2. Les crédits en faveur de l'évaluation des contrats de plan Etat-régions (CPER)

a) Le rôle du Plan en matière d'évaluation des CPER

La circulaire du Premier ministre du 25 août 2000 définit les modalités d'évaluation des procédures contractuelles. Il revient au Commissariat général du Plan de mettre les moyens financiers à la disposition des préfets de région et d'apporter son concours méthodologique aux acteurs régionaux.

Mais la caractéristique essentielle de ce dispositif est le rôle prépondérant du niveau régional. Les thèmes d'évaluation, l'élaboration des cahiers des charges, le choix de l'équipe d'évaluation, la publication des rapports et les suites à donner sont des décisions qui incombent au préfet de région et au président du conseil régional.

L'instance nationale d'évaluation des contrats de plan Etat-régions, présidée par le commissaire au Plan 6 ( * ) , a pour rôle d'examiner les projets d'évaluation transmis par les préfets de région et de formuler des recommandations d'ordre technique ou méthodologique susceptibles de les enrichir; de proposer au Commissariat général du Plan de procéder aux délégations des crédits demandés par les préfets de région ; d'établir des guides de référence méthodologique et des grilles communes, à partir des cahiers des charges qui lui ont été transmis et des évaluations réalisées, en liaison avec les administrations concernées ; de recevoir communication des suites données aux évaluations et de formuler, si elle le juge utile, les commentaires qu'elles appellent. Toutefois, le Commissariat général du Plan indique que « les circonstances administratives et budgétaires n'ont pas permis de la réunir en 2003 ».

D'après les informations communiquées à votre rapporteur spécial, les responsables de l'évaluation dans les secrétariats généraux pour les affaires

régionales (SGAR), les conseils régionaux et les conseils économiques et sociaux régionaux ont régulièrement exprimé le souhait d'une meilleure circulation de l'information relative aux évaluations, particulièrement sur les outils et les méthodes de l'évaluation, sur la préparation de cahiers des charges, la conduite des travaux, etc., afin de parvenir à un partage plus efficace des expériences.

Dans cette perspective, le Commissariat général du Plan a diffusé aux préfectures, aux conseils régionaux, et aux conseils économiques et sociaux régionaux un questionnaire concernant la circulation de l'information relative à l'évaluation des contrats de plan Etat-régions. Ses résultats ont montré que les régions attendent beaucoup du développement d'un réseau animé par le Commissariat général du Plan qui permettrait de stimuler et d'organiser des échanges, de promouvoir les bonnes pratiques, d'apporter de l'expertise, etc. Leur intérêt est très grand, notamment pour la diffusion de guides méthodologiques, de cahiers des charges et de rapports d'évaluation. L'organisation de réunions thématiques ou générales permettant les échanges et les acquisitions, la circulation méthodique des informations par les voies matérielles et électronique et la création d'un site internet sont très demandées.

C'est notamment à la suite de cet échange approfondi avec les régions que le Commissariat général du Plan s'est engagé dans l'assistance technique en continu des responsables régionaux ; la création d'un site internet consacré à l'évaluation des politiques publiques qui comprend une partie consacrée aux contrats de plan Etat-régions et fonctionne depuis l'automne 2002 ; la constitution de quatre groupes de travail sur l'évaluation de la politique de la ville, des politiques environnementales, des aides aux entreprises et du volet territorial ; la rédaction d'un guide méthodologique ainsi que la mise en oeuvre d'actions de formation à l'évaluation.

b) Les thèmes d'évaluation retenus

Les préfets de région et les présidents des conseils régionaux décident, dans le cadre du partenariat régional, de leur programme d'évaluation.

On constate, selon le Commissariat général du Plan, que ces programmes sont de plus en plus construits dans un souci de cohérence interne aux contrats de plan d'une part (complémentarité entre elles des évaluations conduites), et avec d'autres programmes, au premier rang desquels les Fonds structurels communautaires d'autre part. Les principales échéances du calendrier des politiques publiques sont davantage prises en compte, en particulier la mise à jour des CPER et des programmes de la politique régionale communautaires en 2003.

Le Plan indique ensuite que le choix des thèmes résulte de plus en plus de démarches préparatoires. Il est ainsi de plus en plus fréquent que les régions souhaitent procéder à des évaluations ambitieuses (impact du CPER sur l'emploi, sur l'environnement, etc.) et procèdent à des études préalables qui permettent de concevoir les démarches appropriées.

En l'absence de systèmes efficaces de suivi de la mise en oeuvre des programmes, les indicateurs utiles à l'évaluation sont toutefois rarement disponibles lors du choix d'évaluer.

c) L'évaluation des CPER : une mission désormais « résiduelle » mais qui continue de mobiliser des crédits importants

Depuis la fin de l'année 2003, le Plan se consacre à la « prospective de l'Etat stratège » et a abandonné la mission d'évaluation. Néanmoins, il est resté attributaire, en 2004, des crédits d'évaluation des CPER et a donc assuré l'instruction des demandes faites par les préfets de région ainsi que la délégation des crédits. Dans la réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial, il est indiqué que « cette activité a un caractère résiduel et ne correspond plus aux activités du Plan ».

Votre rapporteur spécial remarque toutefois que des crédits sont toujours inscrits à ce titre en 2005, pour un montant de 800.000 euros 7 ( * ) . Il a été indiqué à votre rapporteur spécial qu'ils serviraient notamment à financer les marchés lancés en 2004. Compte tenu des nouvelles orientations du Plan, ces crédits doivent-ils être conservés au Plan ? En cas de réponse négative, où se fait l'évaluation ? La DATAR pourrait en être réceptrice, alors qu'elle conserve de son côté une cellule prospective.

La mutation interne engagée au Commissariat général du Plan n'a donc pas, pour le moment, débouché sur une réorganisation des liens et des compétences des différents organismes intervenant dans le domaine de l'évaluation et de la prospective, qui permettrait pourtant une rationalisation des moyens sans doute plus efficace. Ces interrogations et ce constat rendent l'avenir du Plan encore incertain.

Bilan de la politique d'évaluation des CPER

Votre rapporteur spécial a demandé au commissariat général du Plan de lui dresser un bilan de la politique d'évaluation des CPER, qui est retranscrit dans les paragraphes qui suivent.

Ce bilan prend appui sur les travaux réalisés dans la perspective de la mise à jour des contrats portant sur la période 2000-2006 prévue en 2003. Il porte sur 73 études dans 19 régions. Ces régions avaient programmé 135 évaluations, dont 32 étaient achevées, 41 en cours et 62 en projet. Plusieurs des 41 évaluations en cours étaient à un stade d'avancement qui permettait de prendre en compte leurs conclusions. L'analyse des évaluations a été menée en étudiant des thèmes d'évaluation, les conclusions et les recommandations des études.

Des évaluations centrées sur les principaux enjeux du développement

Les observations faites lors de l'analyse des évaluations de la période 1994-1999 sont confirmées et amplifiées : on constate une très forte concentration des évaluations sur les programmes les plus stratégiques en termes de développement régional.

En effet, sur 73 évaluations en cours ou achevées en mars 2003, 55 relèvent des quatre domaines suivants : emploi-formation-insertion (16 évaluations), développement économique (15 évaluations), politiques territoriales (14 évaluations), environnement (10 évaluations). Les 6 autres thèmes, à l'exclusion de la méthodologie, ne concernent chacun qu'une ou deux évaluations (9 au total).

La concentration est forte : les quatre domaines les plus évalués représentent plus de 75 % des évaluations, et près de 86 % des évaluations portant sur des programmes (c'est-à-dire en excluant du calcul les travaux préparatoires à l'évaluation).

En revanche, les domaines qui mobilisent la plus grande part des crédits des CPER, à savoir les infrastructures de transports et de communication et les investissements universitaires, sont très peu évalués : ils n'ont ainsi fait l'objet que de quatre évaluations seulement.

Des évaluations dans la logique des acteurs locaux

Il peut sembler paradoxal que les programmes d'infrastructures universitaires, de transports et de communications soient aussi peu évalués. L'importance de ces domaines est, en effet, fortement mise en avant dans les stratégies sous-jacentes aux CPER et leur poids budgétaire est considérable. Mais ce sont des domaines classiques de l'action de l'Etat dans lesquels les collectivités territoriales ont conscience de renforcer son action bien plus que de conduire de véritables politiques de développement. La même raison explique qu'une seule évaluation ait lieu sur le volet justice.

En revanche, les quatre domaines le plus fortement évalués impliquent différemment, et depuis longtemps, les partenaires de l'Etat : l'intervention économique est un classique de l'action régionale, la formation est une compétence décentralisée, l'environnement associe depuis toujours les collectivités territoriales à l'Etat, et les politiques territoriales ont toujours été des politiques locales, que les évolutions législatives récentes et le volet territorial des CPER ont renforcées.

Les choix d'évaluation portent donc principalement sur ce que les acteurs régionaux perçoivent comme de véritables politiques publiques régionales de développement.

Des évaluations au service de la mise en oeuvre des CPER

L'analyse donne des indications très claires : les deux tiers des conclusions et des recommandations des évaluations concernent les modalités de la mise en oeuvre des programmes évalués, un tiers seulement portent sur leur contenu. Ce constat s'explique en partie par le fait que ces évaluations soient réalisées au début de la période de programmation. Les responsables sont alors soucieux de l'effectivité et de la qualité de la mise en oeuvre des programmes. Par ailleurs, les données relatives aux impacts ne sont pas encore disponibles.

Mais, d'une manière plus générale, cette tendance se trouve déjà dans les commandes, car l'évaluation est souvent perçue comme un outil d'aide au pilotage de l'action publique, ce qui explique son orientation clairement managériale.

Par ailleurs, certains programmes financés dans les CPER sont des programmes nationaux de l'Etat mis en oeuvre de manière régionalisée. Les acteurs régionaux n'étant pas en mesure de peser sur leur contenu, ils tendent à orienter les évaluations vers leur mise en oeuvre, les jugements sur le fond étant réservés aux politiques dont la spécificité régionale est forte.

En conclusion : des évaluations à usage essentiellement local

Le contenu des conclusions et des recommandations des évaluations montre qu'elles sont conçues pour un usage régional. Si l'analyse méthodique des recommandations permet de tirer certains enseignements de portée générale, voire nationale, comme cela a été fait en 2002 dans le cadre des groupes de travail thématiques mis en place par le Commissariat général du Plan dans les domaines des aides aux entreprises, de la politique de la ville et des politiques environnementales (avec la DARPMI, la DIV et la D4E) et en 2003 pour le volet territorial (avec la DATAR), la manière dont ont été conçues et mises en oeuvre les évaluations régionales n'a pas permis de traiter valablement les principales questions qui concernent l'Etat central, notamment pour faire évoluer le contenu des programmes. Les approches nationale et régionale sont des exercices de nature différente, qui nécessitent des méthodes et des dispositifs spécifiques.

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

* 6 Elle est composée de représentants de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, de la délégation interministérielle à la ville, des directions générales de l'administration et des collectivités locales du ministère de l'intérieur, de la direction des affaires économiques, sociales et culturelles de l'outre-Mer, de la direction du budget et de la direction générale de la comptabilité publique, de la délégation interministérielle à la réforme de l'Etat, du président du Conseil national de l'évaluation, d'un membre désigné par le Conseil national d'aménagement et de développement du territoire et de deux universitaires.

* 7 L'Assemblée nationale a toutefois supprimé ces crédits du budget du Plan. Ils ont été transférés sur le budget de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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