B. LES INNOVATIONS INTRODUITES PAR LE TRAITÉ ÉTABLISSANT UNE CONSTITUTION POUR L'EUROPE

Complété par 2 annexes et 36 protocoles ayant la même valeur juridique que lui, le traité établissant une Constitution pour l'Europe signé à Rome le 29 octobre 2004 est divisé en quatre parties comprenant un total de 448 articles et consacrées respectivement à la définition de l'Union européenne, de ses objectifs, de ses compétences, de ses procédures décisionnelles et de ses institutions, à la charte des droits fondamentaux, aux politiques et au fonctionnement de l'Union et aux clauses finales et transitoires.

Il remplace les traités précédents, à l'exception du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom), repris dans un protocole.

Il met fin à la Communauté européenne et à la structure en piliers de l'ordre juridique européen. Seule subsisterait l'Union européenne, qui serait désormais dotée de la personnalité juridique.

1. Une spécificité maintenue

Malgré l'emploi du mot « Constitution », le nouveau texte reste un traité et ne modifie pas la nature de l'Union européenne . Elle conserve un caractère hybride , combinant des éléments de fédéralisme, de confédéralisme et d'organisation internationale.

Le traité est établi et révisé par accord unanime entre les Etats membres et eux seuls.

Ces derniers continuent à prendre, par des actes soumis à ratification nationale, les décisions de base concernant l'Union, qu'il s'agisse de la fixation de ses compétences et de ses règles de fonctionnement, de la définition de ses moyens financiers ou des nouvelles adhésions.

En outre, les décisions importantes concernant les affaires étrangères et la défense continuent à relever pour l'essentiel d'une logique intergouvernementale.

Le maintien de la dimension confédérale de l'Union est souligné par la mention explicite d'un droit de retrait volontaire pour tout Etat membre.

Dans le même temps, la primauté du droit de l'Union sur le droit interne de ses Etats membres est consacrée et la spécificité de la « méthode communautaire », fondée sur l'équilibre entre le triangle formé par le Conseil des ministres, la Commission et le Parlement européen, est maintenue.

2. Un fonctionnement plus efficace

• Des institutions réformées

Le Conseil européen , créé à l'initiative de la France en 1974, devient une institution de l'Union. Il lui « donne les impulsions nécessaires à son développement, en définit les orientations et les priorités politiques générales » mais n'exerce pas de fonction législative. La règle de la présidence semestrielle est abandonnée. Le Conseil européen élit à la majorité qualifiée un président pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois. Ce président ne peut exercer de mandat national.

Le Conseil des ministres appelé le Conseil, siège en différentes formations présidées par des groupes de trois Etats membres pour une période de dix-huit mois : les Etats exercent tour à tour la présidence pour six mois, assisté par leur prédécesseur et leur successeur.

Le Conseil statue à la majorité qualifiée, sauf disposition contraire du traité. En outre, des « clauses passerelles » lui permettent, ainsi qu'au Conseil européen, de décider à l'unanimité de prévoir l'adoption selon la procédure législative ordinaire de textes qui devaient faire l'objet d'une procédure spéciale et de statuer à la majorité qualifiée dans des domaines régis par l'unanimité.

Les règles de vote sont modifiées : à compter du 1 er novembre 2009, la majorité qualifiée pour adopter une proposition de la Commission européenne sera constituée par 55 % des Etats membres représentant au moins 65 % de la population de l'Union. En tout état de cause, une proposition sera adoptée si moins de quatre Etats membres s'y opposent. Lorsque le Conseil ne statuera pas sur proposition de la Commission, la majorité qualifiée sera fixée à au moins 72 % des Etats membres représentant au moins 65 % de la population.

Un ministre des affaires étrangères de l'Union est institué. Nommé par le Conseil européen avec l'accord du président de la Commission, il remplace à la fois le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et le Commissaire européen chargé des relations extérieures ; sa compétence s'étend également à la politique de sécurité et de défense commune.

Par dérogation à la règle de la présidence semestrielle tournante, il préside le Conseil « Affaires étrangères ». Il est par ailleurs vice-président de droit de la Commission, chargé de la coordination des différents aspects de l'action extérieure. Pour exercer ces fonctions, il dispose d'un service diplomatique européen composé de fonctionnaires de la Commission, du Conseil et des Etats membres.

La Commission reste composée d'un national de chaque Etat membre jusqu'en 2014. Ensuite, le nombre des commissaires sera égal aux deux tiers du nombre d'Etats membres, le Conseil européen pouvant toutefois, à l'unanimité, modifier ce chiffre.

Le Conseil européen choisit, à la majorité qualifiée, un candidat à la fonction de président de la Commission. Ce candidat est ensuite élu par le Parlement européen.

• Des compétences clarifiées et étendues

L'Union dispose de compétences d'attribution. Certaines sont exclusives, la plupart partagées, d'autres enfin sont des compétences d'appui de l'Union.

Dans le domaine des compétences exclusives (union douanière, règles de concurrence, politique monétaire dans la zone euro, conservation des ressources biologiques de la pêche, politique commerciale commune), elle agit seule au nom des Etats membres. Dans le domaine des compétences partagées, les Etats légifèrent dans la mesure où l'Union n'a pas exercé sa compétence ou a cessé de l'exercer. Les compétences d'appui, de coordination ou de complément de l'Union lui permettent des actions accessoires pour assister les Etats sans se substituer à eux ; elles ne peuvent conduire à l'harmonisation du droit.

Lorsque, dans le cadre d'une des politiques prévues par la Constitution, une mesure paraît nécessaire pour atteindre un objectif constitutionnel et que la Constitution ne prévoit pas le pouvoir d'action correspondant, le Conseil statuant à l'unanimité peut prendre cette mesure en accord avec le Parlement européen. Une clause de ce type, dite de flexibilité , a toujours figuré dans les traités européens, mais son objet était en principe limité aux mesures nécessaires au fonctionnement du marché unique.

La Constitution élargit le champ de la coopération judiciaire en matière civile comme en matière pénale, renforce les rôles d'Europol et d'Eurojust, et prévoit la mise en place progressive d'un « système intégré de gestion des frontières extérieures ». Le Conseil peut en outre, à l'unanimité, décider de mettre en place un Parquet européen.

Les conditions d'adoption des textes dans ces matières sont revues. Alors que l'espace de liberté, de sécurité et de justice était jusqu'à présent régi en partie par des procédures intergouvernementales, il relève désormais, sauf exception, de la procédure de droit commun - le Conseil vote à la majorité qualifiée, le Parlement européen dispose d'un pouvoir de codécision et les actes sont soumis au contrôle de la Cour de justice. Toutefois, pour tout texte relatif à l'harmonisation pénale, un Etat peut saisir le Conseil européen s'il estime que ce texte porte atteinte à des aspects fondamentaux de son système juridique.

La Constitution fait de la reconnaissance mutuelle des décisions le principe de base de la coopération judiciaire, tant en matière civile qu'en matière pénale. Dans cette optique, le Conseil peut mettre en place un mécanisme d'évaluation mutuelle de l'application par les Etats membres des politiques de l'Union en matière de justice et d'affaires intérieures.

La politique commerciale commune devient une compétence exclusive de l'Union et le vote à la majorité qualifiée est généralisé, sauf pour les services culturels et audiovisuels et les services sociaux, d'éducation et de santé.

Pour les politiques de coopération au développement et d'aide humanitaire , les mesures sont désormais adoptées, selon la procédure de droit commun, en codécision avec le Parlement européen.

La politique extérieure et de sécurité commune est profondément réformée par la mise en place d'une présidence stable du Conseil européen, par la création d'un ministre des Affaires étrangères de l'Union et par l'attribution de la personnalité juridique à l'Union, ce qui permettra à cette dernière de conclure plus facilement des accords internationaux.

Le traité devrait favoriser un développement important de la politique de sécurité et de défense commune en prévoyant une clause de défense mutuelle et une clause de solidarité antiterroriste, le lancement d'une « coopération structurée permanente » entre les Etats qui souscrivent certains engagements (participation à des programmes d'équipement, mise à disposition de forces), et la création d'une agence d'armement appelée « Agence européenne de défense ».

Dans les domaines économiques et sociaux , les évolutions concernent notamment : l'attribution de nouvelles compétences à l'Union en matière de santé publique, d'espace, d'énergie, de protection civile, de tourisme, de sport ; la mise en place d'une organisation spécifique de la zone euro ; la possibilité de définir par une loi européenne les principes et conditions, notamment économiques et financières, permettant aux services d'intérêt général d'accomplir leurs missions, l'introduction d'une clause sociale générale pour les politiques de l'Union, et l'institutionnalisation du « sommet tripartite » avec les partenaires sociaux.

Pour l'exercice de ces compétences, l'Union peut recourir à six catégories d'instruments :

- des actes législatifs - la loi européenne et la loi-cadre européenne - qui succèdent aux règlements et aux directives et sont applicables à l'ensemble du traité, y compris aux matières actuellement non communautarisées, comme la coopération judiciaire en matière pénale ;

- des actes non législatifs - les règlements, les décisions, les recommandations et les avis.

Le principe de subsidiarité est réaffirmé et celui de respect des identités nationales reçoit une formulation plus détaillée à l'article I-5 du traité : « l'Union respecte l'identité nationale des États membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l'autonomie locale et régionale. Elle respecte les fonctions essentielles de l'État, notamment celles qui ont pour objet d'assurer son intégrité territoriale, de maintenir l'ordre public et de sauvegarder la sécurité intérieure. »

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