II. LES DISPOSITIONS DES DEUX PROPOSITIONS DE LOI

La proposition de loi (n° 62) présentée par M. Roland Courteau et des membres du groupe socialiste relative à la lutte contre la violence à l'égard des femmes et notamment au sein des couples comporte quinze articles articulés autour de trois volets : la répression, la prévention et l'aide aux victimes. La proposition de loi (n° 95) présentée par Mme Nicole Borvo et les membres du groupe communiste républicain et indépendant relative à la lutte contre les violences au sein du couple présente, quant à elle, un dispositif plus resserré (cinq articles), axé principalement sur les modifications du code pénal et du code de procédure pénale, et comportant des mesures communes avec une partie de celles présentées par le texte socialiste. Cette similitude appelle une présentation conjointe des deux propositions de loi.

A. LE VOLET RÉPRESSIF

L'incrimination spécifique des violences habituelles au sein du couple

L' article premier de la proposition de loi n° 62 tend à introduire après l'article 222-13 du code pénal un article punissant d'une peine d'emprisonnement de trois ans les violences physiques ou psychologiques commises de manière habituelle à l'encontre du conjoint ou de l'ex-conjoint, du concubin ou de l'ex-concubin, du partenaire ou de l'ancien partenaire d'un pacte civil de solidarité.

Il s'inspire de l'article 173 du code pénal espagnol qui prévoit une peine d'emprisonnement de six mois à trois ans pour toute personne qui se livre de « façon habituelle à des actes de violence physique ou psychologique » sur son conjoint, son ex-conjoint ou sur toute autre personne avec laquelle l'agresseur entretient ou a entretenu des relations comparables à celles qui prévalent au sein d'un couple.

En France, les violences habituelles ne sont actuellement incriminées sous cette dénomination, aux termes de l'article 222-14 du code pénal que lorsqu'elles concernent les mineurs de 15 ans ou les personnes vulnérables. La peine dépend alors de la gravité de la violence (mort de la victime sans intention de la donner, mutilation, incapacité totale de travail supérieure à huit jours, incapacité totale de travail inférieure à huit jours). Le quantum retenu est plus élevé que pour les peines prévues dans l'hypothèse de violences non répétées même lorsque ces dernières s'accompagnent de circonstances aggravantes.

La disposition innoverait en visant également les violences commises à l'encontre, d'une part, d'un partenaire d'un pacte civil de solidarité et, d'autre part, d'un ancien conjoint, d'un ancien concubin et d'un ancien pacsé.

La reconnaissance du viol entre époux

L' article 2 de la proposition de loi n° 62 prévoit que la présomption du caractère licite des relations sexuelles entre époux peut être combattue par des preuves contraires établissant par tout moyen un viol. Il s'inspire d'un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 juin 1992.

L'extension du principe d'aggravation de la peine actuellement prévue pour les violences commises par le conjoint ou le concubin de la victime à celles commises par le partenaire d'un pacte civil de solidarité .

Le code pénal prévoit aujourd'hui d'aggraver la peine lorsqu'une violence est commise par le conjoint ou le concubin de la victime.

Cette circonstance est retenue dans cinq hypothèses : tortures ou actes de barbarie - art. 222-3 ; violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner - art. 222-8 ; violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente - art. 222-10 ; violences ayant entraîné une incapacité de travail pendant plus de huit jours - art. 222-11 ; violences n'ayant pas entraîné une incapacité de travail inférieure à huit jours - art. 222-3.

L' article 3 de la proposition de loi n° 62 et l' article 2 de la proposition de loi n° 95 prévoient d'élargir cette circonstance aggravante aux mêmes infractions commises par les partenaires d'un pacte civil de solidarité.

B. LA PRÉVENTION ET L'AIDE AUX VICTIMES

Information et formation

L' article 4 de la proposition de loi n° 62 tend à compléter le code de l'éducation pour prévoir une séance annuelle d'information dans les collèges et les lycées sur les violences au sein du couple. Il prévoit également l'institution d'une journée nationale de sensibilisation fixée au 25 novembre - date retenue pour la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

L'article 5 de la même proposition de loi et l' article 1 er de la proposition de loi n° 95 visent à renforcer la formation à la question des violences au sein du couple de tous les acteurs concernés : personnel médical, travailleurs sociaux, magistrats et services de police.

Mesures spécifiques dans le cadre du contrôle judiciaire

L' article 6 de la proposition de loi n° 62 tend à compléter l'article 138 du code de procédure pénale afin de préciser que les mesures de contrôle judiciaire peuvent comporter, d'une part, l'interdiction pour l'auteur des violences de se rendre au domicile du couple et, d'autre part, l'injonction de soins, même sous le régime de l'hospitalisation, aux fins de prévention des violences au sein du couple.

Les articles 3 et 4 de la proposition de loi communiste ont le même objet.

Faculté pour les associations de se porter partie civile

L' article 7 de la proposition de loi n° 62 vise à compléter l'article 48-3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse en permettant à toute association chargée de combattre les violences ou les discriminations fondées sur le sexe de se constituer partie civile en cas de délit de provocation aux agressions contre les femmes.

Cette proposition est désormais satisfaite par la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de la lutte contre les discriminations et pour l'égalité dont l'article 22 a inséré un nouvel article 48-5 dans la loi du 29 juillet 1881 : « Art. 48-5. - Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant, par ses statuts, de combattre les violences ou les discriminations fondées sur le sexe ou d'assister les victimes de ces discriminations peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits prévus par le neuvième alinéa de l'article 24, le troisième alinéa de l'article 32 et le quatrième alinéa de l'article 33. »

Cette disposition prévoit que si l'infraction a été commise contre des particuliers, l'action de l'association ne sera recevable qu'avec l'accord de la ou des victimes.

Aide aux victimes

Les articles 8 et 9 de la proposition de loi n° 62 tendent à compléter la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique afin de permettre respectivement aux mineurs victimes d'agressions physiques ou sexuelles de bénéficier automatiquement de l'aide juridique et à l'ensemble des victimes de violences sexuelles de disposer du concours d'un avocat.

L' article 10 de la proposition de loi n° 62 et l' article 5 de la proposition de loi n° 95 visent à élargir le nombre d'infractions susceptibles de donner lieu, en vertu de l'article 706 du code de procédure pénale, à la réparation intégrale du dommage causé à la victime.

Actuellement, peuvent donner lieu à un recours devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions, d'une part, les faits ayant entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail égale ou supérieure à un mois, d'autre part, le viol, les autres agressions sexuelles (articles 222-22 à 222-30 du code pénal), la traite des êtres humains (articles 225-4-1 à 225-4-5 du code pénal) et les attentats à la pudeur (articles 227-25 à 227-27 du code pénal).

En premier lieu, les deux propositions de loi prévoient le droit à la réparation du dommage lorsque l'infraction de violence s'accompagne de la circonstance aggravante : injures et actes de barbarie (article 222-3 du code pénal) ; violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (article 222-8 du code pénal) ; violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (article 222-10 du code pénal) ; violences ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours (article 222-12 du code pénal) ; violences ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à huit jours (article 222-13 du code pénal). Ensuite, le recours en indemnité serait également ouvert dans les hypothèses suivantes : assassinat (article 221-3 du code pénal) ; administration de substances nuisibles (article 222-15 du code pénal) ; appels téléphoniques malveillants (article 222-16 du code pénal) ; menaces (articles 222-17 et 222-18 du code pénal) ; risques causés à autrui (article 223-1 du code pénal) ; entrave aux mesures d'assistance (article 223-5 du code pénal) ; enlèvement et séquestration (article 224-1 du code pénal).

Enfin, l' article 11 de la proposition de loi n° 62 prévoit des mesures de solidarité nationale aux victimes de violences au sein du couple ayant entraîné une incapacité d'une durée supérieure à six mois (aide financière, le cas échéant accès à un emploi public ou salarié dans des conditions facilitées).

Ces différentes mesures seraient gagées sur une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs ( article 12 de la proposition de loi n° 62).

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