C. OBSERVATIONS SUR LES OBJECTIFS ET LES INDICATEURS ASSIGNÉS AU PROGRAMME « ENSEIGNEMENT SCOLAIRE PUBLIC DU PREMIER DEGRÉ »

A titre liminaire, votre rapporteur spécial déplore l'absence d'objectifs et d'indicateurs concernant l'école préélémentaire .

Cette omission est inquiétante. En effet, cette omission suggère que perdure l'absence d'orientations claires pour l'enseignement pré-élémentaire dénoncée depuis plusieurs années par votre commission des finances, dans un contexte où l'évolution de la répartition des moyens sur la période 1999-2003 aura été d'ailleurs beaucoup plus favorable à l'école primaire qu'à l'école maternelle. On peut notamment s'étonner de l'absence d'objectifs précis pour la préscolarisation à deux ans hors ZEP, dont les moyens ont souvent constitué une variable d'ajustement, certaines académies démographiquement peu dynamiques conduisant des politiques volontaristes d'ouverture de classes afin de conserver des emplois, l'IGAENR observant d'ailleurs à cet égard dans son rapport général pour 2002 que « ces politiques volontaristes ne sont pas toujours suivies d'effets », faute notamment de toujours « rallier les familles » à leurs objectifs.

La proportion d'élèves préscolarisés à deux ans varie ainsi dans des proportions considérables entre les académies, voire entre les départements d'une même académie, sans que ces écarts ne reflètent toujours des choix culturels différents de la part des parents, ni la proportion d'élèves en ZEP.

A titre d'illustration, on peut d'ailleurs signaler qu'à sa question relative aux suites données à un rapport de l'IGEN de janvier 2000 portant état des lieux de l'école maternelle, la commission des finances du Sénat s'est vue répondre :

- en 2001 que ce rapport n'était pas public ;

- en 2002, que « la réponse faite à la question en 2001 était sans doute insuffisamment précise ; non seulement le rapport ... n'a pas été rendu public, mais il n'a pas été transmis à l'administration, qui n'a donc pu envisager la mise en oeuvre des recommandations qu'il pouvait contenir » ;

- en 2003, que « le ministère chargé de l'éducation nationale confirme la réponse apportée [l'an passé] : non seulement [ce rapport] n'a pas été rendu public, mais il n'a pas été transmis à l'administration, qui n'a donc pas pu envisager la mise en oeuvre des recommandations qu'il pouvait contenir » ;

- en 2004, où la question était pourtant accompagnée d'un résumé de certaines conclusions du rapport précité, que la mise en oeuvre des recommandations que ce rapport pouvait contenir n'a pu être faite puisque ce rapport n'a pas été rendu public, avec la précision suivante : « les recommandations des corps d'inspection n'ont pas le statut de décisions qui s'imposeraient à l'administration mais contribuent aux réflexions du ministre et à la définition de sa politique ».

Ce rapport soulevait pourtant des questions essentielles, comme celles de l'inadéquation de la formation des enseignants et des projets d'établissements (notamment pour les classes d'enfants de 2 et 3 ans), et de la fréquentation irrégulière de certaines classes , notamment pour les enfants issus de familles en grande difficulté sociale et le samedi matin, ce qui conduisait la mission à « s'interroger sur l'influence des équipes pédagogiques en ce domaine ».

Compte tenu de ces observations, on peut notamment regretter la disparition de l'objectif visant à développer l'accueil des très jeunes enfants vivant dans un environnement social défavorisé, l'indicateur associé étant le taux de scolarisation des enfants de 2 ans dans les ZEP-REP.

Cela étant, on peut inversement se féliciter d'abord de la suppression de l'objectif retenu par le passé pour l'agrégat « Enseignement primaire public », relatif à la diversification des pratiques pédagogiques, dont la réalisation était évaluée à partir du nombre d'élèves par micro-ordinateur et le taux d'écoles ayant accès à Internet, ainsi que le nombre de classes à projet artistique et culturel. Outre le flou de cet objectif, votre commission des finances avait en effet souligné que l'équipement informatique des établissements relevait de plus en plus des collectivités territoriales, et qu'il était difficile de distinguer les appareils effectivement mis à la disposition des élèves.

Quoi qu'il en soit, les objectifs envisagés pour le programme sont exposés et commentés ci-après.

L'objectif n° 1 : « Conduire tous les élèves à la maîtrise des compétences de bases exigibles au terme de la scolarité primaire »

Le premier objectif tendant à « conduire tous les élèves à la maîtrise des compétences de bases exigibles au terme de la scolarité primaire » relève d'une des missions essentielles de l'école, à savoir la transmission d'un savoir.

Cet objectif est assorti de trois indicateurs de niveau scolaire , dont l'objet est de calculer le pourcentage d'élèves sans maîtrise en fin d'école primaire, des compétences de base en français (indicateur n° 1) et en mathématiques (indicateur n° 2), ainsi que le pourcentage d'élèves ayant atteint en langue étrangère le niveau A1 du cadre européen de référence (indicateur n° 3).

Votre rapporteur spécial approuve l'inscription de ces objectifs dans la mesure, où comme l'a déjà souligné votre commission des finances l'année dernière, les indicateurs de niveau scolaire en CM2 sont en effet cruciaux, puisque le destin des élèves apparaissent statistiquement surdéterminés par leurs performances aux évaluations nationales à ce stade leur scolarité : un retard scolaire ou un faible niveau à l'entrée en 6 ème « permettent rarement d'accéder au baccalauréat ou à l'enseignement supérieur 35 ( * ) ».

L'objectif n° 2 : « Accroître la réussite scolaire des élèves en zones difficiles et des élèves à besoins éducatifs particuliers »

Le deuxième objectif consiste à « accroître la réussite scolaire des élèves en zones difficiles et des élèves à besoins éducatifs particuliers ». Il s'appuie sur quatre indicateurs.

Le premier mesure les écarts des résultats ZEP-REP 36 ( * ) / hors ZEP-REP aux évaluations de fin d'école en comparant les pourcentages d'élèves sans maîtrise des compétences de base . Si cet indicateur apparaît en théorie satisfaisant, son interprétation peut toute fois se révéler difficile .

Le rapport de 2003 de l'IGAENR sur le fonctionnement des ZEP-REP de l'académie de Toulouse observait en effet que « le pourcentage d'élèves ayant eu la moyenne à l'écrit du brevet des collèges est faible, voire très faible tant en ZEP qu'en REP » et soulignait dans ses conclusions que « les résultats [de l'éducation prioritaire] ne correspondent pas toujours à la somme des moyens et des énergies mobilisés » : un élève de l'éducation prioritaire coûte en moyenne entre 10 % et 15 % de plus qu'un élève scolarisé hors éducation prioritaire, et le « surcoût » de l'éducation prioritaire en collège par exemple est évalué à environ 4.300 équivalent temps-plein (soit 77.000 heures).

Deux interprétations peuvent alors se concurrencer : ces résultats reflètent-ils l'échec de la politique publique menée ? Ou bien sont-ils le miroir du contrepoids nécessaire, mais insuffisant que peut jouer cette politique d'éducation prioritaire face à des élèves cumulant des difficultés de diverses nature et concentrés dans les mêmes établissements ? Cette seconde idée est d'ailleurs suggérée par le rapport de l'IGAENR qui conclut qu'« il ne saurait être question d'abandonner une politique qui a certainement permis de limiter des dégradations dramatiques ».

En outre, on peut souligner que la stabilité de cet indicateur est en partie tributaire de la stabilité du périmètre des zones ; la modification de ces dernières pouvant fausser les résultats, notamment dans la mesure où, plus ces zones sont élargies, plus les écarts entre celles-ci et le reste du territoire sont faibles. Or ces modifications, réalisées par voie réglementaire, peuvent être d'une grande ampleur : le ministère indique ainsi dans sa réponse à une question de votre rapporteur spécial, que « la nouvelle carte [des zones d'éducation prioritaire] mise en place en 1999 s'est traduite par une extension de plus de 40 % du « territoire » de l'éducation prioritaire entre les rentrées scolaires 1997 et 1999 » (cf. les tableaux ci-après).

Le nombre d'établissements en ZEP / REP (1)

Nombre d'établissements

Rentrée 1998

Rentrée 1999

Rentrée 2003

métropole+DOM

en ZEP

en REP

dont ZEP

en REP

dont ZEP

Ecoles

5217

7329

5916

7176

5651

Collèges

748

1053

865

1097

874

Lycées généraux et technologiques

38

45

37

46

38

Lycées professionnels

99

126

95

121

92

(1) les réseaux d'éducation prioritaire (REP) ont été crées en associant aux ZEP des écoles et des collèges proches « dont la concentration des difficultés mérite une vigilance et une aide particulière »

Source : ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Proportion d'écoliers et de collégiens dans les établissements de l'éducation prioritaire

Métropole et DOM

Rentrée

1997

Rentrée

1999

Rentrée

2000

Rentrée 2001

Rentrée

2002

Rentrée 2003

% écoliers en ZEP

12,0

15,2

*

*

*

*

% écoliers en ZEP/REP

 

17,9

*

*

*

*

% collégiens en ZEP

14,6

17,7

17,5

17,3

17,3

17,1

% collégiens en ZEP/REP

 

21,2

21,1

21,1

21,4

19,1

Nombre de ZEP/REP

558

869

916

911

911

908

* En raison de la grève administrative menée par les directeurs d'école, il n'est pas possible de connaître le nombre exact d'écoliers

Source : ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Le second indicateur mesure l'écart de taux d'encadrement (nombre d'élèves par classe) en REP et hors REP. Votre rapporteur spécial remarque que cet indicateur n'est qu'un pur indicateur de moyens, qui ne renseigne pas sur l'efficacité de leur gestion ou de leur allocation, ni sur leur efficacité.

Le troisième indicateur donne la proportion d'élèves primo-arrivants non francophones passant dans une classe ordinaire correspondant à leur âge à l'issue d'un an au plus de scolarisation en structure spécifique. Cet indicateur est intéressant. Il conviendra toutefois de s'assurer que sa déclinaison territoriale n'incite pas les établissements concernés à basculer trop rapidement des primo-arrivants dans des classes ordinaires afin d'améliorer leurs résultats, voire à sélectionner ceux-ci.

Le quatrième indicateur concerne la proportion d'élèves handicapés intégrés à l'école primaire . Cet indicateur laisse dubitatif car il conviendrait davantage de connaître la proportion des enfants handicapés bénéficient d'une intégration scolaire, et non de savoir quelle est la proportion d'élèves handicapés dans les écoles. Cependant, comme il est indiqué dans l'avant-PAP, il est difficile d'appréhender le nombre total d'enfants « handicapés ».

L'objectif n° 3 : « Disposer d'un potentiel d'enseignants qualitativement adapté »

L'objectif n° 3 concerne les enseignants puisqu'il s'agit de « disposer d'un potentiel d'enseignants qualitativement adapté ». Cet objectif, qui répond au voeu de tous les parents, est cependant fort mal évalué par les deux indicateurs présentés.

Le premier indicateur précise en effet le pourcentage d'enseignants ayant suivi au moins 3 jours de formation dans l'année . Or cet indicateur n'est qu'un indicateur de moyens. Et les travaux conduits sur la formation continue au sein de l'éducation nationale soulignent précisément qu'elle est inadaptée parce qu'elle répond à une logique d'offre et non de demande 37 ( * ) .

Le deuxième indicateur est le taux de remplacement . Si le principe de cet indicateur est positif, la méthodologie utilisée est insatisfaisante, puisqu'elle ne prend en compte que les journées d'absence pour raison de maladie ou maternité ; or comme en témoigne d'ailleurs l'indicateur précédent, les enseignants peuvent également manquer pour des raisons de formation ou d'examens.

En outre, on peut observer que l'efficience du remplacement n'est pas évaluée, alors même qualité du dispositif de remplacement fait partie des priorités du ministre inscrites dans la SMR. Votre rapporteur spécial s'étonne ainsi que le ministère n'ait pas repris les indicateurs développés dans le cadre de la SMR, dont l'une des 8 mesures prioritaires vise à améliorer le rendement du remplacement (il s'agit de l'indicateur de rendement brut -nombre de journées de suppléances réellement assurées par le potentiel des TZR / nombre de journées apportées par le potentiel des TZR- et l'indicateur de rendement net qui ne prend en compte que le potentiel des titulaires réellement mobilisables pour le remplacement).

L'objectif n° 4 : « Promouvoir un aménagement équilibré du territoire éducatif »

Le quatrième objectif s'attache à « promouvoir d'un aménagement équilibré du territoire éducatif » et s'appuie sur un seul indicateur, à savoir le nombre d'académies dont le taux d'encadrement global ne s'écarte pas plus de 2 % du P/E d'équilibre .  On peut se féliciter de ce que cette année cet indicateur remplace l'indicateur fondé sur les écarts de dotation entre l'académie la moins dotée en postes d'enseignants pour cent élèves et l'académie la plus dotée, qui paraissait peu pertinent, comme le soulignait votre commission des finances l'an dernier. Cela étant, on peut regretter le caractère un peu jargonnant de la formulation de l'indicateur (le P/E étant le nombre d'enseignants pour 100 élèves).

Par ailleurs, on peut observer que le ministère ne retient plus d'indicateur ou d'objectif relatif aux regroupements intercommunaux.

* 35 Cf. Jean-Paul Caille et Sylvie Lemaire, « Que sont devenus les élèves entrés en 6 ème en 1989 ? », in données sociales 2001, page 81.

* 36 Zones d'éducation prioritaires- Réseaux d'éducation prioritaire.

* 37 Cf. notamment le rapport général de l'IGAENR pour 1998, selon lequel l'opportunité des actions de formation conduites reste « difficile à appréhender », et les programmes de formation, mal suivis et pilotés « généralement sans conviction », se caractérisent par un « décalage croissant entre les objectifs affichés et les réalisations ». Cf. aussi le rapport général de l'IGAENR pour 2000 se demandant s'il « existe encore un pilote de la formation continue » ou soulignant l'absence de culture de GRH. Cf. plus récemment le rapport de l'IGAENR de septembre 2001 sur la formation continue des personnels ATOSS concluant que « l'offre de formation peine à s'adapter aux besoins et tend à s'auto-reproduire » et génère « une bureaucratie importante ».

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