II. LE NOUVEAU DISPOSITIF COMMUNAUTAIRE DE RÉPRESSION DE L'ABUS DE MARCHÉ

A. LE CARACTÈRE OBSOLÈTE DE LA DIRECTIVE DU 13 NOVEMBRE 1989 APPELAIT UNE RÉNOVATION DANS LE CADRE DU PLAN D'ACTION POUR LES SERVICES FINANCIERS

1. Une directive dédiée au seul délit d'initié

L'Union européenne, par la directive 89/592/CEE du Conseil du 13 novembre 1989 concernant la coordination des réglementations relatives aux opérations d'initiés , s'est dotée assez tardivement d'un cadre juridique tendant à harmoniser les modes de répression des abus de marché, à la fin d'une décennie marquée par des évolutions majeures de la structure des marchés financiers, particulièrement en France. La désintermédiation, la dématérialisation des titres, l'apparition de nouveaux compartiments boursiers et le plus grand recours des entreprises au financement par le marché, tendance qui s'est amplifiée au cours des années 90, ont ainsi accru les risques d'abus dans l'utilisation de l'information livrée aux marchés, qui constitue le principal déterminant de leur évolution.

La directive du 13 novembre 1989 se révélait toutefois assez succincte et incomplète , dans la mesure où elle ne traitait que le délit d'initié, défini indirectement par l'article 2 de la directive comme le fait, pour une personne détentrice d'une information privilégiée, « d'acquérir ou de céder pour compte propre ou pour compte d'autrui, soit directement soit indirectement, les valeurs mobilières de l'émetteur ou des émetteurs concernés par cette information, en exploitant en connaissance de cause cette information privilégiée ». L'information privilégiée était, quant à elle, définie par l'article premier comme « une information qui n'a pas été rendue publique, qui a un caractère précis et concerne un ou plusieurs émetteurs de valeurs mobilières, ou une ou plusieurs valeurs mobilières et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d'influencer de façon sensible le cours de cette ou de ces valeurs mobilières ».

L'harmonisation de la seule approche du délit d'initié pouvait, dès lors, conduire les intermédiaires financiers à bénéficier d'une présomption de légitimité pour une opération qui, dans un autre Etat membre, aurait été qualifiée de manipulation de marché.

Cette directive présentait donc de réelles lacunes. Elle ne couvrait pas les manipulations de marché et en particulier la diffusion d'une fausse information sur le marché, infraction que l'on peut juger aussi grave que le délit d'initié et qui tend de surcroît à se cumuler avec ce dernier. Elle énonçait en outre des définitions trop générales des éléments constitutifs des infractions pour que l'on puisse considérer que l'objectif d'harmonisation soit véritablement atteint. Elle prévoyait enfin des obligations de régulation et de coopération qui étaient généralement déjà respectées par les Etats membres, telles que la désignation de la ou des autorités administratives investies des compétences et des pouvoirs de contrôle et d'enquête nécessaires pour assurer le respect des interdictions de communication d'information privilégiée posées par la directive (article 8), une obligation de secret professionnel de leurs agents (article 9), ou les modalités de coopération et d'échange d'informations entre les autorités nationales (article 10), sans préjudice des obligations incombant aux autorités dans le cadre de procédures judiciaires à caractère pénal 6 ( * ) .

* 6 L'article 10 prévoyait, en outre, la faculté pour les autorités nationales de ne pas donner suite à une demande d'information émanant d'une autorité d'un autre Etat membre, dans deux cas :

« a) lorsque la communication des informations risquerait de porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou à l'ordre public de l'Etat requis ;

« b) lorsqu'une procédure judiciaire est déjà engagée pour les mêmes faits et contre les mêmes personnes devant les autorités de l'État requis ou lorsque celles-ci sont déjà définitivement jugées pour les mêmes faits par les autorités compétentes de l'Etat requis. »

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