II. UNE POLITIQUE DE DIMINUTION DES EFFECTIFS ENCORE HÉSITANTE...

A. L'AVÈNEMENT D'UNE NOUVELLE POLITIQUE DE RECRUTEMENT

1. L'augmentation des effectifs de l'Etat de 1980 à 2002

(1) La forte augmentation des effectifs des trois fonctions publiques depuis 1980

De 1980 à 2002 , les effectifs 16 ( * ) des trois fonctions publiques ont beaucoup progressé. La hausse globale s'établit à plus de 26 % , et, de 1990 à 2002, elle ressort à près de 15 %. Dans le même temps, la part de l'emploi public dans l'emploi total est passé de 17,8 % à 19,4 % .

La fonction publique de l'Etat , dont l' augmentation des effectifs n'excède pas 17 % de 1980 à 2002 , voit sa part dans les effectifs totaux ramenée de plus de 56 % à 52 %. Le tableau suivant donne le détail de ces évolutions pour les trois fonctions publiques.

Evolution des effectifs des trois fonctions publiques depuis 1980 (effectifs réels)

Fonction publique de l'État (FPE)

Fonction publique territoriale (FPT)

Fonction publique hospitalière (FPH)

Effectif total de la fonction publique

Au 31 décembre

Effectifs

Proportion de l'effectif total de la fonction publique

Effectifs

Proportion de l'effectif total de la fonction publique

Effectifs

Proportion de l'effectif total de la fonction publique

1980

2 173 169

56,2%

1 021 000

26,4%

670 791

17,4%

3 864 960

1990

2 307 816

54,2%

1 166 364

27,4%

783 473

18,4%

4 257 653

2002

2 537 366

52,0%

1 460 158

29,9%

884 557

18,1%

4 882 081

Évolution 1980/2002

16,8%

43,0%

31,9%

26,3%

Évolution 1990/2002

9,9%

25,2%

12,9%

14,7%

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Entre 1980 et 2002, la fonction publique territoriale (FPT) enregistre la plus forte progression des effectifs (+ 43 %) , suivie de la fonction publique hospitalière (FPH) (+ 32 %) et enfin de la fonction publique d'État (FPE) (+17 %).

D'après le ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, « Cette forte croissance de la FPT est une tendance longue amorcée dès les années 1960. En effet, la forte augmentation de la population urbaine et celle de l'offre de services communaux qui en a découlé ont induit un fort développement des effectifs communaux. À partir des années 1990, les communes continuent de jouer un rôle important dans l'évolution de la FPT. Cependant la décentralisation et le transfert de certaines compétences de l'État vers les collectivités territoriales deviennent un facteur de plus en plus important de la croissance de l'emploi territorial ».

Il n'apparaît pas que ces transferts de compétence se soient traduits par une modération concomitante des effectifs de la fonction publique de l'Etat , ce que le graphique suivant, construit à partir de chiffres communiqués par le ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, établit de façon évidente :

(2) La dérive intervenue à la fin de la précédente législature

Votre rapporteur spécial ne peut pas ne pas évoquer l'accélération de la dérive qui a eu cours à la fin de la précédente législature, dont l'actuel gouvernement semble avoir tiré les enseignements. Au début de la précédente législature, le gouvernement avait en effet affirmé vouloir « geler » l'emploi public, cette résolution étant notamment motivée par des considérations budgétaires. On ne peut qu'être frappé du degré de similitude entre les dispositions gouvernementales d'alors, et celles d'aujourd'hui.

Cette ambition s'est brisée sur des résistances de nature corporatistes : en 2000, 247 emplois budgétaires ont été créés, en 2001, 11.337 emplois budgétaires, et en 2002, 15.892 emplois budgétaires.

2. Le « tournant » de 2003 : l'annonce d'une diminution des effectifs

(1) En 2003, la diminution annoncée des effectifs n'a pas eu lieu

En 2003 , en rupture avec la politique de création d'emploi dans la fonction publique qui prévalait alors, le nouveau gouvernement avait décidé d'une baisse des effectifs symbolique : elle ressortait, pour l'ensemble des ministères civils, à 1.089 emplois , soit 0,06 % des effectifs budgétaires de l'Etat, et moins de 2 % des départs en retraite d'agents civils prévus en 2003. Cette baisse recouvrait les principaux mouvements suivants :

• justice : + 1.924 emplois ;

• intérieur : + 1.864 emplois ;

• enseignement supérieur : + 836 emplois ;

• équipement : - 747 emplois ;

• économie, finances et industrie : - 1.361 emplois ;

• jeunesse et enseignement scolaire : - 3.412 emplois.

Cependant, d'après le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2003, « malgré une baisse des emplois budgétaires (...), le nombre de titulaires civils a augmenté de près de 5.600, et le nombre de contractuels civils de plus de 13.000 ».

(2) Une baisse gagée par des mesures d'ordre en 2004

Pour 2004, la baisse annoncée, sans être substantielle, était plus significative : il était prévu une diminution de 4.561 emplois budgétaires , soit 0,2 % des effectifs budgétaires de l'Etat, et guère plus de 8 % des quelques 55.900 départs en retraite d'agents civils qui devraient avoir lieu en 2004. Cette baisse recouvrait les principaux mouvements suivants :

• justice : + 2.199 emplois ;

• intérieur : + 739 emplois ;

• agriculture: - 326 emplois ;

• équipement : - 1.021 emplois ;

• économie, finances et industrie : - 2.002 emplois ;

• jeunesse et enseignement scolaire : - 3.550 emplois.

Cette diminution de 4.561 emplois s'est doublée de l' inscription sur postes budgétaires de 48.796 emplois d'assistants d'éducation et d'enseignants non titulaires de l'enseignement scolaire , au titre de « mesures d'ordre ». Ainsi, des personnels étaient habituellement recrutés sans figurer parmi les effectifs budgétaires.

La portée d'une baisse des effectifs budgétaires est à relativiser si l'on peut s'autoriser, parallèlement, à des recrutements qui échappent à toute comptabilisation budgétaire, bien que susceptibles de donner lieu ultérieurement à des « mesures d'ordre » favorablement accueillies, puisqu'elles signent le retour à la transparence des effectifs ( infra ).

Fort heureusement, la nouvelle « mesure d'ordre » valait aussi pour l'avenir : il a été décidé que les assistants d'éducation et les enseignants non titulaires de l'enseignement scolaire, devront toujours figurer sur des postes budgétaires, seuls les emplois jeunes, en extinction, et les assistants de langue des maternelles, qui occupent essentiellement des étudiants, pouvant continuer à être payés « sur crédit ».

3. Des objectifs encore modestes pour 2005

Pour 2005, la baisse annoncée est un peu plus consistante : il est prévu une diminution de 7.188 emplois budgétaires , représentant 0,32 % des effectifs budgétaires de l'Etat 17 ( * ) , et guère plus de 10 % des quelques 71.000 départs en retraite d'agents civils et militaires qui devraient avoir lieu en 2005. Cette baisse recouvre les principaux mouvements suivants :

• justice : + 1.069 emplois ;

• enseignement supérieur : + 1.000 emplois ;

• intérieur : + 737 emplois ;

• agriculture: - 303 emplois ;

• défense : - 1.018 emplois ;

• équipement : - 1.401 emplois ;

• économie, finances et industrie : - 2.210 emplois ;

• enseignement scolaire : - 4.816 emplois.

Compte tenu des indications données par le gouvernement concernant les économies à attendre des différentes hypothèses de non remplacement ( infra ), cette baisse ne représenterait guère plus de 186 millions d'euros d'économies en année pleine, soit environ 0,16 % des charges de fonction publique.

Il est à noter que le niveau de cette réduction d'effectifs se situe très en deçà de l'objectif général 18 ( * ) de non remplacement d'un départ en retraite sur deux, même s'il a pu être atteint au sein de certains ministères (économie, finances et industrie, équipement et transport, culture, affaires étrangères, affaires sociales et sport).

En tout état de cause, ainsi que le constate le tome I du rapport sur la loi de finances pour 2005 du rapporteur général de votre commission des finances, « il apparaît que le ministère de l'éducation nationale, qui représentera en 2005 51 % des effectifs de l'Etat, fournit un effort de réduction de ses effectifs très minime en pourcentage. C'est pour l'essentiel ce ministère, qui, faute de réforme structurelle de son organisation et de ses missions, en remplaçant la quasi-intégralité de ses départs à la retraite, ne permet pas d'atteindre l'objectif d'un remplacement d'un départ à la retraite sur deux. C'est évidemment la réforme de ce ministère qui conditionne la réduction de la dépense de fonction publique ».

* 16 Fonctionnaires et non fonctionnaires.

* 17 En 2004, le nombre d'emplois budgétaires inscrits au budget de l'Etat est de 2.224.239.

* 18 Les lettres de cadrage du Premier ministre du 20 mars 2004 indiquent que « le non remplacement d'un départ à la retraite sur deux, s'il ne peut constituer une règle générale, et doit être mis en perspective avec les particularités de chaque métier au sein des ministères, peut constituer une référence ».

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