Art. 786-1 du code civil : Faculté de demander la décharge d'une dette tardivement connue

Le projet de loi tempère une nouvelle fois une caractéristique fondamentale de l'acceptation pure et simple, ici son irrévocabilité, en prévoyant la possibilité de décharger l'acceptant de ses conséquences les plus dommageables.

? Le premier alinéa de l'article 786-1 modifié du code civil confirme ainsi le principe jurisprudentiel de l'irrévocabilité de l'acceptation pure et simple . L'héritier acceptant purement et simplement ne peut plus renoncer à la succession ni l'accepter à concurrence de l'actif net.

Rappelons qu'au contraire, l'acceptation à concurrence de l'actif net peut être convertie en acceptation pure et simple, et la renonciation être révoquée sous certaines conditions avant la fin du délai de prescription.

Une annulation de l'acceptation reste toujours possible pour erreur, dol ou violence (art. 777 modifié), ou en cas d'option conditionnelle ou à terme (art. 768 modifié). Cette faculté d'annulation est étendue par le projet de loi, puisqu'elle n'est actuellement prévue que par le biais de l'action en rescision pour lésion, en cas de découverte d'un testament inconnu représentant plus de la moitié de la succession (actuel art. 783).

L'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de sa commission des lois un amendement rédactionnel.

? Le projet de loi tempère néanmoins les conséquences de cette irrévocabilité de principe afin d'éviter que des héritiers ayant accepté la succession purement et simplement sans en connaître véritablement la teneur soient ruinés.

Le texte, reprenant une mesure déjà proposée par le projet de réforme du droit des successions de 1995, prévoit que l'héritier acceptant purement et simplement peut demander à être déchargé en tout ou partie de son obligation à une dette successorale lorsque plusieurs conditions cumulatives sont remplies :

- cette dette doit avoir pour effet d' obérer gravement le patrimoine (et non le revenu) de l'héritier. L'Assemblée nationale a précisé à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement que son importance devait s'apprécier au regard du patrimoine personnel de l'héritier. Ce n'est donc pas le montant de la dette qui constitue un critère d'appréciation en soi, mais le patrimoine de l'héritier acceptant. Cette précision vise à protéger les créanciers, qui ne sont pas forcément responsables de l'ignorance dans laquelle se trouvait l'héritier au moment d'accepter ;

- l'héritier avait de « justes raisons » de l'ignorer au moment de son acceptation . L'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement un amendement de clarification faisant référence à des « motifs légitimes ». Devraient ainsi être visés les cautionnements donnés par le défunt et découverts tardivement faute de fichier central des cautionnements, ou encore des dommages constatés longtemps après le décès engageant la responsabilité de l'héritier ;

- la demande de décharge ne peut viser qu'une dette nouvelle et non un testament ou un legs découverts tardivement, qui constituent pourtant le seul cas prévu par le droit en vigueur. En effet, la mise en place d'un fichier central des dispositions des dernières volontés a rendu moins fréquente la découverte tardive d'un testament, et l'héritier pourra dans ce cas demander la nullité de son acceptation pour erreur en vertu de l'article 777 modifié par le projet de loi ;

- la décharge doit être prononcée par le juge ;

- la demande de décharge doit être introduite dans un délai relativement court de cinq mois à compter de la découverte de la dette . Ce délai est donc beaucoup plus court que celui de cinq ans à compter de la découverte de l'erreur prévu pour l'introduction d'une demande en nullité de l'acceptation (art. 777 modifié). L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que ce délai de prescription ne courrait qu'à compter de la connaissance non seulement de l'existence mais également de l'importance de cette dette, qui permet en effet d'apprécier son effet sur le patrimoine de l'héritier.

Ce dispositif laisse donc un pouvoir d'appréciation très important au juge, qu'il s'agisse de l'effet de la dette sur le patrimoine de l'héritier, de la pertinence de son ignorance de la dette ou du niveau de la décharge.

Il remplace la possibilité précitée de rescision pour lésion en cas de découverte d'un legs inconnu au moment de l'acceptation qui porterait sur plus de la moitié de la succession et permet de rapprocher partiellement l'acceptation pure et simple d'une acceptation à concurrence de l'actif net, tout en évitant des actions en nullité pour erreur trop fréquentes, qui ont pour conséquence très gênante de remettre en cause tous les actes déjà réalisés depuis l'acceptation et peut s'avérer très pénalisante pour les tiers, notamment si des ventes de biens sont déjà intervenues.

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