EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER
RECRUTEMENT

Outre l'article 3 qui prévoit que le fonctionnaire ayant souscrit un engagement de servir pendant une durée minimale doive rembourser certaines sommes lorsqu'il fait valoir ses droits à la retraite avant d'avoir complètement honoré son engagement, les dispositions du présent chapitre visent à poursuivre la mise en oeuvre du principe d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière de recrutement .

En effet, si pour combattre toute discrimination fondée sur le sexe, les Etats membres disposent de la faculté de prendre des mesures prévoyant « des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser les désavantages dans la carrière professionnelle » (article 141 du Traité), ils doivent également supprimer toutes les dispositions nationales contradictoires avec le droit communautaire.

S'agissant plus particulièrement de l' égal accès à l'emploi pour les hommes et les femmes, l'article 3 de la directive 76/207/CEE du Conseil du 9 février 1976 40 ( * ) pose le principe selon lequel « l'application du principe de l'égalité de traitement implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe dans les conditions d'accès, y compris les critères de sélection, aux emplois ou postes de travail, quel qu'en soit le secteur ou la branche d'activité, et tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle. » Le dernier alinéa de cet article rend toutefois possible de prendre des mesures remédiant à des inégalités de fait qui affectent les chances des femmes dans certains domaines.

Plusieurs dispositions du droit français de la fonction publique apparaissent, encore actuellement, contraires au principe communautaire d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes. En effet, elles prévoient des dérogations réservées aux femmes en matière de conditions d'âge et de diplômes pour l'inscription à certains concours externes de la fonction publique, sans qu'elles puissent être considérées comme étant une mesure visant à remédier à une inégalité de fait affectant les chances de ces femmes pour accéder à la fonction publique.

Dans un avis motivé du 15 juin 2001, la Commission européenne a considéré qu'« en adoptant et en maintenant, en ce qui concerne l'accès aux concours de la fonction publique, une législation qui réserve la suppression de la condition d'âge ainsi que de la seule condition de diplômes aux seuls candidats féminins », la France avait manqué aux obligations lui incombant en vertu de l'article 3 précité de la directive 76/207/CEE et de l'article 141 précité du traité instituant la Communauté européenne. Elle affirme qu' « une priorité ne peut être accordée aux femmes dans des secteurs où elles sont sous-représentées que si elle n'est pas automatique et absolue. Les candidats masculins ayant une qualification égale ou une situation familiale comparable doivent pouvoir être l'objet d'une appréciation objective qui tient compte de tous les critères relatifs à la personne et à la situation des candidats, et qui ne repose pas exclusivement, comme c'est le cas actuellement, sur les critères du sexe . »

Les articles 1 er , 2 et 4 du présent chapitre visent par conséquent à modifier les dispositions concernées en poursuivant par là même la transposition de la directive 76/207/CEE précitée dans le domaine de la fonction publique.

Article premier
(Art. 8 de la loi n° 75-3 du 3 janvier 1975)
Non opposabilité des limites d'âges

Cet article a pour objet de modifier le dispositif de l'article 8 de la loi n° 75-3 du 3 janvier 1975 portant diverses améliorations et simplifications en matière de pensions ou d'allocations des conjoints survivants, des mères de famille et des personnes âgées, lequel rend actuellement inopposables à certaines catégories de femmes les limites d'âge prévues pour l'accès aux emplois publics .

L'article 8 de la loi précitée du 3 janvier 1975 dispose en effet, dans sa rédaction actuelle, que « les limites d'âges pour l'accès aux emplois publics ne sont pas opposables aux mères de trois enfants et plus, aux veuves non remariées, aux femmes divorcées et non remariées, aux femmes séparées judiciairement et aux femmes et hommes célibataires ayant au moins un enfant à charge, qui se trouvent dans l'obligation de travailler . » La notion d'emplois publics pour l'application de cet article recouvre les emplois des collectivités territoriales, des établissements publics, des entreprises publiques, les services concédés et les caisses d'épargne ordinaires.

Introduite dans la loi précitée du 3 janvier 1975 par la loi n° 79-569 du 7 juillet 1979 41 ( * ) , cette dérogation aux limites d'âge paraît aujourd'hui contraire au principe d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes posé par le droit communautaire, en ce qu'elle est réservée aux femmes. En effet, la Commission européenne, dont l'avis précité de 15 juin 2001 portait notamment sur cette disposition, a affirmé que cette dernière était discriminatoire envers les hommes qui, même s'ils remplissent des « conditions personnelles et familiales semblables » (pères d'au moins trois enfants, veufs non remariés, divorcés non remariés, hommes séparés judiciairement), ne peuvent en aucun cas en bénéficier.

Une première étape dans la remise en cause de ce dispositif discriminatoire a été franchie avec l'adoption de l'article 34 de la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, qui a étendu aux hommes célibataires ayant au moins un enfant l'impossibilité de se voir opposer de limites d'âge pour l'accès aux emplois publics .

Le présent article du projet de loi propose de modifier l'article 8 de la loi du 3 janvier 1975 afin de se conformer aux règles communautaires .

Il prévoit tout d'abord de supprimer la dérogation accordée aux femmes veuves, divorcées ou judiciairement séparées se trouvant dans l'obligation de travailler . D'après l'exposé des motifs, elle ne serait plus justifiée en raison de « l'évolution des moeurs, notamment de la multiplication des situations de concubinage et de PACS, et du taux de féminisation de la population active. »

En effet, alors que cette disposition avait initialement pour objectif de permettre aux femmes, vivant sur les ressources de leur conjoint, de faire face à l'éventualité de la séparation ou de la disparition de ce dernier, il apparaît que des femmes qui n'ont pas été mariées peuvent également se retrouver dans une situation identique, voire plus difficile. En outre, cette disposition n'a concerné que très peu de candidates aux derniers concours de la fonction publique. D'après les informations recueillies par votre rapporteur, la suppression de la dérogation proposée porterait sur 10 à 15 % des bénéficiaires de dispositifs dérogatoires, représentant 150 à 300 candidats et 30 à 60 personnes recrutées 42 ( * ) .

Au regard des arguments précédemment avancés, il n'est pas apparu envisageable d'étendre cette dérogation aux hommes connaissant une situation personnelle identique.

Le présent article propose ensuite d' étendre aux pères de trois enfants ou plus le principe de non opposabilité des limites d'âge pour l'accès aux emplois publics, jusqu'à présent réservé aux seules mères d'au moins trois enfants.

Il prévoit également que la dérogation concernant jusqu'ici les hommes et femmes célibataires ayant un enfant à charge soit désormais réservée aux personnes élevant seuls leur(s) enfant(s) . Cette nouvelle rédaction permet de ne plus prendre en compte la situation patrimoniale de la personne et d'éviter, comme l'explique l'exposé des motifs, que certains puissent notamment se prévaloir de cette disposition tout en vivant en concubinage, parfois même avec l'autre parent du (ou des) enfant(s).

Enfin, la rédaction proposée par le présent article retire la condition actuellement prévue selon laquelle les personnes bénéficiant de cette disposition doivent être « dans l'obligation de travailler ». Mesure de simplification, elle permet de supprimer une condition difficile à prouver.

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier sans modification .

Article 2
(Art. 21 de la loi n° 76-617 du 9 juillet 1976)
Aménagement de la condition d'âge pour certains hommes en cas de recrutement par concours de fonctionnaires de catégorie A

Le présent article vise à étendre aux hommes la dérogation à la limite d'âge applicable pour le recrutement par concours de fonctionnaires de catégorie A , en modifiant l'article 21 de la loi n° 76-617 du 9 juillet 1976 portant diverses mesures de protection sociale de la famille.

Il s'agit ainsi, comme les articles 1 er et 4 du projet de loi, de poursuivre la transposition de la directive précitée 76/207/CEE du 9 février 1976 afin de respecter le principe d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes tel qu'il est défini en droit communautaire 43 ( * ) .

Dans sa rédaction actuelle, l'article 21 de la loi précitée du 9 juillet 1976 dispose que, « nonobstant toutes dispositions contraires, la limite d'âge applicable au recrutement par concours des fonctionnaires de catégorie A et assimilés, ainsi que des agents de même niveau des collectivités locales et des établissements publics, est portée à quarante-cinq ans en faveur des femmes élevant leur enfant ou ayant élevé au moins un enfant. »

Ayant pour objectif de favoriser le retour à l'emploi des personnes ayant élevé leur(s) enfant(s), cette disposition semble contraire au principe d'égalité de traitement entre les sexes , en ce qu'elle ne prévoit un aménagement de la condition d'âge que pour les femmes.

En effet, si cette disposition n'est certes pas directement visée par l'avis de la Commission européenne précitée du 15 juin 2001, constatant le manquement de la France envers l'exigence communautaire de non-discrimination entre les hommes et les femmes 44 ( * ) , il semble qu'elle doive toutefois être modifiée, à l'instar des articles 8 de la loi du 3 janvier 1975 45 ( * ) et 24 de la loi du 13 juillet 1983 46 ( * ) , afin que la dérogation prévue bénéficie également aux hommes élevant leur enfant ou ayant élevé au moins un enfant.

En conséquence, le présent article propose que la limite d'âge pour le recrutement par concours de fonctionnaires de catégorie A soit portée à 45 ans en faveur de toute personne, homme ou femme, élevant son enfant ou ayant élevé au moins un enfant .

Votre commission estime que la modification proposée par le présent article est indispensable au regard du droit communautaire.

Elle vous propose un amendement qui permet de simplifier la rédaction de l'article 21 de la loi du 9 juillet 1976 en prévoyant que la limite d'âge soit portée à 45 ans pour toute personne élevant ou ayant élevé au moins un enfant, sans tenir compte , pour le présent comme pour le passé, du fait qu'il s'agisse ou non de son enfant . En effet, l'article 21 opère actuellement une distinction entre les femmes élevant leur enfant ou ayant élevé au moins un enfant.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 3
(Art. 24 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983)
Obligation de remboursement par un fonctionnaire admis
à la retraite en cas de non respect de l'engagement de servir

Cet article a pour objet de compléter l'article 24 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, afin de prévoir que le fonctionnaire ayant souscrit l'engagement de servir pendant une durée minimale rembourse certaines sommes lorsqu'il fait valoir ses droits à la retraite avant d'avoir complètement honoré son engagement .

Certains statuts particuliers de la fonction publique prévoient que le concours d'entrée pour les corps auxquels ils s'appliquent donne accès à une période de scolarité obligatoire, préalable à la titularisation et suivie d'un engagement de servir pendant une durée minimale .

Lorsque l'article premier du décret n° 90-709 du 1er août 1990 47 ( * ) a supprimé les limites d'âge applicables aux recrutements par concours interne dans les corps de la fonction publique de l'Etat, l'article 2 de ce même décret a toutefois prévu que, pour les corps comportant une période de scolarité obligatoire et un engagement de servir pendant une certaine durée, demeurait opposable aux candidats la limite d'âge « qui permet aux intéressés d'avoir satisfait à leur engagement à la date d'entrée en jouissance immédiate de la pension . »

Cette disposition visait par conséquent à éviter que ne soient admis des candidats qui, du fait de leur âge, auraient été dans l'impossibilité d'honorer leur engagement de servir avant de faire valoir leurs droits à la retraite.

Toutefois, comme l'indique l'exposé des motifs, il est apparu que cette disposition « n'a résolu la difficulté que de façon imparfaite, d'une part parce qu'elle n'est pas opposable aux personnes bénéficiant d'une suppression de l'âge limite par l'effet des mesures dérogatoires, et, d'autre part, parce qu'elle a donné lieu à des difficultés contentieuses qui se sont traduites par des interprétations divergentes du juge administratif. »

De plus, l'exposé des motifs rappelle qu'elle ne serait également plus adaptée aux objectifs ayant guidé la réforme des retraites, à savoir le fait de favoriser l'allongement de la durée de travail tout en offrant à chacun la possibilité de choisir son âge de cessation d'activité.

C'est pourquoi le présent article du projet de loi propose un nouveau dispositif qui prévoit que désormais, l'admission à la retraite d'un fonctionnaire ne respectant pas l'engagement de servir pendant une durée minimale auquel il a souscrit, obligerait ce fonctionnaire à rembourser une somme fixée par la réglementation applicable .

En conséquence, tout fonctionnaire devrait désormais pouvoir accéder aux corps comportant une obligation de scolarité préalable complétée par un engagement de servir pendant une durée minimale. Il serait seulement tenu, à une obligation de remboursement, dégressif en fonction de la durée d'engagement déjà accomplie, s'il fait valoir ses droits à la retraite avant d'avoir accompli la totalité de son engagement de servir.

Toutefois, cette obligation de remboursement ne serait opposable ni aux fonctionnaires reconnus travailleurs handicapés ni aux fonctionnaires radiés des cadres par anticipation pour invalidité.

Un décret en Conseil d'Etat devrait fixer les modalités d'application de cette disposition. Il devrait notamment permettre de déterminer les règles de dégressivité du remboursement qui devraient être établies en fonction de la durée d'engagement de servir déjà accomplie.

Le présent article prévoit d'intégrer ce dispositif dans la loi précitée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, en complétant son article 24 par un nouvel alinéa.

En outre, en vertu de l'article 22 du projet de loi, le dispositif prévu par cet article ne devrait s'appliquer qu'aux fonctionnaires recrutés quatre mois après la publication de la loi.

Si le présent article ne constitue pas une transposition du droit communautaire en droit interne, il permet en revanche de régler une situation directement liée à la suppression de certaines limites d'âge pour le recrutement au sein de la fonction publique.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à corriger une erreur de référence afin de tenir compte d'une modification apportée par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

En effet, alors que le présent article prévoit de rendre l'obligation de remboursement inopposable aux fonctionnaires reconnus travailleurs handicapés « par la commission mentionnée à l'article L. 323-11 du code du travail », l'article 64 de la loi précitée du 11 février 2005 a créé, auprès de la maison départementale des personnes handicapées, une commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées désormais chargée de prendre les décisions concernant l'ensemble des droits de la personne handicapée et qui se trouve être mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles. Il convient par conséquent de remplacer dans le présent article la référence à l'article L. 323-11 du code du travail par celle à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles.

Votre commission vous soumet également un amendement visant à supprimer un membre de phrase redondant et à améliorer la rédaction proposée par cet article.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter l'article 3 ainsi modifié .

Article 4
(Art. 2 de la loi n° 80-490 du 1er juillet 1980)
Extension aux hommes de la dérogation à la condition de diplôme

Cet article vise à modifier l'article 2 de la loi n° 80-490 du 1 er juillet 1980 portant diverses dispositions en faveur de certaines catégories de femmes et personnes chargées de famille, afin d' étendre aux hommes la dispense de diplôme actuellement prévue uniquement pour les femmes ayant au moins trois enfants et souhaitant passer un concours de la fonction publique .

En vertu du droit actuel, seules certaines catégories de femmes bénéficient d'une dérogation aux conditions de diplômes exigées pour l'inscription à un grand nombre de concours de la fonction publique. En effet, l'article 2 précité de la loi du 1 er juillet 1980 prévoit que les femmes ayant au moins trois enfants peuvent se présenter sans remplir la condition de diplôme « à tout concours de l'Etat, des départements, des villes et communes, des établissements publics nationaux, départementaux et communaux, de toute collectivité publique et de tout établissement en dépendant, de toute société nationale ou d'économie mixte . » Les conditions dans lesquelles cette dispense peut être accordée sont fixées par un règlement d'administration publique.

Comme les articles 1 er et 2 du projet de loi 48 ( * ) , le présent article prévoit l'extension de cette dérogation aux pères se trouvant dans une situation familiale semblable, c'est-à-dire ayant au moins trois enfants. Il vise ainsi à respecter le principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes tel qu'il est interprété en droit communautaire, en vertu de la directive précitée 76/207/CEE du 9 février 1976 et des articles 13 et 141 du traité instituant la Communauté européenne.

L'article 2 de la loi du 1 er juillet 1980 constitue l'une des dispositions expressément considérées comme discriminatoires par la Commission européenne dans son avis précité C(2001)1407 du 15 juin 2001 49 ( * ) .

Votre commission vous propose, sous réserve d'un amendement rédactionnel, d'adopter l'article 4 ainsi modifié .

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