dans cet article de principe définissant le droit à compensation ;

- le cinquième intégrait l'accompagnement des familles parmi les actions en faveur des personnes handicapées mises en oeuvre par l'État, les collectivités locales, les établissements publics, les organismes de sécurité sociale, les associations et les groupements, organismes et entreprises publics et privés ;

- le dernier faisait de l'amélioration de la vie quotidienne des personnes handicapées un des objectifs de la recherche sur le handicap.

L'Assemblée nationale a également adopté six amendements à cet article, sans pour autant modifier de façon sensible le fond du dispositif . En effet, deux de ces amendements sont des amendements de coordination et deux autres suppriment des dispositions pour les réintroduire sous la forme d'articles additionnels : ainsi, les dispositions relatives à la définition du droit à compensation font désormais l'objet de l'article 2A et celles relatives à la recherche sur le handicap se voient consacrer un titre entier, comprenant les articles premier bis à quinquies .

Les députés ont toutefois apporté trois précisions :

- ils ont reconnu l'existence à part entière du handicap cognitif, du polyhandicap et des troubles de la santé invalidants. Ces nouvelles catégories ont été intégrées à la définition du handicap, celle-ci ayant par ailleurs été amendée pour mieux prendre en compte l'influence de l'environnement sur le handicap ;

- l'énumération des différents droits fondamentaux particulièrement garantis aux personnes handicapées a été supprimée, les députés lui ayant préféré une simple mention de l'ensemble des « droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens » , assortie d'une garantie, pour les personnes handicapées, de pouvoir exercer pleinement leur citoyenneté ;

- la mission de garant de l'égalité de traitement des personnes handicapées confiée à l'État a été précisée, de même que l'obligation, pour ce dernier, de définir des objectifs pluriannuels d'action.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve les précisions apportées par l'Assemblée nationale, notamment s'agissant de la définition du handicap, car elle estime que cette définition est désormais équilibrée et qu'elle prend en compte l'ensemble des types de handicap, en particulier l'autisme qui pouvait difficilement être classé dans les catégories jusqu'ici énumérées.

La définition proposée est en effet fidèle à la lettre comme à l'esprit de la classification internationale des handicaps de l'OMS, dans la mesure où elle fait clairement apparaître les trois composantes du handicap : la déficience « physique, sensorielle, mentale, cognitive ou psychique » qui en est l'origine et qui peut également prendre la forme d'un polyhandicap ou d'un trouble invalidant de la santé ; l'incapacité ou, selon les termes retenus par le projet de loi, la « limitation d'activité » qui en constitue l'impact individuel ; le désavantage qui en est le visage social défini par le projet de loi comme la « restriction de participation à la vie en société » et qui naît de la confrontation avec l'environnement.

Elle est équilibrée car elle consacre le caractère indissociable de ces trois éléments, sans pour autant tomber dans le travers « environnementaliste » de certaines définitions qui voudrait faire croire que la suppression des obstacles environnementaux au sens large (obstacles de l'environnement physique et de l'environnement social) ferait disparaître le handicap. Votre commission estime qu'une telle approche serait utopiste, voulant faire croire à une personne autiste que si ces obstacles disparaissaient, elle ne serait plus handicapée.

En réalité, l'insistance de certaines associations de personnes handicapées, notamment de personnes handicapées motrices, sur la dimension environnementale du handicap et sa traduction sémantique à travers la notion de « situation de handicap » tient sans doute au fait que pouvoirs publics et associations ne fixent pas le même objectif à la définition du handicap : lorsque les pouvoirs publics demandent à cette définition de permettre l'identification d'une population, d'un public auquel s'adresse la politique spécifique adressée aux « personnes handicapées » , les associations lui fixent comme objectif de garantir que la compensation du handicap sera bien faite en fonction d'une évaluation individualisée des besoins. Vivant le handicap de l'intérieur, l'identification d'un public, indispensable pour les pouvoirs publics qui définissent des politiques à l'égard de telle ou telle population, leur apparaît secondaire.

Au vu des débats passionnés autour de la formule de « personne en situation de handicap » qui ont occupé plusieurs heures de débats en première lecture, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, votre commission voudrait encore une fois expliquer pourquoi une telle formule lui paraît à la fois inappropriée, trompeuse et dangereuse :

- elle est inappropriée car, bien que se référant apparemment à la classification internationale des handicaps, elle élude la déficience, premier niveau de la chaîne conceptuelle « déficience-incapacité-désavantage » qui caractérise selon l'OMS le handicap. En éludant la déficience, elle dévoie donc la définition de l'OMS ;

- elle est trompeuse car elle semble mettre en avant un supposé caractère réversible du handicap, comme si les mesures compensatoires pouvaient à terme supprimer le handicap. Pourtant, quoi qu'on fasse, la déficience subsiste et si la « situation de handicap » disparaît, le handicap, lui, demeure ;

- elle est dangereuse car elle place les personnes handicapées devant un double risque d'exclusion : l'exclusion par la déficience qui, bien que niée, demeure et par la mise à l'écart des structures qui leur étaient spécifiquement destinées. En effet, à force d'oublier la déficience, cette notion de « personnes en situation de handicap » peut s'étendre à tout individu dont le désavantage social ne vient pas d'une déficience. Toute personne est alors, un jour ou l'autre, en « situation de handicap », au sens de désavantage. Le risque est que les personnes handicapées ne soient plus clairement identifiées au sein des publics prioritaires de la lutte contre l'exclusion.

Pour toutes ces raisons, votre commission affiche sa préférence pour l'expression de « personne handicapée » et pour une définition qui permette réellement de cibler le public handicapé auquel sont destinées les dispositions du présent projet de loi.

Pour autant, elle comprend les attentes des personnes handicapées et des associations qui les représentent de voir l'environnement et le projet de vie pris en compte pour l'évaluation des besoins de la personne. Mais elle estime que cette préoccupation relève de la définition du droit à compensation et non de la définition, nécessairement préalable, des personnes handicapées qui doivent en bénéficier.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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