Article 13

(Articles L. 335-3-1 et L. 335-3-2 du code de la propriété intellectuelle)

Sanctions des atteintes aux mesures techniques de protection et d'information protégeant un droit d'auteur

Le présent article prévoit de compléter le code de la propriété intellectuelle par deux articles nouveaux ayant pour objet de sanctionner respectivement les atteintes aux mesures techniques de protection des oeuvres (L. 335-3-1), et celles aux informations sous forme électronique (L. 335-3-2).

I. Analyse du projet de loi

Ces deux nouveaux articles ont respectivement pour objet d'assurer la protection des mesures techniques de protection et celles des mesures d'information, en application du principe posé par les articles 7 et 10 du projet de loi aux articles L. 331-5 et L. 331-10 du code de la propriété intellectuelle.

A- L'ATTEINTE AUX MESURES TECHNIQUES DE PROTECTION

L'article L. 335-3-1 réprime les atteintes aux mesures techniques de protection en les assimilant au délit de contrefaçon.


• L'assimilation au délit de contrefaçon

Cette qualification prend en compte le fait que porter atteinte à une mesure technique de protection a bien pour finalité d'utiliser une oeuvre en violation des droits de l'auteur sans constituer en elle-même un acte de contrefaçon proprement dit.

L'assimilation à la contrefaçon conduit cependant à appliquer à ces atteintes portées aux mesures techniques et aux informations les mêmes sanctions qu'à la contrefaçon des oeuvres, soit trois ans de prison et 300 000 euros d'amende, susceptibles d'être portés à cinq ans de prison et 500 000 euros d'amende si les faits sont commis en bande organisée.

Sur le plan des procédures destinées notamment à faciliter la preuve du délit du contrefacteur, l'assimilation à la contrefaçon permettrait de mettre en oeuvre la saisie contrefaçon prévue par l'article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle dans les conditions prévues par l'article 11 du présent projet de loi, même dans le cas d'atteintes à des mesures de protection ou d'information qui n'auraient pas débouché sur une atteinte aux oeuvres elles-mêmes.


• L'exigence d'une intention coupable

Contrairement au délit de contrefaçon pour lequel il existe une présomption de culpabilité toutefois réfragable par l'accusé, le délit défini au présent article ne peut être constitué que s'il est commis « en connaissance de cause » .


• Une définition large du délit

Conformément à la directive, le projet de loi cherche à embrasser le plus largement possible l'ensemble des actes qui sont susceptibles de porter une atteinte aux mesures techniques de protection, qu'il recense en quatre paragraphes :

- l'atteinte délibérée à la mesure, en vue d'altérer la protection de l'oeuvre ;

- la fabrication, l'importation d'un moyen ou la fourniture d'un service destiné à faciliter ou à permettre ces atteintes ;

- la détention ou la mise à disposition, sous la forme de prêt, de vente ou de location, de tout moyen destiné à faciliter ou permettre ces mêmes atteintes ;

- toute forme de promotion des moyens permettant ou facilitant ces atteintes.

Le dispositif proposé tend ainsi à réprimer non seulement le contournement des mesures techniques de protection mais toutes les actions connexes ou préparatoires qui sont susceptibles de faciliter l'atteinte à ces mesures par des tiers.

Cette définition large du délit répond aux exigences posées par la directive :

- dans son article 6-1, celle-ci incite les Etats à prévoir une protection juridique appropriée contre le contournement délibéré des mesures techniques ;

- elle incite en outre les Etats, à l'article 6-2, à prévoir une protection appropriée contre la fabrication, l'importation, la distribution, la vente, la location, la publicité en vue de la vente ou de la location, ou la possession à des fins commerciales de dispositifs, composants ou prestations de service destinés à faciliter ce contournement.

B- L'ATTEINTE AUX MESURES D'INFORMATION

L'article L. 335-3-2 réprime les atteintes aux mesures d'information dans des conditions comparables.

Il les assimile également au délit de contrefaçon, mais subordonne à deux conditions la qualification de délit : la première tient à son élément intentionnel, caractérisé par l'expression « en connaissance de cause » , comme dans le cas des atteintes aux mesures techniques de protection ; la seconde le subordonne au fait qu'il « entraîne, permet, facilite ou dissimule une atteinte à un droit d'auteur » , condition qui n'était pas requise dans le cas d'une atteinte à une mesure technique de protection.

Le champ du délit est également défini de façon large, de manière à englober non seulement les atteintes à une mesure d'information mais toutes les actions connexes ou préparatoires susceptibles de donner à des tiers la possibilité de porter ces atteintes.

Le dispositif envisage au 2° un cas de figure non visé dans la protection des mesures techniques : celui de la destination ou de la mise à disposition du public d'une oeuvre « dont un élément d'information... a été supprimé ou modifié » .

II. Texte adopté par l'Assemblée nationale

Le Gouvernement a souhaité profondément remanier le dispositif du présent article, et a déposé à cet effet un amendement n° 261 qui a été adopté par l'Assemblée nationale, moyennant quelques aménagements ponctuels.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale se distingue de celui du projet de loi initial sur plusieurs points essentiels.

A- L'ATTEINTE AUX MESURES TECHNIQUES DE PROTECTION


• Une diminution et une différentiation des sanctions

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale pour l'article L. 335-3-1 renonce à assimiler le contournement des mesures techniques au délit de contrefaçon. Il le ramène à des niveaux très inférieurs, et le module en fonction de la nature des responsabilités :

- le II de cet article punit de six mois d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le pourvoyeur de moyens de contournement, qui agit de façon délibérée ;

- le I sanctionne de 3 750 euros d'amende toute atteinte délibérée aux mesures techniques réalisée par un internaute par ses propres moyens ;

- le Gouvernement indique par ailleurs que toute atteinte à une mesure de protection opérée au moyen d'un logiciel mis au point par un tiers, mentionné au II, ne relèverait que d'une contravention de 4 e classe qui sera créée par décret en Conseil d'Etat, et sanctionnée de 750 euros d'amende.


• Certains actes sont exclus du champ prévu

Le I de l'article L. 335-3-1 ne sanctionne les actes de contournement individuel des mesures techniques que s'ils sont opérés « à des fins autres que la recherche », et le III prévoit que les sanctions ne s'appliquent pas aux actes réalisés à des fins d'interopérabilité ou de sécurité informatique.

B- L'ATTEINTE AUX MESURES D'INFORMATION

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale pour l'article L. 335-3-2 procède à des ajustements identiques dans les sanctions réprimant la suppression ou la modification des mesures d'information.

Comme le projet de loi initial, il ne sanctionne les atteintes à ces mesures d'information que si elles sont réalisées « dans le but de porter atteinte à un droit d'auteur » .

Il ne sanctionne plus en revanche la mise à disposition du public d'une oeuvre dont un élément d'information aurait été supprimé ou altéré.

Pour le reste, il définit comme l'article L. 335-3-1 l'avait fait pour les atteintes aux mesures de protection, deux niveaux de sanctions :

- six mois d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende pour la fourniture de moyens ;

- 3 750 euros d'amende pour l'altération portée à une mesure d'information par des moyens individuels.

Ces sanctions ne s'appliquent qu'aux actes réalisés de façon délibérée et à des fins autres que la recherche, et ne sont, aux termes du III, pas applicables aux actes réalisés à des fins d'interopérabilité ou de sécurité informatique.

II. Position de votre commission

L'article 8-1 de la directive invite les Etats à prévoir des sanctions appropriées contre les atteintes aux mesures techniques de protection et aux mesures d'information.

Il leur laisse une importante marge d'appréciation dans la définition de ces sanctions se contentant d'indiquer qu'elles doivent être « efficaces, proportionnées et dissuasives » .

Les sanctions prévues par le dispositif adopté par l'Assemblée nationale ne paraissent pas disproportionnées par rapport à cet objectif.

Au III de l'article L. 335-3-1 et au IV de l'article L. 335-3-2, votre commission vous proposera par un amendement d'exclure que le contournement d'une mesure technique de protection et a fortiori celui d'une mesure d'information puisse être justifié par un motif tiré de la recherche de l'interopérabilité, et à ce titre, mis à l'abri de toutes sanctions.

Elle estime en effet que la mise en oeuvre de l'interopérabilité doit être recherchée dans le cadre des dispositions prévues par l'article L. 331-5-2 institué par l'article additionnel avant l'article 7 bis, qui confient une procédure de conciliation à l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection.

Elle vous propose d' adopter cet article ainsi modifié.

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