Art. 784 du code civil : Acceptation pure et simple tacite par cession de biens successoraux

Cet article reprend et complète les dispositions de l'actuel article 780, et précise certains des actes entraînant acceptation pure et simple tacite de la succession.

? Il prévoit tout d'abord que toute cession, à titre gratuit ou onéreux, faite par un héritier de tout ou partie de ses droits dans la succession emporte acceptation pure et simple .

La cession visée ici est au profit d'une personne autre qu'un cohéritier.

Le caractère gratuit de la cession n'est pas considéré comme une renonciation à la succession , la cession exigeant que le successible ait au préalablement acquis la propriété du bien.

? Le texte qualifie également d'acceptation la renonciation, même gratuite, que fait un héritier au profit d'un ou plusieurs de ses cohéritiers .

Cette renonciation pourrait par exemple tendre à favoriser un ou plusieurs cohéritiers précisément identifiés ayant des besoins spécifiques, comme une personne handicapée. Une telle hypothèse, expressément autorisée par l'article 14 du projet de loi dans le cadre d'une renonciation anticipée à exercer l'atteinte en réduction d'une libéralité portant atteinte à sa réserve, est ici refusée, une véritable renonciation ne pouvant au stade de l'option successorale s'exercer qu'au profit de tous les successibles indistinctement.

? Le projet de loi qualifie enfin d'acceptation pure et simple la renonciation faite au profit de tous les cohéritiers indistinctement, lorsqu'elle est à titre onéreux, ce qui revient à vendre la renonciation.

En effet, la véritable renonciation est indifférenciée au profit de tous les successibles et à titre gratuit , sous réserve de la représentation du renonçant.

Afin de prendre en compte cette dernière hypothèse, l'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, outre un amendement rédactionnel, un amendement de coordination avec la faculté de représentation de l'héritier renonçant vivant introduite par le 13° de l'article 22 du projet de loi. La renonciation faite au profit d'un héritier de rang subséquent à titre gratuit ou indistinctement à tous à titre onéreux constitue donc également un acte d'acceptation tacite de la succession.

Art. 785 du code civil : Actes conservatoires pouvant être accomplis sans entraîner acceptation tacite

Le projet de loi précise et complète substantiellement la liste des actes pouvant être accomplis par l'héritier sans entraîner acceptation tacite de la succession .

Cette réforme vise à éviter des attitudes attentistes des héritiers craignant que leur implication dans l'administration du patrimoine successoral pour éviter sa dépréciation conduise à interpréter leur action comme une acceptation pure et simple, lourde de conséquences puisqu'irrévocable.

? L'article 785 modifié reprend l'actuel article 779 en prévoyant que les actes purement conservatoires ou de surveillance et les actes d'administration provisoire peuvent être accomplis sans emporter acceptation de la succession, si le successible n'y a pas pris le titre ou la qualité d'héritier.

La jurisprudence a notamment qualifié d'acte purement conservatoire le fait de défendre à une action exercée par un créancier successoral ou d'accomplir des actes de procédure dans une instance ouverte du vivant du de cujus . Sont en outre considérés comme des actes de surveillance notamment la surveillance du bon état d'un immeuble ou de l'écoulement d'une prescription.

? Le deuxième alinéa du texte proposé par le projet de loi complète par ailleurs cet article en prévoyant que le successible peut être autorisé par le juge (c'est-à-dire le président du tribunal de grande instance) à accomplir sans prendre la qualité d'héritier tout autre acte que requiert l'intérêt de la succession.

Cette disposition s'inspire de l'actuel article 796, nettement plus restrictif, qui figure à la section consacrée à l'acceptation sous bénéfice d'inventaire, et permet de se faire autoriser en justice à vendre les objets de la succession susceptibles de dépérir ou dispendieux à conserver. Le projet de loi retient donc un critère beaucoup plus général.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement de coordination afin de prévoir que l'acte autorisé judiciairement ne peut avoir pour effet de faire prendre le titre d'héritier.

? Enfin, cet article énumère un certain nombre d'actes réputés purement conservatoires , tirés en grande partie de la jurisprudence :

- le paiement de certaines dettes successorales dont le règlement est urgent (frais funéraires et de dernière maladie 35 ( * ) , impôts dus par le défunt, loyers, etc...) ;

- le recouvrement des fruits et revenus des biens successoraux, notamment les loyers, ou la vente des biens périssables . La perception des fruits résulte d'une jurisprudence ancienne, tandis que la vente des biens périssables s'inspire de l'actuel article 796, en supprimant toutefois le recours au juge et à la vente aux enchères publiques. Néanmoins, le successible devra pouvoir justifier que les fonds reçus ont été employés au paiement des dettes successorales urgentes, déposés chez un notaire ou consignés, afin de prévenir tout détournement ;

- la réalisation d' actes destinés à éviter l'aggravation du passif successoral , comme le déménagement du logement loué par le défunt, afin d'interrompre le versement du loyer ;

- l'accomplissement d' opérations courantes nécessaires à la continuation immédiate de l'activité de l'entreprise dépendant de la succession.

Ce dernier cas vise principalement les petites entreprises exploitées sous forme individuelle, dont beaucoup disparaissent au décès de leur dirigeant, les entreprises exploitées sous forme sociétale disposant d'organes statutaires qui demeurent malgré la disparition du dirigeant.

Cette disposition fait partie des mesures du projet de loi tendant à favoriser la transmission des entreprises , au même titre que la renonciation anticipée à exercer l'action en réduction contre une libéralité portant atteinte à sa réserve, et la réforme des dispositifs d'attribution préférentielle et des donations-partages.

Le projet de loi, se référant à la jurisprudence de la Cour de cassation 36 ( * ) , vise à ne pas décourager l'héritier d'accomplir les actes nécessaires à la préservation du patrimoine du défunt et d'éviter de laisser ainsi une entreprise se déprécier de manière importante par crainte de la sanction de l'acceptation pure et simple.

L'imprécision de cette notion d'« opérations courantes nécessaires à la continuation immédiate de l'activité » a été dénoncée par les associations représentatives des entreprises entendues par votre rapporteur.

Il ne paraît pourtant pas possible de faire référence aux actes de gestion et d'administration susceptibles d'être accomplis par les conjoints collaborateurs sans engager leur responsabilité propre, visés par l'article L. 121-7 du code de commerce introduit par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, cette référence paraissant trop large.

De même, la référence à l'article L. 225-39 du code de commerce, qui vise les conventions dites libres, portant sur des opérations courantes, c'est-à-dire effectuées par l'entreprise dans le cadre de son activité ordinaire, entre un mandataire social, un actionnaire important ou une société de tête et l'entreprise qu'il dirige, et excluant la procédure d'information, de rapport spécial du commissaire aux comptes et d'approbation des conventions réglementées, ne peut être retenue.

L'amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale y faisant référence a ainsi été retiré en séance à la demande du Gouvernement, celui-ci ayant estimé qu'il n'apportait pas de réelle précision et que son champ, qui recouvre l'ensemble des actes habituellement réalisés par l'entreprise dans le cadre de son activité, était trop large puisqu'il permettrait aux héritiers de procéder à des investissements.

A l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a finalement complété la liste des actes réputés conservatoires en incluant :

- le renouvellement, en tant que bailleur ou preneur à bail, des baux dont le non-renouvellement entraînerait le paiement d'une indemnité d'éviction . Sont ainsi visés principalement les baux commerciaux, artisanaux et certains baux ruraux, ainsi que les baux à construction prévoyant le versement d'une indemnité. Cette disposition vise à éviter à la succession une charge pouvant se révéler importante, l'indemnité pouvant atteindre 80 % du chiffre d'affaires ;

- ainsi que la mise en oeuvre des décisions d'administration ou de disposition engagées par le défunt et nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise . En effet, l'abandon d'un investissement déjà prévu pourrait entraîner une perte de chiffre d'affaires, comme celui d'un prêt destiné à financer un investissement.

Cette liste d'actes conservatoires n'est cependant pas exhaustive. Le successible pourra effectuer sous sa responsabilité un acte ne figurant pas sur cette liste, mais dont il estime qu'il présente un caractère purement conservatoire.

? Votre commission des lois vous propose un amendement étendant le champ des actes pouvant être accomplis par le successible liés à la continuation « à court terme » de l'entreprise et aux actes relevant de l'administration provisoire, en supprimant la condition liée au caractère immédiat de la continuation de l'entreprise.

* 35 Cass., 1 ère civ., 23 juin 1982.

* 36 Cass., 1 ère civ., 13 oct. 1969 et 9 nov. 1977.

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