3. Le régime pénal des quatre infractions constitutives d'une atteinte à la transparence des marchés

Le régime pénal des infractions constitutives d'une atteinte à la transparence des marchés est prévu par les articles L. 465-1 à L. 465-3 du code monétaire et financier , et a été modifié par la loi du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières, puis par l'article 33 de la loi n° 2001 1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne. Quatre délits , dans lesquels la notion d'« information privilégiée » est centrale, sont ainsi pénalement réprimés : le délit d'initié, la communication d'informations privilégiées, la diffusion d'informations fausses ou trompeuses et la manipulation de cours.

a) La définition des délits et les sanctions applicables aux personnes physiques

Le délit d'initié , qui a été introduit en 1967, ne figure pas sous cette dénomination dans la législation, mais est défini par le premier alinéa de l'article L. 465-1 du code précité comme « le fait, pour les dirigeants d'une société mentionnée à l'article L. 225-109 du code de commerce, et pour les personnes disposant, à l'occasion de l'exercice de leur profession ou de leurs fonctions, d'informations privilégiées sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier admis sur un marché réglementé, de réaliser ou de permettre de réaliser, soit directement, soit par personne interposée, une ou plusieurs opérations avant que le public ait connaissance de ces informations ». Ce n'est donc pas le fait d'être initié, c'est-à-dire détenteur d'informations privilégiées, qui est en soi poursuivi , mais l'utilisation précoce et illicite d'informations qui permettent d'acquérir cette qualité.

Les sanctions encourues sont une peine de deux ans d'emprisonnement et une amende semblable à celle prévue par le régime de répression administrative, soit 1.500.000 euros, et dont le montant peut être porté au-delà de ce chiffre, jusqu'au décuple du montant du profit éventuellement réalisé, sans que l'amende puisse être inférieure à ce même profit.

Le troisième alinéa du même article étend la qualification du délit d'initié à toute autre personne que celles mentionnées dans le premier alinéa, qui possède « en connaissance de cause des informations privilégiées », et réalise ou permet de réaliser directement ou indirectement une opération, ou communique à un tiers ces informations, avant que le public en ait connaissance. Lorsque les informations en cause concernent la commission d'un crime ou d'un délit, les peines encourues sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 1.500.000 euros si le montant des profits réalisés est inférieur à ce chiffre.

Le délit de communication d'informations privilégiées est défini par le deuxième alinéa de l'article L. 465-1 précité, comme « le fait, pour toute personne disposant dans l'exercice de sa profession ou de ses fonctions d'une information privilégiée sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier admis sur un marché réglementé, de la communiquer à un tiers en dehors du cadre normal de sa profession ou de ses fonctions ». Ce délit est puni d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 150.000 euros.

Le dernier alinéa de l'article L. 465-1 punit des mêmes peines que celles prévues pour le délit d'initié le délit de communication d'informations fausses ou trompeuses , c'est-à-dire « le fait, pour toute personne, de répandre dans le public par des voies et moyens quelconques des informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier admis sur un marché réglementé, de nature à agir sur les cours ».

Depuis la loi de sécurité quotidienne précitée, l'article 421-1 du code pénal qualifie d' « actes de terrorisme » l'ensemble des délits prévus à l'article L. 465-1 du code monétaire et financier, ce qui tend à conforter la perception de la gravité de ces infractions.

Enfin l'article L. 465-2 du même code définit le délit de manipulation de cours , comme « le fait, pour toute personne, d'exercer ou de tenter d'exercer, directement ou par personne interposée, une manoeuvre ayant pour objet d'entraver le fonctionnement régulier d'un marché d'instruments financiers en induisant autrui en erreur ». Les peines applicables sont identiques à celles du délit d'initié. Cette infraction entretient des liens étroits avec la diffusion de fausses informations et poursuit un objet identique de spéculation illicite, mais à la différence de celle-ci, elle suppose une intervention directe sur le marché.

Le régime de sanction pénale applicable aux personnes physiques est résumé dans le tableau suivant :

Synthèse du régime pénal des quatre délits portant atteinte à la transparence des marchés financiers

Délit d'initié

Communication d'informations privilégiées

Information fausse ou trompeuse

Manipulation de cours

Références

Article L. 465-1 du code monétaire et financier, alinéas 1 et 3

Article L. 465-1 du code monétaire et financier, alinéa 2

Article L. 465-1 du code monétaire et financier, alinéa 4

Article L. 465-2 du code monétaire et financier

Acteurs

Distinction entre les initiés primaires (présomption, pour les dirigeants et mandataires sociaux) et secondaires (relations professionnelles ou d'affaires, pas de présomption).

Obligations d'abstention et de discrétion imposées aux personnes initiées.

Initiés transmettant des informations à des non initiés directs. La difficulté réside dans la détermination du caractère normal ou non de la communication

Toute personne. Il s'agit du « négatif » de la communication d'informations privilégiées, car il ne s'agit pas de faire usage d'une information exacte mais confidentielle, mais de répandre des nouvelles inexactes afin d'influer sur le cours d'un titre

Toute personne qui exerce ou tente d'exercer, directement ou par personne interposée, une manoeuvre induisant autrui en erreur et entravant le fonctionnement régulier d'un marché financier

Elément matériel

Information privilégiée ( ie . précise, particulière et déterminante), accomplissement d'actes illicites et antériorité. La nature de l'information fonde la qualification du délit, non les compétences des bénéficiaires 5 ( * )

La communication (et non l'utilisation) d'une information, quel que soit le moyen

La diffusion dans le public d'informations, par n'importe quel moyen, que le résultat ait été atteint ou non

Délit formel défini par son objet et non son effet. La « manoeuvre » se situe entre le dol et l'escroquerie et se traduit par des actions techniques sur le marché

Elément moral ou intentionnel

L'intention coupable peut résulter de la simple violation du secret auquel l'initié est tenu

Transmission volontaire d'informations que l'on sait privilégiées

Diffusion volontaire d'informations que l'initiateur, de mauvaise foi, sait fausses ou trompeuses

La « manoeuvre » révèle l'intention délictueuse. Dol général et dol spécial

Sanctions maximales

Deux ans de prison (sept en cas de délit aggravé) et 1.500.000 euros d'amende ou jusqu'au décuple des profits réalisés

Un an de prison et 150.000 euros d'amende

Deux ans de prison (sept en cas de délit aggravé) et 1.500.000 euros d'amende ou le décuple des profits réalisés

Deux ans de prison (sept en cas de délit aggravé) et 1.500.000 euros d'amende ou le décuple des profits réalisés

Source : Droit des marchés financiers, Hubert de Vauplane et Jean-Pierre Bornet, Editions Litec

* 5 En application d'une jurisprudence née d'un arrêt de la Cour de cassation du 26 juin 1995, qui a consacré une conception objective de l'information privilégiée, c'est-à-dire en fonction de son seul contenu et non plus des compétences particulières des bénéficiaires.

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