D. OBSERVATIONS SUR LES OBJECTIFS ET LES INDICATEURS ASSIGNÉS AU PROGRAMME « ENSEIGNEMENT SCOLAIRE PUBLIC DU SECOND DEGRÉ »

A titre liminaire, votre rapporteur spécial regrette l'absence d'objectifs et d'indicateurs relatifs :

- aux classes préparatoires aux grandes écoles ;

- à la réduction des surnombres disciplinaires, qui correspond pourtant à l'un des objectifs de la SMR du ministère (à savoir « l'amélioration de l'emploi des surnombres »), comme d'ailleurs, à une préoccupation de votre commission des finances ;

- à l'ouverture du système éducatif sur l'entreprise n'est pas étudiée, qui fait pourtant l'objet de plusieurs dispositifs, dont il serait intéressant d'apprécier l'impact sur le public concerné ;

- à la maîtrise de l'offre d'enseignement, notamment à la réduction du nombre des options enseignées devant des classes à très faibles effectifs.

- à l'orientation des élèves. Sur la question de l'orientation, le Haut conseil de l'évaluation de l'école a en effet conclu: « l'ensemble des analyses montre surtout l'importance déterminante des enseignants dans le choix d'une orientation. Le fait pour un élève de s'être informé auprès d'eux (ou d'avoir été informé par eux) exerce une influence presque aussi forte sur son inscription en CPGE que les variables scolaires : « toutes choses égales par ailleurs », un élève ira plus souvent en CPGE, filière que parfois il ne connaissait pas ou mal, ou pour laquelle il n'aurait pas osé postuler, s'il a eu l'occasion de parler avec ses enseignants de son orientation que dans le cas contraire. Ce rôle des enseignants traduit ainsi à la fois la motivation des élèves qui prennent l'initiative de se renseigner sur les filières auprès des professeurs et le rôle moteur de conseil que peuvent avoir ces derniers auprès de certains élèves. L'information auprès des enseignants est même le facteur le plus important pour l'inscription en STS, le seul qui joue en dehors de la série de baccalauréat ». Selon votre rapporteur spécial, il serait opportun d'évaluer les actions engagées au titre de l'orientation, compte tenu de leur impact potentiel sur le devenir des élèves.

Sous ces réserves, les objectifs retenus sont exposés ci-après.

L'objectif n° 1 : « Conduire le maximum d'élèves aux niveaux de compétences attendues en fin de scolarité et à l'obtention des diplômes correspondants »

On peut s'interroger sur la cohérence de la formulation de cet objectif avec les priorités affichées par le ministre, qui sont d'amener « 100 % d'une classe d'âge à la réussite et à une qualification ».

Votre rapporteur spécial observe d'ailleurs qu'il existe une différence de degré entre la formulation « conduire tous les élèves » présente dans le programme relatif au premier degré, et la formulation « conduire le maximum d'élèves » retenue pour le programme traitant du second degré (cette différence de formulation se retrouvant au sein du programme relatif à l'enseignement privé).

Particulièrement attentif à la situation des jeunes sortant du système scolaire sans aucune qualification, votre rapporteur spécial souhaite que l'action du ministère soit particulièrement ambitieuse en s'adressant à tous les élèves.

En outre, il convient de rappeler que les PAP ont vocation à fixer des cibles quantitatives pour les objectifs. Or déterminer ce à quoi correspondrait le « maximum » précité n'est assurément pas chose aisée.

Quoi qu'il en soit, cet objectif est assorti de 11 indicateurs .

Les premiers indicateurs (indicateur n° 1 (a), (b), (c) et indicateur n° 3) sont les taux d'accès au baccalauréat et la proportion d'une classe d'âge à obtenir le brevet.

A cet égard, votre commission des finances a déjà relevé que les taux de réussite aux examens ne reflétaient guère les performances de l'enseignement, comme l'a également souligné la Cour des comptes dans son rapport particulier d'avril 2003 sur la gestion du système éducatif :

« Outre les incertitudes sur le caractère objectif de la notation des élèves et de la correction des examens mises en lumière par les travaux de docimologie, les indicateurs relatifs à l'orientation des élèves ou l'évolution du nombre de diplômes délivrés ne renseignent pas, par eux-mêmes, sur l'efficacité de l'école. Ainsi, le fait d'atteindre un taux de 80 % des élèves accédant au niveau du baccalauréat ne peut constituer en lui-même la preuve d'une amélioration puisqu'il peut résulter de choix délibérés. De même, les comparaisons dans le temps, tendant à cerner l'évolution de l'efficacité de l'enseignement à travers les diplômes qu'il dispense, sont délicates à opérer car la seule observation du nombre et du niveau de ces diplômes ne peut rendre compte du savoir qui a été validé à un moment donné ».

En outre, on peut s'interroger sur la signification de l'indicateur visant à étudier le taux d'accès au baccalauréat par type de bac (indicateur n° 1 (b)) car il semble difficile de déterminer si on peut et/ou on doit se fixer des objectifs de répartition en la matière. Il en est d'ailleurs de même de l'indicateur n° 9, qui mesure la proportion d'élèves en classes terminales des filières scientifiques et techniques .

L'indicateur correspondant au taux d'accès au baccalauréat par catégorie socioprofessionnelle des parents (indicateur n° 1 (c)) est pour sa part intéressant. Cependant son évolution est susceptible d'être biaisée par des effets de structure, liés notamment par exemple à une éventuelle baisse d'effectifs dans une catégorie donnée.

L'indicateur n° 2, qui correspond aux taux de sorties aux niveaux VI et V bis 38 ( * ) , est un indicateur satisfaisant, car il permet de mesurer le nombre d'élèves qui sortent sans qualification, même si la définition de « la sortie » pourrait être améliorée, dans la mesure où celle-ci est actuellement définie comme la première interruption du parcours de formation d'au moins un an, et par conséquent comptabilise des élèves qui ont arrêté leur scolarité pendant au moins un an au moins, mais l'ont reprise par la suite.

Les indicateurs n° 4, n° 5 et n° 11 relatifs à la maîtrise des compétences de base en français, en mathématiques ainsi qu'en langues appellent les mêmes appréciations positives que celles faites aux indicateurs similaires le programme précédent. De même, l'indicateur n° 6 relatif au pourcentage de jeunes en difficultés de lecture aux tests passés lors de la journée de préparation à la défense est pertinent, ainsi que l'indicateur n° 8, proportion d'élèves de BEP obtenant le baccalauréat , qui donne des indications sur la souplesse des orientations.

Enfin, votre rapporteur spécial note avec satisfaction le choix de l'indicateur n° 10 correspondant à la proportion de filles en classes terminales des filières scientifiques et techniques , dans la mesure où votre commission avait souligné l'an passé que l'orientation était bien souvent moins ambitieuse pour les filles que pour les garçons.

Cependant, on peut observer que le défaut d'ambition est davantage marqué lors de l'entrée dans l'enseignement supérieur, puisque les lycéennes des filières scientifiques et techniques choisissent dans une proportion moindre que les garçons d'intégrer des formations sélectives.

Dans la dernière édition de son « Portrait social de la France », dont un chapitre est consacré au devenir des bacheliers, l'INSEE concluait ainsi :

« Ainsi, si on estime « toutes choses égales par ailleurs » l'effet des différentes caractéristiques des bacheliers S sur leur probabilité d'entrer en classe préparatoire, il apparaît que de toutes les caractéristiques socio-démographiques, le sexe est le seul à avoir une influence significativement forte : à niveau scolaire et social égal, une fille aura une plus faible probabilité de s'orienter vers une CPGE qu'un garçon. La même situation s'observe à l'entrée en IUT ; le sexe est le facteur qui pèse le plus « toutes choses égales par ailleurs » sur le choix d'un IUT par un bachelier général ou technologique ».

L'objectif n° 2 : « Accroître les efforts spécifiques nécessaires à la réussite scolaire des élèves en zones difficiles et des élèves à besoins éducatifs particuliers »

Les cinq indicateurs associés à cet objectif font écho aux indicateurs associés au même objectif dans le programme « Enseignement scolaire public du premier degré », ce dont votre rapporteur spécial se félicite au titre de la cohérence entre programmes. Ils appellent par conséquent les mêmes observations.

L'objectif n° 3 : « Diversifier les modalités de formation professionnelle »

Les deux indicateurs associés à cet objectif sont le taux d'obtention d'une certification (CAP, BEP, Bac pro, BTS) à l'issue d'une formation par apprentissage ainsi que l'impact des actions d'insertion des jeunes de plus de 16 ans . Ces indicateurs sont, dans leur principe, satisfaisants.

L'objectif n° 4 : « Favoriser la poursuite d'études ou l'insertion professionnelle des jeunes à l'issue de leur scolarité secondaire »

Trois indicateurs ont été retenus : le taux de poursuite des nouveaux bacheliers dans l'enseignement supérieur , le taux de poursuite des bacheliers technologiques en STS , ainsi que le pourcentage de jeunes en situation d'emploi 7 mois après leur sortie du lycée (hors ceux qui poursuivent leurs études).

On ne peut qu'approuver l'objectif fixé. Cela étant, il convient d'observer que l'enseignement scolaire public exerce une influence limitée sur les indicateurs proposés :

- en effet, le taux de poursuite des nouveaux bacheliers dans l'enseignement supérieur dépend largement des politiques poursuivies en matière d'enseignement supérieur ;

- de même, le taux de poursuite des bacheliers technologiques en STS dépend de l'enseignement scolaire privé (puisque son champ est public + privé), mais aussi, notamment, des politiques de sélection des IUT, qui relèvent de l'enseignement supérieur ;

- enfin, le contexte économique joue un rôle déterminant dans le choix néo-bacheliers de rentrer directement sur le marché du travail, comme dans leur capacité à obtenir rapidement un emploi.

L'objectif n° 5 : « Contribuer au développement de l'éducation et à la formation tout au long de la vie »

Le premier indicateur mesure l'évolution de la proportion de la population active formée par les GRETA . Il s'agit là pour l'essentiel d'un indicateur d'activité, qui ne renseigne pas sur l'efficacité des enseignements dispensés par les GRETA.

Le second indicateur établit le taux de certification des bénéficiaires du dispositif VAE . A défaut de précisions méthodologiques sur cet indicateur à construire, votre rapporteur spécial ne peut porter d'appréciation sur cet indicateur, qui semble relever d'une bonne intention.

L'objectif n° 6 : « Renforcer l'ouverture du système éducatif sur son environnement international »

L'indicateur associé est la proportion de bassins de formation présentant une offre de formation en section internationale, européenne ou orientale .

On peut s'interroger sur la pertinence de cet indicateur, car celui est un indicateur d'offre, qui reflète modérément l'ouverture effective du système éducatif sur son environnement international.

En effet, le nombre d'élèves concernées par ces sections était estimé en 2000 à 100.000 élèves du second degré, ce qui est relativement peu par rapport au total des élèves, l'Inspection générale de l'éducation nationale concluant à cet égard dans son rapport public pour 2001que « les initiatives européennes ou affichées comme telles ne manquent pas [mais] ne touchent directement qu'un faible nombre d'élèves et d'établissements... elles traversent le système d'éducation par éclairs et peuvent y agir, tour à tour ou simultanément, un peu comme un en-cas, un substitut ou une promesse ».

Ce même rapport concluait d'ailleurs plus généralement : « l'école, le collège et le lycée français campent sur leurs positions nationalement acquises et n'enseignent l'Europe, sous toutes ses formes, qu'à la marge, sans conviction particulière et dans la dispersion ».

En d'autres termes, l'indicateur retenu est un indicateur très parcellaire pour une politique d'ouverture globalement déficiente.

L'objectif n° 7 : « Disposer d'un potentiel d'enseignants qualitativement adapté »

Cet objectif se retrouve dans le premier programme, ce qui souligne une certaine cohérence de la part du ministère. Les indicateurs associés appellent par conséquent les mêmes observations, que ce soit pour la pertinence de l'indicateur mesurant le pourcentage d'enseignants ayant suivi au moins 3 jours de formation dans l'année ou les modalités de calcul du taux de remplacement.

S'agissant de ce dernier indicateur, on peut d'ailleurs remarquer que non seulement seuls les congés pour maladie ou maternité, mais également seules les absences supérieures ou égales à 15 jours sont prises en compte, ce qui n'est guère satisfaisant.

Cependant, votre rapporteur spécial se félicite de l'ajout, par rapport au programme relatif au premier degré, de l'indicateur «  taux d'efficience des titulaires en zone de remplacement ».

Cela étant, on peut se demander, compte tenu des différences de dénomination et de résultats, si cet indicateur est cohérent avec ceux retenus dans le cadre de la SMR et, le cas échéant, on peut s'interroger sur le fondements des divergences soit de méthode, soit de résultats, observées.

L'objectif n° 8 : « Promouvoir un aménagement équilibré du territoire éducatif »

Cet objectif, qui est également inscrit dans le programme du premier degré, s'appuie sur deux indicateurs, à savoir le pourcentage de collèges et de lycées professionnels à faibles effectifs et le nombre d'académies dont la dotation effective est comprise entre + 2 % et - 2 % de la dotation théorique .

Si ces indicateurs apparaissent utiles, il est cependant regrettable qu'il n'y ait pas un indicateur général de maîtrise de l'offre de formation, qui pourrait par exemple être le nombre d'heures d'enseignement délivrées devant des classes de moins de 10 ou 12 élèves.

* 38 Sorties en cours de 1 er cycle (6 e à 3 e ) ou abandons en cours de CAP ou BEP avant l'année terminale

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