2. « Des jeunes sans emploi et des emplois sans jeunes »

a) Un état des lieux inquiétant

En 2004, le taux de chômage des moins de 25 ans s'élève à plus de 20 % en France, soit le double de la moyenne nationale. Dans certaines zones, il atteint plus de 30 %. Ce triste record, seulement battu par l'Italie et l'Espagne au sein de l'OCDE, a amené le Président de la République au constat suivant : « Il y a beaucoup trop de jeunes sans emploi et beaucoup trop d'emplois sans jeunes ».

Aujourd'hui, 430.000 jeunes sont inscrits à l'ANPE en tant que demandeurs d'emploi et 150.000 sortent chaque année du système scolaire sans diplôme, dont 60.000 sans qualification.

Pourtant, la France a développé ces dernières années une politique active de formation des jeunes, notamment à travers l'apprentissage.

b) Les impasses de la formation initiale

Relevant de la formation initiale, et non de la formation professionnelle continue, l'apprentissage est une forme d'éducation alternée dont l'objectif est de donner aux jeunes travailleurs, âgés de seize à vingt-cinq ans, une formation générale théorique en centre de formation d'apprentis (CFA) et pratique, en entreprise, en vue de l'obtention d'une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme de l'enseignement professionnel ou technologique du second degré ou du supérieur ou un ou plusieurs titres homologués.

Ces dernières années, la croissance de l'apprentissage a été rapide : le nombre de contrats conclus a augmenté de 86 % dans la seconde moitié de la décennie 90. On compte aujourd'hui 364.000 apprentis auxquels s'ajoutent 9.000 élèves en classe de préapprentissage.

L'apprentissage est financé à hauteur de 3 milliards d'euros, par l'État pour 1,5 milliard, les entreprises pour 900 millions et les régions pour près de 800 millions.

L'apprentissage demeure cependant une voie de formation méconnue. L 'évolution du contrat d'apprentissage a été affectée par une série de facteurs négatifs qui ont donné le sentiment d'un manque de visibilité de ce dispositif auprès des jeunes.

En 2003, le Livre Blanc présenté par Renaud Dutreil, secrétaire d'État aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation : « Moderniser l'apprentissage : propositions pour former plus et mieux » a, quant à lui, observé que les entreprises regrettent une dégradation de l'équilibre économique du contrat d'apprentissage lui-même, surtout dans les petites entreprises.

L'efficacité de notre système d'apprentissage est également affectée par un manque de lisibilité dans la répartition des compétences : si les lois de décentralisation ont confié la responsabilité de l'apprentissage aux régions, la délimitation des compétences n'est toujours pas claire puisque l'État continue de jouer un rôle important dans plusieurs domaines (collecte de la taxe d'apprentissage, contrôle et financement). Les réformes menées ces dernières années n'ont pas permis une remise en cohérence.


Les lois réformant l'apprentissage depuis 1983

- La loi n°83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État : L'article 82-1 de la loi accorde aux régions une compétence de droit commun pour la mise en oeuvre des actions d'apprentissage et de formation professionnelle continue. A cet effet, un fonds régional de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue est créé dans chaque région et sa gestion confiée au conseil régional.

- La loi n° 87-572 du 23 juillet 1987 portant réforme de l'apprentissage a amplifié l'action des régions en allongeant la durée des formations en CFA.

- La loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle élargit les compétences de droit commun dévolues aux régions à l'ensemble de la formation continue en faveur des jeunes de moins de 26 ans. En outre, elle crée un plan régional de développement des formations professionnelles des jeunes (PRDFP).

- La loi du 6 mai 1996 portant réforme de l'apprentissage a augmenté les ressources dévolues à celui-ci et mis en place des mécanismes de péréquation entre régions.

- La loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 relative à la modernisation sociale conforte l'échelon régional avec la création d'un comité de coordination régionale de l'emploi et de la formation professionnelle, la réforme et l'organisation de la collecte de la taxe d'apprentissage ainsi que la coordination des financements des centres de formation d'apprentis autour du conseil régional.

- La loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité confère des compétences nouvelles aux conseils régionaux : la responsabilité d'arrêter le schéma régional des formations de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et le transfert de l'État aux régions à partir du 1 er janvier 2003 de la prise en charge des primes aux employeurs d'apprentis, tout en renforçant la coordination régionale par l'élargissement du PRDFP aux adultes.

- La loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social a concrétisé les dispositions issues de l'accord national interprofessionnel du 5 mai 2003.

- La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales a élargi les compétences régionales et a modifié le régime de la prime d'apprentissage.

Enfin, la complexité des circuits financiers de la taxe d'apprentissage a réduit l'efficacité du système :

- les fonds issus de la taxe d'apprentissage ne bénéficient pas en priorité à l'apprentissage : en effet, seule une fraction de cette taxe, soit 40 % de son montant (« le quota ») est exclusivement réservée au développement de l'apprentissage ;

- le mécanisme libératoire permet aux entreprises de se libérer du paiement de l'autre partie de la taxe (« le barème ») en finançant des actions de formation professionnelle sans rapport avec l'apprentissage ;

- même la partie de la taxe non exonérée ne revient pas intégralement aux CFA, en raison de la déperdition engendrée par la complexité du mécanisme exonératoire.

Le système de collecte de la taxe d'apprentissage, bien que soumis à des règles de transparence, a par ailleurs longtemps présenté de fortes insuffisances : nombre excessif de collecteurs, concurrence exacerbée entre eux avec des pressions quasi commerciales sur les entreprises, opacité des flux financiers.

Il a fallu attendre la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 relative à la modernisation sociale pour abaisser le nombre de collecteurs, qui s'établit aujourd'hui à 147 et améliorer la transparence du système.

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