III. LE PROGRAMME 852 « PRÊTS À DES ETATS ÉTRANGERS POUR CONSOLIDATION DE DETTES ENVERS LA FRANCE »

A. LE TRAITEMENT DE LA DETTE : UN IMPACT MAJEUR SUR L'APD FRANÇAISE

Les annulations et allègements de dette consenties par la France jusqu'à fin 2004 représentent un montant de 12,85 milliards d'euros , selon les données fournies par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce volume se décompose en deux grandes masses :

- la première, d'un montant de 6,2 milliards d'euros , correspond aux contributions multilatérales du « compteur de Toronto », c'est-à-dire aux annulations réalisées en Club de Paris au titre de la mise en oeuvre des termes de Toronto, de Naples puis des suivants, et à l'application de l'initiative PPTE, lancée à Lyon en juin 1996 puis renforcée à Cologne en 1999 (cf. encadré infra ). La France, en tant que premier créancier public des pays éligibles à l'initiative PPTE, est le pays qui consent l'effort d'annulation le plus important ;

- la seconde fraction, qui représente 6,65 milliards d'euros , correspond au volet bilatéral volontaire et additionnel, qui est réalisé au-delà du cadre de base de l'initiative PPTE renforcée.

Compte tenu de la situation troublée de plusieurs pays n'ayant pas encore atteint le point de décision, la clause d'extinction de l'initiative PPTE sunset clause ») a été repoussée de deux ans à deux reprises, en 2000 et 2002, puis à nouveau reportée au 31 décembre 2006 68 ( * ) par les conseils du FMI et de la Banque mondiale. Ils ont également décidé de limiter l'application de PPTE aux pays qui remplissaient les critères d'endettement à fin 2004.

Cette analyse pourrait conduire à une extension de la liste des pays potentiellement éligibles à PPTE . Au terme d'une première évaluation, sur la base des données afférentes à la dette à fin 2004, quatre pays supplémentaires 69 ( * ) pourraient être éligibles à PPTE (Haiti, Republique Kirghize, Erythrée et Népal). Les conseils du FMI et de la Banque mondiale se prononceront définitivement sur la liste définitive des pays éligibles à PPTE au début 2006, après avoir recueilli l'ensemble des données de dette concernant ces pays.

Les Etats de la ZSP qui ont déjà bénéficié des montants les plus élevés d'annulation de dette, au titre de l'initiative PPTE ou d'autres dispositifs, sont la Côte d'Ivoire (2,47 milliards d'euros à fin 2004), le Sénégal (1,78 milliard d'euros), le Cameroun (1,5 milliard d'euros) et Madagascar (1,32 milliard d'euros).

Les différents dispositifs bilatéraux et multilatéraux de traitement de la dette et l'initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE)

1 - Les dispositifs multilatéraux d'allégement de dette décidés par le Club de Paris

Plusieurs traitements conduisant à des niveaux croissants de concessionnalité ont été introduits :

1) En 1988, à l'issue du sommet des principaux pays industrialisés tenu à Toronto , parmi les trois menus d'options proposés, a été introduite l'annulation (à hauteur d'un tiers) des échéances faisant l'objet de consolidation en Club de Paris.

2) En septembre 1990, le Club de Paris a décidé, à la suite du sommet de Houston des pays les plus industrialisés d'un ensemble de mesures nouvelles dites « traitement de Houston », et appliquées, au cas par cas, aux plus pauvres et aux plus endettés des pays à revenu intermédiaire. Il s'agissait essentiellement d'allonger les périodes de consolidation et de grâce (remboursement sur 15 ans dont 8 de grâce) et d'ouvrir la possibilité, pour les pays créanciers qui le souhaitent, de procéder à des opérations de conversion de dette en monnaie locale, en vue d'investissement sur place.

3) En décembre 1991, un nouveau traitement dit de « Londres » a été mis en oeuvre. Ce nouveau traitement permet d'accorder un allégement de 50 % des échéances consolidées et a remplacé le traitement de Toronto .

4) En décembre 1994, les pays les plus pauvres et les plus endettés se sont vus attribuer un nouveau traitement dit de « Naples », qui remplace le traitement de Londres et constitue une avancée considérable pour les pays lourdement endettés. Ses principales caractéristiques sont les suivantes :

a) Allégement de 50 % ou de 67 % de la dette non APD selon deux options :

- option A : réduction du principal et rééchelonnement du solde sur 23 ans dont 6 de grâce au taux du marché ;

- option B : réduction des taux d'intérêts de façon à obtenir une réduction de 50 % (ou de 67 %) en valeur nette actualisée, avec remboursement sur 23 ans (ou 33 ans).

b) Rééchelonnement sur 30 ans dont 12 de grâce (50 % de réduction) ou sur 40 ans dont 16 de grâce (67 % de réduction) de la dette APD. La possibilité de convertir des dettes en investissement est conservée.

5) Depuis le sommet des pays industrialisés qui s'est tenu le 28 juin 1996 à Lyon et dans le cadre de l'Initiative PPTE, les pays créanciers du Club de Paris se sont mis d'accord sur les « Termes de Lyon » qui portent le taux d'annulation de la dette jusqu'à 80 % pour les pays qui ont mis en oeuvre de façon continue et satisfaisante une politique d'ajustement et qui ont besoin d'un traitement exceptionnel pour que leur dette soit définitivement ramenée à un niveau soutenable. La dette APD bénéficie d'un rééchelonnement sur 40 ans dont 16 ans de grâce, et la dette non APD d'une réduction de 80 % avec remboursement sur 23 ans dont 6 ans de grâce pour l'option DR (réduction de la dette), et 40 ans dont 8 ans de grâce pour l'option DSR (réduction du service de la dette).

6) Dans le cadre de l'Initiative PPTE, les pays créanciers du Club de Paris se sont mis d'accord sur les « Termes de Cologne », qui se substituent au traitement de Lyon et portent le taux d'annulation de la dette jusqu'à 90 % ou davantage pour les pays répondant aux mêmes conditions que les Termes de Lyon (politique d'ajustement et de réduction de la pauvreté, traitement exceptionnel).

La dette APD bénéficie d'un rééchelonnement sur 40 ans dont 16 ans de grâce, et la dette non APD d'une réduction de 90 % avec remboursement sur 23 ans dont 6 ans de grâce pour l'option DR (réduction de la dette) et 125 ans dont 65 ans de grâce pour l'option DSR (réduction du service de la dette). La France a décidé de ne retenir que l'option DR.

7) Le Club de Paris a adopté, en octobre 2003, une nouvelle approche du traitement de la dette des pays qui ne répondent pas aux critères PPTE mais sont néanmoins confrontés à une dette insoutenable, approuvée par les chefs d'Etat et de gouvernement du G7 en juin 2003 lors du sommet d'Evian .

L'approche d'Evian vise à définir une réponse sur mesure et adaptée à la situation de chaque pays, et non plus à reposer sur des termes standards comme dans la pratique passée du Club de Paris. En outre, elle vise à assurer que la restructuration de la dette est accordée seulement dans le cas d'un défaut imminent et n'est pas considérée par les pays débiteurs comme une alternative à des sources de financement plus onéreuses. Enfin, elle répond aux besoins financiers des pays débiteurs et à l'objectif d'assurer la soutenabilité de la dette à long terme. L'approche d'Evian s'articule ainsi autour de trois axes :

- la prise en compte de considérations de soutenabilité de la dette ;

- une mise en oeuvre par étapes afin d'assurer un lien entre allègements de dette et performance économique ;

- le renforcement de la coordination avec les créanciers privés, notamment à travers des consultations préalables à la négociation en Club de Paris.

Les créanciers du Club de Paris ont procédé en 2004 et 2005 aux quatre premiers traitements de dette dans le cadre de l'approche d'Evian (Kenya, République dominicaine, Gabon et Géorgie). L'Irak et la République kirghize ont été les premiers pays à faire l'objet d'un traitement global de la dette dans le cadre de cette approche.

2 - Les annulations bilatérales sur initiative française

1) A la suite de la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant en commun l'usage du français, qui s'est tenue à Dakar en mai 1989 , la France a décidé d'accorder aux 35 pays les plus pauvres et les plus endettés d'Afrique subsaharienne une annulation partielle de leur dette, dite initiative Dakar I .

Cette annulation a pris effet à compter du 1 er janvier 1989 et concerne les prêts relevant de l'APD accordés et versés à ces pays avant le 31 décembre 1988. Elle s'applique également aux prêts d'ajustement structurel (PAS) consentis à cinq pays pour leur redressement économique et financier avant 1986, à des taux non concessionnels.

2) En juin 1990, de nouvelles initiatives en faveur des quatre pays à revenu intermédiaire de la zone franc ont été annoncées au sommet de La Baule . Elles ont eu pour effet de réduire à 5 % les taux d'intérêt annuels des prêts accordés par la Caisse française de développement (ancienne dénomination de l'AFD).

3) Le sommet de Libreville de septembre 1992 a été l'occasion pour la France d'annoncer une nouvelle initiative en faveur de ces pays : la création d'un Fonds de conversion de créances pour le développement doté de 4 milliards de francs. Dans ce cadre, la France procède à des annulations de créances d'APD à la hauteur de l'effort des gouvernements concernés en faveur de projets précis, liés à la protection de l'environnement, au soutien des activités productives de base et au développement social. Les critères d'accès à ce Fonds ont été récemment élargis par l'octroi d'une nouvelle tranche de 61 millions d'euros. La loi n° 2002-267 du 26 février 2002 portant règlement définitif du budget de 2000 a ramené le plafond autorisé de 4 milliards de francs à 2,37 milliards de francs (361,3 millions d'euros), soit le total des projets acceptés jusqu'en 1998, et a ainsi clos le fonds .

4) Une nouvelle mesure a été annoncée par la France au sommet de Dakar en janvier 1994 en faveur des pays de la Zone franc, après la dévaluation du franc CFA. Cette nouvelle mesure, dite « Dakar II » a consisté :

- pour le Cameroun, le Congo, la Côte d'Ivoire et le Gabon : annulation bilatérale de 50 % de l'encours de la dette d'APD (y compris l'ensemble des arriérés) au 31 décembre 1993 ;

- pour les pays les moins avancés : annulation de la totalité des encours d'APD et des autres prêts accordés par l'AFD après la remise de dettes dite « Dakar I » intervenue en 1989.

5) Ces efforts significatifs ont été poursuivis :

- la France a annoncé lors du sommet du G8 de Cologne de juin 1999 , puis lors du sommet de Yaoundé de janvier 2001 de porter de 90 à 100 % les annulations de dette commerciale décidées en Club de Paris sur la période intérimaire (entre le point de décision et le point d'achèvement) pour les pays bénéficiant de l'initiative PPTE. Cette annonce a fait l'objet de l'article 82 de la loi de finances rectificative pour 2001 ;

- la totalité de ses créances d'APD sur les pays bénéficiant de l'initiative PPTE est annulée (refinancée par don) au point d'achèvement grâce au dispositif du C2D (contrat de désendettement-développement), mis en oeuvre en 2003.

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

* 68 A cette date, les pays potentiellement éligibles à l'initiative PPTE devront donc disposer d'un programme soutenu par le FMI pour en bénéficier.

* 69 Le FMI n'a pas pu se prononcer sur le cas de cinq autres pays compte tenu du caractère incomplet des données : le Bangladesh, le Bouthan, le Sri Lanka et Tonga. L'Afghanistan pourrait également être éligible sous réserve qu'il reconnaisse certaines créances.

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