Article 9
(articles L. 331-7, L. 331-7-1, L. 331-7-2, L. 331-7-3, L. 331-7-4 du code de la propriété intellectuelle)

Création d'un collège des médiateurs ou d'une autorité de régulation
des mesures techniques de protection

Dans sa rédaction initiale, le présent article avait pour objet de conférer à un collège des médiateurs une responsabilité de médiation en matière de différends portant sur le bénéfice de l'exception de copie privée.

Compte tenu de l'extension des responsabilités que l'Assemblée nationale et elle-même envisagent de confier à cette instance, votre commission vous propose de lui substituer une autorité administrative indépendante, l'autorité de régulation des mesures techniques de protection.

I. Analyse du projet de loi

Dans un considérant n° 46, la directive européenne du 22 mai 2001, estime que « le recours à la médiation pourrait aider utilisateurs et titulaires de droits à régler les litiges » .

Dans cette perspective, le présent article confie le règlement des différends portant sur une mesure technique de protection empêchant le bénéfice de l'exception en faveur des handicapés et de l'exception de copie privée à un nouvel organe, le collège des médiateurs, dont il définit la composition, les attributions et le fonctionnement.

A cette fin, le présent article insère dans le code de la propriété intellectuelle trois nouveaux articles qui ont respectivement pour objet :

- d'en définir la composition et les modalités de saisine (article L. 331-7) ;

- d'en définir les procédures et les attributions (article L.331-8) ;

- de renvoyer les modalités d'application des dispositions qui précèdent à un décret d'application (article L. 331-9) .


• La composition du collège

L'article L. 331-7 précise que le collège serait constitué de trois personnalités qualifiées nommées par décret. Deux seraient choisies parmi des magistrats ou des fonctionnaires appartenant ou ayant appartenu à un corps dont le statut définit l'indépendance : magistrats judiciaires, magistrats de la Cour des comptes, membres au Conseil d'Etat ou conseillers des tribunaux administratifs. Le troisième membre serait ensuite co-opté par les deux précédents, sans autre condition particulière.

Ce dispositif n'est pas très contraignant et rompt avec les pratiques et usages qui veulent que les magistrats membres d'autorités administratives indépendantes soient plutôt désignés par leur chef de juridiction.

La durée de leur mandat serait fixée à six ans pour garantir leur indépendance et celui-ci ne serait pas renouvelable.

La composition et le fonctionnement de ce collège le distinguent de la commission de la copie privée mentionnée à l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle puisque celle-ci est constituée sur une base paritaire, pour permettre une représentation équilibrée des différentes familles d'intérêt concernées.

Ce dispositif nouveau peut se réclamer de deux précédents dans le domaine de la culture :

- les médiateurs institués par l'article L. 132-20-2 du code de la propriété intellectuelle pour favoriser la résolution des litiges relatifs à l'octroi de l'autorisation de retransmission d'une oeuvre par câble ;

- le Médiateur du cinéma, créé par l'article 92 de la loi du 29 juillet 1982 modifiée sur la communication audiovisuelle.


• Une saisine large et a posteriori

La saisine du collège des médiateurs est très large aux termes de l'article L. 331-7 puisqu'elle est ouverte à toute personne bénéficiaire des deux exceptions mentionnées, ainsi qu'aux personnes morales qui les représentent.

Cette saisine ne peut toutefois se faire qu' a posteriori une fois les oeuvres protégées par des mesures techniques diffusées dans le public.


• Les pouvoirs du collège

L'article L. 331-8 confie au collège des médiateurs un rôle d'instance d'arbitrage en deux étapes :

- il doit, dans un premier temps, tenter de susciter une solution de conciliation , respectueuse des droits des parties ; les procès-verbaux de conciliation sont alors dotés de la force exécutoire à l'égard des parties ;

- en cas d'échec de la conciliation, le collège peut soit prononcer une décision unilatérale de rejet de la demande , soit émettre une injonction éventuellement sous astreinte , aux titulaires des droits, pour qu'ils prennent les mesures propres à assurer le bénéfice effectif de l'exception.

Ces décisions font l'objet de mesures de publicité sous réserve des secrets protégés par la loi, et sont susceptibles de recours devant la Cour d'appel de Paris.

II. Texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a apporté plusieurs compléments au dispositif proposé par le présent article pour l'article L. 331-7 du code de la propriété intellectuelle relatifs à la composition et aux attributions du collège des médiateurs.

Elle n'a, en revanche, pas modifié la rédaction proposée pour l'article L. 331-8 relatif aux procédures de conciliation ou d'injonction du collège.


• Elle a complété l'article L. 331-7 par un premier alinéa assignant explicitement au collège des médiateurs une mission de régulation des mesures techniques de protection pour garantir à la fois le bénéfice de l'exception pour copie privée et de celle en faveur des handicapés.


• Elle a apporté des corrections ponctuelles à la procédure de désignation des trois membres du collège, pour remédier à la contradiction que comportait la rédaction initiale qui prévoyait que le troisième membre était à la fois désigné par ses deux collègues et nommé par décret. Elle précise donc que celui-ci sera proposé à la nomination par les deux premiers.

Elle a également complété ce dispositif par un alinéa additionnel destiné à prévenir d'éventuels conflits d'intérêts. Reprenant un dispositif usuel, elle prévoit qu'aucun des médiateurs ne peut délibérer dans une affaire intéressant une entreprise dans laquelle il aurait exercé des fonctions.


• Le projet de loi initial ne prévoyait qu'une saisine a posteriori du collège. L'Assemblée nationale a cependant estimé qu'une intervention souple, en amont, serait également de nature à garantir une meilleure protection, sous réserve d'être compatible, en premier lieu, avec les règles du marché intérieur européen, qui ne prévoit pas de possibilité d'agrément administratif national préalable des mesures techniques de protection, et, en second lieu, avec le rythme d'évolution des technologies.

Elle a complété en ce sens le dispositif de l'article 331-7 pour autoriser le collège à également « émettre des recommandations soit d'office, soit sur saisine de personnes physiques ou morales » habilitées à le saisir a posteriori . Cette disposition est à rapprocher de celle que l'Assemblée nationale a introduite dans le dispositif de l'article 8 pour confier au collège la responsabilité de fixer les modalités d'exercice de la copie privée.


• Enfin considérant que l'absence de tout délai risquait de faire peser un doute sur l'efficience du dispositif, l'Assemblée nationale a assigné au collège un délai de deux mois à compter de sa saisine pour se prononcer, avec possibilité de le proroger de deux mois supplémentaires, si nécessaire.

III. Position de votre commission

L'Assemblée nationale a sensiblement étendu les compétences du collège des médiateurs. Outre son rôle initial de médiation, elle tend à lui attribuer une compétence d'ordre quasi réglementaire. Votre commission, qui souhaite lui reconnaître en outre un rôle de gardien de l'interopérabilité , vous propose d'en tirer toutes les conséquences et d'étoffer sa composition et ses moyens pour en faire une véritable autorité administrative indépendante, l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection.

Le collège des médiateurs était une autorité administrative qui n'osait pas dire son nom. Néanmoins, il y a tout lieu de penser que, si elle avait dû être saisie au contentieux pour des motifs liés à son fonctionnement (et non à l'appel de ses décisions, confié au juge civil), la juridiction administrative l'aurait qualifié comme tel. Votre rapporteur partage, sur ce point, l'analyse du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui rappelle à juste titre, dans son rapport, que le Conseil d'Etat qualifiait ainsi le médiateur du cinéma, du fait de la réunion d'un faisceau de critères au nombre desquels figuraient l'indépendance de l'instance, liée en partie à l'irrévocabilité du mandat, à son statut, à son pouvoir d'émettre des injonctions et à la publication des procès-verbaux des médiations effectuées.

Dans le cas du collège des médiateurs, cette analyse aurait été encore confortée par l'origine de la majorité des membres, par leur mode de nomination et par le caractère collégial de l'organe.


• La composition de l'autorité

Elle vous propose, dans un article L. 331-7-1, d'étoffer la composition de l'autorité, et de prévoir à côté des trois magistrats ou fonctionnaires issus respectivement du Conseil d'Etat, de la Cour des comptes, et des tribunaux judiciaires, trois personnalités qualifiées désignées à raison de leurs compétences dans les trois principaux domaines concernés : celui de la propriété littéraire et artistique, celui de la propriété industrielle et, enfin, celui des technologies de l'information.

En outre, pour assurer une corrélation minimale entre les travaux de cette autorité et ceux de la commission de la copie privée de l'article L. 311-5 dont les attributions sont distinctes mais mitoyennes, votre commission propose que le président de cette dernière assiste avec voix consultative à ses réunions.

L'article L. 331-7-1 précise que le mandat des membres est de six ans non renouvelables, et que le président est élu par les membres parmi les magistrats ou fonctionnaires désignés.

L'article L. 331-7-2 reprend la formulation classique relative à la prévention des conflits d'intérêts.

L'article L. 331-7-3 prévoit que l'autorité dispose de services placés sous l'autorité d'un secrétaire général, et qu'elle peut faire appel à des experts.


• Les missions de l'autorité

L'article L. 331-7 assigne à l'autorité de régulation une mission générale de veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d'identification des oeuvres et des objets protégés par un droit de propriété littéraire et artistique. Elle en rend compte chaque année au Gouvernement et au Parlement dans un rapport annuel, et peut être consultée par les commissions parlementaires sur les adaptations de la législation que les évolutions techniques rendraient nécessaires.

Elle rend compte également des orientations qu'elle a fixées sur le fondement de l'article L. 331-6 en matière de périmètre de la copie privée ainsi que des décisions qu'elle a rendues en matière d'interopérabilité et de copie privée.


• L'arbitrage en matière de copie privée

Les pouvoirs de conciliation et d'injonction reconnus au collège des médiateurs en matière de litiges relatifs à la copie privée et à l'exception « handicapés », décrits dans l'article L. 331-8 créé par l'article 9 adopté par l'Assemblée nationale, sont, dans la refonte du texte adopté par votre commission, transférés aux articles L. 331-6-5 à L. 331-6-8 créés par l'article 8.

C'est au commentaire de celui-ci qu'il convient donc de se reporter.

Votre commission vous propose d' adopter cet article ainsi modifié .

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