3. Vers une nouvelle architecture des marchés financiers

La principale innovation de la « directive MIF » a trait à l'architecture même des marchés financiers, puisqu'il s'agit de mettre en place un cadre réglementaire global s'appliquant aux différents modes d'exécution des ordres, et non plus aux seuls marchés réglementés comme le prévoyait la DSI, et de permettre ainsi une plus grande concurrence entre marchés réglementés, plates-formes multilatérales et systèmes internes de négociation. Ces deux derniers systèmes sont gérés par les entreprises d'investissement elles-mêmes, et ont connu un certain développement depuis une dizaine d'années, contribuant à atténuer la frontière entre intermédiaires et marchés .

Ainsi qu'il a été précisé plus haut, cette reconnaissance de différents modes d'exécution des ordres s'exerce sans préjudice du critère juridique de l'admission des titres à la négociation sur un marché réglementé , qui emporte toute une série de conséquences dans la législation boursière. Dans le cadre de la « directive MIF », les ordres exécutés par des internalisateurs portent sur des titres qui sont nécessairement admis à la négociation sur un marché réglementé 39 ( * ) , mais il peut en être autrement pour les MTF (cf. commentaire de l'article 5 du présent projet de loi). Il en résulte que la compétence des autorités nationales de régulation ne se limite pas au seul mode de négociation sur un marché réglementé, mais devra vraisemblablement être adaptée , en particulier en vue d'assurer une meilleure surveillance de l'abus de marché (cf. infra ).

Cette nouvelle organisation a en premier lieu pour finalité de bénéficier aux investisseurs , la concurrence étant censée aboutir à une amélioration de la qualité et à une diminution des coûts de transaction. Elle est néanmoins porteuse de quatre principaux risques :

- le risque le plus souvent mis en exergue est celui de la fragmentation des bassins de liquidité - élément qui détermine la « profondeur » des marchés boursiers - sur plusieurs lieux de négociation, d'où il résulte un double risque de détérioration du processus de formation des prix et de moins bonne accessibilité des investisseurs à l'information nécessaire à leur décision d'investissement ;

- la faculté, pour les investisseurs, d'apprécier et de comparer la qualité d'exécution des ordres peut être rendue plus difficile , compte tenu de la multiplicité des lieux de négociation offrant chacun leurs propres conditions, et de la disparition du rôle de référence que jouaient les cours établis sur les marchés réglementés ;

- la nouvelle organisation pourrait accroître les risques de conflits d'intérêt au sein des entités qui exécuteront les ordres de leurs clients par voie d'internalisation ;

- elle complique enfin la mission des autorités de régulation en matière de surveillance du marché.

Les rédacteurs de la directive n'ont pas éludé ces risques, et les autorités françaises ont plaidé, lors des travaux de révision de la DSI, pour que la nouvelle architecture des marchés n'altère pas leur efficience ni la protection des investisseurs et la qualité du processus de formation des prix. La directive prévoit donc un certain nombre de gardes fous , détaillés dans le commentaire de l'article 5 du présent projet de loi, qui sont de cinq ordres :

- des règles de transparence des informations pré et post-négociation sur les différents canaux . Les systèmes multilatéraux que sont les marchés réglementés et les MTF sont soumis aux mêmes règles, tandis que les systèmes internes, qui ne contribuent pas directement à la formation des cours, sont soumis à des règles spécifiques. Les débats se sont en particulier focalisés sur la question de l'opportunité d'une transparence pré-négociation pour les internalisateurs, à laquelle les anglo-saxons se montraient plutôt opposés. L'inclusion de cette obligation de transparence dans le texte final a contribué à rapprocher le compromis des positions françaises ;

- des règles de traitement des ordres de client , portant en particulier sur le « routage » des ordres à cours limité, que les systèmes internalisés ne peuvent exécuter, vers les systèmes multilatéraux ;

- une règle de « meilleure exécution » , que doivent respecter les entreprises d'investissement et qui permet de suppléer partiellement la concentration de la liquidité sur les marchés réglementés. Cette règle se traduit par une comparaison « multi-critères » des transactions et la mise en place, par l'entreprise d'investissement, de procédures tendant à garantir la meilleure exécution possible ;

- le traitement d'ordres hors marchés réglementés ou MTF requiert que les entreprises d'investissement obtiennent l'accord préalable de leurs clients ;

- un renforcement des règles de prévention et de gestion des conflits d'intérêt au sein des entreprises d'investissement.

Il importe donc que les mesures harmonisées de niveau 2 ne dénaturent pas les garanties et règles de transparence prévues par la directive-cadre, et préservent l'objectif de convergence des pratiques nationales . Les risques de disparités dans l'application par les Etats membres seront ainsi fonction du plus ou moins grand degré de précision de ces nouvelles règles. La transposition par ordonnance dans notre droit doit également être suffisamment encadrée. Votre rapporteur général vous propose à ce titre un amendement à l'article 5 du présent projet de loi.

* 39 Ainsi les articles 27 et 28 de la directive, relatifs aux obligations de transparence des internalisateurs avant et après la négociation, précisent bien que leurs dispositions s'appliquent aux transactions portant sur des « actions admises à la négociation sur un marché réglementé ».

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