Article 8
(articles L. 331-6, L. 331-6-1, L. 331-6-2, L. 331-6-3, L. 331-6-4, L. 331-6-5, L. 331-6-6, L. 331-6-7, L. 331-6-8 du code de la propriété intellectuelle)

Conciliation des mesures techniques de protection
et du bénéfice de certaines exceptions

Cet article a pour objet d'insérer dans le code de la propriété intellectuelle un nouvel article L. 331-6 destiné à concilier les mesures techniques de protection avec le bénéfice effectif de l'exception de copie privée et de l'exception en faveur des handicapés.

I. Analyse de la directive transposée

La directive comporte certaines dispositions, au paragraphe 4 de l'article 6, destinées à préserver le bénéfice de certaines exceptions, nonobstant la consécration juridique des mesures techniques de protection.

Elle privilégie la voie des « mesures volontaires prises par les titulaires de droit, y compris les accords entre titulaires de droits et d'autres parties concernées » .

En l'absence de mesures volontaires, elle invite les Etats membres à prendre les mesures appropriées pour assurer aux bénéficiaires de certaines exceptions, limitativement énumérées, leur exercice effectif, sous réserve d'un accès licite à l'oeuvre.

A s'en tenir à celles qui existent, ou pourraient exister en droit français, il s'agit :

- de l'exception de reprographie, déjà couverte par un régime de licence légale en France ;

- de la nouvelle exception en faveur des bibliothèques prévue dans le dispositif adopté par l'Assemblée nationale ;

- de l'exception liée à des considérations de sécurité publique, à laquelle l'article L. 331-4 du code de la propriété intellectuelle reconnaît déjà une primauté absolue sur les droits de propriété littéraire et artistique.

La directive ne reconnaît en revanche aux Etats que la faculté de prendre de telles mesures pour garantir le bénéfice de l'exception de copie privée, tout en reconnaissant aux titulaires de droit, en ce domaine, le droit « d'adopter des mesures adéquates en ce qui concerne le nombre de reproductions » et en rappelant que l'exception de copie privée doit s'inscrire dans le cadre du test en trois étapes.

II. Analyse du projet de loi

C'est dans ce cadre peu contraignant que s'inscrivent les dispositions du projet de loi.

L'article L. 331-6 créé par le présent article invite les titulaires de droits à prendre les mesures nécessaires pour assurer le bénéfice effectif de l'exception de copie privée, et de l'exception en faveur des handicapés, auxquelles il conviendrait de rajouter l'exception en faveur des bibliothèques, si le Parlement décide de l'ajouter aux exceptions nouvelles créées par le projet de loi.

L'obligation que le projet de loi impose aux titulaires de droit et qui s'exprime par le présent de l'indicatif ( « les titulaires de droit [...] prennent [...] les mesures qui permettent le bénéfice effectif des exceptions » ) n'est cependant pas très précisément définie dans ses modalités :

- ces mesures doivent être prises « dans un délai raisonnable » , notion d'autant plus imprécise que le point de départ n'en est pas spécifié ;

- elles peuvent être prises « le cas échéant avec accord des parties intéressées » sans plus de précisions sur les partenaires susceptibles de participer à cet accord facultatif.

Le projet de loi rappelle en outre les deux conditions auxquelles la directive subordonne le bénéfice effectif des exceptions précitées :

- la licéité de l'accès à l'oeuvre ;

- le respect des conditions posées par le test en trois étapes , dont le rappel paraît ici d'autant plus insistant que le projet de loi prévoit déjà, par ailleurs, de l'insérer dans les dispositions générales relatives aux exceptions des articles L. 122-5 (droit d'auteur) et L. 211-3 (droits voisins).

Le second alinéa de l'article L. 331-6 autorise les titulaires de droit, conformément à la directive, à prendre des mesures permettant de limiter le nombre de copies .

En outre, et conformément à l'avant dernier alinéa du paragraphe 4 de l'article 6 de la directive, le projet de loi dispense les titulaires de droits de prendre des mesures préservant le bénéfice des exceptions, dans le cas des services à la demande (désignés par référence aux termes mêmes de la directive comme « mis à la disposition du public selon les dispositions contractuelles convenues entre les parties, de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit » ).

Ce dernier alinéa vise à garantir le développement de nouvelles offres commerciales, le plus souvent payantes, qui seront progressivement mises en oeuvre sur les réseaux dans le cadre d'une gestion électronique des droits. Dans ce domaine, on attend du recours aux mesures techniques un retour à une gestion des droits exclusifs permettant de déterminer très précisément le champ des autorisations accordées aux consommateurs (mise à disposition pour une durée limitée, possibilité de copie déterminée...).

III. Position l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale s'est efforcée de renforcer les garanties apportées au bénéfice effectif de l' exception de copie privée .

Sa commission des lois avait envisagé, dans un premier temps, de compléter l'alinéa autorisant les titulaires de droit à limiter le nombre de copies , par une phase précisant que ce nombre ne pouvait toutefois être inférieur à un .

L'Assemblée n'a finalement pas retenu cette solution, son rapporteur ayant reconnu que l'adoption d'une disposition aussi systématique compromettrait gravement la sécurité de certaines mesures techniques de protection, comme, par exemple, celle du DVD, au risque de perturber l'économie du cinéma, et plus particulièrement celle de la filière vidéo qui a représenté en 2003 un chiffre d'affaires de 1,2 milliard d'euros. A ce titre, cette disposition serait vraisemblablement entrée en contradiction avec les conditions posées par le test en trois étapes, qui figure à l'alinéa suivant du présent article.

L'Assemblée nationale a donc finalement renoncé à cette disposition trop rigide, pour privilégier la voie d'un dispositif plus souple et moins systématique, reposant sur quatre éléments.

1) La reconnaissance d'un « droit au bénéfice » de l'exception pour copie privée

L'Assemblée nationale a inséré au début du dispositif proposé pour l'article L. 331-6 un nouvel alinéa garantissant « le droit au bénéfice de l'exception pour copie privée » .

Cette rédaction résulte de l'addition d'un amendement n° 258 du rapporteur, garantissant « le bénéfice de l'exception pour copie privée » , et de deux sous-amendements n° 270 et 271 présentés respectivement par M. Alain Suguenot (UMP-Côte-d'Or) et Mme Christine Boutin (UMP-Yvelines) lui substituant « le droit au bénéfice de l'exception pour copie privée ».

Cette disposition relance le débat sur la nature des exceptions au droit d'auteur et aux droits voisins, et plus particulièrement sur la nature de l'exception pour copie privée.


• Dans l'approche traditionnelle du droit d'auteur , seuls sont consacrés les droits exclusifs des auteurs et des titulaires de droits voisins. Les exceptions ne constituent que des limitations au monopole détenu par l'auteur sur son oeuvre, sans pour autant faire naître des droits au profit du bénéficiaire de l'exception. Il en résulte que celui-ci ne saurait, en conséquence, contester la mise en oeuvre de dispositifs de protection technique 107 ( * ) limitant les possibilités de copie.

C'est cette conception classique que reflète la décision rendue par le Tribunal de grande instance de Paris, le 20 avril 2004, dans l'affaire « Mulholland drive » . Dans cet arrêt, le tribunal a légitimé la mesure de protection placée sur le DVD interdisant toute copie numérique, en considérant que « le législateur n'a pas ainsi entendu investir quiconque d'un droit de réaliser une copie privée de toute oeuvre, mais a organisé les conditions dans lesquelles la copie d'une oeuvre échappe au monopole détenu par les auteurs ou les titulaires de droits voisins » .


• Mais le développement des pratiques de copie privée, la façon dont la loi de 1985 en a pris acte en instaurant en contrepartie une rémunération pour copie privée et le sentiment général répandu dans la société ont contribué à faire évoluer la signification juridique de l'exception de copie privée.

La tentation d'interpréter littéralement l'expression de l'article L. 122-5 (et de son pendant pour les droits voisins, l'article L. 211-3) « l'auteur ne peut interdire » comme une interdiction faite à l'auteur d'empêcher toute possibilité de copie privée, a incontestablement gagné du terrain au cours des dernières années, même si elle n'est pas validée par les tribunaux.

Les décisions rendues en appel et en cassation dans l'affaire « Mulholland drive » précitée, témoignent cependant d'une certaine évolution de la jurisprudence civile, même si le juge s'est, dans les deux cas, soigneusement gardé d'affirmer explicitement l'existence d'un droit à la copie privée.

Dans une décision très remarquée, la Cour d'appel de Paris 108 ( * ) a réformé le jugement rendu en première instance par le Tribunal de grande instance précité, et considéré que l'acquéreur d'un DVD devait être autorisé à copier l'oeuvre qu'il contient.

Les juges de l'appel ont justifié leur décision sans reconnaître l'existence d'un droit subjectif à la copie privée. Au contraire, faisant allégeance à la conception classique de droit d'auteur, ils ont même réaffirmé que c'était à tort que les appelants avaient conclu qu'ils bénéficiaient d'un droit à la copie privée, « dès lors qu'il s'agit d'une exception légale aux droits d'auteur, et non d'un droit qui serait reconnu de manière absolue à l'usager » .

Au terme d'un raisonnement ingénieux mais très controversé 109 ( * ) , les juges de l'appel ont considéré que, sans constituer un droit absolu, la copie privée n'en était pas moins une exception légale, et qu'à ce titre, elle ne pouvait être limitée qu'aux conditions précisées soit par la loi interne, soit par la directive européenne 110 ( * ) . Constatant qu'aucune loi interne n'avait entendu exclure la copie numérique du champ de la copie privée, et estimant en outre que, dans le cas d'espèce, la démonstration n'était pas apportée que la copie du DVD contreviendrait au « test en trois étapes » consacré dans la directive, ils ont jugé que l'installation, par le producteur, d'un dispositif interdisant toute copie, constituait un comportement fautif, et ont interdit à ce dernier d'utiliser sur le DVD concerné « une mesure de protection technique incompatible avec l'exception de copie privée » .

La Cour de cassation 111 ( * ) , dans un arrêt très attendu, a annulé, à son tour, le jugement de la Cour d'appel. La Cour de cassation ne contredit pas le raisonnement du juge de l'appel. Elle considère, au contraire, que les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives à l'exception de copie privée doivent être interprétées à la lumière du « triple test » inscrit dans la Convention de Berne et la directive européenne 2001/29. Elle en déduit que « l'exception de copie privée [...] ne peut faire obstacle à l'insertion dans les supports sur lesquels est reproduite une oeuvre protégée, de mesures techniques de protection destinées à empêcher la copie lorsque celle-ci aurait pour effet de porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre, laquelle doit s'apprécier en tenant compte de l'incidence économique qu'une telle copie peut avoir dans le contexte de l'économie numérique » .

C'est précisément parce qu'elle a porté sur cette incidence de la copie privée dans l'univers numérique une appréciation différente de celle de la Cour d'appel, qu'elle a sanctionné la décision de cette dernière.


Ces décisions jurisprudentielles appellent de la part de votre commission un certain nombre de remarques :

- le dispositif technique du DVD interdisant toute copie a été successivement légitimé par le Tribunal de grande instance, sanctionné par la Cour d'appel, puis de nouveau validé par la Cour de cassation ; ces revirements jurisprudentiels traduisent une hésitation qui est source d'insécurité juridique pour les justiciables ; ils témoignent d'une exigence de clarification juridique à laquelle le législateur ne doit pas se soustraire, en évitant toutefois le recours à des notions juridiques ambiguës comme le « droit au bénéfice » qui ne pourraient qu'ajouter à la confusion ;

- les décisions de la Cour d'appel et de la Cour de cassation ne se contentent plus de donner de l'exception pour copie privée une définition « en creux », la réduisant à une simple suspension du monopole de l'auteur de son oeuvre, mais tendant à lui reconnaître un contenu positif sans aller jusqu'à la reconnaissance d'un véritable droit, le bénéfice de cette exception légale ne pouvant être écarté qu'au nom d'une norme juridique établie ; des dispositions garantissant le « bénéfice de l'exception » permettraient de stabiliser cette jurisprudence ;

- le juge de l'appel comme celui de la cassation n'hésitent pas à interpréter la portée des dispositions de la loi française au regard de la directive européenne 2001/29, et notamment de son test en trois étapes, avant même que le présent projet de loi l'ait transposé effectivement en droit interne.

2) La garantie de bénéficier de l'exception pour copie privée à partir d'une source télévisuelle

L'Assemblée nationale a conféré à la copie privée effectuée à partir d'une source télévisuelle un statut privilégié.

Le dispositif qu'elle a inséré dans le présent article, a pour objet d'interdire la mise en place, par les éditeurs et distributeurs de service de télévision, de mesures techniques qui auraient pour effet d'empêcher le public de bénéficier de l'exception pour copie privée.

Il confie au Conseil supérieur de l'audiovisuel la responsabilité de veiller au respect de cette interdiction, dans le cadre des pouvoirs que lui reconnaît l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, et qui lui permettent de mettre en demeure les éditeurs et distributeurs de services de radio et de télévision, de respecter les obligations légales et réglementaires qui leur sont imposées.

3) La responsabilité du collège des médiateurs en matière de définition du périmètre de la copie privée.

A l'exception des copies réalisées à partir d'une source télévisuelle, l'Assemblée nationale a renoncé à garantir le bénéfice effectif de l'exception de copie privée par une règle fixe et systématique garantissant, par exemple, un nombre minimal de copies. Elle a considéré, à juste titre, qu'il était indispensable de prendre en compte la diversité des situations et des techniques, et les évolutions rapides des technologies.

Ces considérations l'ont conduite à confier au collège des médiateurs, créé par l'article 9 du projet de loi, une responsabilité supplémentaire : celle de fixer « les modalités d'exercice de la copie privée [...] en fonction, notamment, du type d'oeuvre ou d'objet protégé, du support et des techniques de protection disponibles » .

Sans contester la pertinence de cette solution, votre commission relève que cette nouvelle mission modifie la nature du collège des médiateurs. Initialement conçu comme une instance de médiation en charge d'un pouvoir d'injonction, le collège des médiateurs se trouve en outre investi d'un pouvoir de réglementation, sans que ce changement dans sa nature trouve une traduction dans sa composition et son fonctionnement.

4) L'information du consommateur

L'Assemblée nationale a en outre complété le dispositif du présent article par un dernier alinéa imposant d'informer le consommateur sur toute limitation de la lecture d'une oeuvre, d'un phonogramme, ou d'un vidéogramme qui résulterait d'une mesure technique de protection.

Cette règle est parfaitement conforme aux principes posés par le code de la consommation, et notamment son article L. 111-1 qui impose à tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services, de « mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service » .

Elle apporte une consécration législative opportune à un certain nombre de décisions jurisprudentielles récentes, comme par exemple, celle de la Cour d'appel de Paris du 22 avril 2005, qui a considéré que la « faculté de copie privée » était « une des caractéristiques essentielles du support » , et qu'en n'indiquant pas clairement l'impossibilité de réaliser des copies privées, le vendeur n'avait pas informé de manière exacte le consommateur.

IV. Position de la commission

Votre commission partage le souci exprimé par l'Assemblée nationale de garantir l'exercice effectif de l'exception de copie privée, dans le souci d'équilibrer les conséquences de la consécration juridique des mesures techniques de protection.

Elle estime cependant que les garanties qu'offre le présent article ne doivent pas être limitées à l'exercice de cette seule exception, mais doivent également bénéficier à l'exercice effectif de l'exception en faveur des handicapés, et de l'exception en faveur des bibliothèques publiques, comme le prévoit d'ailleurs la directive.

Prenant acte du rôle accru confié au collège des médiateurs en ce domaine, elle vous propose de lui substituer une autorité de régulation des mesures techniques de protection dont elle vous recommande la création, à l'article 9.

Enfin, dans un souci de clarté, elle vous propose de procéder à une refonte de l'architecture d'ensemble du présent article, de façon à répartir en huit articles nouveaux L. 331-6 à L.331-6-8, les dispositions que l'Assemblée nationale concentrait sur un unique article L. 331-6.


• L'article L. 331-6
se fixe pour objectif général de garantir « le bénéfice de l'exception pour copie privée » ainsi que des deux autres exceptions précédemment évoquées : l'exception en faveur des handicapés, et celle en faveur des bibliothèques.

+ Votre commission n'a pas souhaité reprendre à son compte la formulation adoptée par l'Assemblée nationale de « droit au bénéfice de l'exception pour copie privée » . Cette notion nouvelle et ambivalente de « droit au bénéfice d'une exception » lui a paru porteuse de plus d'incertitude juridique que de garanties véritables .

Sa consécration dans la loi confèrerait à l'exception de copie privée un statut juridique intermédiaire entre son statut actuel d'exception, et un véritable droit à la copie privée susceptible de rivaliser avec le droit des auteurs et des titulaires des droits voisins.

Etant entièrement nouvelle en droit français, sa portée juridique resterait entièrement à inventer. Les tribunaux, à qui il reviendrait d'en définir le contenu et la signification devraient, en particulier, préciser :

- comment ce « droit au bénéfice de l'exception » s'articulerait avec le droit d'auteur et les droits voisins, avec lesquels il entrerait inévitablement en conflit ;

- la nature du privilège que confèrerait à l'exception de copie privée ce « droit au bénéfice », par rapport aux autres exceptions qui en resteraient à leur statut d'exception simple, et risqueraient, par contrecoup, de se trouver déclassées.

+ Votre commission a souhaité que cet article liminaire n'oublie pas les deux autres exceptions dont la loi française doit également garantir le bénéfice : celle en faveur des bibliothèques, et celle établie en faveur des handicapés. Il serait en effet d'autant plus paradoxal de les omettre que la directive invite les Etats à leur assurer une protection obligatoire, alors que celle de la copie privée n'est, de son point de vue, que facultative.

+ L'article L. 331-6 confie en outre à une nouvelle Autorité de régulation des mesures techniques de protection la responsabilité générale de veiller à ce que la mise en oeuvre des mesures techniques de protection n'ait pas pour effet de priver les bénéficiaires de ces différentes exceptions, de leur exercice effectif.

Reprenant la responsabilité nouvelle que l'Assemblée nationale assignait au collège des médiateurs, il autorise cette dernière à déterminer, par ses recommandations, certaines des modalités d'exercice des exceptions, et notamment à fixer le nombre minimal de copies autorisées dans le cadre de l'exception pour copie privée, en fonction du type d'oeuvre ou d'objet protégé, des divers modes de communication au public (supports matériels ou plateforme de téléchargement légales), et des possibilités offertes par les techniques de protections disponibles.


• L'article L. 331-6-1
rappelle que les titulaires de droits qui recourent aux mesures techniques de protection, peuvent leur assigner pour objectif de limiter le nombre de copies. Cette faculté, expressément garantie par la directive, figurait déjà dans le projet de loi initial (2 e alinéa de l'article L. 331-6) et a été reprise sans modification dans le dispositif adopté par l'Assemblée nationale (3 e alinéa de l'article L. 331-6).

Elle les incite cependant à prendre les dispositions utiles pour que leur mise en oeuvre ne prive pas les bénéficiaires des exceptions de leur exercice effectif. Elle ne reprend pas la mention du « délai raisonnable » dont le vague tendait plutôt à affaiblir l'obligation pesant sur les titulaires de droits, qu'à offrir des garanties véritables aux consommateurs. Elle encourage les titulaires de droits à définir ces mesures en accord avec les autres parties intéressées, et notamment avec les associations de consommateurs agréées, ce qui constitue une précision supplémentaire par rapport aux rédactions précédentes.

Le deuxième alinéa de l'article L. 331-6-1 reprend les conditions qu'impose la directive et qui figuraient déjà dans le projet de loi initial.


• L'article L. 331-6-2
dispense les titulaires de droits de prendre des mesures préservant le bénéfice des exceptions, dans le cas des services à la demande. Il s'agit de la transposition fidèle de l'avant-dernier alinéa du paragraphe 4 de l'article 6 de la directive. Ce dispositif figurait dans les mêmes termes dans le projet de loi initial et l'Assemblée nationale ne l'avait pas modifié.


• L'article L. 331-6-3
reprend la disposition adoptée par l'Assemblée nationale pour garantir le bénéfice de l'exception de copie privée à partir de la source télévisuelle. Il apporte à ce dispositif deux précisions supplémentaires :

- l'une pour compléter la référence à l'article L. 122-5 (exceptions au droit d'auteur) par celle de l'article L. 211-3 (exceptions aux droits voisins) ;

- l'autre pour préciser que le bénéfice de l'exception pour copie privée ainsi garantie s'étend bien à la copie numérique.


L'article L. 331-6-4 reprend la disposition adoptée par l'Assemblée nationale pour garantir l'information du consommateur, en précisant que celle-ci doit porter sur les « conditions d'accès à la lecture d'une oeuvre » et non sur les seules limitations apportées à sa lecture. Elle indique en outre que l'information doit porter sur les limitations au bénéfice de l'exception pour copie privée « susceptibles » de résulter de l'utilisation des mesures techniques ; plusieurs actions judiciaires ont en effet montré que certaines de ces limitations ne résultaient pas nécessairement d'une intention délibérée de l'auteur de la mesure technique mais en constituaient plutôt une conséquence indirecte, comme dans le cas des CD audio non lisibles sur les autoradios.


• L'article L. 331-6-5
autorise toute personne bénéficiaire de l'exception pour copie privée et de l'exception en faveur des bibliothèques ainsi que les personnes morales qui la représenteraient, à saisir l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection de tout différend portant sur les restrictions que lesdites mesures apportent au bénéfice des exceptions concernées.

Cet article a vocation à se substituer au dispositif relatif à la saisine du collège des médiateurs qui figure au 2 e alinéa de l'article L. 331-7 créé par l'article 9 du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale.

Il ne limite pas la possibilité de saisine de l'autorité aux seuls bénéficiaires de l'exception de copie privée, mais l'étend aux bénéficiaires de l'exception en faveur des bibliothèques, archives et musées, dont l'exercice effectif peut également être entravé par les mesures techniques et qui doivent également pouvoir disposer d'une voie de recours.


• L'article L. 331-6-6
étend les possibilités de saisine de l'autorité aux personnes morales et aux établissements chargés de réaliser des supports adaptés aux handicapés, pour tout différend portant sur la transmission des textes imprimés sous la forme d'un fichier numérique.


• L'article L. 331-6-7
reconnaît à l'autorité de régulation un rôle d'arbitre suivant des modalités comparables à celles que le projet d'article L. 331-8 figurant à l'article 9 du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale assignait au collège des médiateurs.

Ce pouvoir de décision comprend deux niveaux successifs :

- une approche de conciliation des intérêts antagonistes en présence ; dans cette perspective, les procès-verbaux de conciliation sont dotés de la force exécutoire à l'égard des parties ;

- en cas d'échec de la conciliation, l'autorité peut, soit prendre une décision unilatérale de rejet de la demande, soit émettre une injonction, éventuellement sous astreinte, aux titulaires de droits, de prendre les mesures propres à assurer le bénéfice effectif de l'exception.

Le procès verbal de conciliation, comme la décision de rejet ou l'injonction, font l'objet de mesures de publicité, sous réserve des secrets protégés par la loi, en particulier le secret professionnel ou le secret des affaires, prévus par l'article 226-13 du code pénal. De même, ils peuvent faire l'objet de recours suspensifs, qui compte tenu du caractère privé des intérêts en cause, seront portés devant la Cour d'appel de Paris.


• L'article L. 331-6-8
renvoie à un décret en Conseil d'Etat la responsabilité de fixer les modalités d'application des précédentes dispositions.

Votre commission vous recommande d' adopter cet article ainsi modifié .

* 107 Conception illustrée par le Professeur Lucas dans le « Traité » précité, paragraphe 292, page 253.

* 108 Cour d'appel de Paris, 4 ème Chambre, 22 avril 2005.

* 109 « Les routes vertigineuses de la copie privée au pays des protections techniques... à propos de l'arrêt Mulholland Drive » par Valérie Laure Benabou, professeur à l'université de Versailles-Saint-Quentin. Laboratoire Dante - in Juriscom.net 30 mai 2005 (<http://juriscom.net).

* 110 Dans son raisonnement, le juge est parti du principe qu'une exception légale ne pouvait être limitée qu'aux conditions précisées par les textes. Il a relevé que le législateur interne n'avait pas limité d'exception pour copie privée à une reproduction sur un support déterminé : la loi 200-622 du 17 juillet 2001 qui a étendu la rémunération pour copie privée aux oeuvres gravées sur support numérique, démontrait même à contrario que les supports numériques n'étaient pas, par principe, exclus de l'exception pour copie privée.

Examinant ensuite le cas d'espèce au regard des conditions posées par le droit européen, et en l'occurrence le test en trois étapes consacré dans la directive 2001/29, il a considéré qu'il n'était pas prouvé en l'espèce que la copie privée de DVD ferait échec à une exploitation commerciale normale, ou porterait atteinte aux intérêts légitimes des ayants droit.

* 111 Cour de cassation, 1 ère Chambre civile - 28 février 2005.

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