Article 4 bis (nouveau)
(article L. 122-2 du code de la propriété intellectuelle)

Radiodiffusion des phonogrammes du commerce

I. Texte adopté par l'Assemblée nationale

Ce nouvel article adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Dominique Richard (UMP-Maine-et-Loire) modifie le 2° de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle autorisant, en contrepartie d'une rémunération équitable, la radiodiffusion 96 ( * ) et la distribution par câble simultanée et intégrale des phonogrammes du commerce sans l'autorisation de l'artiste-interprète et du producteur.

D'une part, la nouvelle rédaction proposée par le présent article pour le 2° de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle précise que la radiodiffusion du phonogramme couverte par la licence légale peut être « directe ou indirecte ».

Interprétée à l'aune des traités de l'OMPI de 1996 définissant la « radiodiffusion indirecte » comme la rediffusion d'une radiodiffusion 97 ( * ) , l'expression « directe ou indirecte » n'apporte rien à la rédaction existante. Celle-ci ne comporte en effet aucune restriction quant au type de radiodiffusion pouvant être effectuée dès lors que cette radiodiffusion porte sur un phonogramme publié à des fins de commerce.

Interprétée de manière plus large, l'expression « directe ou indirecte » peut au contraire laisser penser que le régime de licence légale défini à l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle trouve à s'appliquer lorsque la radiodiffusion d'un phonogramme du commerce se fait par l'intermédiaire d'un autre support tel qu'un vidéogramme soumis quant à lui au régime du droit exclusif.

D'autre part, la nouvelle rédaction étend le régime de la licence légale à la reproduction des phonogrammes du commerce effectuée par ou pour le compte d'entreprises de communication audiovisuelle en vue de sonoriser leurs programmes propres diffusés sur leur antenne ou sur celles des entreprises de communication audiovisuelle qui acquittent la rémunération équitable.

Ce faisant, cette nouvelle disposition infirme deux constructions doctrinales et jurisprudentielles délimitant strictement le champ d'application du régime de licence légale défini au 2° de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle.

La rédaction du présent article inclut en effet désormais dans ce champ les actes de reproduction nécessaires à la sonorisation de programmes radiodiffusés.

Bien que cette possibilité soit ouverte tant par l'article 12 de la Convention de Rome qui prévoit un droit à rémunération pour l'utilisation d'un phonogramme « ou d'une reproduction », que par l'article 8.2 98 ( * ) de la directive du 19 novembre 1992 99 ( * ) , ni la législation, ni la doctrine ni la jurisprudence n'avaient jusqu'alors jamais reconnu cette éventualité.

Le professeur Sirinelli notait à cet égard que « dans le silence de l'article L. 214-1, on doit décider que la reproduction éventuellement réalisée en vue de la radiodiffusion n'est pas couverte par la licence légale ».

La rédaction du présent article permet également d'appliquer la licence légale lorsque le support utilisé pour la radiodiffusion n'est pas un phonogramme du commerce mais un vidéogramme incluant celui-ci.

Dans ce cas, la doctrine s'est jusqu'alors montrée plus réservée. Le professeur Sirinelli précisait ainsi que : « En faveur de l'affirmative, on fera valoir qu'il n'y a pas à distinguer là ou la loi ne distingue pas, et qu'un phonogramme incorporé dans un vidéogramme ne cesse pas d'être un phonogramme. Mais force est de reconnaître que ce qui est diffusé est bel et bien un vidéogramme, dont l'article L.215-1 précise expressément qu'il peut comporter des images sonorisées ».

La Cour de Cassation s'était, quant à elle, prononcée très clairement dans le sens d'une interprétation stricte de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle. Ainsi, le 29 janvier 2002, la 1 re Chambre civile avait considéré que « les juges du fond, ayant constaté que l'enregistrement litigieux avait été effectué par incorporation, dans le vidéogramme, du phonogramme commercial qui le contenait, ont exactement décidé que cette utilisation ne figurait pas au nombre des dérogations apportées par l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle au principe d'autorisation du producteur posé par l'article L. 213-1 du même code ». 100 ( * )

II. Proposition de votre commission

Votre commission considère que cet article pose deux problèmes.

D'une part, elle estime que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale n'est pas compatible avec le point d. du paragraphe 2 de l'article 5 de la directive 2001/29 autorisant les États membres à prévoir une exception au droit de reproduction « lorsqu'il s'agit d'actes d'enregistrements éphémères d'oeuvres effectués par des organismes de radiodiffusion par leurs propres moyens et pour leurs propres émissions ».

Sur trois points, l'exception apportée aux droits exclusifs des ayants droit par le présent article est en effet plus large que celle prévue par la disposition communautaire.

Premièrement, l'article ne respecte pas la disposition communautaire en ne restreignant pas l'exception aux « enregistrements éphémères ».

Deuxièmement, l'article vise les reproductions effectuées par ou pour le compte d'entreprises de communication audiovisuelle quand la disposition communautaire ne vise que les actes effectués par des organismes de radiodiffusion par leurs propres moyens 101 ( * ) .

Troisièmement, l'article fait entrer dans le champ de l'exception la sonorisation des programmes propres de l'entreprise de communication audiovisuelle « diffusés sur son antenne ainsi que sur celles des entreprises de communication audiovisuelle qui acquittent la rémunération équitable » quand la disposition communautaire ne permet cette exception que pour les « propres émissions » des organismes de radiodiffusion.

D'autre part, votre commission estime qu'il convient de préserver les intérêts des détenteurs de droits voisins en limitant le champ de la rémunération équitable aux seuls actes de radiodiffusion et en laissant à la négociation contractuelle 102 ( * ) le soin de fixer des montants de rémunération concernant les actes de reproduction.

En conséquence, votre commission vous propose de supprimer cet article.

* 96 Le terme de radiodiffusion doit être pris ici au sens de l'article 3 f) de la Convention de Rome » à savoir « la diffusion de sons ou d'images et de sons par le moyen des ondes radioélectriques, aux fins de réception par le public ». Cette définition inclut par conséquent non seulement la télédiffusion par voie hertzienne mais aussi par voie satellitaire.

* 97 Jörg Reinbothe et Silke Von Lewinski, « The Wipo treaties 1996 », Buttleworths LexisNexis 2002, p. 384: « The indirect use for broadcasting means the re-broadcasting of a broadcast based on a commercial phonogram ».

* 98 « Les États membres prévoient un droit pour assurer qu'une rémunération équitable et unique est versée par l'utilisateur lorsqu'un phonogramme publié à des fins de commerce, ou une reproduction de ce phonogramme, est utilisé pour une radiodiffusion par le moyen des ondes radioélectriques ou pour une communication quelconque au public, et pour assurer que cette rémunération est partagée entre les artistes interprètes ou exécutants et producteurs de phonogrammes concernés. Ils peuvent, faute d'accord entre les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes, déterminer les conditions de la répartition entre eux de cette rémunération. »

* 99 Directive 92/100/CEE du Conseil du 19 novembre 1992 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle.

* 100 Voir plus récemment, dans le même sens, 3 arrêts de la 1 re Chambre civile de la Cour de Cassation datés du 16 novembre 2004.

* 101 Cette notion est définie par le considérant 41 de la directive, aux termes duquel « les propres moyens d'un organismes de radiodiffusion comprennent les moyens d'une personne qui agit au nom et sous la responsabilité de celui-ci ».

* 102 La négociation contractuelle relative aux usages considérés est par ailleurs facilitée par le fait que le répertoire phonographique soit l'objet d'une gestion collective par les sociétés civiles de producteurs, garantissant par conséquent aux entreprises de communication audiovisuelle un très large accès aux oeuvres.

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