IV. VOTRE COMMISSION DES FINANCES RÉITÈRE SON SOUHAIT DE DONNER PLUS D'AUTONOMIE AUX ÉTABLISSEMENTS TOUT EN FAVORISANT LA RÉNOVATION DU METIER D'ENSEIGNANT

Si l'amélioration des conditions d'orientation des élèves est incontestablement de nature à favoriser une sortie réussie du système scolaire, celle-ci dépend également de la capacité du système à gérer tout au long des cursus scolaires les difficultés des élèves, ainsi que les problèmes de violence, les risques de replis identitaires, voire les phénomènes de déscolarisation.

Or, l'expérience suggère que les solutions à ces difficultés ne peuvent pas provenir de réformes pédagogiques nationales plus ou moins bien comprises et appliquées au niveau des écoles et des établissements, mais bien d'initiatives locales reposant sur la connaissance du contexte que peuvent avoir les chefs d'établissements et les enseignants, comme le conclut le rapport de l'IGEN de novembre 2003 relatif à l'étude des facteurs qui influent sur les situations de violence dans les établissements.

Votre commission des finances réitère ainsi son souhait de donner plus d'autonomie aux établissements scolaires tout en favorisant la rénovation du métier d'enseignant.

M. Luc Ferry, alors ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, soulignait d'ailleurs à l'occasion de la discussion du projet de budget de l'enseignement scolaire pour 2004 au Sénat le 28 novembre 2003, que : « l'autonomie des établissements est évidemment la réforme clé. (...) Il me paraît donc important de mener cette réforme de l'autonomie des établissements, car il s'agit en quelque sorte de la réforme des réformes, celle qui en permettra d'autres. Il est possible de régler de nombreuses questions, même celle des surnombres disciplinaires, au niveau des établissements, mais il est quasi impossible de les aborder au plan national sans qu'aussitôt les gens descendent dans la rue ».

De même, le rapport de la commission du débat national sur l'école (dit « rapport Thélot ») préconise le renforcement de l'autonomie des établissements en indiquant : « l'Etat doit à la fois affirmer plus nettement des priorités - se montrer exigeant sur les principes, les normes et les objectifs - et donner davantage de responsabilités aux acteurs locaux pour définir les modalités de leur mise en oeuvre. La commission considère que l'échelon à privilégier, dans la dévolution de ces nouvelles responsabilités, est l'établissement scolaire ».

Votre rapporteur spécial se félicite donc des mesures prises ou envisagées par le ministère pour favoriser cette autonomie : au plan financier, avec la démarche expérimentale de globalisation des crédits d'Etat dans certains établissements ; au plan administratif, avec l'allègement des procédures de contrôle afin de rendre les actes pris par leurs autorités immédiatement exécutoires, à l'exception du budget et des actes les plus importants ; au plan pédagogique enfin, avec une plus grande souplesse dans l'organisation des enseignements.

Ces mesures doivent être poursuivies et confortées : le ministère doit avoir le courage de la confiance dans les acteurs locaux du système éducatif , car cette confiance est justifiée par le dévouement et la compétence des personnels.

L'IGAENR observe ainsi 3 ( * ) que « les membres de l'inspection peuvent tout spécialement attester.... à quel point les initiatives locales sont nombreuses et à quel point elles permettent au système de tenir. En effet, dans une certaine mesure, il nous semble possible d'affirmer que l'organisation repose moins sur la qualité de son management général que sur les initiatives de ses acteurs de terrain » 4 ( * ) . Le premier degré ne saurait d'ailleurs être tenu à l'écart de ce mouvement, ce qui impliquera à terme une réflexion sur le statut de l'école. Cela étant, le renforcement de l'autonomie des établissements doit s'accompagner de celle leur évaluation.

Il serait également possible d'introduire plus de souplesse dans le fonctionnement des établissements, si les enseignants étaient à même d'accompagner davantage les élèves en dehors des heures d'enseignement.

Cela suppose en premier lieu une réforme des obligations de service des enseignants. Votre commission des finances concluait ainsi dès 2002 que « le métier d'enseignant a d'ores et déjà beaucoup changé avec le développement de pratiques pédagogiques comme les travaux pratiques encadrés, qui reposent sur la pluridisciplinarité, la constitution d'équipes pédagogiques, le travail en petits groupes et l'encadrement personnalisé des élèves. Ces évolutions devraient également se poursuivre en raison de l'importance croissante accordée aux projets d'établissements et à la vie des établissements, notamment dans le cadre des politiques de lutte contre la violence. Dans ces conditions l'image de l'enseignant comme celui qui professe son cours, puis rentre chez lui corriger ses copies, est datée. Or la définition du service des enseignants à partir d'heures de cours repose sur cette image. On peut d'ailleurs remarquer que cette définition est particulière à certains pays de l'OCDE, comme l'Allemagne, la Belgique, la Finlande, la France et le Portugal, la plupart des autres pays combinant dans les obligations de service des enseignants des heures de cours et d'autres activités. En France, le contraste entre l'évolution du métier des enseignant et l'archaïsme de leurs obligations de service conduit ainsi à des ajustements de moins en moins maîtrisés (multiplication des types de décharge, dérive des heures supplémentaires, etc.). L'ampleur du renouvellement des enseignants liés aux départs en retraite prévus au cours de la prochaine décennie constitue pourtant une occasion historique pour la rénovation du statut et de la gestion des enseignants, en même temps qu'elle la rend urgente ».

Concrètement votre rapporteur spécial souhaite la mise en place de dispositifs permettant, sur une base incitative pour les personnels en place, de développer la participation des enseignants à la vie des établissements et au suivi des élèves , le développement de ces missions d'accompagnement supposant toutefois, un effort des collectivités territoriales afin d'adapter les bâtiments, notamment pour mettre à la disposition des enseignants des locaux leur permettant effectivement de recevoir dans de bonnes conditions les élèves et les familles.

Votre rapporteur spécial s'interroge d'ailleurs dans ce contexte sur les notions « d'équipes pédagogiques » et de « communauté éducative », et plus particulièrement sur les évolutions des ressorts, des règles et des contraintes acceptées par les uns et les autres nécessaires pour les faire vivre.

* 3 Dans son rapport général pour 2002, page 11.

* 4 L'évaluation des « Charter schools » (c'est à dire des écoles « à charte », autonomes par rapport aux prescriptions étatiques) autorisées en 1992 en Californie suggère d'ailleurs que l'autonomie des établissements est source d'efficience, puisque ces écoles « à charte » ont des performances quasiment comparables à celles des autres écoles, tout en consommant moins de ressources (cf. « Charter School Operations and Performance », Rand Education, 2003).

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