B. LES LIMITATIONS AUX DROITS EXCLUSIFS

1. Les exceptions aux droits voisins stricto sensu

L'article L. 211-3 transpose sur le terrain des droits voisins les exceptions au monopole du droit d'auteur énumérées à l'article L. 122-5 :

- les représentations dans un cercle de famille ;

- la copie privée ;

- les analyses et autres citations ;

- les revues de presse et la diffusion des discours destinés au public ;

- la parodie, le pastiche et la caricature.

A ces exceptions s'ajoute une exception spécifique aux droits voisins : l'article L. 212-10 dispose que « les artistes interprètes ne peuvent interdire la reproduction et la communication publique de leur prestation si elle est accessoire à un événement constituant le sujet principal d'une séquence d'une oeuvre ou d'un document audiovisuel ». Cette disposition va plus loin que le droit de citation dans la mesure où l'emprunt qu'elle autorise n'est pas limité.

2. Les exceptions aux droits des producteurs de bases de données

Les droits des producteurs de bases de données font l'objet d' exceptions spécifiques . Celles-ci portent sur :

- l'extraction et la réutilisation d'une partie « non substantielle » du contenu de la base ; le caractère non substantiel peut être apprécié sous l'angle quantitatif ou qualitatif ; l'exception ne peut bénéficier qu'à celui qui accède licitement à la base (article L. 342-3) ;

- l'extraction « à des fins privées » d'une partie substantielle d'une base de données non électronique .

Il est à noter que la loi française n'a pas repris l'exception spécifique autorisée par l'article 9 b) de la directive européenne pour l'enseignement et la recherche.

3. La licence légale relative aux phonogrammes publiés à des fins de commerce

« Le mécanisme de licence légale a été conçu par les rédacteurs de la convention de Rome comme un compromis entre les intérêts des artistes interprètes et producteurs de phonogrammes , qui avaient beaucoup de mal à se faire admettre dans la famille de la propriété littéraire et artistique, et ceux des diffuseurs qui s'opposent naturellement à la reconnaissance de droits exclusifs risquant de les mettre en situation d'infériorité, sans parler des auteurs qui n'étaient pas enthousiastes à l'idée d'affronter la « concurrence » d'autres titulaires de droits. Le droit à rémunération est dès lors apparu comme la solution idéale pour ne pas trop mécontenter les protagonistes » 25 ( * ) .

La convention de Rome prévoit :

- que le droit exclusif qu'elle reconnaît aux artistes interprètes sur la radiodiffusion et la communication au public de leur exécution ne couvre pas les exécutions qui ont déjà fait l'objet d'une radiodiffusion ou d'une fixation (article 7) ;

- que, en contrepartie, une rémunération équitable est versée par l'utilisateur aux artistes interprètes, ou aux producteurs de phonogrammes, ou aux deux, pour toute radiodiffusion ou communication au public d'un phonogramme publié à des fins de commerce ou de sa reproduction (article 12).

L'article 6 du traité de l'OMPI sur les droits voisins prévoit une exception comparable.

Dans cet esprit, l'article L. 214-1 du CPI issu de la loi du 3 juillet 1985 a posé le principe que « lorsqu'un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l'artiste interprète et le producteur ne peuvent s'opposer :

1°) à sa communication directe dans un lieu public, dès lors qu'il n'est pas utilisé dans un spectacle ;

2°) à sa radiodiffusion, non plus qu'à la distribution par câble simultanée et intégrale de cette radiodiffusion. »

L'article 15-4 du traité de l'OMPI sur les droits voisins a précisé la notion de phonogramme public à des fins de commerce en indiquant qu'elle désignait « les phonogrammes mis à la disposition du public par fil ou sans fil, de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement », levant ainsi le doute qui existait jusqu'alors pour les phonogrammes transmis sur demande à travers les réseaux numériques. La jurisprudence est en revanche partagée sur le statut de la bande son d'un vidéogramme : celle-ci relève-t-elle du régime du vidéogramme (droit exclusif) ou de celui des phonogrammes (licence légale).

La notion de distribution par câble s'oppose à la transmission à la demande, qui continue de relever du droit exclusif.

En contrepartie de cette utilisation, l'article L. 214-1 reconnaît aux artistes interprètes et aux producteurs de phonogrammes un droit à rémunération .

Cette rémunération est assise sur les recettes d'exploitation, ou, à défaut évaluée forfaitairement dans un certain nombre de cas (impossibilité de déterminer la base de calcul de la rémunération proportionnelle, absence de moyens de contrôle, prix excessifs, etc.).

Elle est versée par les utilisateurs des phonogrammes.

Le barème de la rémunération et ses modalités de versement sont établis par des accords spécifiques à chaque branche d'activité.

L'article L. 214-3 prévoit que les stipulations de ces accords peuvent êtres rendues obligatoires pour l'ensemble des intéressés par arrêté du ministre chargé de la culture.

Cette rémunération est perçue, pour le compte des ayants droit par une ou plusieurs sociétés de perception et de répartition des droits conformément à l'article L. 214-5. En pratique, les artistes interprètes et les producteurs ont confié cette responsabilité à une société commune « la société civile pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce » (SPRE).

L'article L. 214-3 impose aux bénéficiaires de la licence légale de fournir à cette société le programme exact des utilisations auxquelles ils procèdent et tous les éléments documentaires indispensables à la répartition des droits, suivant des modalités précisées dans les accords précités.

L'article L. 214-1 précise que la rémunération est répartie par moitié entre les artistes interprètes et les producteurs de phonogrammes. En pratique, cette répartition est opérée, pour chacun des groupes d'ayants droit par deux sociétés de perception et de répartition :

- la Société civile pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI) et la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse (SPEDIDAM) pour les artistes interprètes ;

- la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) et la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) pour les producteurs.

* 25 Lucas op. cite 843 p.664.

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