2. Le contenu de la directive cadre du 28 janvier 2003

a) Un champ d'application large mais centré sur la répression administrative

Une proposition de directive sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché a été présentée par la Commission européenne le 30 mai 2001.

Conformément à la démarche Lamfalussy, une directive cadre a ensuite été adoptée afin de fixer les définitions, principes et principales mesures d'encadrement du nouveau dispositif relatif à l'abus de marché. La directive 2003/6/CE du 28 janvier 2003 concernant les opérations d'initiés et les manipulations de marché rappelle ainsi dans ses considérants les principes qui guident l'action de la Commission européenne dans le domaine des services financiers 12 ( * ) , et comprend d'importantes dispositions sur le régime applicable aux manipulations de marché et à l'information privilégiée.

Son champ d'application est large puisqu'il concerne toute personne physique ou morale ayant accès au marché et tout instrument financier répondant aux caractéristiques suivantes :

- aux termes de l'article 9, tout instrument financier admis à la négociation sur un marché réglementé d'au moins un Etat membre, ou pour lequel une procédure d'admission est en cours, c'est-à-dire lorsque « une demande d'admission à la négociation sur un tel marché a été présentée, que l'opération elle-même soit effectivement exécutée sur ce marché ou non » ;

- et, s'agissant des dispositions des articles 2, 3 et 4, tout instrument non admis à la négociation sur un marché réglementé mais dont la valeur dépend d'un instrument financier coté sur un tel marché. Cette dernière catégorie vise plus particulièrement les titres convertibles et certains produits dérivés.

Il convient ici d'apporter une précision importante sur ce champ d'application. Bien que le dispositif communautaire relatif à l'abus de marché s'applique aux titres admis à la négociation sur un marché réglementé ou en passe de l'être, il demeure pleinement compatible avec le nouveau cadre communautaire applicable aux négociations sur les marchés d'instruments financiers , prévu par la directive 2004/39/CE dont l'article 5 du présent projet de loi propose la transposition. Cette directive fixe en effet un cadre commun pour trois modes d'exécution des ordres (cf. infra ), qu'il importe de distinguer du critère juridique de l'admission à la négociation sur un marché réglementé, pivot de la législation boursière. La prévention et la répression de l'abus de marché se veulent donc neutres par rapport au lieu de négociation des titres . Les modalités de l'articulation entre les deux dispositifs sont précisées plus loin (cf. IV C).

La directive manifeste une nouvelle approche législative , à la fois moins ambitieuse et plus opérationnelle, de l'abus de marché par rapport aux objectifs de la directive de 1989, en ce qu'elle répond moins à la volonté d'harmoniser les droits des Etats membres qu'à celle de promouvoir une certaine homogénéité des autorités chargées de veiller à la transparence des marchés et à leur égalité d'accès.

Elle n'envisage, en outre, que la répression administrative des infractions et n'intervient donc pas dans la qualification et la sanction pénales de l'abus de marché. Cette approche a pu apparaître problématique pour une partie de la doctrine 13 ( * ) , dans la mesure où le caractère fortement répressif de la procédure de sanction administrative, tel qu'il est prévu par la directive, serait susceptible d'assimilation à une sanction pénale , au sens de la Convention européenne des droits de l'homme, et pourrait donc porter atteinte à la souveraineté des Etats membres, comme le ferait une directive d'incrimination pénale. Dans le dix-huitième considérant de sa décision rendue le 28 juillet 1989 sur la loi du 1 er août 1989 relative à la sécurité et à la transparence du marché financier 14 ( * ) , le Conseil constitutionnel a ainsi considéré que le principe de nécessité des peines, tel qu'énoncé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ne concernait « pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s'étend(ait) à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle ».

* 12 Le considérant 43 mentionne, en particulier, la nécessité d'assurer la confiance à l'égard des marchés financiers parmi les investisseurs, l'offre d'un large éventail d'instruments financiers concurrents ainsi qu'une information et une protection adaptées à la situation personnelle des investisseurs, une application cohérente de la réglementation par les autorités indépendantes de régulation, l'encouragement de l'innovation sur les marchés, la préservation de l'intégrité du marché grâce à un contrôle étroit et réactif de l'innovation financière, la promotion de la compétitivité internationale des marchés financiers de l'Union européenne, et la nécessité d'assurer l'égalité des conditions d'activité entre tous les participants au marché.

* 13 Cf. en particulier « Transposition en droit français de la directive « abus de marché » », Claude Ducouloux-Favard, Lamy droit pénal des affaires n° 34, décembre 2004.

* 14 Décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989 - Journal officiel du 1 er août 1989 (et rectificatif du 5 août 1989).

Page mise à jour le

Partager cette page