Article 12
(article L. 335-1 du code de la propriété intellectuelle)

Extension de la procédure de saisie spéciale applicable en matière
de droits voisins aux cas d'atteinte aux mesures techniques
de protection et d'information

I. Analyse du projet de loi

Les droits voisins occupent dans la hiérarchie des droits de la propriété littéraire et artistique, une place moins élevée que les droits d'auteur.

Ainsi, les atteintes qui leur sont portées ne relèvent-elles pas en tant que telles du délit de contrefaçon, et la procédure de saisie contrefaçon ne leur est pas applicable.

Cette différence est tempérée par l'existence d'une procédure spécifique aux droits voisins, décrite à l'article L. 335-1 et qui s'apparente fortement à celle de la saisie contrefaçon. Elle relève des seuls officiers de police judiciaire, après constatation de l'infraction, et ne prévoit ni intervention du juge d'instance, ni autorisation préalable du président du tribunal de grande instance dans les cas prévus par l'article L. 332-1.

Cette procédure de saisie spéciale ne peut porter que sur les exemplaires reproduits ou importés illicitement, ainsi que sur les matériels spécialement installés en vue de tels agissements. Elle ne présente en outre pas le caractère d'automaticité de la saisie contrefaçon, qui doit être diligentée de droit sur demande de tout auteur ; elle reste une simple faculté.

Le présent article a pour objet d'étendre cette procédure à la saisie de « tout exemplaire, produit, appareil, dispositif, composant ou moyen portant atteinte aux mesures techniques de protection et d'information » , définies aux articles L. 331-5 et L. 331-10 du code de la propriété intellectuelle.

II. Texte adopté par l'Assemblée nationale

Comme à l'article précédent, l'Assemblée nationale a adopté un amendement destiné à étendre le bénéfice de ce dispositif à l'ensemble des mesures techniques mentionnées aux articles L. 331-5 et L. 331-10.

III. Position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article12 bis (nouveau)
(article L. 335-2-1 [nouveau] du code de la propriété intellectuelle)

Responsabilité pénale des éditeurs et fournisseurs de logiciels

Le présent article a pour objet d'instituer une responsabilité pénale des éditeurs et des fournisseurs de logiciels qui mettraient sciemment à disposition du public un logiciel manifestement destiné à des échanges d'oeuvres non autorisés.

I. Analyse du dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le rapporteur de la commission des lois a indiqué en séance qu'il retirait l'amendement n° 247 rectifié qui comportait à la fois un volet pénal et un volet civil , car il estimait ce dernier « potentiellement très large et sans doute excessif ».

Il lui a préféré le dispositif de l'amendement n° 150 , présenté par M. Mariani (UMP - Vaucluse) et par lui-même, dont il a indiqué que, ne retenant que les sanctions pénales , il constituait un bon compromis .

C'est le texte de cet amendement qui a été adopté par l'Assemblée nationale, assorti de trois sous-amendements de précision et complété par un sous-amendement n° 364 présenté par MM. Cazenave et Carayon, et dont la portée prête à conjectures.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale insère dans le code de la propriété intellectuelle, juste après l'article L. 335-2 relatif au délit de contrefaçon, un nouvel article L. 335-2-1 qui punit des mêmes peines - 3 ans d'emprisonnement et 300 000 euros - les actes qu'il incrimine.

Ces actes consistent dans le fait pour les éditeurs, à mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un dispositif manifestement destiné à la mise à disposition non autorisée, d'oeuvres ou d'objets protégés, ainsi que d'inciter à l'usage de celui-ci y compris à travers une annonce publicitaire.

La rédaction de ce dispositif témoigne d'une volonté d'embrasser très largement les différents acteurs susceptibles de concourir au développement des échanges d'oeuvres protégées, puisqu'elle permet d'incriminer non seulement l'éditeur du logiciel, mais également son fournisseur ou celui qui le communique au public.

Ainsi, dans l'hypothèse assez fréquente, où l'éditeur du logiciel incriminé ne serait pas localisé en France, le dispositif n'en permettrait pas moins de poursuivre ceux qui l'ont introduit sur notre territoire.

S'il donne une définition large des faits incriminés, le présent dispositif n'en est pas moins très attentif à caractériser l'intention délictuelle , élément indispensable en droit pénal, conformément au principe posé par l'article 121-3 du code pénal qui dispose qu'il « n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ».

Tel est le rôle des deux adverbes « sciemment » et « manifestement » introduits avec insistance dans le dispositif :

- la vocation coupable du logiciel est désignée par l'expression « manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d'oeuvres ou d'objets protégés » ;

- l'intention délictuelle de son auteur ou de son fournisseur est caractérisée par le caractère délibéré et conscient de l'édition et de la mise à disposition ou de la communication au public du logiciel incriminé.

II. Position de votre commission

Le dernier alinéa, qui résulte du sous-amendement n° 364 précité, introduit dans cet article une réserve pour préciser que ses dispositions ne sont pas applicables « aux logiciels destinés au travail collaboratif, à la recherche ou à l'échange de fichiers ou d'objets non soumis à la rémunération du droit d'auteur ».

La portée de cette disposition se prête à conjecture.

Il paraît aller de soi, en première analyse, que si un logiciel est destiné au travail collaboratif, à la recherche ou à l'échange de fichiers non protégés, il ne devrait pas, en principe, pouvoir être confondu avec un logiciel manifestement destiné aux échanges illicites de fichiers protégés. Dans cette hypothèse, la précision apportée par le dernier alinéa ne serait qu'un truisme.

Mais il est vrai que les logiciels d'échanges peuvent également se prêter à des usages très variés, et, en fonction de leurs utilisateurs, être tantôt consacrés à des activités licites, et tantôt à des échanges illégaux.

Ces considérations conduiront votre commission à se montrer réservée à l'égard de procédures civiles proposées par l'article 14 quater qui permettent de poursuivre un éditeur ou un fournisseur de logiciel pour les usages illicites qu'en font ses utilisateurs, et dont il n'a pas nécessairement connaissance.

Elle considère en revanche que le dispositif du présent article définit l'intention délictuelle avec suffisamment d'insistance et de précision, pour que les auteurs et les fournisseurs d'un logiciel conçu à des fins d'échanges licites ne soient pas incriminés pour les usages illicites que pourraient en faire, malgré eux, ses utilisateurs.

Elle estime cependant que l'auteur ou le fournisseur d'un logiciel manifestement destiné à des usages illicites et qui le publie en toute conscience de ses caractéristiques, ne doit pas pouvoir s'abriter derrière le fait que ce logiciel peut aussi être utilisé à des fins de recherche louables, pour éluder sa responsabilité.

Dans un souci de clarté et pour lever toute ambiguïté, votre commission vous propose par un amendement de supprimer cet alinéa.

Celui-ci apporte en outre quelques précisions rédactionnelles au dispositif du 1° pour substituer le mot « logiciel » au mot « dispositif », formulation d'ailleurs plus cohérente avec celle du 2°.

Votre commission vous demande d' adopter cet article ainsi modifié .

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