B. LES INCERTITUDES QUANT À LA MESURE DES EFFECTIFS DE LA FONCTION PUBLIQUE

Non seulement le caractère limitatif des effectifs budgétaires est sujet à caution, mais encore, les effectifs budgétaires ne rendent pas compte des effectifs réels. Dès 2006, la LOLF devrait mettre un terme à cet état des choses, marqué par une confusion certainement préjudiciable à la portée du consentement parlementaire, et probablement néfaste pour la maîtrise des dépenses de l'Etat.

1. Les autorisations d'emploi sont peu contraignantes

(1) Les cas de « dépassements volontaires » de l'autorisation budgétaire

L'autorisation budgétaire porte sur des plafonds d'emplois par corps et grade. Certains effectifs, bien qu'en « surnombre », se trouvent « gagés » par des gels d'emplois dans d'autres catégories de personnel du même ministère .

Cependant, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2003, la Cour des comptes a rappelé la pratique des « dépassements volontaires », que sont les emplois en surnombre qui ne sont pas gagés .

Toutefois, le statut général de la fonction publique et des textes législatifs prévoient certains cas d'emploi en surnombre qui ne constituent pas, dès lors, une irrégularité 19 ( * ) .

Les éléments recueillis 20 ( * ) par le Cour des comptes sont présentés dans le tableau ci-dessous :

Dépassements de l'autorisation budgétaire identifiés en 2003

Ministère
(section budgétaire)

Emplois autorisés
en LFI

Surnombres irréguliers non gagés

Emplois gagés
(par un autre grade ou une autre catégorie)

Agriculture

31.098

767

 

Enseignement scolaire

961.454

800 21 ( * )

350 22 ( * ) ;

Économie, finances et industrie

179.771

2.279 constatés au 31 décembre 2003

 

Intérieur

133.933

159 dans les préfectures non globalisées ;
2.117 pour la Police nationale 23 ( * )

 

Santé - solidarité

15.057

182

 

Enseignement supérieur et recherche

131.139

500 (ATOS)

820 emplois gagés (grades plus élevés).

Source : réponse au questionnaire de la commission des finances sur le PLFR 2003

(2) Les « transferts » de personnels à des établissements publics

D'après le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2003, « la réduction des emplois de la section culture et communication résulte, en réalité, d'un transfert de 1.297 emplois à des établissements publics. Si les emplois budgétaires sont apparemment réduits, la charge de ces personnels reste assumée par l'Etat, via un abondement des subventions aux établissements publics ». Ainsi, 1.233 emplois d'agents titulaires et contractuels ont été pris en charge par l'établissement public du Musée du Louvre.

Les personnels des établissements publics, qu'ils soient fonctionnaires de l'Etat, contractuels de droit public ou salarié de droit commun, ne sont pas appréhendés par l'autorisation budgétaire : ils sont financés au moyen des subventions de fonctionnement accordées à ces établissements.

Il doit être souligné que la LOLF ne modifiera pas cette situation, et les crédits destinés à subventionner les établissements publics, même s'ils sont consacrés à la rémunération des personnels, ne seront pas inclus dans les crédits de rémunération.

Ainsi, la Cour des comptes a recommandé, dans son rapport précité, de porter à la connaissance du Parlement les informations les plus précises disponibles sur les effectifs employés par les établissements publics.

2. Les effectifs budgétaires ne sont pas les effectifs réels

Ces dix dernières années, la connaissance de l'emploi public a fait l'objet de progrès constants qui ont conduit à distinguer les effectifs réels des effectifs budgétaires .

Dans son dernier rapport, rendu en décembre 2003, l'Observatoire de l'emploi public 24 ( * ) a fait état d'effectifs réels totaux s'élevant à 2.280.716 personnes, pour une autorisation budgétaire de 2.144.006 emplois au 31 décembre 2001. L'écart constaté de 136.710 emplois est égal à 6,38 % des emplois autorisés.

Outre les dépassements de l'effectif budgétaire, le cas échéant accordés temporairement en cours d'année par les contrôleurs financiers ( supra ), le décalage entre autorisation budgétaire et effectifs réels s'explique essentiellement par les limites inhérentes au concept d'emploi budgétaire.

(1) Les emplois budgétaires ne comprennent pas les effectifs payés « sur crédit »

Les crédits permettant de rémunérer des personnels temporaires ne sont pas présentés sous forme d'emplois budgétaires : il s'agit des effectifs dits « payés sur crédit ». Or les personnels correspondants doivent être pris en compte dans l'effectif réel payé. Ces effectifs s'élevaient à 102.784 en décembre 2001.

(2) Les emplois budgétaires ne sont pas pondérés en cas de temps partiel

Un emploi budgétaire peut être occupé par plusieurs personnes à temps partiel. Ainsi, en 2001, il y avait 2.177.932 personnes rémunérées pour un total de 2.113.656 emplois en équivalent temps plein (soit un écart de 64.276).

Dans la perspective de la mise en place des plafonds d'emplois dans le cadre de la LOLF , le MINEFI a développé un « outil de décompte des emplois » (ODE) qui présente, pour 2004 et pour chaque mois, la moyenne des équivalents temps plein travaillés pour l'ensemble des ministères.

(3) Les emplois budgétaires peuvent demeurer vacants

Certains emplois budgétaires peuvent ne pas être immédiatement pourvus à la suite du départ de leur titulaire. En 2001, 38.740 postes étaient ainsi vacants, « gagés » ( supra ) ou non.

A cet égard, il peut être avancé que les nombreux départs à la retraite à venir sont susceptibles de favoriser une augmentation du nombre des vacances de postes , ce qui entraînerait une baisse des effectifs réels plus importante que celle découlant des suppressions d'emploi annoncées.

*

Par ailleurs, certains éléments assouplissent l'exécution budgétaire sans affecter les effectifs de l'Etat , qu'il s'agisse du gage d'emplois surnuméraire par des emplois non pourvus , ou des transferts d'emplois entre ministères en cours d'année, ces derniers n'entraînant de décalage entre l'effectif budgétaire en début d'année et l'effectif réellement payé en cours d'année que pour les ministères concernés.

3. Les clarifications attendues de la LOLF

Outre la mise en place d'un plafond de dépenses de personnel par programme dans le cadre de la fongibilité asymétrique ( infra ), la LOLF prévoit qu'un plafond d'emploi est instauré pour chaque ministère . Ce plafond sera exprimé en équivalent temps plein (ETP) . Comme pour les dépenses, il couvrira tous les personnels rémunérés par l'Etat, contrairement au plafond exprimé en emplois budgétaire, concept auquel il est mis fin.

Le nouveau plafond fera l'objet d'un seul vote.

* 19 Par exemple, la loi n° 2003-400 du 30 avril 2003 a créé le dispositif des « assistants d'éducation », dont 20.000 ont été recrutés en septembre 2003 sans autorisation par une loi de finances.

* 20 En l'absence à ce jour d'un outil de suivi des effectifs fiable et généralisé à tous les services de l'Etat, la connaissance des sureffectifs repose avant tout sur les informations recueillies auprès des ministères employeurs. Ainsi, d'après la Cour des comptes, si les éléments dont elle dispose « mettent en question la gestion de tel ou tel ministère, [ils] rendent compte aussi d'une démarche louable de leur part vers une analyse de bonne qualité ».

* 21 Dont 200 par lettre du secrétaire d'Etat au budget du 21 juillet 1997, 450 à la suite d'une réunion interministérielle les 8 et 22 février 2000, 150 par lettre du Premier ministre du 16 mai 2000.

* 22 Lettre du Premier Ministre du 31 juillet 1998.

* 23 Lettres du Premier ministre du 31 juillet 1998, du secrétaire d'Etat au budget du 8 janvier 1999, du Premier ministre du 30 avril 1999, puis 1.000 recrutements exceptionnels par le décret n° 2000-24 du 13 janvier 2000.

* 24 Créé par un décret du 13 juillet 2000, l'Observatoire de l'emploi public a pour première mission de donner une connaissance complète des effectifs réels de la fonction publique.

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